TJ de Marseille, 12 décembre 2024, RG n° 22/02590  

– Contrat d’assurance – vol – garantie – clause abusive – dommages et intérêts – 

  

EXTRAITS   

« La garantie vol prend en charge dans la limite de la valeur de remplacement à dire d’expert ou dans les conditions des garanties valeur à neuf et valeur majorée lorsque celles-ci sont acquises, les dommages consécutifs à la disparition totale du véhicule par :
actes de violence à l’encontre du conducteur effraction du véhicule caractérisée par des traces matérielles c’est-à-dire cumulativement : effraction de l’habitacle ou du coffre, forcément de la colonne de direction, la détérioration du faisceau de démarrage ou d’un système antivol en fonctionnement ;effraction d’un garage privatif, clos et verrouillé effraction électronique du véhicule constatée et attestée par expertise. 

En l’espèce, [I] [D] se contente d’indiquer que la clause est abusive sans en justifier. Force est néanmoins de constater que la clause ne fait que définir les événements garantis et ne limite pas les moyens de preuves dont dispose l’assuré pour démontrer l’existence d’un vol. Dès lors, elle ne présente pas de caractère abusif au sens du code de la consommation ».  

  

ANALYSE    

Le tribunal judiciaire de Marseille a été saisi par un assuré qui avait conclu un contrat d’assurance pour son véhicule avec la société SERENIS ASSURANCES (ci- après l’assureur).  

 l’issue d’un sinistre survenu sur le véhicule, causé par un vol, l’assureur a informé à son assuré qu’il ne serait pas indemnisé au motif qu’aucune effraction n’avait pu être constatée. L’assuré considère que la clause vol du contrat est abusive parce qu’elle fait obstacle à l’indemnisation des vols sans effraction alors qu’il existe des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules permettant de les ouvrir sans effraction. A cet égard, la Cour d’appel de Paris avait jugé que la clause qui limite indûment les moyens de preuve du vol de véhicule est abusive (CA Paris, Pole 4 ch.8, 1er février 2022, RG N° 20/01378) https://www.clauses-abusives.fr/jurisprudence/la-clause-qui-limite-indument-les-moyens-de-preuve-du-vol-de-vehicule-est-abusive/ Le défendeur considère que la clause n’est pas abusive car elle se borne à définir les événements garantis sans limiter les moyens de preuve.  

Ainsi, le tribunal judiciaire de Marseille a dû, à la demande de l’assuré, analyser la clause pour relever son éventuel caractère abusif.   

La clause stipulait que « La garantie vol prend en charge dans la limite de la valeur de remplacement à dire d’expert ou dans les conditions des garanties valeur à neuf et valeur majorée lorsque celles-ci sont acquises, les dommages consécutifs à la disparition totale du véhicule par : actes de violence à l’encontre du conducteur, effraction du véhicule caractérisée par des traces matérielles c’est-à-dire cumulativement : effraction de l’habitacle ou du coffre, forcément de la colonne de direction, la détérioration du faisceau de démarrage ou d’un système antivol en fonctionnement ; effraction d’un garage privatif, clos et verrouillé, effraction électronique du véhicule constatée et attestée par expertise ». Le tribunal judiciaire déclare que la clause n’est pas abusive. Cette décision est justifiée par le fait que la requérante invoque le caractère abusif de cette dernière sans apporter des éléments de justification. Surtout, le juge relève que la clause ne fait que décrire les actes qui peuvent être garantis, sans limiter les moyens de preuve dont l’assuré dispose pour prouver l’existence d’un vol. Ainsi, la clause ne présente aucun caractère abusif qui produirait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations de l’assuré envers l’assureur.   

CA DE TOULOUSE, 10 décembre 2024, RG n° 22/01875 

Contrat de prêt immobilier – clause abusive – exigibilité immédiate sans préavis raisonnable – mise en demeure – clause réputée non écrite.   

EXTRAITS 

«Dès lors, le paragraphe 4 de la clause 3 des conditions générales applicables engendre bien un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs, consommateurs, et sera reconnu abusif et partant non-écrit. Le reste du contrat subsiste. 

