Cour d’appel de Montpellier, 2è Chambre, 14 septembre 2023, RG n° 23/00812 

 

clause abusive – contrat de prêt – clause d’indexation – déséquilibre significatif – prêt libellé en devise étrangère 

  

EXTRAITS  

« Dès lors en considérant que, par une description technique d’un mécanisme complexe, par des informations diverses éclatées dans le contrat, sans que les risques ne fassent l’objet d’un réel avertissement, la SA BNP n’avait pas satisfait à l’exigence de transparence qui lui est imposée, en considérant en outre que la clause implicite d’indexation du prêt HELVET IMMO n’était ni claire ni intelligible sans le respect de cette exigence de transparence, et en jugeant même que ladite clause était volontairement inintelligible, le premier juge a fait une exacte analyse des éléments de la cause. » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, la BNP Paribas Personal finance consent un prêt libellé en devise étrangère ‘Helvet Immo’ à deux emprunteurs.  

La banque a ensuite fait délivrer à ses co-contractants un commandement de payer puis les a assigné en justice. 

Le juge de l’exécution a prorogé la validité des effets du commandement de payer dans un premier jugement. Puis, dans un second jugement, a jugé abusives certaines clauses du contrat de prêt. 

 

Se fondant sur les articles 3 $1, 4 et 5 de la directive européenne 93/13/CEE du 5 avril 1993, la Cour dappel (CA ci-après) de Montpellier qualifie la clause litigieuse de clause d’indexation déguisée abusive car elle impose au consommateur une lecture croisée de notions trop complexe. 

 

La CA considère que, n’ayant pas averti les emprunteurs des risques liés au contrat de prêt libellé en devise étrangère et qu’en ayant fait une description technique d’un mécanisme complexe, la banque a manqué à son obligation de transparence. 

 

C’est pourquoi la CA déduit qu’une telle clause était volontairement inintelligible et crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment des emprunteurs. 

La clause doit donc être réputée non-écrite car abusive. 

 

Par cet arrêt, la CA de Montpellier rappelle que l’appréciation du caractère abusif d’une clause dans un prêt libellé en devise étrangère s’effectue au regard de l’exigence de transparence du professionnel envers le consommateur, ainsi que l’avait jugé la CJUE dans la décision BNP Paribas du 10 juin 2021, jurisprudence désormais appliquée par la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 20 avril 2022, 20-16.316) et par les juges du fond. 

Cette exigence comprend, d’une part, l’obligation pour la banque de décrire les mécanismes contractuels de telle sorte à ce que l’emprunteur puisse les comprendre facilement et, d’autre part, l’obligation d’avertir l’emprunteur des risques liés au contrat de prêt conclu. 

 

Voir également :   

CJUE, 6 Juillet 2023, aff. C593/22– First Bank SA  

 

Contrat entre professionnel et consommateur –  Contrat de prêt avec risque de change – interprétation de l’article 1re, paragraphe 2 de la directive 93/13 – Clauses contractuelles  « qui reflètent » des dispositions législatives ou réglementaires impératives  

  

EXTRAIT  

 

« L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,  

doit être interprété en ce sens que :  

afin de relever de l’exclusion du champ d’application de cette directive prévue par cette disposition, il n’est pas nécessaire que la clause insérée dans un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un professionnel cite littéralement la disposition législative ou réglementaire impérative du droit national correspondante ou comporte un renvoi exprès à celle-ci, mais il suffit qu’elle soit matériellement équivalente à cette disposition impérative, à savoir qu’elle ait le même contenu normatif.  

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE  

doit être interprété en ce sens que :  

afin de déterminer si une clause insérée dans un contrat de prêt conclu entre un consommateur et un professionnel relève de l’exclusion du champ d’application de cette directive prévue par cette disposition, n’est pas pertinente la circonstance que ce consommateur n’a pas eu connaissance du fait que cette clause reflète une disposition législative ou réglementaire impérative du droit national ».  

 

ANALYSE   

À titre liminaire, la Cour souligne que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 exclut du champ d’application de celle-ci les clauses « qui reflètent », notamment, des dispositions législatives ou réglementaires impératives. Elle indique que cette exception doit faire l’objet d’une interprétation stricte, en raison de l’objectif de protection des consommateurs, comme énoncé dans l’arrêt Trapeza Peiraios (C-243/20, EU:C:2021:1045, point 37). 

