CJUE, 9 novembre 2023, aff. C-598/21- Všeobecná úverová banka 

 

Contrat de crédit à la consommation – Clause de déchéance du terme – Contrôle juridictionnel – Proportionnalité au regard des manquements contractuels du consommateur – Contrat garanti par une sûreté immobilière – Vente extrajudiciaire du logement du consommateur 

 

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, l’article 4, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière des articles 7 et 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que :  

 

ils s’opposent à une règlementation nationale en vertu de laquelle le contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de crédit à̀ la consommation ne tient pas compte du caractère proportionné de la faculté́ laissée au professionnel d’exercer le droit qu’il tire de cette clause, au regard de critères liés notamment à̀ l’importance du manquement du consommateur à ses obligations contractuelles, tels que le montant des échéances qui n’ont pas été honorées par rapport au montant total du crédit et à la durée du contrat, ainsi qu’à la possibilité́ que la mise en œuvre de cette clause conduise à̀ ce que le professionnel puisse procéder au recouvrement des sommes dues au titre de ladite clause par la vente, en dehors de tout processus judiciaire, du logement familial du consommateur. »  

  

ANALYSE   

  

Un litige naît de l’impossibilité pour deux consommateurs de rembourser leurs dettes tirées d’un contrat de crédit à la consommation conclu pour vingt ans auprès d’un établissement de crédit slovaque. Ledit contrat était par ailleurs garanti par une sûreté immobilière grevant le logement familial des débiteurs.  

Par la suite, la banque déclare la déchéance du terme et exige alors le remboursement de la totalité des sommes dues trois mois après le défaut de paiement des débiteurs en invoquant une clause de déchéance du terme insérée dans le contrat. Ceux-ci ne s’étant pas exécutés, elle décide de réaliser sa sûreté par la vente aux enchères dite « volontaire » de l’immeuble donné en garantie. Cette procédure extrajudiciaire prévue en droit slovaque est réalisée sans examen du bien-fondé du montant de la créance ni du caractère proportionné de celle-ci par rapport à la vente. Or, il s’avère que la valeur du bien grevé vendu était trente fois supérieure à la somme exigée par la banque. Les débiteurs saisissent le tribunal slovaque d’une demande de suspension de la vente aux enchères.   

 

Plusieurs questions préjudicielles ont été posées mais seule la première sera analysée, la seconde, relative à l’interprétation de la directive 2005/29, ayant été jugée sans objet. 

La Cour de justice a donc été saisie sur la question de savoir « si le juge doit examiner le caractère proportionné de la faculté́ que la clause de déchéance du terme offre au créancier, en l’absence d’une obligation en ce sens imposée par la règlementation ou la jurisprudence nationale. »  

En l’espèce, la Cour souligne le fait que la clause litigieuse est soumise aux dispositions de la directive puisqu’elle reprend des dispositions nationales qui ne sont pas impératives. Ainsi, après avoir vérifié que la clause de déchéance du terme relevait bien du champ d’application de la directive 93/13, les juges luxembourgeois commencent par rappeler le paysage dans lequel s’inscrit la lutte contre les clauses abusives. Elle insiste sur « la situation d’infériorité dans laquelle le consommateur [qui ne peut être lié par les clauses abusives] se trouve à l’égard du professionnel » et sur le niveau élevé de protection du consommateur énoncé à l’article 38 de la Charte des droits fondamentaux qu’il convient d’assurer, tout en rappelant sa jurisprudence antérieure.  

En effet, le contrôle juridictionnel au centre de cet arrêt est celui de la proportionnalité de la faculté offerte au créancier de déclarer exigible la totalité du prêt en vertu d’une clause de déchéance du terme.  

À cet égard, la Cour affirme que lorsque le juge national apprécie le caractère abusif de la clause, il doit opérer ce contrôle et ce, même en l’absence d’une obligation imposée dans la réglementation ou la jurisprudence nationale.  

De plus, la CJUE avait déjà statué au sujet d’une même clause de déchéance du terme d’un crédit hypothécaire (en ce sens, Banco Primus du 26 janvier 2017, C-421/14).  

Ainsi, dans ce nouvel arrêt, la Cour confirme, que le caractère proportionné est examiné à la lumière d’une liste non exhaustive de critères (CJUE; 8 décembre 2022, aff. C-600/21) et indique que parmi eux figurent notamment : “l’éventuel déséquilibre contractuel créé par ladite clause, et la circonstance que la mise en œuvre de celle-ci peut, le cas échéant, entraîner le recouvrement par le créancier des sommes dues au titre de la même clause par la vente de ce logement en dehors de tout processus judiciaire”. 

