CJUE, 20 avril 2023, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C-263/22 

Assurance de groupe – transparence – clause d’exclusion – faute du preneur d’assurance – clause portant sur l’objet du contrat – connaissance préalable du contenu 

 

EXTRAITS : 

« L’article 3, paragraphe 1, et les articles 4 à 6 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : lorsqu’une clause d’un contrat d’assurance relative à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, dont le consommateur concerné n’a pas pu prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat, est qualifiée d’abusive par le juge national, ce juge est tenu d’écarter l’application de cette clause afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard de ce consommateur ». 

 

ANALYSE : 

Un couple conclut un contrat de prêt auprès d’un établissement bancaire. A cette fin, il adhère à un contrat d’assurance de groupe auprès de la banque (le preneur de l’assurance) pour couvrir le risque de d’incapacité permanente de l’adhérent par un tiers assureur. 

 

Durant l’exécution du contrat de prêt, l’adhérent subit un sinistre (une incapacité permanente) et le déclare à l’assureur qui dénie sa garantie.  

 

C’est ainsi que les emprunteurs ont saisi la justice aux fins d’obtenir le remboursement des échéances du prêt payées par eux à compter de la date de l’incapacité permanente et le montant du prêt restant dû à compter de l’incapacité constatée. 

 

La Cour de justice se prononce sur les conséquences à l’égard du consommateur d’une clause d’exclusion dont ce dernier n’aurait pas pris connaissance avant la conclusion du contrat (CJUE, 20 avril 2023, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C-263/22). 

 

Par cette question, la Cour de justice s’interroge sur le fait de savoir si « une clause d’un contrat d’assurance relative à l’exclusion ou à la limitation de la couverture du risque assuré, dont le consommateur n’a pas pu prendre connaissance avant la conclusion de ce contrat, peut être opposée à ce consommateur, et cela même lorsque le preneur d’assurance peut être tenu responsable d’une telle absence de prise de connaissance et bien qu’une telle responsabilité ne place pas ledit consommateur dans la même situation que celle qui aurait été la sienne s’il avait bénéficié de cette couverture » (Pt 37). 

 

Puisque la Cour de justice ne peut que donner des indications sur la manière dont la juridiction de renvoi doit apprécier le caractère abusif d’une clause (CJUE, 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C84/19, C222/19 et C252/19, point 91), elle rappelle en premier lieu la nécessite de transparence des clauses du contrat conformément à sa jurisprudence antérieure (CJUE, 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C395/21, point 47) comme élément à prendre en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’une clause.  

 

En second lieu, elle précise que l’appréciation du déséquilibre nécessite d’abord de s’interroger sur le respect du principe de bonne foi, avant de s’interroger sur le déséquilibre significatif qui découle de la disposition contractuelle pour le consommateur (CJUE, 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C621/17, point 49). 

 

En outre, le juge doit s’interroger sur toutes les circonstances qui entourent le contrat.  

 

Pour la Cour de justice, l’exigence de bonne foi suppose de « tenir compte de la force des positions respectives de négociation des parties et de la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause concernée » (pt 43). 

 

Le juge national devra donc, dans le cadre de son contrôle, s’intéresser au fait que l’adhérent se soit vu contraint de souscrire un contrat d’assurance, sans avoir été informé du contenu dudit contrat et dont l’adhésion a été remplie par l’employé de la banque. 

 

Selon la Cour de justice, il conviendra aussi de « vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte cette clause à la suite d’une négociation individuelle » (CJUE, 3 septembre 2020, Profi Credit Polska, C84/19, C222/19 et C252/19, point 93, et CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C776/19 à C782/19, point 98). 

 

Les circonstances qui entourent la conclusion du contrat sont relevées par la Cour de justice dans la mesure où « ledit consommateur peut donc se voir confronté à une situation dans laquelle, eu égard à une perte de revenus résultant de son incapacité permanente, il lui est difficile voire impossible de rembourser ces échéances, alors que c’est précisément contre ce risque qu’il a voulu s’assurer par l’adhésion à un contrat d’assurance, tel que celui en cause au principal » (pt 49)  

 

Le fait de ne pas informer le consommateur fait donc peser sur lui le risque qui découle de l’incapacité, au moins en partie.  

