Cour d'appel
Dans un contrat de prêt immobilier en devise étrangère, les clauses d’indexation ne sont pas claires et compréhensibles dès lors que l’emprunteur ne peut pas évaluer le risque significatif d’évolution défavorable de la parité

COUR D’APPEL DE PARIS, 19 Avril 2023, RG 19/19454

COUR D’APPEL DE PARIS, 19 Avril 2023, RG 19/19454 

– contrat de crédit immobilier – clause d’indexation – clause abusive – clause illicite – 

 

EXTRAITS  

« S’il résulte de ces stipulations une énonciation, compréhensible sur les plans formel et grammatical, des conditions et modalités d’exécution du prêt, il n’en reste pas moins qu’au-delà de cette description de ses caractéristiques – se voulant exhaustive sur le plan technique au prix d’une prise de connaissance de longues stipulations non dénuées de complexité -, les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse n’y sont pas mis en relief ni même explicités en eux-mêmes de telle sorte que l’emprunteur puisse envisager concrètement l’impact économique, potentiellement significatif, d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel il accepte de s’exposer, le cas échéant.». 

 

 

ANALYSE   

 

La Cour d’appel de Paris (CA ci-après) a été saisi par deux consommateurs ayant conclu un contrat de crédit immobilier avec la société Union de Crédit pour le Bâtiment (ci-après UCB). Dans le contrait, il était stipulé des clauses prévoyant que la monnaie de compte était le franc suisse et que la monnaie de paiement l’euro. Le risque de change pesait sur les emprunteurs. Par assignation délivrée le 23 décembre 2015 à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de l’UCB, les consommateurs ont demandé la nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêt ainsi que la restitution des intérêts indûment perçus et l’application de l’intérêt légal pour l’avenir au tribunal de grande instance de Paris. Le 4 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Paris a jugé les demandes irrecevables en raison de la prescription. Suite à un sursis à statuer ordonné par le conseiller de la mise en état le 4 janvier 2022 en attente d’arrêt à intervenir de la Cour de cassation, les consommateurs ont sollicité la constatation de la survenance de la cause du sursis le 20 avril 2022 et ont saisi la CA de Paris le 1er juillet 2022.  

 

 

 

La CA de Paris a considéré que les clauses portaient sur l’objet principal du contrat. Aussi, pour considérer qu’elles étaient abusives, il fallait d’abord se fonder, comme elle l’a fait, sur les anciens articles L.131-1 du Code de la consommation, L.132-1 alinéa 7 du Code de la consommation ainsi que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 tel qu’interprété par les arrêts C-609/19 et C-288/20 du 10 juin 2021 de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE ci-après), et décider que les clauses contestées n’étaient pas claires et compréhensibles. En effet, à la lecture des clauses litigieuses, elle affirme que : « S’il résulte de ces stipulations une énonciation, compréhensible sur les plans formel et grammatical, des conditions et modalités d’exécution du prêt, il n’en reste pas moins qu’au-delà de cette description de ses caractéristiques – se voulant exhaustive sur le plan technique au prix d’une prise de connaissance de longues stipulations non dénuées de complexité -, les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse n’y sont pas mis en relief ni même explicités en eux-mêmes de telle sorte que l’emprunteur puisse envisager concrètement l’impact économique, potentiellement significatif, d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel il accepte de s’exposer, le cas échéant. ».  

 

 Ainsi, elle en a déduit qu’il y’avait lieu d’examiner si les clauses contestées avaient pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l’emprunteur. La CA de Paris s’est livrée à cet examen à la lumière des arrêts C-609/19 et C-288/20 du 10 juin 2021 de la CJUE. Elle a conclu que la banque ne pouvait s’attendre à ce que les consommateurs puissent accepter de contracter s’ils avaient été « normalement informées du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et en mesure d’évaluer les conséquences économiques négatives potentielles. » Autrement dit, elle a déduit que les droits et obligations des parties étaient déséquilibrées au détriment des consommateurs. Les clauses étaient donc abusives.  

 Voir également :

CJUE 10 juin 2021 C-609/19
CJUE 10 juin 2021 C-776/19 à C-782/19