De plus, la Cour précise les conséquences de la mise en œuvre d’une clause d’exigibilité anticipée des sommes, insérée dans un contrat de prêt hypothécaire de longue durée négocié unilatéralement par la banque.  

En effet, parmi les conséquences de la mise en œuvre d’une telle clause figurait la vente aux enchères du logement familial garanti et ce, en dehors de toute intervention du juge. À cet égard, la Cour souligne que, lors de son analyse, le juge se doit de tenir compte de « l’éventuel déséquilibre contractuel créé par ladite clause » et lesdites conséquences de la mise en œuvre de celle-ci, notamment lorsqu’elle implique “l’éviction du consommateur et de sa famille du logement constituant leur résidence principale”, laquelle est protégée par le droit fondamental au logement. La CJUE s’appuie ici de nouveau sur la Charte des droits fondamentaux (art. 7). 

Il est donc important que le juge dispose de mesures lui permettant d’empêcher une situation qui entrave l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13 (en ce sens, CJUE,10 septembre 2014, Kušionová, C-34/13).  

 

Ainsi, la Cour affirme que le juge doit examiner le caractère proportionné de la faculté́ que la clause de déchéance du terme offre au créancier, en l’absence d’une obligation en ce sens imposée par la règlementation ou la jurisprudence nationale. Ainsi, par cet arrêt, la Cour renforce d’autant plus la protection du consommateur dans la lutte contre les clauses abusives. 

En droit français, il a été jugé que le juge national doit examiner d’office le caractère abusif de la clause prévoyant la déchéance du terme pour non-paiement d’une échéance (en ce sens, Cass. Civ 1ère, 22 mars 2023, n°21-16.476). Quant à la question de la proportionnalité, l’impératif de proportionnalité au cœur des procédures civiles d’exécution permet de restreindre cette faculté laissée au créancier.  

Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2023, n° 21-22.655 

Clauses abusives – Domaine d’application – Contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises – Règles applicables en cas de perte et avaries – Application supplétive – Convention écrite entre les parties – Clause n’accordant pas un niveau d’indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives – Clause limitative de réparation 

 

EXTRAITS : 

« Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R.132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l’article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s’appliquent de manière supplétive en l’absence de convention écrite conclue entre les parties et qu’en présence d’une telle convention, les clauses qui n’accordent pas un niveau d’indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. Dès lors qu’elle a relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d’indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l’existence, et fait ressortir qu’elles n’accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu’elles évinçaient, une cour d’appel en a exactement déduit qu’elles étaient abusives » 

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), invoquant le caractère abusif de plusieurs clauses figurant depuis le mois de juin 2015 dans les contrats offerts par la société Chronopost, l’a assigné afin que celles-ci soient réputées non écrites et que soient ordonnées leur suppression et la mise en conformité des contrats proposés. Ces clauses prévoyaient des plafonds d’indemnisation en cas de pertes et avaries d’une part, et de retard d’autre part. Condamnée sous astreinte par la cour d’appel de Paris à supprimer les clauses, à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, et à publier le dispositif de l’arrêt, la société Chronopost a formé un pourvoi devant la première chambre civile de la Cour de cassation au motif que les clauses ne pouvaient être déclarées abusives dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire. 

La Cour de cassation considère que ces clauses sont abusives car elles fixaient des plafonds d’indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l’existence et ainsi, n’accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu’elles évinçaient.  

De plus, ces clauses sont jugées abusives car elles venaient limiter le droit à réparation du consommateur et ainsi, elles étaient moins favorables que les prévisions du contrat type, en ce qu’elles n’avertissaient pas le consommateur de sa faculté de faire une déclaration d’intérêt spécial à la livraison ayant pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l’indemnité fixée. 

En cela, la Cour vise l’article R. 212-1, 6° du code de la consommation qui présume abusives de manière irréfragable dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas du manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ». 

Ce faisant, elle considère que les clauses fixant des plafonds d’indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l’existence, et qui n’accordent pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu’elles évincent, sont des clauses “noires” dans les contrats de consommation. 

Par conséquent, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Chronopost.