 

La Cour rappelle que la sanction du caractère abusif de la clause est  est l’absence d’effet contraignant de cette clause pour le consommateur. Concrètement la clause d’exclusion est inopposable au consommateur puisqu’il s’agit « de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause abusive [arrêt du 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C395/21, EU:C:2023:14, point 54 et jurisprudence citée] ». La responsabilité de la banque dans le défaut de communication d’information au consommateur ne saurait avoir pour objet ou pour effet de rendre opposable la clause abusive à son égard. Le non-respect des obligations de la banque en matière d’information se résout par le biais de la responsabilité civile à l’égard de l’assureur et non dans les rapports avec le consommateur.  

 

Le juge national est donc tenu d’écarter l’application de la clause abusive à l’égard du consommateur.  

 

Voir également : 

CJUE, 23 avril 2015,  Van hove, C-96/14
CJUE, 20 avril 2023, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C-263/22 

CJUE, 20 avril 2023, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, C-263/22 

Assurance de groupe – transparence – clause d’exclusion – faute du preneur d’assurance – clause portant sur l’objet du contrat – connaissance préalable du contenu 

 

EXTRAITS : 

« L’article 4, paragraphe 2, et l’article 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du vingtième considérant de cette directive, doivent être interprétés en ce sens que : un consommateur doit toujours avoir la possibilité de prendre connaissance, avant la conclusion d’un contrat, de toutes les clauses que ce dernier contient ». 

 

ANALYSE : 

Un couple conclut un contrat de prêt auprès d’un établissement bancaire. A cette fin, il adhère à un contrat d’assurance de groupe auprès de la banque (le preneur de l’assurance) pour couvrir le risque de d’incapacité permanente de l’adhérent par un tiers assureur. 

 

Durant l’exécution du contrat de prêt, l’adhérent subit un sinistre (une incapacité permanente) et le déclare à l’assureur qui dénie sa garantie.  

 

C’est ainsi que les emprunteurs ont saisi la justice aux fins d’obtenir le remboursement des échéances du prêt payées par eux à compter de la date de l’incapacité permanente et le montant du prêt restant dû à compter de l’incapacité constatée. 

 

La Cour de justice statue en premier lieu sur la question de savoir si le consommateur adhérent à une assurance emprunteur de groupe proposée par l’établissement prêteur doit toujours avoir la possibilité de prendre connaissance des clauses du contrat avant sa conclusion.  

 

La Cour rappelle que l’exigence de transparence ne se limite pas au caractère compréhensible sur le plan formel et grammatical, mais doit s’interpréter de manière extensive, de sorte « qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret d’une telle clause et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, de cette clause sur ses obligations » (CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C609/19, points 42 et 43, et CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C776/19 à C782/19, points 63 et 64). 

 

Concernant le moment de la transmission de ces informations, il est fondamental que le consommateur ait connaissance des conditions contractuelles avant la conclusion du contrat (CJUE, 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C154/15, C307/15 et C308/15, point 50, et CJUE, 12 janvier 2023, D.V. (Honoraires d’avocat – Principe du tarif horaire), C395/21, point 39). 

 

Ainsi, le contrôle du juge en matière de contrat d’assurance de groupe souscrite par une banque au bénéfice des emprunteurs induit une vigilance particulière et la transparence nécessite « l’exposé des particularités du mécanisme de prise en charge des échéances dues au prêteur en cas d’incapacité totale de l’emprunteur, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui » (CJUE, 23 avril 2015, Van Hove, C96/14, points 41 et 48). 

 

La clause d’exclusion du risque d’incapacité résultant de maladies antérieures à la conclusion du contrat d’assurance de groupe auprès du prêteur n’est pas claire et compréhensible si l’adhérent ne peut évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlent pour lui. Cette information est d’autant plus essentielle pour le consommateur qu’il ne saurait être exigé de ce dernier, « lors de la conclusion de contrats liés, la même vigilance quant à l’étendue des risques couverts par ce contrat d’assurance que s’il avait conclu séparément ce dernier et ce contrat de prêt » (CJUE, 20 avr. 2023, aff. C-263/22, Ocidental – Companhia Portuguesa de Seguros de Vida, pt 28)/ 

 

La nécessité de transmettre les clauses du contrat avant la conclusion de celui-ci découle clairement du considérant 20 de la directive 93/13, ce qui permet à la Cour d’affirmer que « le législateur de l’Union européenne a souligné l’intérêt d’une prise de connaissance préalable de toutes les clauses d’un contrat afin de permettre au consommateur de décider, en connaissance de cause, s’il souhaite être lié par ces clauses » (Pt 31). 

