Cass. civ.1ère 18 septembre 2024 n°22-17746  

 

Contrat de prêt — Caractère abusif des clauses — Déséquilibre significatif — Clauses abusives — devoir de mise en garde  

 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008- 776 du 4 août 2008 et l’article 2224 du code civil. 

 (…). 

  1. Pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusives les clauses critiquées, l’arrêt retient que ces clauses définissent l’objet principal des contrats de prêt et qu’elles sont compréhensibles par tout lecteur normalement attentif et diligent, en ce qu’elles alertent clairement l’emprunteur sur l’existence d’un risque de change pouvant survenir pendant toute la durée du prêt, qu’elles doivent également être appréciées au regard des autres dispositions de l’acte de prêt décrivant le coût du crédit et d’où il ressort qu’en l’absence de ressources d’origine suisses, et hors demande de conversion en euros, le paiement des échéances de remboursement doit nécessairement s’opérer par la conversion en francs suisses de règlements en euros, et qu’il avait été remis aux emprunteurs avant l’acceptation de la première offre de prêt, une attestation par laquelle ils certifiaient, notamment, « avoir pris connaissance des risques de change liés au franc suisse ».

    8. En statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que ces clauses ne permettaient pas, à elles seules, d’apprécier le caractère personnalisé des explications qui avaient pu être fournies, que les emprunteurs n’avaient reçu aucune simulation chiffrée et que l’attestation était rédigée en termes relativement généraux, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé. 

 

 

ANALYSE : 

Les 18 décembre 2006 et 7 décembre 2007, une banque (Crédit Mutuel) a accordé à des époux trois prêts en francs suisses, remboursables en euros, avec des intérêts à taux variables indexés sur le Libor trois mois. Le 12 octobre 2017, les emprunteurs ont assigné la banque, demandant que les clauses concernant le risque de change soient déclarées abusives et réputées non écrites. Ils ont également assigné la banque en responsabilité pour avoir manqué à son obligation de mise en garde. 

La cour d’appel a jugé que les clauses n’étaient pas abusive puisque ces clauses définissent l’objet principal des contrats de prêt et qu’elles sont compréhensibles par tout lecteur normalement attentif et diligent, en ce qu’elles alertent clairement l’emprunteur sur l’existence d’un risque de change pouvant survenir pendant toute la durée du prêt. La cour d’appel avait notamment considéré qu’avait été remis aux emprunteurs avant l’acceptation de la première offre de prêt, une attestation par laquelle ils certifiaient, notamment, « avoir pris connaissance des risques de change liés au franc suisse 

L’arrêt est cassé.  

La Cour de cassation observe que les juges du fond ont relevé que les clauses ne permettaient pas, à elles seules, d’apprécier le caractère personnalisé des explications qui avaient pu être fournies, que les emprunteurs n’avaient reçu aucune simulation chiffrée et que l’attestation était rédigée en termes relativement généraux. 

Elle en déduit qu’ils n’ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations. En effet dès lors qu’ils avaient relevé que les clauses “ne permettaient pas, à elles seules, d’apprécier le caractère personnalisé des explications qui avaient pu être fournies”, ils ne pouvaient en déduire qu’elles étaient claires et compréhensibles.  

Voir également : 

-  CJUE, 10 juin 2021 – C-776/19

Cass civ 2ème, 11 juillet 2024, n°24-70.001

Juge de l’exécution –– clause abusive – office du juge – compétence – Difficultés relatives aux titres exécutoires 

 

EXTRAITS : 

« II. La constatation par le juge de l’exécution du caractère réputé non écrit d’une clause abusive 

  1. L’application du droit de l’Union européenne implique que le juge de l’exécution qui retient le caractère abusif d’une clause, doit, en application du principe d’effectivité, en tirer toutes les conséquences et la réputer non écrite. Il doit ressortir de l’ensemble de sa décision qu’il a procédé à cet examen.
  2. La jurisprudence de la CJUE n’impose pas au juge de l’exécution d’indiquer dans le dispositif de sa décision un chef de dispositif réputant la clause non écrite. Elle ne le prohibe pas non plus.
  3. Il convient, dès lors, d’appliquer les règles de droit interne de procédure civile.
  4. Il en résulte que le juge de l’exécution peut constater, dans le dispositif de sa décision, le caractère réputé non écrit d’une clause abusive. » 

 

ANALYSE : 

Dans cette décision, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation répond à une demande d’avis formée le 11 janvier 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris (TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS, 11 JANVIER 2024, N°RG 20/81791). Plusieurs questions se posaient.  

Premièrement, il était question de savoir si le juge de l’exécution pouvait, dans le dispositif de son jugement, déclarer réputée non écrite comme abusive la clause d’un contrat de consommation ayant donné lieu à la décision de justice fondant les poursuites. 

En cas de réponse positive, se posait la question de savoir si lorsque cette clause a pour objet la déchéance du terme, le juge de l’exécution pouvait annuler cette décision ou la dire privée de fondement juridique notamment lorsque l’exigibilité de la créance était la condition de sa délivrance. En outre, se posait la question de savoir si le juge de l’exécution pouvait modifier cette décision de justice, en décidant qu’elle est en tout ou partie insusceptible d’exécution forcée. 