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 24 OCTOBRE 2023, RG n°22/02941 

– déséquilibre significatif – subrogation – contrat de prêt – réputée non écrite – clause de réserve de propriété 

  

EXTRAITS 

  

« En application de l’article L132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure au 14 mars 2016 (nouvel article L212-1), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 

  

Ces clauses sont réputées non écrites. 

  

Or, conformément à l’avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation, dès lors que l’auteur du paiement de la chose n’est pas le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l’acquisition d’un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété. 

  

La clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l’emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l’exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment. 

  

Selon le même avis, est également abusive, sauf preuve contraire, la clause prévoyant la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage portant sur le même bien. 

  

En conséquence, la clause de réserve de propriété insérée dans le contrat de prêt consenti par la société Volkswagen Bank à Mme [R] sera réputée non écrite. » 

  

ANALYSE 

  

La Cour d’appel de Versailles (CA) a été saisie à la suite d’un litige opposant un locataire, ayant souscrit une offre préalable de location avec option d’achat d’un véhicule de la marque Volkswagen, avec la société Volkswagen (loueur). L’offre de contrat de crédit affecté prévoyait une clause de réserve de propriété et que « le vendeur subroge le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété à l’instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur ». De plus, il était convenu que « le prêteur puisse opter pour l’inscription d’un gage à la préfecture ce qui implique renonciation au bénéfice de la réserve de propriété ». Puis, les loyers étant restés impayés à compter de 1er novembre 2018, le loueur a entendu se prévaloir de la déchéance du terme le 13 septembre 2019. Il a assigné le locataire devant le juge des contentieux de la protection de Pontoise, notamment pour obtenir la restitution du véhicule. Ayant été débouté de ses demandes, il interjette appel devant la CA. Le 27 mars 2023, un courrier a été adressé par le greffe de la première chambre B de la CA au Conseil de la société Volkswagen afin de lui indiquer qu’il était envisagé de déclarer non écrite la clause subrogeant le prêteur dans la réserve de propriété du fait de son caractère abusif. Ce courrier n’a pas donné suite de la part du Conseil de la société Volkswagen.  

  

La CA rappelle qu’en vertu de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, une clause est abusive lorsqu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En droit français, de telles clauses sont réputées non écrites. En application de cette disposition et conformément à l’avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation, la CA a reconnu que la clause prévoyant la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur. En effet, dès lors que le prêteur n’est pas l’auteur du paiement mais uniquement celui qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client, la subrogation prévue est inopérante. La CA considère qu’une telle subrogation entrave l’exercice du droit de propriété de l’emprunteur, créant ainsi un déséquilibre significatif à son détriment. La Commission des clauses abusives avait recommandé la suppression de cette clause dans sa recommandation sur les contrats de crédit à la consommation (Recomm. n°21-01, Contrats de crédit à la consommation, pt 28). 

De plus, une clause qui prévoit la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage sur le même bien est également considéré comme étant abusive par la CA. Par conséquent, la clause de réserve de propriété litigieuse doit être réputée non écrite, en ce qu’elle est abusive.  

 

Le prêteur se trouve donc débouté de son action en restitution du véhicule. 

 

 

Voir également : Recomm. n°21-01, Contrats de crédit à la consommation, pt 28.

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

action en restitution – clause abusive – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« Il en résulte que le Crédit mutuel n’est pas fondé à solliciter les restitutions sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution ni à invoquer les dispositions de l’article 1343 du code civil dès lors que la constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat implique que l’emprunteur soit replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en l’absence de telles clauses de sorte que M. [T] n’est tenu de restituer que l’équivalent en euros de la somme empruntée en francs suisse selon le cours du change alors appliqué au contrat. » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir le prêt prévoit une clause de remboursement abusive. 

Après décision de première instance, l’emprunteur interjette appel et fait grief au jugement de l’avoir débouté de sa demande. Il soutient que le contrat de prêt doit être annulé en présence d’une clause abusive et qu’en conséquence de son anéantissement rétroactif, les restitutions réciproques entre les parties s’imposent sans que la banque lui fasse supporter un risque de change. 

La banque rétorque que les actions en constatation du caractère abusif et en restitution des sommes indues sont prescrites et à titre subsidiaire que les restitutions doivent s’opérer sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution. 

 

La Cour d’appel de Douai (CA ci-après) juge abusive la clause de remboursement qui crée un déséquilibre significatif dû au manque de transparence du banquier (lien hyper texte vers fiche 1) et écarte les fins de non recevoir tirées de la prescription. 