 

De plus, l’existence d’une législation spéciale relative aux assurances de groupe n’est pas de nature à remettre en cause l’interprétation de la directive puisqu’elle s’applique en raison de la qualité du contractant et non en raison de la nature du contrat (CJUE, 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C590/17, point 23 et Ord., 10 juin 2021, X Bank, C198/20, non publiée, point 24). 

 

La Cour précise notamment le principe d’interprétation conforme qui justifie de garantir la pleine effectivité de la directive afin d’aboutir à une solution en accord avec la finalité poursuivie par celle-ci (CJUE, 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C590/17, point 23). 

 

Le consommateur doit donc toujours pouvoir prendre connaissance du contrat avant sa conclusion.  

 

 

 

 

Voir également : 

Cass. civ. 3ème, 11 mai 2022, n°21-15.420  

Contrat de maitrise d’ouvrage – mode alternatif de règlement des litiges – clause grise – relevé d’office – fin de non-recevoir  

 

EXTRAITS : 

« Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code :  

(…)

21.Pour accueillir la fin de non-recevoir opposée par l’architecte aux demandes des maîtres de l’ouvrage consommateurs, l’arrêt, qui constate que le contrat de maîtrise d’oeuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte avant toute procédure judiciaire. A défaut d’un règlement amiable le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes », retient que le non-respect de cette clause est sanctionné par une fin de non-recevoir.

22. En se déterminant ainsi, alors qu’il lui incombait d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif d’une clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge par le recours à un tiers, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.  

 

ANALYSE : 

Dans un contrat conclu entre des maitres de l’ouvrage et un architecte se trouve une clause précisant qu’ « en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte avant toute procédure judiciaire. A défaut d’un règlement amiable le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes ».  

La cour d’appel accueille la fin de non-recevoir soulevée par l’architecte en retenant que cette clause n’avait pas été respectée par les maitres de l’ouvrage consommateurs. En effet, les maitres de l’ouvrage ont d’abord saisi le conseil régional de l’ordre des architectes le 8 décembre 2010, mais le 13 décembre, soit moins d’un mois après, ils ont assigné l’architecte devant le juge des référés  ce qui a entrainé l’annulation de la réunion devant l’ordre des architectes. Ainsi, le règlement amiable du litige n’a pas eu lieu et c’est pour cela que la Cour d’appel de Douai prononce, à la demande de l’architecte, la fin de non recevoir. 

La Cour de cassation casse l’arrêt. Les magistrats de la troisième chambre civile considèrent qu’il importe peu que les consommateurs aient respecté la procédure amiable. La Cour d’appel aurait dû rechercher si dans ce contrat entre un professionnel et des consommateurs, cette clause n’était pas abusive. En d’autres termes, le relevé d’office du caractère abusif de la clause de règlement amiable écarte la fin de non recevoir attachée au défaut de respect de la procédure amiable.  

La clause qui impose au consommateur de recourir exclusivement à un règlement amiable est une clause grise présumée abusive par l’article R. 212-2, 10°. Les juges de la troisième chambre civile avaient déjà eu l’occasion de juger que « la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu’il appartient au juge d’examiner d’office la régularité d’une telle clause (3e Civ., 19 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.095)..
Cependant, dans la présente décision, la Cour de cassation semble nuancer la présomption d’abus puisqu’elle juge que la Cour d’appel de Douai aurait dû relever d’office le caractère « éventuellement » abusif d’une clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge par le recours à un tiers.  

Voir également :
La clause de conciliation préalable et obligatoire est présumée abusive et doit être soulevée d’office.

