Cass. civ.1ère, 14 février 2024, n°22-21.135 

 

Contrat de prêt immobilier – Taux révisable – Clause de remboursement – Nullité des prêts – Transparence des clauses – Obligations d’information – Devise étrangère. 

 

EXTRAITS : 

«  Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 

  

  1. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19, BNP Paribas Personal Finance), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, § 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. 
  2. Pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusives les clauses critiquées, l’arrêt retient, d’une part, que ces clauses définissent l’objet principal des contrats de prêt, qu’elles sont parfaitement claires et compréhensibles, en ce qu’elles prévoient que la monnaie de compte est le franc suisse, que le remboursement se fait en euros et que les emprunteurs sont soumis au risque du taux de change, d’autre part, que les clauses du prêt sont peu lisibles, particulièrement complexes et qu’elles ne permettent pas de réaliser de façon claire et transparente que le capital restant dû à l’issue de la durée initiale allongée de cinq ans peut être bien supérieur à celui initialement prévu et que les simulations ne permettaient pas de comprendre les conséquences économiques des crédits, de sorte que la banque a manqué à son obligation d’information transparente sur les conséquences économiques des prêts ».

 

ANALYSE : 

En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance a accordé deux prêts immobiliers en francs suisses à un couple de consommateurs le 1er avril 2009, avec des taux révisables tous les trois ans. Ces derniers ont poursuivi la banque en justice, alléguant l’abus de la clause de remboursement et réclamant des dommages-intérêts pour défaut d’information et de mise en garde. La Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 132-1 du code de la consommation et conformément à l’arrêt BNP Paribas Personal Finance (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C782/19), a jugé que les clauses du contrat étaient peu lisibles, particulièrement complexes et ne permettaient pas une compréhension claire des conséquences économiques des prêts pour les emprunteurs, constituant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En conséquence, la Cour a cassé l’arrêt attaqué, confirmant ainsi sa jurisprudence antérieure mettant en œuvre la jurisprudence de la CJUE précitée. 

Voir également : 

CJUE, 10 juin 2021, BNP Parisbas Personal Finance, C-776/19 à C782/19

Cass. civ 1, 29 novembre 2023, n° 22-19.688 

Contrat de prêt — Crédit libellé en devise étrangère — Directive 93/13— Transparence —Déséquilibre significatif 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 :  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 
  2. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat
  3. Pour rejeter la demande tendant à voir réputer non écrite les clauses 4.3 et 9.5 du contrat de prêt, l’arrêt retient, d’une part, qu’elles définissent l’objet principal du contrat, et, d’autre part, après en avoir rappelé les termes, que même si les documents contractuels ne contenaient pas d’éléments simulant concrètement une variation du cours de change à la hausse ou à la baisse et les effets sur le montant d’une mensualité qui serait payée en euros, du capital qui serait remboursé par anticipation en euros ou du montant des sommes restant dues en cas de conversion du prêt en euros, les emprunteurs ont signé, le 9 novembre 2015, une attestation par laquelle ils déclarent notamment avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse, de sorte que ces clauses, rédigées en des termes clairs et compréhensibles, au demeurant éclairées par l’information spécialement et distinctement fournie sur le risque de change lié au cours du franc suisse qu’ils ont reconnu avoir reçue en signant l’attestation précitée avant de souscrire l’offre de prêt, était suffisamment claire et compréhensible pour permettre aux emprunteurs, dont le caractère de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé sera retenu, en l’absence de toute preuve contraire, de comprendre la portée concrète du fonctionnement du prêt et du risque. 
  4. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

ANALYSE : 

Un couple de consommateurs avait eu recours à un contrat de prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros via un taux d’intérêt variable indexé sur le Libor. Les consommateurs assignent la banque et contestent l’application des clauses relatives au risque de change en affirmant que ces dernières sont abusives. Les juges du fond rejettent la qualification desdites clauses comme abusives au motif que celles-ci portent sur l’objet principal du contrat et que les consommateurs avaient signé une attestation par laquelle ils affirmaient avoir pris connaissance des risques de change liés à l’indexation du prêt au cours du franc suisse, rendant ainsi l’information suffisamment claire et compréhensible.  