Le fait que la banque ait bien délivré des mises en demeure préalables en l’espèce, lesquelles n’ont par ailleurs pas laissé un délai raisonnable aux emprunteurs pour régulariser les impayés, n’a pas eu pour effet de rétablir l’équilibre initial des parties dans leur relation contractuelle de sorte qu’il doit être reconnu que la déchéance du terme du prêt, prononcée par la Casden en application d’un paragraphe réputé non-écrit du contrat initial, n’a pu être valablement acquise.» 

ANALYSE 

La Cour d’appel de Toulouse a été saisie d’un litige opposant une banque et deux emprunteurs dans le cadre d’un contrat de prêt immobilier conclu le 2 septembre 2013. 

 

Le contrat de prêt contenait une clause de déchéance du terme. Les échéances de remboursement n’ayant pas été honorées, après une mise en demeure restée infructueuse, la banque a prononcé la déchéance du terme le 10 février 2021. La banque a ainsi assigné les emprunteurs devant le tribunal judiciaire de Toulouse en paiement des sommes dues.  

 

Condamnées solidairement par le tribunal judiciaire de Toulouse, les emprunteurs ont interjeté appel de ce jugement aux fins de le voir réformé en intégralité.   

Les appelants demandent à la cour d’appel d’examiner le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme prévoyant une exigibilité immédiate des sommes dues sans préavis d’une durée raisonnable. Les intimés considèrent que la clause n’est pas abusive puisqu’elle octroyait un délai raisonnable aux emprunteurs pour s’exécuter.   

Se fondant sur l’article L.241-1 du Code de la consommation, la cour d’appel a admis que le fait d’insérer dans un contrat entre un consommateur et un professionnel cette clause créait un déséquilibre significatif.  

Elle a rappelé à cet égard que : « Les clauses des contrats de prêts prévoyant la résiliation de plein droit […] sans préavis d’une durée raisonnable, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, et que de telles clauses doivent être reconnues comme abusives. » 

En effet, la clause litigieuse figurait dans les conditions générales du contrat et prévoyait qu’« en cas de défaillance de l’emprunteur, la totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt deviendra de plein droit immédiatement exigible sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure préalable ». 

Cette disposition permettait à la banque de réclamer la totalité des sommes dues sans accorder aux emprunteurs un délai raisonnable pour remédier à leur situation, ce qui constituait un déséquilibre significatif en faveur de la banque.  

Or, en vertu de l’article L.132-1 du Code de la consommation, sont abusives les clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.  

La Cour d’appel de Toulouse a donc jugé que cette clause, en autorisant une exigibilité immédiate sans préavis d’une durée raisonnable, constituait une telle atteinte aux droits des consommateurs. Ce déséquilibre étant contraire à la protection renforcée accordée aux consommateurs, la clause devrait être réputée non écrite. 

La cour d’appel énonce que “la première mise en demeure adressée par la banque le 23 octobre 2020 a laissé aux emprunteurs un délai de 9 jours pour régulariser la somme de 2 895,54 euros sous sanction de déchéance du terme tandis que celle du 13 janvier 2021 leur a laissé un délai de 8 jours pour régulariser la somme de 3 993,36 euros.”.  

Elle considère qu’au regard des sommes exigibles, le délai accordé n’est pas raisonnable. C’est pour cette raison qu’elle va également admettre que la déchéance du terme n’a pas été valablement acquise.  

La décision est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 29 mai 2024, n°23-12.904, Publié au bulletin),  rendue dans le prolongement de la décision Banco Primus (CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21). 

Ce litige illustre l’importance pour les parties d’invoquer le caractère abusif des clauses, même si le juge est obligé de relever d’office le caractère abusif d’une clause depuis l’arrêt Pannon du 4 juin 2009 de la Cour de justice de l’union européenne.(CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08  

 

 

TJ de Versailles, 15 novembre 2024, RG 23/00053 

– contrat de crédit immobilier – clause abusive – clause illicite – relevé d’office – 

 

EXTRAITS  

« La clause de déchéance du terme contenue dans l’acte notarié indique que “le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles par notification faite à l’emprunteur dans l’un ou l’autre des cas suivants (…) défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et autres accessoires, quinze jours après mise en demeure de régler les sommes dues restée infructueuse”. 