CA PARIS, Pole 4 ch.8, 1er février 2022, RG N° 20/01378 

 

– clauses relative à la preuve 

  

EXTRAIT  

 

« Au cas particulier, les clauses figurant aux pages 18 et 40 des conditions générales du contrat 

d’assurance sont ainsi rédigées : 

Le vol du véhicule, c’est à dire sa soustraction frauduleuse : 

– commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est 

stationné. 

Si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l’indemnité sans effraction des organes de direction, la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l’indemnité déjà 

versée et récupérer le véhicule retrouvé. 

Il en résulte que la garantie Vol ne s’applique pas sans effraction, que le vol du véhicule doit être prouvé par l’effraction des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné, et que 

l’effraction électronique, quant à elle, n’est pas mentionnée. 

Ainsi, par sa définition de l’effraction, l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu’en application de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, cette preuve est libre. 

Outre leur caractère restrictif, ces modes de preuve ne correspondent plus à la réalité des moyens de piratages électroniques actuels mis en oeuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir les forcer et qui ne permettent de constater aucune trace d’effraction, y compris par un expert automobile, vidant ainsi la garantie de sa substance. 

Il s’agit donc d’une clause abusive en ce qu’elle limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur. Dans la mesure où l’assureur ne saurait promettre à l’assuré de garantir le vol tout en limitant l’application de la garantie à des hypothèses d’exécution matérielle de l’infraction trop précises, devenues totalement marginales ou dont la preuve est impossible à rapporter, elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit être réputée non écrite. Le jugement sera confirmé sur ce point. » 

 

ANALYSE :  

La Cour d’appel de Paris était saisie du caractère abusif d’une clause ainsi libellée : 

 

Contenu de la clausepage 18 : «Le vol du véhicule, c’est à dire sa soustraction frauduleuse : – commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné. » 

Page 40 : Si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l’indemnité sans effraction des organes de direction, la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l’indemnité déjà versée et récupérer le véhicule retrouvé. 

  

La Cour d’appel juge abusive cette clause.  

Pour statuer ainsi, elle se fonde sur trois règles de droit.  

D’une part elle juge que l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu’en application de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, cette preuve est libre. 

D’autre part, elle observe que les modes de preuve requis par la clause « ne correspondent plus à la réalité des moyens de piratages électroniques actuels mis en oeuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir les forcer et qui ne permettent de constater aucune trace d’effraction, y compris par un expert automobile ». Il en déduit que la clause vide ainsi la garantie « de sa substance ». On reconnaît ici l’ l’article 1170 du Code civil, issu de de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, selon lequel « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Cependant, les juges n’ont pas cité ce texte puisque le contrat d’assurance avait été conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée. 

Enfin, la Cour d’appel se fonde sur l’article R. 212-2, 9° du Code de la consommation qui présume abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de «  Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ». Cette clause grise est présumée abusive de façon simple. 

Cour d’Appel de Versailles, 22 octobre 2020, RG 19/03365  

– contrat d’assurance – charge de la preuve – 

 

EXTRAITS  

« L’article 9 des conditions générales – dont le consommateur ne conteste pas qu’elles lui sont opposables – est ainsi rédigé :  

‘Evènements couverts :  

Nous intervenons en cas de survenance de l’un des évènements visés ci-dessous et dans les conditions suivantes :  

A : vol du véhicule
Par vol nous entendons la soustraction frauduleuse du véhicule assuré consécutive : * à l’effraction de celui-ci ou du local privé fermé à clef, dans lequel il est stationné, * à une ruse,
* à un acte de violence ou de menace à votre encontre, à celle du gardien, du conducteur ou des passagers,
* au vol des clefs de ce véhicule dans un local fermé à clef,
* à la remise, par l’acheteur de ce véhicule, d’un faux chèque de banque,
* à un abus de confiance, sauf pour les ‘événements non couverts’ visés ci-après.
La garantie est acquise en tout lieu.  

Pour être garanti vous devez toutefois :  

1) Ne pas avoir laissé, dans ou sur le véhicule, les clefs permettant de le faire démarrer,  

2) Avoir fermé et verrouillé les portières et autres ouvertures du véhicule,  

3) Avoir respecté les obligations spécifiques de lutte contre le vol lorsque celle-ci sont  

prévues aux conditions particulières ou dans une clause annexe,  

4) Avoir déposé plainte.  