 

La CA rappelle que selon une décision du 21 décembre 2016 (C-154/15) de la Cour de justice de l’Union européenne, une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée comme n’ayant jamais existé et, donc, la constatation du caractère abusif de la clause doit permettre de replacer le consommateur dans la situation dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de ladite clause.  

 

En se fondant sur cette décision européenne, la CA juge que les restitutions ne peuvent s’opérer sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution dès lors que la constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat implique que l’emprunteur soit replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en l’absence de telles clauses. 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai procède à l’application d’une jurisprudence antérieure de Cour de cassation datant du 12 juillet 2023 (n°22-17.030) selon laquelle l’emprunteur doit restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et la banque doit restituer à l’emprunteur toutes les sommes perçues en exécution du prêt c’est-à-dire la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.  

 

Voir également :  

CCA Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030 

CA Douai 19-10-23

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

clause abusive – clause de remboursement –  déséquilibre significatif – devoir d’information – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la clause de « remboursement du crédit », même éclairée par les autres stipulations du contrat de prêt n’est pas rédigée de manière claire et qu’elle n’est pas intelligible en elle-même car lacunaire pour l’emprunteur puisque la détermination exacte des opérations de change nécessaires à l’exécution du prêt n’apparaît pas.  

D’autre part, la stipulation d’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre la banque prêteuse et l’emprunteur en ce que ce dernier n’est pas mis en mesure d’envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et n’a pas été suffisamment informé des mécanismes de change.  

En conséquence, la clause de remboursement du crédit 5.3 rapportée ci-dessus et la clause en lien avec celle-ci 10.5 doivent être déclarées non écrites. » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir que le prêt prévoit un remboursement en CHF interdit et que la banque a manqué à son devoir d’information. 

Après décision de première instance, l’emprunteur interjette appel et fait grief au jugement de l’avoir débouté de ses demandes pour cause de prescription. 

 

Se fondant sur l’ancien article L132-1 du Code de la consommation et sur l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, tel qu’interprété par arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE ci-après) en date du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour dappel de Douai (CA ci-après) considère que la clause de remboursement ne donnait pas les informations nécessaires à l’emprunteur sur le mécanisme de change.  

De ce fait, l’emprunteur n’étant pas en mesure d’évaluer et prévenir correctement les risques liés à la fluctuation des monnaies. Ainsi, la CA déduit qu’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre les parties en raison du manque de transparence du banquier.  

La clause doit donc être réputée non-écrite car abusive. 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai rappelle que l’appréciation du caractère abusif d’une clause dans un prêt libellé en devise étrangère s’effectue au regard du devoir d’information du professionnel envers le consommateur quant aux risques liés au remboursement d’un tel prêt. 

Ici, la CA procède de nouveau à une application de la jurisprudence européenne (CJUE 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19) et confirme que le principe de transparence matérielle des clauses induit un devoir dinformation du banquier sur le risque des conséquences économiques négatives des clauses en devises étrangères (Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-20.717). 

 

La CA de Douai se prononce également sur les restitutions : CA Douai ; 19-10-23 

 

Voir également :  

CJUE, 1ère ch., 10 juin 2021, aff C-776/19 à C- 782/19

CCA sur Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-17.996

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

réparation du préjudice – clause abusive – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« La banque ayant manqué à son obligation d’information, elle sera tenue de réparer le préjudice ainsi causé, lequel ne peut s’analyser qu’en une perte de chance d’éviter la réalisation du risque de change qu’il convient d’évaluer à 70 % en tenant compte, notamment, du contexte de stabilité dans lequel l’emprunteur a contracté, et de l’avantage qu’il espérait pouvoir tirer d’un prêt en devises en termes de niveau du taux d’intérêt.  » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir que le prêt prévoit une clause de remboursement abusive et que la banque a manqué à son devoir d’information. 

 

La Cour dappel de Douai (CA ci-après) considère que la clause de remboursement ne donnait pas les informations nécessaires à l’emprunteur sur le mécanisme de change. De ce fait, la CA juge abusive la clause de remboursement qui crée un déséquilibre significatif dû au manquement du banquier à son obligation d’information (CA Douai ; 19-10-23). 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai rappelle que l’obligation d’information mise à la charge de la banque repose sur les dispositions de l’article 1147 du Code civil et qu’en cas de manquement à cette obligation, la banque sera tenue de réparer le préjudice causé. 