 

[…] il apparait que la clause de déchéance du terme contenue dans l’acte notarié qui sert de titre exécutoire, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des débiteurs qui ont été exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la mise en demeure ne prévoyant pas un préavis d’une durée raisonnable. Par ailleurs, les formalités de mise en demeure n’ont été réalisées que concernant un seul des prêts alors que la déchéance du terme des deux prêts a été prononcée ». 

 

 

ANALYSE   

Deux emprunteurs ont contracté un crédit immobilier au près d’un établissement bancaire. Dans l’acte notarié, la clause de déchéance du terme stipulait que « le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles par notification faite à l’emprunteur dans l’un ou l’autre des cas suivants (…) défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et autres accessoires, quinze jours après mise en demeure de régler les sommes dues restée infructueuse ». Après des échéances impayées, l’établissement de crédit a expédié une lettre de recommandée aux emprunteurs avec accusé de réception valant mise en demeure de payer des échéances impayées. Par le biais d’une seconde lettre, l’établissement bancaire a prononcé la déchéance du terme. L’établissement bancaire a décidé de poursuivre la vente forcée des biens immobiliers acquis.  

 

Au visa des articles L.311-2, R.121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution et de l’article L.241-1 du Code de la consommation, le TJ de Versailles a rappelé qu’: « […] il est établi par la jurisprudence que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d’un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable. En outre, il importe peu que la déchéance du terme n’ait été effectivement prononcée que dans un délai supérieur, car le fait que le professionnel n’ait pas appliqué une clause n’exempte pas le juge national de son obligation de tirer toutes les conséquences du caractère abusif de cette clause. »   

 

 

Le TJ en conclut que la clause de déchéance du prêt «[…] crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des débiteurs qui ont été exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la mise en demeure ne prévoyant pas un préavis d’une durée raisonnable. […]. Cette clause qui apparait abusive sera donc réputée non écrite. ».  

 

Il en déduit que la demande de vente forcée fondée sur une clause réputée non écrite doit être rejetée  (TJ Versailles 15 nov. 2004 RG-000523). 

 

Voir également :

Recommandation n°04-03 relative au prêt immobilier 

TJ de Versailles, 15 novembre 2024, RG n°23/00053
– contrat de crédit immobilier – déchéance du terme – mise en demeure – préavis non raisonnable – clause abusive – relevé d’office – 

 

EXTRAIT
« Par conséquent, il apparait que la clause de déchéance du terme contenue dans l’acte notarié qui sert de titre exécutoire, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment des débiteurs qui ont été exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la mise en demeure ne prévoyant pas un préavis d’une durée raisonnable. Par ailleurs, les formalités de mise en demeure n’ont été réalisées que concernant un seul des prêts alors que la déchéance du terme des deux prêts a été prononcée. » 

 

ANALYSE
Une banque française, le Crédit Foncier de France, a accordé à un couple un prêt immobilier se composant de deux échelons : un montant principal de 146 248 €, remboursable sur 336 échéances mensuelles à un taux fixe de 2,65 %, et un second montant de 97 498,80 €, remboursable sur 300 échéances mensuelles à taux zéro. À la suite d’impayés, la banque a déclenché une procédure de saisie immobilière. Par la suite, la banque a demandé au Tribunal judiciaire de Versailles de prononcer la vente forcée des biens. 

 

Le créancier a avancé que la clause de déchéance du terme, incluse dans l’acte notarié constitutif du prêt, prévoyait une résiliation immédiate du contrat en cas de non-paiement, quinze jours après mise en demeure infructueuse. Cependant, le juge a soulevé d’office le caractère abusif de cette clause. 

 

Le Tribunal judiciaire de Versailles a examiné les termes du contrat et relevé que cette clause imposait un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs en aggravant subitement leurs conditions de remboursement. En outre, la banque n’avait effectué les formalités de mise en demeure que pour l’un des deux prêts, tout en appliquant la déchéance aux deux montants. 

 

Le juge a rappelé que, conformément à l’article L. 241-1 du Code de la consommation, les clauses abusives doivent être réputées non écrites. Il a également confirmé que le pouvoir du juge de l’exécution, en vertu de l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, ne lui permet ni d’annuler ni de modifier un titre exécutoire, mais uniquement d’en tirer les conséquences sur les mesures d’exécution (Cass. civ. 2ème, 11 juillet 2024, n° 24-70.001).