La Première Chambre Civile censure le raisonnement des juges du fond en affirmant que la banque n’avait pas fourni les informations suffisantes et exactes pour permettre aux consommateurs de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme et les risques économiques qui en découlaient pour le couple de consommateurs. Ainsi, la banque n’avait pas communiqué aux consommateurs une information suffisamment claire et compréhensible. Les juges du fond auraient dû apprécier le caractère abusif desdites clauses découlant de l’absence de transparence dans les informations fournies. L’arrêt est une application de la jurisprudence dite BNP Paribas (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C/782/19) à laquelle la Cour de cassation est désormais familière. 

Voir également : 

-  CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C/782/19 

CJUE 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance SA 

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 24 OCTOBRE 2023, RG n°22/02941 

– déséquilibre significatif – subrogation – contrat de prêt – réputée non écrite – clause de réserve de propriété 

  

EXTRAITS 

  

« En application de l’article L132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure au 14 mars 2016 (nouvel article L212-1), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 

  

Ces clauses sont réputées non écrites. 

  

Or, conformément à l’avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation, dès lors que l’auteur du paiement de la chose n’est pas le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l’acquisition d’un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété. 

  

La clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l’emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l’exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment. 

  

Selon le même avis, est également abusive, sauf preuve contraire, la clause prévoyant la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage portant sur le même bien. 

  

En conséquence, la clause de réserve de propriété insérée dans le contrat de prêt consenti par la société Volkswagen Bank à Mme [R] sera réputée non écrite. » 

  

ANALYSE 

  

La Cour d’appel de Versailles (CA) a été saisie à la suite d’un litige opposant un locataire, ayant souscrit une offre préalable de location avec option d’achat d’un véhicule de la marque Volkswagen, avec la société Volkswagen (loueur). L’offre de contrat de crédit affecté prévoyait une clause de réserve de propriété et que « le vendeur subroge le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété à l’instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur ». De plus, il était convenu que « le prêteur puisse opter pour l’inscription d’un gage à la préfecture ce qui implique renonciation au bénéfice de la réserve de propriété ». Puis, les loyers étant restés impayés à compter de 1er novembre 2018, le loueur a entendu se prévaloir de la déchéance du terme le 13 septembre 2019. Il a assigné le locataire devant le juge des contentieux de la protection de Pontoise, notamment pour obtenir la restitution du véhicule. Ayant été débouté de ses demandes, il interjette appel devant la CA. Le 27 mars 2023, un courrier a été adressé par le greffe de la première chambre B de la CA au Conseil de la société Volkswagen afin de lui indiquer qu’il était envisagé de déclarer non écrite la clause subrogeant le prêteur dans la réserve de propriété du fait de son caractère abusif. Ce courrier n’a pas donné suite de la part du Conseil de la société Volkswagen.  

  

La CA rappelle qu’en vertu de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, une clause est abusive lorsqu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En droit français, de telles clauses sont réputées non écrites. En application de cette disposition et conformément à l’avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation, la CA a reconnu que la clause prévoyant la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur. En effet, dès lors que le prêteur n’est pas l’auteur du paiement mais uniquement celui qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client, la subrogation prévue est inopérante. La CA considère qu’une telle subrogation entrave l’exercice du droit de propriété de l’emprunteur, créant ainsi un déséquilibre significatif à son détriment. La Commission des clauses abusives avait recommandé la suppression de cette clause dans sa recommandation sur les contrats de crédit à la consommation (Recomm. n°21-01, Contrats de crédit à la consommation, pt 28). 

De plus, une clause qui prévoit la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage sur le même bien est également considéré comme étant abusive par la CA. Par conséquent, la clause de réserve de propriété litigieuse doit être réputée non écrite, en ce qu’elle est abusive.  

 

Le prêteur se trouve donc débouté de son action en restitution du véhicule. 

 

 

Voir également : Recomm. n°21-01, Contrats de crédit à la consommation, pt 28.

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

action en restitution – clause abusive – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« Il en résulte que le Crédit mutuel n’est pas fondé à solliciter les restitutions sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution ni à invoquer les dispositions de l’article 1343 du code civil dès lors que la constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat implique que l’emprunteur soit replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en l’absence de telles clauses de sorte que M. [T] n’est tenu de restituer que l’équivalent en euros de la somme empruntée en francs suisse selon le cours du change alors appliqué au contrat. » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir le prêt prévoit une clause de remboursement abusive. 

Après décision de première instance, l’emprunteur interjette appel et fait grief au jugement de l’avoir débouté de sa demande. Il soutient que le contrat de prêt doit être annulé en présence d’une clause abusive et qu’en conséquence de son anéantissement rétroactif, les restitutions réciproques entre les parties s’imposent sans que la banque lui fasse supporter un risque de change. 