 

La CA précise que la banque devra indemniser le préjudice résultant de son défaut d’information et que ce préjudice correspond à l’opportunité manquée pour l’emprunteur d’éviter les fluctuations du taux de change, évaluée à 70%. Cette évaluation doit prendre en considération le contexte de stabilité au moment de l’emprunt par le client et les avantages escomptés liés à un prêt en devises, notamment en termes de taux d’intérêt. 

 

En l’espèce, le préjudice résulte de la différence entre la contre-valeur en euros du capital au moment de la souscription du prêt et le montant de la somme effectivement payée en exécution du contrat de prêt, soit 30 257 euros. La banque a donc été condamnée à payer 70% de cette somme. 

 

 

La CA de Douai se prononce également sur les restitutions : (CA Douai ; 19-10-23). 

COUR D’APPEL DE RENNES, 13 octobre 2023, RG n° 21/00297 

– contrat de prêt – demande en remboursement du prêt – clause abusive – déchéance du terme – délai de mise en demeure –  

 

EXTRAITS  

«Il est de principe que, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d’un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit de celui-ci en cas d’échéance impayée sans mise en demeure laissant à l’emprunteur un préavis d’une durée raisonnable pour régulariser la situation, une telle clause étant abusive au sens de l’article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.  

Or, en l’occurrence, il est stipulé aux conditions générales du contrat de prêt que ‘en cas de défaillance de la part de l’emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés’. 

Une telle clause laisse ainsi croire aux emprunteurs qu’ils ne disposent d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, et que le prêteur peut se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéances impayée, sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt, consenti en l’espèce pour un montant de 25 500 euros pendant douze ans. » 

 

ANALYSE   

 

Des époux, ont contracté un prêt auprès d’un établissement de Crédit – le Crédit agricole- le 4 novembre 2015. En septembre 2018, les époux ont cessé de payer leurs échéances. Le 6 février 2019, l’établissement de crédit leur a adressé une mise en demeure afin de régulariser leur situation, sans réponse de ces derniers. L’établissement de crédit a alors assigné les époux en paiement et demandé de prononcer la déchéance du terme.  

Faisant application de la jurisprudence européenne et de la jurisprudence de la Cour de cassation s’y conformant sanctionnant les clauses de déchéance du terme sans préavis d’une durée raisonnable (cf : CJUE 26-1-2017 aff. 421/14  Cass. 1e civ. 22-3-2023 n° 21-16.044 FS-B) , la Cour d’appel de Rennes a rejeté la demande de l’établissement de crédit de prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt conclu avec les époux. Elle a déclaré la clause de déchéance abusive et l’a écartée d’office. Les juges de la CA de Rennes ont considéré que la clause de déchéance du terme était abusive, car elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs. 

En effet, cette clause ne prévoit pas de délai de mise en demeure préalable. Or, un délai de mise en demeure permet à l’emprunteur de régulariser sa situation avant que le prêteur ne puisse se prévaloir de la déchéance du terme. Utilisant une expression de la Commission des clauses abusives, la Cour d’appel a également considéré que la clause « laissait croire » à l’emprunteur qu’il ne dispose d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, qui prévoit un délai de grâce. Ce faisant, ladite faculté « déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques » (Banco Primus, pt 66). En outre, la clause laisse croire que le prêteur pouvait se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéance impayée sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt, consenti. Cette décision se conforme là encore à l’arrêt Banco Primus.  

CJUE, 12 octobre 2023, aff. C-645/22 -Luminor Bank AS 

  

EXTRAIT 

  

“L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, 

  

Doit être interprété en ce sens que : 

  

il s’oppose à ce que, lorsqu’un juge national a constaté l’impossibilité de maintenir un contrat après la suppression d’une clause abusive et que le consommateur concerné exprime la volonté que ce contrat soit maintenu en modifiant cette clause, ce juge puisse statuer sur les mesures à prendre afin que l’équilibre réel entre les droits et  les obligations des parties audit contrat soit rétabli, sans examiner au préalable les conséquences d’une annulation du même contrat dans son ensemble, et cela même si ledit juge a la possibilité de remplacer ladite clause par une disposition de droit interne à caractère supplétif ou par une disposition applicable en cas d’accord de ces parties. » 

  

ANALYSE 

  

La clause abusive de l’espèce figurait dans des contrats de prêt libellés et remboursables en francs suisses. Un examen du caractère abusif de certaines clauses de ces contrats a été effectué par les juridictions lituaniennes à la demande de ces requérants. 