 

En l’espèce, après avoir constaté que la somme due initialement (5 810,82 € pour l’échéance impayée) avait déjà été remboursée avant la délibération, le juge a rejeté la demande de vente forcée. Il a également rejeté la demande de frais irrépétibles (article 700 du CPC) et laissé les dépens à la charge de la banque.  

Voir également :

Cass. civ. 2ème, 11 juillet 2024, n° 24-70.001  

 

CJUE, 7 novembre 2024, ERB New Europe Funding II, C-178/23 

Devoirs et obligations du juge national – Première voie de recours exercée par le consommateur devant la juridiction du siège du professionnel sans l’assistance d’un avocat et sans participation de ce consommateur aux débats – Seconde voie de recours exercée par le consommateur devant la juridiction de son domicile avec l’assistance d’un avocat 

EXTRAIT : 

« L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu à la lumière de son vingt-quatrième considérant, du principe d’effectivité et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens que :  

II il n’impose pas à une juridiction nationale d’examiner le caractère éventuellement abusif des clauses d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, lorsque ces clauses ont déjà été examinées par une autre juridiction nationale dont la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée, y compris si, devant cette première juridiction, le consommateur n’a pas été assisté d’un avocat, n’a pas participé aux débats et n’a pas fait usage d’une voie de recours qui lui était ouverte, pour autant que cette décision a été dûment signifiée au consommateur avec l’indication des voies de recours dont il disposait et qu’il n’existe pas d’autres raisons particulières liées au déroulement de cette procédure, telles que l’absence de motivation de ladite décision, qui auraient pu empêcher ou dissuader le consommateur d’exercer utilement ses droits procéduraux. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) était saisie sur le point de savoir si une juridiction nationale peut examiner le caractère potentiellement abusif des clauses contenues dans un contrat de consommation lorsque le caractère abusif de ces clauses a déjà fait l’objet d’un contrôle juridictionnel en première instance par une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée, et alors que la demande a été formée par un consommateur n’ayant pas participé aux débats et n’ayant pas été assisté d’un avocat..  

La Cour rappelle que les États doivent prévoir des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les clauses abusives dans les contrats de consommation compte tenu du principe d’intérêt public qu’est la protection des consommateur (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21). 

Elle rappelle également qu’en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, la procédure d’examen des clauses éventuellement abusives relève de l’ordre juridique interne tant que ces procédures respectent les principes d’équivalence et d’effectivité. La CJUE rappelle l’importance du principe de l’autorité de la chose jugée tant au niveau de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

Elle estime que les décisions juridictionnelles devenues effectives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus ne peuvent pas être remises en cause dans l’objectif d’une bonne administration de la justice (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

La CJUE rappelle enfin qu’en vertu du droit de l’UE, le juge national n’est pas dans l’obligation d’écarter l’application des règles de procédures internes concernant l’autorité de la chose jugée même si cela règlerait une situation nationale incompatible avec le droit de l’UE (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

Le respect des exigences découlant des principes d’équivalence et d’effectivité doit être analysé en prenant en compte toute la procédure notamment son déroulement et les particularités des règles devant l’instance nationale (CJUE, 9 avril 2024, Profi Credit Polska, C-582/21).  

La CJUE rappelle que le juge national doit examiner d’office le caractère éventuellement abusif de la clause. Cette obligation pour le juge est justifiée par la protection accordé au consommateur par le droit de l’Union. La Cour ajoute que les décisions qui, bien que disposant de l’autorité de la chose jugée, n’ont pas fait l’objet d’un contrôle concernant le caractère potentiellement abusif d’une clause ne permettent pas de garantir un contrôle efficace au sens de la directive 93/13 (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19). 

La CJUE ajoute que si la juridiction de renvoi constate qu’un contrôle du caractère éventuellement abusif des clauses a été opéré par le juge de première instance, qu’aucune clause abusive n’a été révélée au terme de ce contrôle, que ce contrôle fait l’objet d’une motivation et enfin que le consommateur a été informé de ses droits concernant l’appel de cette décision, la protection du consommateur est assurée (CJUE, 17 mai 2022, Ibercaja Banco, C-600/19). 