La banque rétorque que les actions en constatation du caractère abusif et en restitution des sommes indues sont prescrites et à titre subsidiaire que les restitutions doivent s’opérer sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution. 

 

La Cour d’appel de Douai (CA ci-après) juge abusive la clause de remboursement qui crée un déséquilibre significatif dû au manque de transparence du banquier (lien hyper texte vers fiche 1) et écarte les fins de non recevoir tirées de la prescription. 

 

La CA rappelle que selon une décision du 21 décembre 2016 (C-154/15) de la Cour de justice de l’Union européenne, une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée comme n’ayant jamais existé et, donc, la constatation du caractère abusif de la clause doit permettre de replacer le consommateur dans la situation dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de ladite clause.  

 

En se fondant sur cette décision européenne, la CA juge que les restitutions ne peuvent s’opérer sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution dès lors que la constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat implique que l’emprunteur soit replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en l’absence de telles clauses. 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai procède à l’application d’une jurisprudence antérieure de Cour de cassation datant du 12 juillet 2023 (n°22-17.030) selon laquelle l’emprunteur doit restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et la banque doit restituer à l’emprunteur toutes les sommes perçues en exécution du prêt c’est-à-dire la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.  

 

Voir également :  

CCA Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030 

CA Douai 19-10-23

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

clause abusive – clause de remboursement –  déséquilibre significatif – devoir d’information – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la clause de « remboursement du crédit », même éclairée par les autres stipulations du contrat de prêt n’est pas rédigée de manière claire et qu’elle n’est pas intelligible en elle-même car lacunaire pour l’emprunteur puisque la détermination exacte des opérations de change nécessaires à l’exécution du prêt n’apparaît pas.  

D’autre part, la stipulation d’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre la banque prêteuse et l’emprunteur en ce que ce dernier n’est pas mis en mesure d’envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et n’a pas été suffisamment informé des mécanismes de change.  

En conséquence, la clause de remboursement du crédit 5.3 rapportée ci-dessus et la clause en lien avec celle-ci 10.5 doivent être déclarées non écrites. » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir que le prêt prévoit un remboursement en CHF interdit et que la banque a manqué à son devoir d’information. 

Après décision de première instance, l’emprunteur interjette appel et fait grief au jugement de l’avoir débouté de ses demandes pour cause de prescription. 

 

Se fondant sur l’ancien article L132-1 du Code de la consommation et sur l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, tel qu’interprété par arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE ci-après) en date du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour dappel de Douai (CA ci-après) considère que la clause de remboursement ne donnait pas les informations nécessaires à l’emprunteur sur le mécanisme de change.  

De ce fait, l’emprunteur n’étant pas en mesure d’évaluer et prévenir correctement les risques liés à la fluctuation des monnaies. Ainsi, la CA déduit qu’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre les parties en raison du manque de transparence du banquier.  

La clause doit donc être réputée non-écrite car abusive. 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai rappelle que l’appréciation du caractère abusif d’une clause dans un prêt libellé en devise étrangère s’effectue au regard du devoir d’information du professionnel envers le consommateur quant aux risques liés au remboursement d’un tel prêt. 

Ici, la CA procède de nouveau à une application de la jurisprudence européenne (CJUE 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19) et confirme que le principe de transparence matérielle des clauses induit un devoir dinformation du banquier sur le risque des conséquences économiques négatives des clauses en devises étrangères (Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-20.717). 

 

La CA de Douai se prononce également sur les restitutions : CA Douai ; 19-10-23 

 

Voir également :  

CJUE, 1ère ch., 10 juin 2021, aff C-776/19 à C- 782/19

CCA sur Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-17.996

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

réparation du préjudice – clause abusive – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« La banque ayant manqué à son obligation d’information, elle sera tenue de réparer le préjudice ainsi causé, lequel ne peut s’analyser qu’en une perte de chance d’éviter la réalisation du risque de change qu’il convient d’évaluer à 70 % en tenant compte, notamment, du contexte de stabilité dans lequel l’emprunteur a contracté, et de l’avantage qu’il espérait pouvoir tirer d’un prêt en devises en termes de niveau du taux d’intérêt.  » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir que le prêt prévoit une clause de remboursement abusive et que la banque a manqué à son devoir d’information. 