L’expression « dispositions législatives ou réglementaires impératives » englobe, selon une jurisprudence constante, les dispositions de droit national applicables entre les parties indépendamment de leur choix, ainsi que celles de nature supplétive (arrêt Trapeza Peiraios, point 30). 

En l’espèce, la question de la juridiction concerne la possibilité d’exclure du champ d’application de la directive 93/13, une clause qui « reflète » une disposition législative ou réglementaire impérative au regard de l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de ladite directive.  

La Cour rappelle que l’exclusion prévue par cette disposition de la directive 93/13 est justifiée par la présomption légitime selon laquelle le législateur national a établi un équilibre entre les droits et obligations des parties, préservation que le législateur de l’Union a expressément souhaité maintenir (arrêt Trapeza Peiraios, point 35). 

La Cour précise que pour qu’une clause contractuelle soit exclue du champ d’application de la directive, il est nécessaire que cette clause reproduise le contenu normatif d’une disposition impérative applicable au contrat en question. Cette reproduction peut se faire de manière littérale ou par un renvoi exprès, mais elle peut également être matériellement équivalente, même si formulée en des termes différents (arrêts RWE Vertrieb, C-92/11, EU:C:2013:180, point 30, et Aqua Med, C-266/18, EU:C:2019:282, points 35 à 38). Il n’est pas nécessaire que la clause cite littéralement la disposition législative ou réglementaire impérative du droit national correspondante ou comporte un renvoi exprès à celle.  

La Cour conclue en soulignant que la juridiction de renvoi doit évaluer si la clause contractuelle en question reflète, au sens de l’article 1re, paragraphe 2 de la directive 93/13, l’intégralité du contenu normatif d’une disposition  impérative applicable au contrat concerné. Pour cela, elle va devoir prendre en compte la nature du contrat, son économie générale, ainsi que le contexte juridique et factuel dans lequel il s’inscrit (arrêt du 6 juillet 2023, affaire C-593/22, First Bank, EU:C:2023:555). 

 

En outre, l’exclusion s’applique même si le consommateur n’a pas eu connaissance du fait que cette clause reflète une disposition législative ou réglementaire impérative du droit national .

 COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 29 juin 2023 nº 23/00740 

– déséquilibre significatif – déchéance du terme – exigibilité – contrat de prêt –  

 

 

EXTRAITS 

 

Il est de droit ( 1ère Civ., 22 mars 2023, pourvoi nº 21-16.044) que crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, une clause d’un contrat de prêt immobilier qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable. Une telle clause est abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi nº 2008-776 du 4 août 2008. » 

 

ANALYSE 

 

La Cour d’appel de Versailles (CA) a été saisi à la suite d’un litige opposant la banque la Société générale et des époux emprunteurs dans le cadre d’un contrat de prêt immobilier.  

L’offre de contrat de crédit affecté prévoyait une clause de déchéance du terme permettant au professionnel d’exiger un remboursement anticipé et immédiat en cas de non-paiement à l’échéance sans possibilité de régularisation de l’impayé.  

 

Le Fonds Commun de Titrisation Castanea venant aux droits de la Société générale, qui poursuit le recouvrement d’une créance contenant prêt des deux sommes par la saisie immobilière du bien de ses débiteurs, a saisi le juge de l’exécution.  

Un jugement a été rendu le 6 janvier 2023 par le juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière du tribunal judiciaire de Versailles qui a constaté la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière délivré à l’encontre des emprunteurs.  

Le Fonds Commun de Titrisation Castanea a interjeté appel de ce jugement.  

 

Les époux emprunteurs soutiennent que le créancier ne dispose pas d’une créance exigible mais surtout que la clause d’exigibilité anticipée contenue dans le prêt constitue une clause abusive. La Cour d’appel fait droit à leur demande. 

La clause d’exigibilité anticipée revêt en effet selon la Cour de toutes les caractéristiques d’une clause abusive, tant au regard du droit communautaire que du droit national, le déséquilibre significatif résultant d’une part du caractère discrétionnaire et unilatéral en faveur de la Société Générale, renforcé par les termes vagues employés, et d’autre part, de la sévérité de la clause, qui peut être mise en oeuvre à partir d’une seule mensualité, pour un prêt de 300 mensualités, et sans possibilité de régularisation de l’impayé. 