La CJUE déclare que l’article 7 paragraphe 1 de la directive 93/13 n’impose pas à une juridiction nationale d’opérer un examen du caractère abusif des clauses dans un contrat de consommation lorsque les clauses ont déjà fait l’objet d’un contrôle par une autre juridiction nationale dont la décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée. C’est notamment le cas même si le consommateur n’a pas participé au débat, n’était pas assisté par un avocat et n’a pas utilisé une voie de recours encore ouverte. La Cour ajoute que la juridiction est exempté d’exercer ce contrôle si deux conditions sont remplies : si la décision a été signifié au consommateur et qu’elle était accompagné de l’information sur les voies de recours possible et si aucunes raisons particulières liées au déroulement de la procédure auraient pu empêcher ou dissuader le consommateur d’exercer ses droits procéduraux.

CA Paris, 6 novembre 2024, RG n°22/17017 

Contrat de prêt immobilier – résiliation anticipée – défaut de loyauté – production de faux documents justificatifs  

Body  

 

EXTRAITS : 

« L’article 1103 du code civil dispose que ‘Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits’ et l’article 1104 précise que ‘Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi’. 

En l’espèce, l’offre de crédit immobilier signée par M. [J] stipule en page 8 des conditions générales du contrat de prêt une clause dénommée :’Exigibilité anticipée – Déchéance du terme’ selon laquelle :’le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles par notification faite à l’emprunteur dans l’un ou l’autre des cas suivants (…) falsification des documents ou faux documents fournis ayant concouru à l’octroi du crédit consenti’. 

Une telle clause n’est que l’application du principe directeur selon lequel les conventions doivent se former de bonne foi. 

C’est d’ailleurs également pour cette raison qu’elle ne saurait être qualifiée d’abusive, pas même au regard des dispositions spécifiques et par principe, protectrices, du droit de la consommation. 

En effet, l’article L. 212-1 du code de la consommation dispose qu’est abusive la clause qui a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. 

Aussi, la Commission des clauses abusives, dans sa recommandation n°04-03 relative aux crédits immobiliers (…) ‘Recommande que soient éliminées des contrats de prêt immobilier les clauses ayant pour objet ou pour effet : 9 – De laisser croire que le prêteur peut prononcer la déchéance du terme en cas d’inobservation d’une quelconque obligation ou en cas de déclaration fausse ou inexacte relative à une demande de renseignements non essentiels à la conclusion du contrat, et sans que le consommateur puisse recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance’. Par ailleurs la Commission des clauses abusives dans son avis n° 05-03 du 24 février 2005, repris en jurisprudence, selon lequel les clauses de résiliation anticipée présentent un caractère abusif, soit lorsqu’elles prévoient des causes de résiliation étrangères aux manquements aux obligations essentielles de l’emprunteur, soit lorsqu’elles se rapportent à des informations qui ne sont pas de nature à éclairer le prêteur sur le risque de défaillance de l’emprunteur. 

En l’espèce, comme jugé par le tribunal, la clause querellée portant exigibilité anticipée du prêt en cas de défaillance de l’emprunteur pour dissimulation ou falsification volontaire d’informations essentielles à la conclusion du contrat, contrairement à ce soutient M. [J] ne peut être considérée comme laissée à la discrétion du prêteur, puisqu’elle se trouve déterminée par un événement précis dont il n’a pas la maîtrise, à savoir la remise volontaire de ces informations par l’emprunteur. Ce mécanisme, qui permet au contraire à l’emprunteur d’obtenir le financement nécessaire à l’acquisition d’un bien immobilier sur la base de ses propres déclarations sans que la fiabilité de celles-ci ne soit systématiquement remise en cause par le prêteur en l’absence d’anomalie apparente, n’a pas pour effet de créer à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. 