 

La Cour dappel de Douai (CA ci-après) considère que la clause de remboursement ne donnait pas les informations nécessaires à l’emprunteur sur le mécanisme de change. De ce fait, la CA juge abusive la clause de remboursement qui crée un déséquilibre significatif dû au manquement du banquier à son obligation d’information (CA Douai ; 19-10-23). 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai rappelle que l’obligation d’information mise à la charge de la banque repose sur les dispositions de l’article 1147 du Code civil et qu’en cas de manquement à cette obligation, la banque sera tenue de réparer le préjudice causé. 

 

La CA précise que la banque devra indemniser le préjudice résultant de son défaut d’information et que ce préjudice correspond à l’opportunité manquée pour l’emprunteur d’éviter les fluctuations du taux de change, évaluée à 70%. Cette évaluation doit prendre en considération le contexte de stabilité au moment de l’emprunt par le client et les avantages escomptés liés à un prêt en devises, notamment en termes de taux d’intérêt. 

 

En l’espèce, le préjudice résulte de la différence entre la contre-valeur en euros du capital au moment de la souscription du prêt et le montant de la somme effectivement payée en exécution du contrat de prêt, soit 30 257 euros. La banque a donc été condamnée à payer 70% de cette somme. 

 

 

La CA de Douai se prononce également sur les restitutions : (CA Douai ; 19-10-23). 

COUR D’APPEL DE RENNES, 13 octobre 2023, RG n° 21/00297 

– contrat de prêt – demande en remboursement du prêt – clause abusive – déchéance du terme – délai de mise en demeure –  

 

EXTRAITS  

«Il est de principe que, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d’un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit de celui-ci en cas d’échéance impayée sans mise en demeure laissant à l’emprunteur un préavis d’une durée raisonnable pour régulariser la situation, une telle clause étant abusive au sens de l’article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.  

Or, en l’occurrence, il est stipulé aux conditions générales du contrat de prêt que ‘en cas de défaillance de la part de l’emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés’. 

Une telle clause laisse ainsi croire aux emprunteurs qu’ils ne disposent d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, et que le prêteur peut se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéances impayée, sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt, consenti en l’espèce pour un montant de 25 500 euros pendant douze ans. » 

 

ANALYSE   

 

Des époux, ont contracté un prêt auprès d’un établissement de Crédit – le Crédit agricole- le 4 novembre 2015. En septembre 2018, les époux ont cessé de payer leurs échéances. Le 6 février 2019, l’établissement de crédit leur a adressé une mise en demeure afin de régulariser leur situation, sans réponse de ces derniers. L’établissement de crédit a alors assigné les époux en paiement et demandé de prononcer la déchéance du terme.  

Faisant application de la jurisprudence européenne et de la jurisprudence de la Cour de cassation s’y conformant sanctionnant les clauses de déchéance du terme sans préavis d’une durée raisonnable (cf : CJUE 26-1-2017 aff. 421/14  Cass. 1e civ. 22-3-2023 n° 21-16.044 FS-B) , la Cour d’appel de Rennes a rejeté la demande de l’établissement de crédit de prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt conclu avec les époux. Elle a déclaré la clause de déchéance abusive et l’a écartée d’office. Les juges de la CA de Rennes ont considéré que la clause de déchéance du terme était abusive, car elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs. 

En effet, cette clause ne prévoit pas de délai de mise en demeure préalable. Or, un délai de mise en demeure permet à l’emprunteur de régulariser sa situation avant que le prêteur ne puisse se prévaloir de la déchéance du terme. Utilisant une expression de la Commission des clauses abusives, la Cour d’appel a également considéré que la clause « laissait croire » à l’emprunteur qu’il ne dispose d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, qui prévoit un délai de grâce. Ce faisant, ladite faculté « déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques » (Banco Primus, pt 66). En outre, la clause laisse croire que le prêteur pouvait se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéance impayée sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt, consenti. Cette décision se conforme là encore à l’arrêt Banco Primus.  