 

Conformément à la jurisprudence européenne (CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21) également mise en œuvre par la Cour de cassation dans la décision sur laquelle elle se fonde (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476), la Cour d’appel déboute le Fonds Commun de Titrisation Castanea de ses demandes au motif que la clause de déchéance du terme dont la Société Générale a fait application constitue une clause abusive, qui doit pour ce motif être écartée. 

 

 

Voir également : Cour d’appel de Colmar, 11 décembre 2023, SA Eurotitrisation, RG n° 23/00903 

CJUE, 8 juin 2023, aff. C-570/21 – I.S and KS c. YYY 

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrat à double finalité – Notion de “consommateur” – Critères – Protection des consommateurs   

  

EXTRAIT  

L’article 2, sous b), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,  

doit être interprété en ce sens que :  

relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, une personne ayant conclu un contrat de crédit destiné à un usage en partie lié à son activité professionnelle et en partie étranger à cette activité, conjointement avec un autre emprunteur n’ayant pas agi dans le cadre de son activité professionnelle, lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de ce contrat.  

 

L’article 2, sous b), de la directive 93/13  

doit être interprété en ce sens que :  

afin de déterminer si une personne relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, et, plus particulièrement, si la finalité professionnelle d’un contrat de crédit conclu par cette personne est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de ce contrat, la juridiction de renvoi est tenue de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes entourant ce contrat, tant quantitatives que qualitatives, telles que, notamment, la répartition du capital emprunté entre une activité professionnelle et une activité extraprofessionnelle ainsi que, en cas de pluralité d’emprunteurs, le fait qu’un seul d’entre eux poursuit une finalité professionnelle ou que le prêteur a subordonné l’octroi d’un crédit destiné à des fins de consommation à une affectation partielle du montant emprunté au remboursement de dettes liées à une activité professionnelle.  

»  

  

ANALYSE   

 La CJUE était saisie du point de savoir su peut être qualifiée de « consommateur » une personne ayant conclu un contrat de crédit destiné à un usage en partie lié à son activité professionnelle et en partie étranger à cette activité, conjointement avec un autre emprunteur n’ayant pas agi dans le cadre de son activité professionnelle, lorsque le lien existant entre ce contrat et l’activité professionnelle de cette personne est non pas marginal au point d’avoir un rôle négligeable dans le contexte global dudit contrat, mais est à ce point limité qu’il n’est pas prédominant dans ce contexte. 

 

La CJUE commence par rappeler qu’elle a eu à traiter de cette question dans le cadre de l’interprétation des règles de compétence en matière de contrats conclus avec les consommateurs prévues par la convention de Bruxelles. Elle rappelle qu’elle avait jugé que qu’une personne qui a conclu un contrat pour un usage se rapportant en partie à son activité professionnelle, et n’étant donc qu’en partie seulement étranger à celle-ci, n’est pas en droit de se prévaloir du bénéfice des règles de compétence spécifiques en matière de contrats conclus avec les consommateurs prévues par la convention de Bruxelles, sauf si l’usage professionnel est marginal au point d’avoir un rôle négligeable dans le contexte global de l’opération en cause (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2005, Gruber, C464/01, EU:C:2005:32, points 39 et 54). 

 

Cependant, la présente affaire est l’occasion pour la CJUE d’indique que l’article 2, sous b), de la directive 93/13 n’est pas une disposition devant faire l’objet d’une interprétation stricte et que compte tenu de la ratio legis de cette directive visant à protéger les consommateurs en cas de clauses contractuelles abusives, l’interprétation stricte de la notion de « consommateur » retenue dans l’arrêt Gruber, aux fins de la détermination de la portée des règles de compétence dérogatoires prévues aux articles 13 à 15 de la convention de Bruxelles en cas de contrat à double finalité, ne saurait être étendue, par analogie, à la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13. 

 

Elle en déduit que relève de la notion de « consommateur », au sens de cette disposition, une personne ayant conclu un contrat de crédit destiné à un usage en partie lié à son activité professionnelle et en partie étranger à cette activité, conjointement avec un autre emprunteur n’ayant pas agi dans le cadre de son activité professionnelle, lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global de ce contrat. 

 

En d’autres termes, il suffit que la finalité professionnelle ne soit pas prédominante pour que la personne puisse être qualifiée de consommateur. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit marginale.  

