Cour d’appel de Montpellier, 26 septembre 2024, n° 23/00827 

– clause d’exigibilité immédiate du prêt – défaillance de l’emprunteur – clause de déchéance du terme –– clause d’intérêts de retard – clauses abusives 

 

 

EXTRAITS  

« Ainsi, en laissant à chaque emprunteur solidaire un délai raisonnable pour parvenir à régulariser l’arriéré de manière à éviter l’exigibilité immédiate du capital, la banque, en appliquant largement la clause d’exigibilité, n’a commis aucune faute dans l’exécution contractuelle. Le prononcé de la déchéance du terme est régulier et produit ses eets. 

 

La clause relative aux intérêts de retard insérée à l’acte de prêt est donc une déclinaison conforme aux dispositions légales applicables et ne crée aucun déséquilibre significatif au sens de l’article L132-1 du code de la consommation pas plus que son exécution n’est constitutive d’une faute de la banque. La clause de stipulation des intérêts de retard est régulière et produit ses eets »  

 

 

ANALYSE   

La Cour d’appel de Montpellier a été saisie pour juger des contestations liées à un prêt immobilier consenti en 2008 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie à M. [I] et Mme [G], alors mariés. Après la séparation du couple, M. [I] a cessé de payer les mensualités à partir de novembre 2020. La banque a procédé à la déchéance du terme en 2021 et a réclamé le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts, en application des clauses relatives à la déchéance du terme et aux intérêts de retard.   

 

La clause de déchéance du terme stipulait que, en cas de défaut de paiement d’une seule échéance du prêt, la banque pouvait exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que des intérêts et des accessoires, sans qu’il soit nécessaire d’accomplir une quelconque formalité judiciaire préalable. Toutefois, avant de mettre en œuvre la déchéance du terme, la clause offrait aux emprunteurs un délai de 15 jours, après une mise en demeure, pour régulariser la situation. Si la régularisation n’était pas effectuée dans ce délai, la déchéance du terme pouvait être prononcé.   

 

En cas de retard de paiement des échéances, la clause d’intérêts de retard prévoyait que le capital restant dû continuerait à produire des intérêts au taux prévu par le contrat. De plus, si la déchéance du terme était prononcée, les sommes dues seraient majorées d’intérêts de retard au même taux que celui du prêt, avec une possibilité pour la banque de demander une indemnité supplémentaire.  

 

Les deux emprunteurs ont contesté la validité des clauses relatives à la déchéance du terme et aux intérêts de retard. Mme [G] a également invoqué le caractère abusif des clauses et demandé des délais de paiement supplémentaires.   

 

La Cour a jugé que la clause d’exigibilité immédiate, qui offrait un délai raisonnable aux emprunteurs pour régulariser leur situation, ne créait pas de déséquilibre significatif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable et ne pouvait donc pas être considérée comme abusive. Elle a constaté que cette clause laissait aux co-emprunteurs solidaires un délai raisonnable de quinze jours pour régulariser l’arriéré et éviter l’exigibilité immédiate du capital. Par conséquent, la déchéance du terme a été considérée comme régulière et produisant ses effets. L’emprunteur avait cependant invoqué le bénéfice de la solution rendue par la Cour de cassation le 22 mars 2023. Dans cette décision, la première chambre civile avait jugé abusive la clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date, sans mise en demeure ou sommation préalable ni préavis d’une durée raisonnable.   

 

La Cour d’appel de Montpellier a également confirmé la régularité de la clause relative aux intérêts de retard, celle-ci étant conforme aux dispositions du Code de la consommation en vigueur.   

 

Enfin, la Cour a débouté les emprunteurs de leurs demandes de délais de paiement, estimant qu’ils n’ont pas justifié leur capacité à rembourser dans des conditions plus favorables. 

CJUE, 25 juillet 2024, aff. C-810/21– Caixabank SA

 

 

Contrat entre professionnel et consommateur – Contrats de prêt hypothécaire – Délai de prescription – Principe d’effectivité.  