En cas de vol avec violence, par ruse ou abus de confiance, le respect des conditions 1, 2 et 3 ci-avant n’est pas exigé’.  

Cette disposition ne constitue pas une exclusion de garantie mais une condition de sa mise en oeuvre et il appartient à l’assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies.  

S’il incombe à l’assuré de rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont remplies, l’assureur ne peut valablement limiter à certains indices prédéterminés et cumulatifs la preuve de l’effraction et donc du sinistre alors qu’en application des dispositions de l’article 1315 du code civil, cette preuve est libre et qu’en outre ce type de disposition contrevient aux dispositions de l’article R 132-2 du code de la consommation qui prévoient que sont présumées abusives, au sens de l’article L 132-1 alinéas 1 et 2 du même code, alors applicable, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur.  

Au cas présent, la clause litigieuse ne subordonne pas la preuve du vol à certains indices prédéterminés, comme le forcement de la direction ou la détérioration des contacts électriques. Elle n’est donc pas abusive au sens des dispositions précitées.  

L’article 9 des conditions générales ne donne pas de définition de l’effraction et c’est à raison que le tribunal s’est référé à celle qu’en donne l’article l’article L. 132-73 du code pénal : « L’effraction consiste dans le forcement, la dégradation ou la destruction de tout dispositif de fermeture ou de toute espèce de clôture. Est assimilé à l’effraction l’usage de fausses clefs, de clefs indûment obtenues ou de tout instrument pouvant être frauduleusement employé pour actionner un dispositif de fermeture sans ne le forcer ni le dégrader ». Il peut donc y avoir effraction même en l’absence de trace de forçage ou de dégradation et la circonstance que le vol du véhicule ait pu être commis sans effraction matérielle est sans effet sur la mise en oeuvre de la garantie contractuelle.  

Il ne saurait être exigé du profane qu’il soit tenu d’expliquer à son assureur la façon dont le voleur s’y est pris pour dérober son véhicule sans laisser de trace matérielle d’effraction, sauf à créer à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, prohibé par l’article L132-1 du code de la consommation alors applicable.  

La charge qui pèse sur le consommateur est donc de prouver, par tous moyens, que son véhicule a été volé, étant rappelé qu’il est présumé de bonne foi.  

Le consommateur a déclaré le vol de son véhicule Mercedes auprès des services de police du 16ème arrondissement de Paris le 2 mai 2015, le jour même où il a fait le constat de sa disparition. Il avait stationné son véhicule Boulevard Exelmans à 12h15 et a constaté́ sa disparition à 14 heures. Le fait que le vol ait été commis en pleine rue et dans la journée ne le rend pas suspect et au contraire, si le consommateur  avait voulu tromper son assureur, ce que celui-ci semble craindre, il lui était aisé de déclarer un vol de nuit dans une rue peu fréquentée. »   

 

ANALYSE :  

Le consommateur a acheté un véhicule de marque Mercedes, modèle E 350 CDI265, le 2 août 2012, avec un contrat de longue durée de 60 mois auprès de la société Financo. Le véhicule a été assuré par la société Matmut pour des déplacements privés. Le 2 mai 2015 le consommateur a déclaré le vol de son véhicule et a transmis sa déclaration de sinistre à la Matmut. Le véhicule a été retrouvé plus tard, mais la Matmut a refusé de payer l’indemnité en se basant sur une clause contractuelle exigeant la preuve d’effraction pour garantir le vol. 

 

Le tribunal a considéré que la clause imposant la preuve de l’effraction était abusive en vertu des articles L 132-1 et R132-1-12° du code de la consommation. Le consommateur a argumenté que cette clause créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en raison de l’évolution technologique permettant les vols sans effraction. Cependant, la cour d’appel a jugé que cette clause n’était pas abusive car elle ne limitait pas la preuve du vol à des indices prédéterminés pour prouver l’effraction. De plus, elle a rappelé que la preuve de l’effraction n’était pas nécessaire pour la mise en œuvre de la garantie contractuelle. 