Leur demande ayant été rejetée, ils se sont pourvus en cassation devant la Cour suprême de Lituanie, qui a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel du pays pour examiner à nouveau le caractère abusif desdites clauses. Les requérants au principal ont indiqué à cette juridiction qu’ils souhaitaient modifier les clauses dites abusives en remplaçant le franc suisse par l’euro. 

La Cour d’appel de Lituanie fait droit à cette demande en qualifiant les clauses d’abusives pour les modifier ensuite. 

La défenderesse au principal saisi la Cour Suprême de Lituanie d’un pourvoi en cassation contre cette décision. Elle estime que ces clauses ne sont pas abusives et que puisqu’en droit lituanien, il n’existe pas de dispositions supplétives pouvant remplacer lesdites clauses, la juridiction n’était pas fondée à les remplacer, leur modification sur la base de principes d’équité, bonne foi et raison, étant prohibée par la directive en son article 6. 

  

La juridiction de renvoi ne remet pas en cause la qualification du caractère abusif des clauses mais seulement la modification des contrats opérée par la Cour d’appel. Les requérants au principal souhaitent que les contrats soient maintenus et que les clauses abusives soient modifiées. La Cour d’appel de Lituanie n’a pas examiné au préalable si des conséquences particulièrement préjudiciables pour ces requérants pourraient découler d’une telle annulation desdits contrats litigieux. La juridiction de renvoi a donc saisi la CJUE de deux questions préjudicielles, auxquelles la Cour répond en même temps. 

  

La première question préjudicielle tient au point de savoir si le juge pouvait statuer sur la modification d’une clause abusive, demandée par le consommateur tout en maintenant le contrat, sans examiner au préalable la possibilité d’une invalidation du contrat dans son ensemble alors qu’il a constaté l’impossibilité de maintenir ledit contrat après la suppression de la clause. La seconde question était de savoir si la réponse à la première question dépend de la possibilité pour le juge de substituer à la clause abusive une disposition de droit interne à caractère supplétif ou applicable en cas des parties. 

  

La CJUE énonce qu’en vertu de la directive, le juge national doit examiner les conséquences d’une annulation du contrat dans son ensemble avant de statuer sur les mesures à prendre afin que l’équilibre réel entre les droits et obligations des parties audit contrat quand bien même : 

  • Le juge national a constaté l’impossibilité de maintenir le contrat après la suppression de la clause abusive 
  • Le consommateur concerné exprime la volonté que ce contrat soit maintenu en modifiant la clause abusive 

  

La CJUE précise que cette obligation d’examen préalable des conséquences de l’annulation du contrat incombe au juge y compris lorsqu’il a la possibilité de remplacer ladite clause par une disposition de droit national à caractère supplétif ou une disposition applicable en cas d’accord des parties au contrat.  

La CJUE consacre une obligation d’examen préalable, incombant au juge national, des conséquences de l’annulation d’un contrat tout entier avant de statuer sur les mesures que peut prendre ce même juge pour rééquilibrer la relation entre les parties. 

  

La Cour s’était déjà prononcée sur la possibilité d’annuler un contrat dans son ensemble, lorsqu’il ne peut subsister sans les clauses abusives, en précisant que pour prononcer cette annulation, le juge ne peut se fonder sur le caractère éventuellement avantageux pour l’une des parties de cette annulation de tout le contrat (CJUE, 15 mars 2012, C-453/10 – Pereničová et Perenič). 

La CJUE avait également déclaré que le juge devait examiner, lorsque le consommateur exprime la volonté de se prévaloir de la protection de la directive, si le contrat pouvait subsister sans la clause abusive concernée au regard du droit interne et indépendamment du fait que le consommateur exprime la volonté de maintenir ce contrat. Dans ce cas, la Cour avait admis que si le contrat ne peut subsister sans la clause abusive, la directive ne s’oppose pas à une annulation dudit contrat (CJUE, 12 janvier 2023, D.V. C-395/21). C’est seulement si l’annulation de tout le contrat expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables (pas seulement pécuniaires) que le juge national peut substituer à la clause abusive une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties. 

La Cour a également déjà rappelé l’obligation pour le juge national de prendre les mesures nécessaires pour protéger le consommateur de ces conséquences et restaurer l’équilibre entre les parties lorsqu’il n’existe pas de telles dispositions internes et que l’annulation du contrat expose le consommateur auxdites conséquences préjudiciables (CJUE, 25 novembre 2020, C-269/19, Banca B.). 