  

EXTRAIT  

L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité,  

doivent être interprétés en ce sens que :  

ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’une clause contractuelle abusive mettant à la charge du consommateur les frais de conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’action en restitution de tels frais est soumise à un délai de prescription de dix ans qui commence à courir à partir du moment où cette clause épuise ses effets avec la réalisation du dernier paiement desdits frais, sans qu’il soit considéré comme pertinent à cet égard que ce consommateur ait connaissance de l’appréciation juridique de ces faits. La compatibilité des modalités d’application d’un délai de prescription avec ces dispositions doit être appréciée en tenant compte de ces modalités dans leur ensemble.  

 

ANALYSE  

Dans un contrat de prêt hypothécaire entre une banque et des consommateurs, la clause imposant à ces derniers le paiement des frais de notaire, d’enregistrement et de gestion a été jugée abusive par les consommateurs, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13. 

Une des questions préjudicielles posées à la CJUE par les juridictions espagnoles est de déterminer si une jurisprudence nationale bien établie sur les clauses abusives peut suffire à prouver que le consommateur avait une connaissance suffisante de ses droits, même si la clause elle-même n’était pas suffisamment transparente (CJUE, 25 juillet 2024, aff. C-810/21 –– Caixabank SA )

L’autre question concerne le point de savoir si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation jurisprudentielle du droit national selon laquelle, à la suite de l’annulation d’une clause contractuelle abusive mettant à la charge du consommateur les frais de conclusion d’un contrat de prêt hypothécaire, l’action en restitution de tels frais est soumise à un délai de prescription de dix ans qui commence à courir à partir du moment où cette clause épuise ses effets avec la réalisation du dernier paiement desdits frais, sans qu’il soit pertinent à cet égard que ce consommateur ait connaissance de l’appréciation juridique des éléments constitutifs du caractère abusif de ladite clause, et, dans l’affirmative, si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que cette connaissance doit être acquise avant que le délai de prescription ne commence à courir ou avant qu’il n’expire.  

La CJUE analyse la conformité d’un délai de prescription de 10 ans avec la directive 93/13/CEE. Elle considère qu’un tel délai peut être acceptable, mais uniquement si le consommateur a eu la possibilité de prendre connaissance des droits que lui confère la directive avant le début de ce délai. Le consommateur doit avoir été informé de la nullité de la clause abusive et de ses droits à restitution avant que le délai ne commence à courir. 

Elle observe que l’interprétation jurisprudentielle des règles nationales de procédure applicables dans les affaires qui lui sont soumises prévoient que le délai de prescription de l’action du consommateur en restitution des paiements indus des frais relatifs à des contrats de prêt hypothécaire, d’une durée de dix ans, ne peut pas commencer à courir avant que le consommateur ne prenne connaissance des faits constitutifs du caractère abusif de la clause contractuelle en exécution de laquelle ces paiements ont été effectués. Cependant, cette jurisprudence n’exige pas que le consommateur ait connaissance non seulement de tels faits, mais également de l’appréciation juridique de ceux-ci. 

 

Elle en déduit que cette interprétation n’est pas conforme à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité. 

 

Cass. civ.1ère, 14 février 2024, n°22-21.135 

 

Contrat de prêt immobilier – Taux révisable – Clause de remboursement – Nullité des prêts – Transparence des clauses – Obligations d’information – Devise étrangère. 

 

EXTRAITS : 

«  Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 

  

  1. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19, BNP Paribas Personal Finance), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, § 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. 
  2. Pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusives les clauses critiquées, l’arrêt retient, d’une part, que ces clauses définissent l’objet principal des contrats de prêt, qu’elles sont parfaitement claires et compréhensibles, en ce qu’elles prévoient que la monnaie de compte est le franc suisse, que le remboursement se fait en euros et que les emprunteurs sont soumis au risque du taux de change, d’autre part, que les clauses du prêt sont peu lisibles, particulièrement complexes et qu’elles ne permettent pas de réaliser de façon claire et transparente que le capital restant dû à l’issue de la durée initiale allongée de cinq ans peut être bien supérieur à celui initialement prévu et que les simulations ne permettaient pas de comprendre les conséquences économiques des crédits, de sorte que la banque a manqué à son obligation d’information transparente sur les conséquences économiques des prêts ».