Il est indiscutable en l’espèce, que les renseignements communiqués à la banque lors de la demande de prêt du 23 janvier 2019 (pièce 3 de la banque : demande de crédit, et pièce 4 : justificatifs remis à l’appui de la demande) concernent des éléments essentiels qui ont été déterminants du consentement de l’établissement prêteur dès lors que les informations recueillies dans ce document lors de la souscription du prêt ont pour unique but de renseigner le prêteur sur les revenus et la consistance du patrimoine de l’emprunteur afin de déterminer sa capacité de remboursement et d’évaluer le risque potentiel d’endettement né de l’octroi du prêt, ce que ne pouvait d’ailleurs pas ignorer M. [J] en signant l’offre de prêt, dont il a certifié le contenu ‘sincère et véritable’ et en reconnaissant ‘avoir été informé par le Prêteur de la nécessité de fournir des éléments exacts et complets pour pouvoir procéder à une évaluation appropriée de ma solvabilité’. 

La clause en litige ne constitue pas en conséquence une clause abusive, de sorte que le prêteur était fondé à se prévaloir de la déchéance du terme sur laquelle une discussion au fond se trouve engagée quant à la matérialité des manquements contractuels allégués. 

Dès lors que la clause critiquée ne revêt pas de caractère abusif justifiant qu’elle soit réputée non écrite – ou nulle, comme l’écrit M. [J] au dispositif de ses conclusions, le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a écarté ce moyen. » 

ANALYSE : 

En l’espèce, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France a octroyé, le 5 février 2019, à un emprunteur particulier un prêt immobilier, après l’émission d’une offre préalable et son acceptation par ce dernier. Ce prêt était destiné au financement de l’acquisition d’un logement à usage de résidence principale, et cautionné par la société Compagnie Européenne des Garanties et des Cautions.  

Par un courrier recommandé, doublé d’une lettre simple, en date du 22 janvier 2021, la banque a prononcé la déchéance du terme en application de la clause « Exigibilité anticipée – Déchéance du terme » du contrat de prêt, invoquant la falsification des relevés de compte fourni par l’emprunteur lors de sa demande de financement.  

La banque a plus tard assigné par acte d’huissier l’emprunteur en résiliation du contrat de prêt et paiement. La banque a également appelé en garantie la société de cautionnement, qui a réglé le solde du prêt réclamé par la banque (entre autres sommes), et est intervenue volontairement à l’instance introduite par la banque, afin d’obtenir le paiement de la somme qu’elle avait versée.  

De ses prétentions, l’emprunteur a invoqué le caractère abusif de la clause d’exigibilité anticipée, et demandé de faire déclarer irrecevable la demande d’intervention volontaire de la société de cautionnement.  

Le Tribunal judiciaire de Bobigny a débouté l’emprunteur de ses demandes. Le juge de première instance a en effet considéré que la clause en litige, ne créant pas de déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat de prêt, n’était pas abusive. Le tribunal a appuyé son raisonnement sur plusieurs arguments, tenant notamment au fait que la banque devait respecter une obligation de déclarer tout soupçon sur l’origine des fonds (en vertu de l’article L.561-2 et s. du Code monétaire financier) ; que la clause ne limitait ni ne privait l’emprunteur de ses facultés de résiliation unilatérale et de recours au juge pour contester l’application de la clause ; que l’absence de mise en demeure ne pouvait être reprochée à la banque en présence d’une production de faux documents vraisemblablement non-régularisable.  

L’emprunteur a interjeté appel de la décision de première instance, maintenant que la clause de déchéance du terme appliquée était abusive.  

La Cour d’appel de Paris, au visa des articles 1103 et 1104 du Code civil, a analysé la clause litigieuse. Cette clause nommée « Exigibilité anticipée – Déchéance du terme » stipulait que : « le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles par notification faite à l’emprunteur dans l’un ou l’autre des cas suivants (…) falsification des documents ou faux documents fournis ayant concouru à l’octroi du crédit consenti ».  

Selon le juge de second degré, une telle clause ne constituait que l’application simple des principes de loyauté et de bonne foi contenus dans les articles précités du Code civil. « Par principe », elle ne pouvait être considérée comme abusive au sens des dispositions protectrices du droit de la consommation, ne créant pas de déséquilibre significatif au regard de l’article L.212-1 du Code de la consommation.  