 

La CJUE précise ensuite les critères pour déterminer, dans un contrat de prêt « mixte » (lorsque les fonds alloués sont partiellement affectés à une activité professionnelle et une autre partie à des fins de consommation étrangères à une activité professionnelle), si la finalité professionnelle n’est pas prédominante.  

 

Elle indique que le juge est tenu de prendre en considération toutes les circonstances pertinentes entourant ce contrat, tant quantitatives que qualitatives. La Cour précise que c’est le cas de la répartition du capital emprunté entre une activité professionnelle et une activité extraprofessionnelle ainsi que, en cas de pluralité d’emprunteurs, le fait qu’un seul d’entre eux poursuit une finalité professionnelle ou que le prêteur a subordonné l’octroi d’un crédit destiné à des fins de consommation à une affectation partielle du montant emprunté au remboursement de dettes liées à une activité professionnelle (pt 57). 

 

Elle ajoute que ces critères ne sont ni exhaustifs ni exclusifs, de sorte qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’examiner l’ensemble des circonstances entourant le contrat en cause au principal et d’apprécier, sur la base des éléments de preuve objectifs dont il dispose, dans quelle mesure la finalité professionnelle ou non professionnelle de ce contrat est prédominante dans le contexte global de ce dernier (pt 58). 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 4 MAI 2023, RG n°22-03023
– déséquilibre significatif – clause abusive – contrat de prêt – nullité – prescription  

 

EXTRAITS  

 

le fait qu’une personne morale n’ait, par principe, aucun but lucratif, n’est pas exclusif de l’exercice d’une activité professionnelle et l’application du droit de la consommation à une opération de crédit dépend non point de la personnalité de la personne physique ou morale qui s’engage mais de la destination contractuelle du prêt, fût-elle accessoire, comme cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation (Cass com, 04 novembre 2021, pourvoi n° 20-11099, Cass civ 1ère, 20 mai 2020, pourvoi n° 19-13461, publiés au bulletin). 

Au cas particulier, c’est à juste titre que la société Dexia se prévaut du fait que le contrat de prêt  destiné à financer des investissements de l’emprunteur est intervenu dans le cadre des activités professionnelles d’Arc en ciel et étaye son affirmation en évoquant le procès-verbal du Conseil d’administration d’Arc en ciel du 20 décembre 2007 selon lequel le prêt a pour objet de financer l’acquisition de l’immeuble de l’établissement construit par Nouveau Logis Provençal sur un terrain propriété de l’association, de financer les immobilisations immobilières de l’établissement Grande Linche, de consolider la trésorerie globale de l’association’ 

Par suite, la destination professionnelle de ce contrat de financement exclut l’application au litige du droit de la consommation. » 

 

ANALYSE  

 La Cour d’appel de Versailles (CA) a été saisie à la suite d’un litige opposant la société Dexia Crédit Local, ayant consenti à l’association de Parents et Amis d’Enfants Handicapés Chrysalide Arc en ciel un prêt au montant de 3.000.000 euros destiné à financer des investissements liés à ses activités de personnes en situation de handicap. Ce prêt était consenti pour une durée de 19 ans et 11 mois avec différents taux. Ce contrat relatif au remboursement anticipé du prêt possédait un article 9 dans lequel il est indiqué les méthodes de remboursement et stipulait qu’en cas de réponse négative ou à défaut de réponse dans un certain délai, le remboursement anticipé n’aurait pas lieu.

En raison de difficultés financières, l’association Arc en Ciel a procédé à un transfert partiel d’actif à l’Association Régionale pour l’Intégration qui comprenait le contrat de prêt litigieux avec l’accord de la société Dexia. La société. Le 13 février 2013, la société Dexia a été assignée devant le tribunal de grande instance de Nanterre par l’association ARI au motif que le prêt entrait dans la catégorie des emprunts qualifiés de “toxiques” et de ce fait il devait y avoir une annulation du contrat pour manquement de la banque à ses obligations. L’appelante soutenait également que la clause créait un déséquilibre significatif caractérisé par l’avantage disproportionné qu’elle procure à la société Dexia en regard du coût du manque à gagner enregistré à la date de réalisation. Par ordonnance rendue le 30 août 2019, le juge de la mise en état déboute l’association ARI de sa demande de calcul de l’indemnité de remboursement anticipé au motif que la procédure de l’article 9 du contrat de prêt n’a pas été respectée en ce que l’association n’a présenté aucune demande de remboursement.