Si la CJUE s’était donc déjà prononcée sur l’obligation du juge d’examiner si le contrat peut subsister sans la clause abusive concernée au regard du droit interne lorsque le consommateur exprime la volonté de maintenir ledit contrat, elle se prononce, ici semble-t-il, pour la première fois sur l’obligation du juge d’examiner les conséquences de l’annulation du contrat tout entier avant de prendre les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre entre les parties. 

  

En droit français, l’article L241-1 alinéa 1 du Code de la consommation dispose que les clauses abusives sont réputées non écrites. Dans son alinéa 2, il affirme que le contrat reste applicable dans son entièreté, hormis les clauses jugées abusives, si le contrat peut subsister sans ces clauses. 

Cass. com, 11 octobre 2023, n° 22-10.521 

 

Mots clés : Contrats entre professionnels – conditions générales – clauses abusives – qualité de professionnel – notion de non-professionnel – déséquilibre significatif  

 

EXTRAITS : 

 

« Dès lors que la lettre de mission du 7 juillet 2005 avait un rapport direct avec l’activité de la société Jego, ce dont il résulte que cette dernière n’était pas un non-professionnel, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à la vérification prétendument omise ». 

 

ANALYSE : 

 

La société Ambulances Daniel Jego (société Jego) a confié à la société d’expertise comptable Aria expertise conseils (société Aria) une mission de présentation de ses comptes annuels et d’établissement des bulletins de paie de ses salariés, selon une lettre de mission datée du 7 juillet 2005. 

 

Les conditions générales d’intervention de la société Aria, notamment l’article 5 intitulé « Responsabilité », stipulent que toute demande de dommages et intérêts doit être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client a eu connaissance du sinistre. 

 

Le 13 octobre 2016, la société Jego a assigné la société Aria en responsabilité, alléguant que des erreurs avaient été commises dans le calcul des heures supplémentaires des salariés par la société Aria. 

 

L’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 26 octobre 2021 a fait l’objet d’un pourvoi en cassation par la société Jego.  

 

En l’espèce, la société Jego reproche à la cour de ne pas avoir vérifié d’office si la clause de forclusion de trois mois limitait de manière excessive le droit à réparation du préjudice subi ou entravait au moins l’exercice de son action en justice en imposant un délai très court. La société Jego soutient que cette clause crée un déséquilibre significatif au détriment d’une partie non professionnelle dans le domaine des contrats d’expertise comptable, ce qui rend la clause abusive. Selon la société Jego, en omettant d’effectuer cette vérification, la cour d’appel aurait ignoré son office.  

En effet, selon la société Jego, le juge a l’obligation d’examiner, voire de soulever lui-même, le caractère abusif d’une clause contractuelle dès lors qu’il dispose des éléments nécessaires pour constater un déséquilibre significatif en défaveur de la partie non professionnelle.  

Cependant, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en soulignant que le litige impliquait deux professionnels, excluant ainsi l’application des dispositions sur les clauses abusives destinées à protéger les non-professionnels.  

Il convient de rappeler que dans un contrat conclu entre deux professionnels, le juge n’est pas tenu d’analyser, même d’office, la nature abusive d’une clause contractuelle. Le relevé d’office lui incombe en revanche lorsque le contrat est conclu entre un professionnel et un consommateur ou entre un professionnel et un non-professionnel.  

Or, en l’espèce, le statut de non-professionnel ne peut être attribué à la société Jego uniquement en raison de son absence de spécialisation dans les domaines comptables et d’expertise-comptable. La Cour, afin d’étayer son raisonnement et d’exclure l’application du mécanisme des clauses abusives, souligne qu’il existe un lien direct entre la lettre de mission du 7 juillet 2005 et l’activité de la société Jego, établissant ainsi sa qualité de professionnelle. Par conséquent, celle-ci ne peut être considérée comme un non-professionnel au sens de l’article L132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 23 août 2001. 

La solution serait la même, avec un raisonnement juridique différent, sous l’empire de l’article liminaire du Code de la consommation qui définit désormais le non professionnel « toute personne morale n’agissant pas à des fins professionnelles ».  

Il en résulte que la Cour d’appel n’était pas tenue d’examiner ou de soulever d’office le caractère abusif de la clause des conditions générales, étant donné que la société Jego ne relève pas du statut de non-professionnel.