A l’appui d’une recommandation et d’un avis de la Commission des clauses abusives (recommandation n°04-03 et avis n°05-03), la Cour d’appel a rejeté l’argument de l’emprunteur selon lequel la clause aurait été discrétionnaire, en ce que celle-ci reposait sur un évènement déterminé, à savoir la fourniture volontaire par le candidat au crédit d’informations essentielles à l’évaluation de ses revenus et patrimoine, ainsi que de ses capacités de remboursement, évènement qui ne dépendant aucunement de la volonté de la banque. Le juge d’appel a affirmé que le mécanisme de la clause était de manière générale favorable à l’emprunteur, qui ne supportait pas de remises en cause systématiques de ses déclarations par la banque,  dans le cadre de l’obtention d’un financement. En l’espèce, en signant le contrat de prêt, l’emprunteur s’était engagé à certifier la véracité des informations essentielles qu’il avait fournies à la banque.  

Au regard de ces éléments, la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance et rejeté le caractère abusif de la clause.  

Voir également : 

CCA, recommandation n°04-03, Prêt immobilier   

CCA, avis n°05-03, Prêt personnel (clause de résiliation) 

TJ de Paris, 5 novembre 2024, RG n° 22/04005  

 

Contrat de prêt — devise étrangère — transparence – déséquilibre significatif – devoir d’information du banquier   

 

EXTRAITS : 

«[le tribunal relève qu’] En application des dispositions susvisées du code de la consommation, il convient donc d’examiner si ces stipulations sont rédigées de façon claire et compréhensible et, en cas contraire, d’apprécier si elles créent un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur. » 

 

ANALYSE : 

Le 16 mars 2009, un couple a souscrit auprès d’une banque un prêt libellé en devise étrangère. L’épouse a adhéré, par l’intermédiaire de son prêteur, à l’assurance emprunteur proposée par cette banque. Le 31 mars 2016, à la suite du divorce des emprunteurs, la banque a consenti au transfert de la totalité du prêt à l’ex-mari et un procédé à la résiliation de l’assurance emprunteur de l’ex-épouse. En 2020, l’emprunteur décède, laissant pour unique héritière sa fille, née de son union avec l’ex-épouse. Le 10 septembre 2021, la banque informe l’ex-épouse, agissant dans l’intérêt de sa fille mineure, d’une prise en charge à hauteur de 100 % du capital restant dû, assortie d’un second décompte. L’ex-épouse assigne alors la banque et à la société d’assurance, contestant certaines clauses qu’elle estime abusives dans le cadre du contrat souscrit.  

 

Dans cette décision, le tribunal relève, dans un premier temps, que les stipulations contractuelles manquent de clarté et de compréhension, notamment en raison de l’insuffisance des explications fournies aux emprunteurs concernant les mécanismes financiers sous-jacents. Ces derniers présentent une technicité manifeste, privant les ex-époux des informations nécessaires à une prise de décision éclairée. Le tribunal conclut ainsi à un défaut de transparence imputable au prêteur dans ses relations avec ses clients. Dans un second temps, le tribunal a mis en évidence un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties au contrat, au détriment de l’emprunteur. Le prêt ne comporte en effet aucune disposition visant à limiter l’impact du risque d’augmentation substantielle du capital restant dû en fonction des fluctuations du taux de change pendant l’exécution du contrat, ni des mesures pour atténuer les conséquences d’un éventuel défaut de paiement. Or, en respectant l’exigence de transparence à l’égard des emprunteurs, le prêteur ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que les ex-époux acceptent un tel risque. Ainsi, le tribunal en déduit l’existence de clauses abusives qui seront réputées non écrites et le contrat restera applicable dans ses autres stipulations, à la condition qu’il puisse subsister sans les clauses ainsi écartées. 

 

Voir également : 

Cass. civ.1ère, 14 février 2024, n°22-21.135  

 

TJ de Marseille, 5 novembre 2024, RG n° 24/00156  

 

Contrat de prêt — saisie immobilière — déchéance du terme – office du juge — mise en demeure  

 

EXTRAITS : 

«[le tribunal relève que ] la clause qui ne prévoit aucune mise en demeure ni sommation préalable ni préavis sans délai raisonnable doit donc être considérée comme abusive car elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat,»  

 

ANALYSE : 

Le 5 juillet 2024, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel alpes Provence a fait assigner le défendeur, par acte huissier a comparaitre devant le Tribunal Judiciaire de Marseille.  