 

ANALYSE : 

En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance a accordé deux prêts immobiliers en francs suisses à un couple de consommateurs le 1er avril 2009, avec des taux révisables tous les trois ans. Ces derniers ont poursuivi la banque en justice, alléguant l’abus de la clause de remboursement et réclamant des dommages-intérêts pour défaut d’information et de mise en garde. La Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 132-1 du code de la consommation et conformément à l’arrêt BNP Paribas Personal Finance (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C782/19), a jugé que les clauses du contrat étaient peu lisibles, particulièrement complexes et ne permettaient pas une compréhension claire des conséquences économiques des prêts pour les emprunteurs, constituant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En conséquence, la Cour a cassé l’arrêt attaqué, confirmant ainsi sa jurisprudence antérieure mettant en œuvre la jurisprudence de la CJUE précitée. 

Voir également : 

CJUE, 10 juin 2021, BNP Parisbas Personal Finance, C-776/19 à C782/19

Cass. civ 1, 29 novembre 2023, n° 22-19.688 

Contrat de prêt — Crédit libellé en devise étrangère — Directive 93/13— Transparence —Déséquilibre significatif 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 :  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 
  2. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat
  3. Pour rejeter la demande tendant à voir réputer non écrite les clauses 4.3 et 9.5 du contrat de prêt, l’arrêt retient, d’une part, qu’elles définissent l’objet principal du contrat, et, d’autre part, après en avoir rappelé les termes, que même si les documents contractuels ne contenaient pas d’éléments simulant concrètement une variation du cours de change à la hausse ou à la baisse et les effets sur le montant d’une mensualité qui serait payée en euros, du capital qui serait remboursé par anticipation en euros ou du montant des sommes restant dues en cas de conversion du prêt en euros, les emprunteurs ont signé, le 9 novembre 2015, une attestation par laquelle ils déclarent notamment avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse, de sorte que ces clauses, rédigées en des termes clairs et compréhensibles, au demeurant éclairées par l’information spécialement et distinctement fournie sur le risque de change lié au cours du franc suisse qu’ils ont reconnu avoir reçue en signant l’attestation précitée avant de souscrire l’offre de prêt, était suffisamment claire et compréhensible pour permettre aux emprunteurs, dont le caractère de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé sera retenu, en l’absence de toute preuve contraire, de comprendre la portée concrète du fonctionnement du prêt et du risque. 
  4. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

ANALYSE : 

Un couple de consommateurs avait eu recours à un contrat de prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros via un taux d’intérêt variable indexé sur le Libor. Les consommateurs assignent la banque et contestent l’application des clauses relatives au risque de change en affirmant que ces dernières sont abusives. Les juges du fond rejettent la qualification desdites clauses comme abusives au motif que celles-ci portent sur l’objet principal du contrat et que les consommateurs avaient signé une attestation par laquelle ils affirmaient avoir pris connaissance des risques de change liés à l’indexation du prêt au cours du franc suisse, rendant ainsi l’information suffisamment claire et compréhensible.  

La Première Chambre Civile censure le raisonnement des juges du fond en affirmant que la banque n’avait pas fourni les informations suffisantes et exactes pour permettre aux consommateurs de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme et les risques économiques qui en découlaient pour le couple de consommateurs. Ainsi, la banque n’avait pas communiqué aux consommateurs une information suffisamment claire et compréhensible. Les juges du fond auraient dû apprécier le caractère abusif desdites clauses découlant de l’absence de transparence dans les informations fournies. L’arrêt est une application de la jurisprudence dite BNP Paribas (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C/782/19) à laquelle la Cour de cassation est désormais familière. 

Voir également : 

-  CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C/782/19 

CJUE 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance SA 

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 24 OCTOBRE 2023, RG n°22/02941 

– déséquilibre significatif – subrogation – contrat de prêt – réputée non écrite – clause de réserve de propriété 

  

EXTRAITS 

  

« En application de l’article L132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure au 14 mars 2016 (nouvel article L212-1), dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 

  

Ces clauses sont réputées non écrites. 

  

Or, conformément à l’avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation, dès lors que l’auteur du paiement de la chose n’est pas le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l’acquisition d’un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété. 