Par ordonnance du 21 octobre 2020, le juge déboute l’association ARI de sa nouvelle demande de communication des pièces au motif que la demande de remboursement anticipé n’a pas été maintenue au jour de la fixation et condamne l’association ARI au versement d’une indemnité de procédure. Par un jugement contradictoire rendu le 04 février 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré irrecevable car prescrite l’action engagée par l’Association Régional pour l’Intégration. La société ARI fait appel et soutient l’annulation de ce contrat au motif que cette clause doit être qualifiée d’abusive du fait du déséquilibre significatif et que la qualité de non professionnel de l’association Arc en ciel lui permet de bénéficier des dispositions de l’article L132-1 du code de la consommation.

La Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 4 mai 2023, confirme les ordonnances rendues en 2019 et en 2020 et rejette la demande de nullité du contrat de prêt fondé sur l’existence d’une clause abusive et déclare donc irrecevable la demande formée par l’association Association Régionale d’Insertion à l’encontre de la société Dexia Crédit Local. Elle considère que l’association ne peut être qualifiée de non-professionnelle. A cet égard, l’article liminaire du code de la consommation définit le non-professionnel comme « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ». 

Se fondant sur la circonstance que le contrat de prêt était destiné à financer des investissements de l’association dans le cadre de ses activités professionnelles, la Cour d’appel en déduit la finalité professionnelle de l’emprunt et écarte par conséquent la qualité de non professionnel. L’association ne peut donc pas bénéficier, sur le fondement du code de la consommation, de la caractérisation du déséquilibre significatif affectant le prêt. 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE, 27 AVRIL 2023, RG 21/03683 

Contrat de prêt – TEG (Taux Effectif Global) – déséquilibre significatif   

 

EXTRAITS  

 

« Il en résulte que l’exclusion du calcul du TEG des effets de la période d’anticipation n’a pas créé, au préjudice des appelants, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, ne permettant pas à ces consommateurs (il s’agit d’un prêt immobilier destiné à l’acquisition de l’habitation des époux [C], éligibles en outre à un prêt à taux 0) d’apprécier le taux réel du TEG, ainsi que le montant réel du coût de leur acquisition, puisque ces montants dépendaient de l’engagement des travaux, obligation leur incombant». 

  

 

ANALYSE :  

 

La Cour d’appel de Grenoble a été saisie par deux consommateurs ayant contracté un prêt immobilier avec Crédit Immobilier de France Développement. La Cour était saisie d’une contestation sur le coût de l’assurance (CA Grenoble, 27 avril 2023, RG 21/03683). En outre, l’offre initiale comprenait un taux fixe suivi d’un taux variable, mais les époux ont constaté des anomalies dans les calculs d’intérêts et l’absence d’un TEG intégrant la période d’anticipation. Le tribunal de commerce a rejeté leur action comme prescrite, mais en appel, les époux demandent la recevabilité de leur action, l’annulation de la clause d’intérêts, la substitution du taux légal, la réévaluation des tableaux d’amortissement, la restitution des trop-perçus, la déchéance des intérêts conventionnels, des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté, et une indemnité de 6000 euros. 

 

La Cour d’appel de Grenoble n’a pas considéré l’exclusion du taux effectif global comme étant abusive. La Cour justifie l’exclusion de la période d’anticipation du calcul du TEG en raison de la spécificité du prêt concernant l’acquisition d’un bien avec des travaux. La Cour a souligné que les modalités de l’amortissement de la créance ne pouvaient être calculées à l’offre de prêt, car le coût de la période d’anticipation dépendait de l’action des emprunteurs.  

 

Ainsi, la Cour d’appel de Grenoble a estimé que cela n’a pas empêché les consommateurs d’apprécier le taux réel du TEG et le coût réel de leur acquisition, étant donné que ces montants dépendaient de l’engagement des travaux, une obligation incombant aux emprunteurs. 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE, 27 AVRIL 2023, RG 21/03683 

 

Assurance – contrat de prêt – obligation de loyauté – clause abusive 

 

EXTRAITS  

 

Il résulte de ces éléments d’une part qu’aucune clause abusive n’a été stipulée dans l’offre de prêt, alors que d’autre part, l’intimée n’a pas manqué à son obligation de loyauté dans la formation et l’exécution du contrat. La cour note que selon le tableau d’amortissement édité en 2019, le montant du taux d’intérêt a toujours varié à la baisse, au profit des appelants.  