Le créancier poursuivant a été appelé à conclure sur la validité de la clause d’exigibilité du capital restant dû figurant au contrat de prêt, dans l’hypothèse de non paiement à la date prévue des échéances, et sur les conséquences de droit et de fait qui en découlent. Elle alors a soutenu qu’en cas d’échéances impayées, bien que le capital soit immédiatement exigible, elle avait, dans les faits, accordé au débiteur un délai suffisant pour régulariser sa situation. 

Dans cette décision, le tribunal judiciaire a relevé d’office la présence d’une clause abusive dans le contrat de prêt litigieux 

La Cour juge que la clause de déchéance du terme qui ne prévoit aucune mise en demeure ni sommation préalable ni préavis sans délai raisonnable doit être considérée comme abusive car elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Il importe peu, comme en l’espèce, que les modalités utilisées par la banque pour obtenir le paiement des échéances soient plus favorables au débiteur, un délai de 8 mois s’étant écoulé entre la date de la première échéance impayée et la déchéance du terme.  

Cette clause, abusive, sera donc considérée comme non écrite. 

 

Voir également :  

 CJUE, 4 juin 2019, Pannon, C-243/08 

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n°21-16476 

 

CJUE, 24 octobre 2024, aff. C-347/23 – Zabitón  

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Notion de consommateur – Contrat de crédit hypothécaire – Activité non professionnelle – Investissement locatif 

  

  

EXTRAIT   

« L’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE […] doit être interprété en ce sens qu’une personne physique qui conclut un contrat de crédit hypothécaire afin de financer l’achat d’un seul bien immobilier résidentiel pour le mettre en location à titre onéreux relève de la notion de « consommateur » […] lorsque cette personne agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. Le seul fait […] qu’elle cherche à tirer des revenus de la gestion de ce bien immobilier ne saurait […] conduire à l’exclure de la notion de consommateur. » 

  

ANALYSE   

  

Dans l’affaire C-347/23, des particuliers avaient souscrit un contrat de crédit hypothécaire pour financer l’acquisition d’un bien immobilier destiné à être loué à titre onéreux. Les emprunteurs ont considéré qu’une des clauses de ce contrat était abusive. La clause en question impliquait une limitation des droits du consommateur au motif qu’il exerce une activité occasionnelle de mise en location. 

La question posée était de savoir si un tel emprunteur pouvait être qualifié de « consommateur », même si l’opération génère des revenus. 

 

La CJUE a examiné cette clause relevant de la  sur les clauses abusives, et plus particulièrement l’article 2, sous b).  

Les juges ont décidé que « le seul fait que ladite personne physique cherche à tirer des revenus de la gestion de ce bien immobilier ne saurait, en soi, conduire à exclure la même personne de la notion de « consommateur ».  

En effet, elle a observé que les emprunteurs « n’exerçaient aucune activité commerciale à titre professionnel dans le domaine de la gestion immobilière ». et qu’ils avaient conclu le contrat de crédit hypothécaire afin de financer l’acquisition d’un seul bien immobilier résidentiel ». Elle a également relevé que le bien était destiné à être loué à titre onéreux, et que les revenus locatifs avaient servi principalement à payer les mensualités du prêt.  

Elle en déduit que le prêt ne poursuivait pas, pour les emprunteurs, une finalité professionnelle, mais « visait à consolider leur patrimoine privé, l’acquisition du bien immobilier résidentiel financé par ce crédit constituant pour eux une forme d’investissement ». 

 

La CJUE confirme sa position antérieure (C-570/21, 8 juin 2023) sur la nécessité d’une interprétation large de la notion de consommateur afin de ne pas empêcher qu’une protection puisse être accordée aux personnes physiques en situation d’infériorité à l’égard d’un professionnel. 

 

La Cour a insisté sur le déséquilibre d’information et de négociation entre les parties, ce qui est essentiel à la qualification de clause abusive. 

 

 

   

Voir également :  

  

-Site de la CCA : CJUE, 8 juin 2023, aff. C-570/21 – I.S and KS c. YYY