  

La clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l’emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l’exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment. 

  

Selon le même avis, est également abusive, sauf preuve contraire, la clause prévoyant la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage portant sur le même bien. 

  

En conséquence, la clause de réserve de propriété insérée dans le contrat de prêt consenti par la société Volkswagen Bank à Mme [R] sera réputée non écrite. » 

  

ANALYSE 

  

La Cour d’appel de Versailles (CA) a été saisie à la suite d’un litige opposant un locataire, ayant souscrit une offre préalable de location avec option d’achat d’un véhicule de la marque Volkswagen, avec la société Volkswagen (loueur). L’offre de contrat de crédit affecté prévoyait une clause de réserve de propriété et que « le vendeur subroge le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété à l’instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur ». De plus, il était convenu que « le prêteur puisse opter pour l’inscription d’un gage à la préfecture ce qui implique renonciation au bénéfice de la réserve de propriété ». Puis, les loyers étant restés impayés à compter de 1er novembre 2018, le loueur a entendu se prévaloir de la déchéance du terme le 13 septembre 2019. Il a assigné le locataire devant le juge des contentieux de la protection de Pontoise, notamment pour obtenir la restitution du véhicule. Ayant été débouté de ses demandes, il interjette appel devant la CA. Le 27 mars 2023, un courrier a été adressé par le greffe de la première chambre B de la CA au Conseil de la société Volkswagen afin de lui indiquer qu’il était envisagé de déclarer non écrite la clause subrogeant le prêteur dans la réserve de propriété du fait de son caractère abusif. Ce courrier n’a pas donné suite de la part du Conseil de la société Volkswagen.  

  

La CA rappelle qu’en vertu de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, une clause est abusive lorsqu’elle a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En droit français, de telles clauses sont réputées non écrites. En application de cette disposition et conformément à l’avis rendu le 28 novembre 2016 par la Cour de cassation, la CA a reconnu que la clause prévoyant la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur. En effet, dès lors que le prêteur n’est pas l’auteur du paiement mais uniquement celui qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client, la subrogation prévue est inopérante. La CA considère qu’une telle subrogation entrave l’exercice du droit de propriété de l’emprunteur, créant ainsi un déséquilibre significatif à son détriment. La Commission des clauses abusives avait recommandé la suppression de cette clause dans sa recommandation sur les contrats de crédit à la consommation (Recomm. n°21-01, Contrats de crédit à la consommation, pt 28). 

De plus, une clause qui prévoit la renonciation du prêteur au bénéfice de la réserve de propriété grevant le bien financé et la faculté d’y substituer unilatéralement un gage sur le même bien est également considéré comme étant abusive par la CA. Par conséquent, la clause de réserve de propriété litigieuse doit être réputée non écrite, en ce qu’elle est abusive.  

 

Le prêteur se trouve donc débouté de son action en restitution du véhicule. 

 

 

Voir également : Recomm. n°21-01, Contrats de crédit à la consommation, pt 28.

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

action en restitution – clause abusive – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« Il en résulte que le Crédit mutuel n’est pas fondé à solliciter les restitutions sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution ni à invoquer les dispositions de l’article 1343 du code civil dès lors que la constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat implique que l’emprunteur soit replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en l’absence de telles clauses de sorte que M. [T] n’est tenu de restituer que l’équivalent en euros de la somme empruntée en francs suisse selon le cours du change alors appliqué au contrat. » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir le prêt prévoit une clause de remboursement abusive. 

Après décision de première instance, l’emprunteur interjette appel et fait grief au jugement de l’avoir débouté de sa demande. Il soutient que le contrat de prêt doit être annulé en présence d’une clause abusive et qu’en conséquence de son anéantissement rétroactif, les restitutions réciproques entre les parties s’imposent sans que la banque lui fasse supporter un risque de change. 

La banque rétorque que les actions en constatation du caractère abusif et en restitution des sommes indues sont prescrites et à titre subsidiaire que les restitutions doivent s’opérer sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution. 

 

La Cour d’appel de Douai (CA ci-après) juge abusive la clause de remboursement qui crée un déséquilibre significatif dû au manque de transparence du banquier (lien hyper texte vers fiche 1) et écarte les fins de non recevoir tirées de la prescription. 