CA RENNES, 29 SEPTEMBRE 2023, N°21/00700 

– contrat de prêt – clause de déchéance de terme – clause abusive  

 

EXTRAITS  

 

« crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d’un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d’échéance impayée sans mise en demeure laissant à l’emprunteur un préavis d’une durée raisonnable pour régulariser la situation, une telle clause étant abusive au sens de l’article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation. En l’occurrence, la clause de déchéance du terme des conditions générales de l’offre de prêt acceptée le 24 novembre 2005 reproduite ci-dessus laisse croire aux emprunteurs qu’ils ne disposent d’aucun délai pour régulariser l’arriéré, et que le prêteur peut se prévaloir de la déchéance du terme pour une seule échéances impayée sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt consenti pour un montant de 50 000 euros pendant 18 ans. Ainsi, elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs, exposés à l’obligation de rembourser immédiatement la totalité du capital restant dû, et doit être déclarée non écrite. » 

 

 

ANALYSE   

 

La Cour d’appel de Rennes (CA ci-après) a été saisi par la Banque populaire Grand-Ouest (BPGO) au sujet différents contrat de prêt conclu entre la banque et un couple. A la suite de manquements dans le paiement des mensualités d’un prêt, la banque assigne les emprunteurs devant le tribunal judiciaire de Lorient. Le 15 juin 2020, le tribunal a débouté la BGPO de l’intégralité de ses demandes et a condamné la BPGO à payer aux époux la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil. La BGPO a interjeté appel de ce jugement.  

 

La CA de Rennes considère comme abusive la clause des conditions générales du contrat de prêt, aux termes de laquelle ‘toutes les sommes dues en principal, intérêts et accessoires par l’emprunteur seront exigibles (…) si bon semble (à la banque, notamment en cas de) défaut de paiement d’une échéance de prêt’, 

 

Pour considérer qu’elle était abusive, la cour se fonde sur l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 3 juillet 2010 au 1er juillet 2016 et rappelle notamment que : la clause de déchéance du terme des conditions générales de l’offre de prêt acceptée le 24 novembre 2005 reproduite ci-dessus laisse croire aux emprunteurs qu’ils ne disposent d’aucun délai pour régulariser l’arriéré, et que le prêteur peut se prévaloir de la déchéance du terme pour une seule échéances impayée sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt consenti pour un montant de 50 000 euros pendant 18 ans 

 

Ainsi, elle en déduit que la clause des conditions générales du contrat de prêt présente un caractère abusif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs, exposés à l’obligation de rembourser immédiatement la totalité du capital restant dû, et doit être déclarée non écrite 

 

Voir également : Cass. civ 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.044

CJUE, 21 septembre 2023  aff. C-139/22– mBank S.A

Contrat entre professionnel et consommateur – Prêt hypothécaire indexé sur une devise étrangère – Critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause de conversion – Registre national des clauses de conditions générales jugées illicites 

  

EXTRAIT  

« {…} l’article 3, paragraphe 1, l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle soit considérée comme abusive par les autorités nationales concernées en raison du seul fait que le contenu de celle-ci est équivalent à celui d’une clause d’un contrat type inscrite au registre national des clauses illicites. »  

  

ANALYSE   

La CJUE était saisie du point de savoir si la simple constatation du fait qu’un contrat contient une clause dont le contenu correspond à une clause inscrite dans un registre polonais des clauses illicites suffit pour constater que cette clause constitue une clause contractuelle illicite, sans qu’il soit nécessaire d’examiner et d’établir les circonstances de la conclusion de ce contrat. 

La CJUE rappelle que l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs impose aux États membres l’obligation de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel dont la possibilité pour des personnes ou des organisations ayant un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir les tribunaux afin de faire déterminer si des clauses rédigées en vue d’une utilisation généralisée présentent un caractère abusif et d’obtenir, le cas échéant, l’interdiction de celles-ci (pt 36).. 

 

Elle observe que le mécanisme de registre national des clauses illicites consistant à établir une liste de clauses devant être considérées comme étant abusives, relève des dispositions plus strictes que les États membres peuvent adopter ou maintenir en vertu de l’article 8 de la directive 93/13(pt 40). Elle indique cependant que d’une part ce registre national des clauses illicites doit être géré de manière transparente, dans l’intérêt non seulement des consommateurs, mais également des professionnels, et tenu à jour. D’autre part, le professionnel concerné doit avoir la possibilité de contester l’équivalence de la clause litigieuse avec la clause illicite devant une juridiction nationale, afin de déterminer si, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes propres à chaque cas d’espèce, cette clause contractuelle est matériellement identique, eu égard, notamment, aux effets que celle-ci produit, à celle inscrite dans un tel registre (pt 44).  

 

Dans ces conditions, la Cour précise qu’une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle peut être abusive en raison du seul fait que le contenu de celle-ci est équivalent à celui d’une clause d’un contrat type inscrite au registre national des clauses illicites. 

 

Cette décision intéresse le droit français qui comporte une liste noire de clauses présumées abusives de manière irréfragable. 

 

Voir également : C. consom., art. R. 212-1