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, la cour d’appel de Grenoble a été saisie par deux consommateurs qui ont contracté un contrat de prêt avec la société Crédit Immobilier de France Développement (CIFD). La Cour était saisie d’une contestation sur le calcul du TEG (CA Grenoble, 27 avril 2023, RG 21/03683) rendue sur la même décision). Elle était également saisie d’une contestation sur une assurance couvrant le bien financé prévue dans ce contrat, pour laquelle les consommateurs avaient assigné la société CIFD devant le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté contractuelle. 

 

La cour d’appel de Grenoble a considéré qu’une telle clause ne pouvait être considéré comme abusive. En effet, selon la cour d’appel le coût d’une assurance couvrant un bien financé n’est pas une condition subordonnant la conclusion du prêt, notamment lorsque le montant des primes d’assurances n’est pas inclus dans le calcul du taux effectif global au sens de l’article L313-1 (ancien) du Code de la consommation. Ainsi, aucune clause abusive n’a été stipulée dans l’offre de prêt.  

D’autre part, l’intimée n’a pas manqué à son obligation de loyauté dans la formation et l’exécution du contrat. La cour note que selon le tableau d’amortissement édité en 2019, le montant du taux d’intérêt a toujours varié à la baisse, au profit des appelants. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a débouté les appelants de l’ensemble de leurs demandes, en ce qu’il les a condamnés au paiement des frais irrépétibles et des dépens. 

 

Voir également : Recommandation relative à une assurance complémentaire à un crédit

Cass. civ. 2ème , 13 avril 2023, n° 21-14.540 

Acte de prêt notarié – prêt libellé en francs suisses – clause abusive – office du juge – autorité de la chose jugée -juge de l’exécution 

 

EXTRAITS : 

« Vu les articles 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993
concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, L. 132-1, alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation. 

[…] 

Il résulte de ce qui précède que, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à la créance dont le recouvrement est poursuivi sur le fondement d’un titre exécutoire relatif à un contrat, le juge de l’exécution est tenu, même en présence d’une précédente décision revêtue de l’autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, sauf lorsqu’il ressort de l’ensemble de la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée que le juge s’est livré à cet examen, et pour autant qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’examiner d’office si les clauses insérées dans le contrat conclu entre le professionnel et le non-professionnel ou consommateur ne revêtent pas un caractère abusif. » 

 

ANALYSE : 

Dans une très importante décision, promise au Rapport annuel, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation étend l’obligation de relever d’office des clauses abusives qui pèse sur le juge national aux frontières des décisions revêtues de l’autorité de la chose jugée. 

 

Un prêt libellé en devises étrangères a été effectué le 25 juin 2008 par acte notarié. Le 11 octobre 2013 a été délivré, par le prêteur, un commandement de payer valant saisie immobilière sur le bien immobilier objet du prêt.  

Le 10 juillet 2014, le juge de l’exécution a fixé le montant de la créance et ordonné la vente forcée du bien. A la suite de la vente en 2015, la banque a fait pratiquer, le 4 septembre 2018, une saisie attribution sur les comptes de l’emprunteur afin d’obtenir le paiement du solde du prêt. Une contestation de la part de l’emprunteur a alors été formée devant le juge de l’exécution. Les demandes de l’emprunteur ayant été refusées, il forme un pourvoi en cassation en invoquant notamment l’obligation de relever d’office le caractère abusif des clauses d’un contrat. La banque conteste la recevabilité du moyen, les poursuites n’étant pas fondées sur le contrat de prêt notarié mais sur un jugement doté de l’autorité de la chose jugée, s’étant substitué au contrat. 

La Cour de cassation écarte cependant le grief au motif que le moyen, en ce qu’il invoque l’obligation pour le juge d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle, est né de la décision attaquée. 

Sur le fond, la 2ème chambre civile vient faire application du droit de l’Union Européenne en rappelant, premièrement, que la législation européenne enjoint aux Etats membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de cesser l’utilisation de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs et que, deuxièmement, le juge a l’obligation de relever d’office le caractère abusif de clauses contractuelles dans les contrats opposant un consommateur à un professionnel (CJCE, 4 Juin 2009, C-243/08, Pannon).  