 

La CA rappelle que selon une décision du 21 décembre 2016 (C-154/15) de la Cour de justice de l’Union européenne, une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée comme n’ayant jamais existé et, donc, la constatation du caractère abusif de la clause doit permettre de replacer le consommateur dans la situation dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de ladite clause.  

 

En se fondant sur cette décision européenne, la CA juge que les restitutions ne peuvent s’opérer sur la base du taux de change en vigueur au jour de la restitution dès lors que la constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat implique que l’emprunteur soit replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en l’absence de telles clauses. 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai procède à l’application d’une jurisprudence antérieure de Cour de cassation datant du 12 juillet 2023 (n°22-17.030) selon laquelle l’emprunteur doit restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et la banque doit restituer à l’emprunteur toutes les sommes perçues en exécution du prêt c’est-à-dire la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.  

 

Voir également :  

CCA Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030 

CA Douai 19-10-23

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

clause abusive – clause de remboursement –  déséquilibre significatif – devoir d’information – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la clause de « remboursement du crédit », même éclairée par les autres stipulations du contrat de prêt n’est pas rédigée de manière claire et qu’elle n’est pas intelligible en elle-même car lacunaire pour l’emprunteur puisque la détermination exacte des opérations de change nécessaires à l’exécution du prêt n’apparaît pas.  

D’autre part, la stipulation d’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre la banque prêteuse et l’emprunteur en ce que ce dernier n’est pas mis en mesure d’envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et n’a pas été suffisamment informé des mécanismes de change.  

En conséquence, la clause de remboursement du crédit 5.3 rapportée ci-dessus et la clause en lien avec celle-ci 10.5 doivent être déclarées non écrites. » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir que le prêt prévoit un remboursement en CHF interdit et que la banque a manqué à son devoir d’information. 

Après décision de première instance, l’emprunteur interjette appel et fait grief au jugement de l’avoir débouté de ses demandes pour cause de prescription. 

 

Se fondant sur l’ancien article L132-1 du Code de la consommation et sur l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, tel qu’interprété par arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE ci-après) en date du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour dappel de Douai (CA ci-après) considère que la clause de remboursement ne donnait pas les informations nécessaires à l’emprunteur sur le mécanisme de change.  

De ce fait, l’emprunteur n’étant pas en mesure d’évaluer et prévenir correctement les risques liés à la fluctuation des monnaies. Ainsi, la CA déduit qu’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre les parties en raison du manque de transparence du banquier.  

La clause doit donc être réputée non-écrite car abusive. 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai rappelle que l’appréciation du caractère abusif d’une clause dans un prêt libellé en devise étrangère s’effectue au regard du devoir d’information du professionnel envers le consommateur quant aux risques liés au remboursement d’un tel prêt. 

Ici, la CA procède de nouveau à une application de la jurisprudence européenne (CJUE 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19) et confirme que le principe de transparence matérielle des clauses induit un devoir dinformation du banquier sur le risque des conséquences économiques négatives des clauses en devises étrangères (Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-20.717). 

 

La CA de Douai se prononce également sur les restitutions : CA Douai ; 19-10-23 

 

Voir également :  

CJUE, 1ère ch., 10 juin 2021, aff C-776/19 à C- 782/19

CCA sur Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n°19-17.996

Cour d’appel de Douai, 3è Chambre, 19 octobre 2023, RG 22/01024 

 

réparation du préjudice – clause abusive – contrat de prêt  

  

EXTRAITS  

« La banque ayant manqué à son obligation d’information, elle sera tenue de réparer le préjudice ainsi causé, lequel ne peut s’analyser qu’en une perte de chance d’éviter la réalisation du risque de change qu’il convient d’évaluer à 70 % en tenant compte, notamment, du contexte de stabilité dans lequel l’emprunteur a contracté, et de l’avantage qu’il espérait pouvoir tirer d’un prêt en devises en termes de niveau du taux d’intérêt.  » 

  

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1998, le Crédit mutuel consent un prêt en francs suisses à un emprunteur. Ce dernier assigne en justice la banque en faisant valoir que le prêt prévoit une clause de remboursement abusive et que la banque a manqué à son devoir d’information. 