 

La cour a jugé que le consommateur avait droit à une indemnisation correspondant à la valeur de remplacement du véhicule, contrairement à la décision précédente du tribunal qui limitait l’indemnisation aux frais de remise en état. Elle a également accordé une indemnité pour le trouble de jouissance subi par le consommateur. 

 

La cour a donc infirmé partiellement le jugement initial. 

CA Caen 27.09.18 – 16-02810

ANALYSE :

La clause du contrat d’assurance qui permet à l’assuré de recourir à son propre médecin en cas de désaccord sur les conclusions de l’expert mandaté par la compagnie d’assurance sur son état d’invalidité mais qui prévoit qu’en ce cas, il doit régler lui-même les frais afférents à la rémunération de ce second médecin, ce qui réduit la probabilité pour l’assureur d’être confronté à une critique professionnelle de l’évaluation faite par son médecin-expert  est abusive en ce qu’elle entraîne un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Cour d’appel de Paris, 21/09/2017, n°15/23732

ANALYSE 1

Titre : formulaires d’adhésion d’une mutuelle – nature contractuelle (oui) – destinés aux consommateurs (oui) – intérêt à agir d’une association  de consommateurs (oui)

Résumé : Les formulaires d’adhésion d’une mutuelle qui posent comme obligation l’acceptation des conditions, soit les droits et obligations, figurant à son règlement, sont de nature contractuelle et sont bien destinés aux consommateurs. Dès lors, une association de consommateur tient son droit à agir de l’article L. 421-6 alinéa 1 du code de la consommation dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14/03/2016.

ANALYSE 2

Titre : consentement de l’adhérent à la divulgation de ses données personnelles sans permettre l’identification des destinataires de ces informations – avantage pour la mutuelle  sans contre-partie pour l’adhérent (oui) – clause abusive (oui)

Résumé : Le consentement de l’adhérent à la divulgation de ses données personnelles doit être préalable à la souscription ; en l’espèce, la clause incriminée qui ne prévoit qu’une faculté d’opposition postérieure à l’adhésion et la circonstance de cases, totalement illisibles, à cocher ou à décocher à cette fin sur le bulletin d’adhésion, en format papier ou électronique, n’est pas de nature à couvrir l’irrégularité du règlement mutualiste ; les destinataires de ces informations ne sont nullement identifiables par l’adhérent, par la seule référence à l’article 2 des statuts, relatif à l’objet de la mutuelle, lequel ne fournit aucun renseignement portant sur l’identité des partenaires commerciaux de la mutuelle. Cette clause créant, pour la mutuelle, professionnel, un avantage sans contre-partie pour l’adhérent, est qualifiée d’abusive.

ANALYSE 3

Titre : délai de cinq jours pour déclarer un accident – assorti d’aucune sanction ni déchéance – clause abusive (non)

Résumé : La clause qui n’assortit le délai de cinq jours pour déclarer un accident d’aucune sanction ni déchéance (malgré les termes « impérativement » et « sauf cas de force majeure ») et qui ne s’applique pas aux hypothèses de force majeure auxquelles peuvent correspondre les accidents empêchant les adhérents de procéder à leur déclaration, n’est pas qualifiée d’abusive.

ANALYSE 4

Titre : clause qui énonce une possibilité de paiement – pas de déséquilibre entre les parties

Résumé : La clause qui énonce une possibilité de paiement, mais n’impose pas le prélèvement automatique comme seul et unique moyen de paiement aux adhérents n’introduit pas de déséquilibre entre les parties.

ANALYSE 5

Titre : clause destinée aux étudiants français expatriés – possibilité de souscrire pour une durée de trois mois reconductible tacitement par trimestre avec obligation de prélèvement automatique – clause abusive (non)

Résumé : La clause destinée aux étudiants français expatriés, pouvant être souscrite pour une durée de trois mois reconductible tacitement par trimestre et imposant le prélèvement automatique pour sa reconduction, dès lors que l’adhérent a eu le choix, lors de la souscription de la garantie, entre plusieurs modes de paiement, la circonstance de son renouvellement trimestriel par prélèvement automatique uniquement, est justifiée par les circonstances particulières de son expatriation et ne crée pas un déséquilibre caractérisant une clause abusive.