Elle rappelle ensuite la jurisprudence de la CJUE quant à la portée du relevé d’office en présence d’un jugement doté de l’autorité de la chose jugée. A cet égard, la Cour de justice considère que la directive 93/13 ne s’oppose pas à une législation nationale qui écarte l’obligation de relever d’office le caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles lorsqu’une procédure hypothécaire a complètement été réalisée. Cependant, l’interdiction du relevé d’office suppose que le consommateur a pu tout de même faire valoir ses droits dans une procédure subséquente (CJUE, 17 mai 2022,C-600/19, Ibercaja Banco). 

Elle en déduit que lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à la créance dont le recouvrement est poursuivi sur le fondement d’un titre exécutoire relatif à un contrat, le juge de l’exécution est tenu, même en présence d’une précédente décision revêtue de l’autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, sauf lorsqu’il ressort de l’ensemble de la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée que le juge s’est livré à cet examen. 

 

Or, en l’espèce la décision revêtue de l’autorité de la chose jugée n’avait pas procédé à l’examen des clauses abusives. Certes, comme le rappelle la Cour de cassation, l’examen d’office du caractère abusif des clauses suppose que le juge dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (C. consom., art. R. 632-1, al. 2). Cependant, les éléments étaient ici réunis. Ils résultent de la jurisprudence de la CJUE caractérisant le déséquilibre significatif dans les contrats de prêts libellés en devise étrangère (CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas, aff. C-776/19 à C-782/19).  

La deuxième chambre civile prend soin à cet égard d’observer que sur le fondement de cet arrêt de la CJUE, « la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui, statuant dans un litige portant sur un contrat de prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros, a dit que la clause de monnaie de compte ne présentait pas un caractère abusif (1re Civ., 20 avril 2022, pourvoi n° 19-11.600) ».  

Elle en déduit donc que dans la présente affaire, la cour d’appel de Versailles disposait « des éléments de droit et de fait nécessaires » pour examiner d’office « si les clauses du prêt notarié libellé en devise étrangère, fondement de la saisie-attribution, revêtaient ou non un caractère abusif ». Elle casse donc l’arrêt qui a retenu que le quantum de la saisie attribution est justifié, sans avoir recherché si les clauses du contrat de prêt libellé en devises étrangères contenaient des clauses abusives.  

Voir également :  

 

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.044 

Contrat de prêt immobilier — Clause de déchéance du terme — Directive 93/13— Aggravation des conditions de remboursement —  

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 :  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 
  2. Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l’article 3, paragraphe 1 de la directive 93/13 devait être interprété en ce sens que s’agissant de l’appréciation par une juridiction nationale de l’éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt. 
  3. Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l’arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu’il dégageait pour l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d’apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle. 
  4. Pour exclure le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du contrat de prêt, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l’emprunteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire, en cas de défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur, l’arrêt retient que la déchéance du terme a été prononcée après une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont les emprunteurs disposaient pour y faire obstacle et que la clause prévoyait la sanction du non-respect de l’obligation principale du contrat de prêt, conformément au mécanisme de la clause résolutoire. 
  5. En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

ANALYSE : 

Un couple de consommateurs avait eu recours à un prêt immobilier contenant notamment une clause de déchéance du terme. Cette clause prévoyait un délai de 8 jours pour contester la mesure à compter de la mise en demeure. A la suite d’un impayé, la société prêteuse invoquait alors la déchéance du terme et avait donc engagé une procédure d’exécution forcée sur des biens des consommateurs. Les consommateurs contestent l’application de cette clause en affirmant que cette dernière est abusive. Les juges du fond rejettent le caractère abusif de la clause de déchéance de terme au motif que celle-ci avait été invoquée après une mise en demeure restée sans effet et précisant le délai dans lequel les consommateurs pouvaient y faire obstacle.  

La Première Chambre Civile, se fondant sur les critères d’appréciation de la déchéance du terme posés par la décision Banco Primus, puis précisés par la décision Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest (rendue sur question préjudicielle de la Cour de cassation)  casse la décision des juges du fond. Selon la Première Chambre Civile, ladite clause ne contenait pas un préavis d’une durée raisonnable, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des consommateurs qui se voyaient ainsi exposés à une aggravation soudaine de leurs conditions de remboursement. C’est donc le caractère insuffisant du délai qui est ici sanctionné par la Cour de cassation. De façon plus générale, l’article R.212-4° du code de la consommation présume abusive de façon simple la clause qui reconnaît au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable. 

 

Voir également : 

-  CJUE, 26 janvier 2017, C-421/14 

CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21