 

La Cour dappel de Douai (CA ci-après) considère que la clause de remboursement ne donnait pas les informations nécessaires à l’emprunteur sur le mécanisme de change. De ce fait, la CA juge abusive la clause de remboursement qui crée un déséquilibre significatif dû au manquement du banquier à son obligation d’information (CA Douai ; 19-10-23). 

 

Par cet arrêt, la CA de Douai rappelle que l’obligation d’information mise à la charge de la banque repose sur les dispositions de l’article 1147 du Code civil et qu’en cas de manquement à cette obligation, la banque sera tenue de réparer le préjudice causé. 

 

La CA précise que la banque devra indemniser le préjudice résultant de son défaut d’information et que ce préjudice correspond à l’opportunité manquée pour l’emprunteur d’éviter les fluctuations du taux de change, évaluée à 70%. Cette évaluation doit prendre en considération le contexte de stabilité au moment de l’emprunt par le client et les avantages escomptés liés à un prêt en devises, notamment en termes de taux d’intérêt. 

 

En l’espèce, le préjudice résulte de la différence entre la contre-valeur en euros du capital au moment de la souscription du prêt et le montant de la somme effectivement payée en exécution du contrat de prêt, soit 30 257 euros. La banque a donc été condamnée à payer 70% de cette somme. 

 

 

La CA de Douai se prononce également sur les restitutions : (CA Douai ; 19-10-23). 

COUR D’APPEL DE RENNES, 13 octobre 2023, RG n° 21/00297 

– contrat de prêt – demande en remboursement du prêt – clause abusive – déchéance du terme – délai de mise en demeure –  

 

EXTRAITS  

«Il est de principe que, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d’un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit de celui-ci en cas d’échéance impayée sans mise en demeure laissant à l’emprunteur un préavis d’une durée raisonnable pour régulariser la situation, une telle clause étant abusive au sens de l’article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.  

Or, en l’occurrence, il est stipulé aux conditions générales du contrat de prêt que ‘en cas de défaillance de la part de l’emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés’. 

Une telle clause laisse ainsi croire aux emprunteurs qu’ils ne disposent d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, et que le prêteur peut se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéances impayée, sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt, consenti en l’espèce pour un montant de 25 500 euros pendant douze ans. » 

 

ANALYSE   

 

Des époux, ont contracté un prêt auprès d’un établissement de Crédit – le Crédit agricole- le 4 novembre 2015. En septembre 2018, les époux ont cessé de payer leurs échéances. Le 6 février 2019, l’établissement de crédit leur a adressé une mise en demeure afin de régulariser leur situation, sans réponse de ces derniers. L’établissement de crédit a alors assigné les époux en paiement et demandé de prononcer la déchéance du terme.  

Faisant application de la jurisprudence européenne et de la jurisprudence de la Cour de cassation s’y conformant sanctionnant les clauses de déchéance du terme sans préavis d’une durée raisonnable (cf : CJUE 26-1-2017 aff. 421/14  Cass. 1e civ. 22-3-2023 n° 21-16.044 FS-B) , la Cour d’appel de Rennes a rejeté la demande de l’établissement de crédit de prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt conclu avec les époux. Elle a déclaré la clause de déchéance abusive et l’a écartée d’office. Les juges de la CA de Rennes ont considéré que la clause de déchéance du terme était abusive, car elle créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment des emprunteurs. 

En effet, cette clause ne prévoit pas de délai de mise en demeure préalable. Or, un délai de mise en demeure permet à l’emprunteur de régulariser sa situation avant que le prêteur ne puisse se prévaloir de la déchéance du terme. Utilisant une expression de la Commission des clauses abusives, la Cour d’appel a également considéré que la clause « laissait croire » à l’emprunteur qu’il ne dispose d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, qui prévoit un délai de grâce. Ce faisant, ladite faculté « déroge aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques » (Banco Primus, pt 66). En outre, la clause laisse croire que le prêteur pouvait se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéance impayée sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant du prêt, consenti. Cette décision se conforme là encore à l’arrêt Banco Primus.