ANALYSE 6

Titre : production de justificatifs relatifs aux prestations et dépenses non prises en charge par l’organisme de Sécurité Sociale  – clause abusive (non)

Résumé : La mutuelle est en droit de vérifier les conditions d’application de la garantie par la production de justificatifs relatifs aux prestations et dépenses non prises en charge par l’organisme de Sécurité Sociale. La multiplicité de ces situations ne permet pas d’établir une liste exhaustive des documents servant de justificatifs. Ainsi, la demande de production de justificatifs de prestations ou de dépenses ne confère pas à la mutuelle un droit exclusif d’interprétation du contrat au sens de l’article R. 212-1, 4°, du code de la consommation permettant de qualifier la clause d’abusive.

ANALYSE 7

Titre : Modification des bases et des taux de remboursement par l’assemblée générale d’une mutuelle sans notification – pas de faculté de résiliation – clause abusive (oui)

Résumé : La possibilité pour l’assemblée générale d’une mutuelle de modifier les bases et taux de remboursement a pour corollaire l’obligation de notifier cette modification à l’adhérent et de lui offrir la possibilité de résilier le contrat. Faute de notification de la modification des prestations et montant des cotisations, hors l’hypothèse de renouvellement de l’adhésion, et en l’absence de faculté de résiliation, la mutuelle se trouve en situation de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux caractéristiques ou au prix de la garantie, ce qui fait présumer la clause abusive de manière irréfragable.

 

Titre :

Contrat d’assurance emprunteur-clause d’invalidité permanente et totale-objet du contrat-clause claire et compréhensible – exclusion d’une interprétation en faveur du consommateur – application de la législation en matière de clauses abusives (non)

Résumé :

La clause d’invalidité permanente et absolue, insérée dans un contrat d’assurance emprunteur, rédigée comme suit : « l’état d’invalidité permanente et absolue (IPA) est réalisée lorsque les trois conditions suivantes sont remplies simultanément : – survenir en cours d’assurance et avant le 65 ème anniversaire ; -mettre l’assuré dans l’impossibilité totale et définitive de se livrer au moindre travail pouvant lui procurer gain ou profit ; – l’obliger, en outre, à recourir, pendant toute son existence à l’assistance permanente d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie (se déplacer, se laver, s’habiller, s’alimenter) » est claire et intelligible quant à l’octroi de la garantie. En effet, exiger la preuve du caractère définitif de l’invalidité subie par l’assuré ne prive pas d’effet la garantie susvisée et, dès lors, est exclue toute interprétation de cette clause.

Par ailleurs, cette clause définit l’objet principal du contrat et ne peut donc, étant claire et compréhensible, donner lieur à une appréciation de son caractère abusif, conformément à l’article L. 212-1, alinéa 3, du code de la consommation.

 

Cass. civ. I, 25 janvier 2017, n° 15-24216

TGI, PARIS, 5 janvier 2017, N° RG : 15/06093

Titre :

Contrat d’assurance automobile- application de la garantie vol- condition de garantie- vol sans effraction (usage de fausse clef électronique)- définition restrictive de l’effraction (forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout autre système de protection antivol en phase de fonctionnement)- limitation des moyens de preuves à la disposition de l’assuré- clause abusive (oui)

Résumé :

Au motif de définir l’effraction ( forcement de la direction, détérioration des contacts électriques permettant la mise en route ou de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement) l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre, alors qu’en application de l’article 1353 du code civil (anciennement article 1315), cette preuve est libre et, outre son caractère restrictif, ce mode preuve qui ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol des véhicules contrevient aux dispositions de l’article R. 212-2, 9° du code de la consommation (anciennement articles R. 132-2,9° du code de la consommation) qui précisent que sont présumées abusives les clauses ayant pour objet ou effet de limiter indûment les moyens de preuve à disposition du consommateur.

Dès lors doit être déclarée abusives et réputée non écrite la clause suivante, introduite dans le clause de condition de garantie : « Toutefois, si votre véhicule était retrouvé sans effraction de nature à permettre sa mise en route et sa circulation (forcement de direction, détérioration des contacts électriques ou de tout autre système antivol en phase de fonctionnement), la garantie Vol ne serait acquise »

 

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