Pour répondre à ces questions, la Cour de cassation s’est fondée sur la jurisprudence rendue par la CJUE en la matière, notamment sur son célèbre Simmenthal rendu le 9 mars 1978 (affaire 106/77) duquel découle une obligation pour le juge national d’appliquer le droit communautaire et de laisser inappliquée toute disposition qui empêcherait le particulier de se prévaloir de ses droits issus du droit communautaire.  

La deuxième chambre civile rappelle que le juge de l’exécution a l’obligation de relever d’office les clauses abusives dans un contrat de consommation, et ce même en présence d’une injonction de payer ou d’une décision ayant force de chose jugée (Cass. com., 8 février 2023, n° 21-17.763 et Cass. civ. 2ème, 13 avril 2023, n° 21-14.540).  

Concernant la première question relative à la compétence du juge de l’exécution pour constater le caractère réputé non écrit d’une clause abusive, la Cour retient qu’il doit tirer les conséquences du caractère abusif de la clause mais que la jurisprudence de la CJUE n’exige pas de lui qu’il indique, dans le dispositif sa décision, que la clause est réputée non écrite. En conséquence, la deuxième chambre civile, tirant parti du principe de l’autonomie procédurale.  Retient, que le juge de l’exécution peut constater le caractère réputé non écrit d’une clause abusive dans son dispositif. 

Sur la question des conséquences de la constatation par le juge de l’exécution du caractère abusif d’une clause, lorsque le titre exécutoire est une décision juridictionnelle, la Cour retient, en application de la jurisprudence européenne, que le consommateur doit être replacé dans une situation, en droit et en fait, qui aurait été la sienne en l’absence de cette clause. En application du droit français, et notamment de l’article R. 121-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution, elle affirme que le juge de l’exécution qui répute non écrite une clause abusive, ne peut pas annuler ou modifier le titre exécutoire, ni statuer sur une demande en paiement. Cependant, la Cour de cassation apporte une atténuation liér à la circonstance que le titre exécutoire se trouve privé d’effet en raison du réputé non écrit de la clause abusive. A raison de la perte de ce fondement juridique, le juge de l’exécution doit calculer à nouveau le montant de la créance selon les dispositions propres aux mesures d’exécution forcée dont il est saisi. 

 Ainsi, le juge de l’exécution, qui a l’obligation de relever d’office les clauses abusives, peut constater dans le dispositif de sa décision le caractère réputé non écrit de telles clauses. En revanche il ne pourra pas annuler ou modifier le titre exécutoire qui commande l’exécution du contrat contenant ces clauses. Il ne pourra pas non plus statuer sur une demande en paiement. Il devra cependant tirer toutes les conséquences possibles du nouveau calcul de la créance, notamment sur le sort des mesures d’exécution dont il est saisi.  

 

Voir également :  

CJUE, 9 mars 1978, Simmenthal, affaire 106/77   

CJUE, 26 janvier 2017, C-421/14 – Banco Primus  

CJUE, 18 janvier 2024, aff. C-531/22 – Getin Noble Bank E.A  

Cass. civ. 2ème, 13 avril 2023, n° 21-14.540

Cass. civ. 1ère, 29 mai 2024, n°23-12.904, Publié au bulletin

Protection des consommateurs – Clauses abusives – Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties 

EXTRAITS : 

“Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016: 

(…) 

  1. En statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la cour d’appel a violé le texte susvisé”

 

ANALYSE : 

Un prêt immobilier a été consenti le 18 juillet 2011 par une banque. A la suite de plusieurs échéances impayées, le prêteur a mis en demeure l’emprunteur, le 30 mars 2018, de régulariser la situation dans un délai de 15 jours. Le 5 juin 2018, la banque a prononcé la déchéance du terme. 

Par un arrêt en date du 5 janvier 2023, la cour d’appel de Metz a condamné l‘emprunteur au paiement de la totalité des sommes dues au titre du prêt, en faisant application d’une clause du contrat autorisant la banque à « se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt en capital, intérêts et accessoire » sans délai de préavis raisonnable. 

L’emprunteur forme un pourvoi en cassation en invoquant l’absence d’examen d’office par les juges du fond du caractère abusif de la clause litigieuse. 

La Cour de cassation considère que la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable est abusive, en ce qu’elle expose le consommateur à une “aggravation soudaine des conditions de remboursement”. 

Ainsi, la première chambre civile confirme la solution qu’elle avait déjà apportée dans l’arrêt rendu le 22 mars 2023, n° 21-16.044, affirmant que la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler des échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur en ce qu’elle l’expose à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. 

Pour statuer ainsi, la première chambre civile rappelle l’arrêt Banco Primus rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 26 janvier 2017. En effet, dans cet arrêt, la Cour dégage 4 éléments que le juge national doit examiner pour apprécier le caractère abusif d’une clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée.  

Il s’agit premièrement d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution d’une obligation du consommateur essentielle dans le cadre du contrat. Il s’agit ensuite d’apprécier l’existence d’une telle clause en cas d’inexécution du consommateur « suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt ». Le juge national doit également prendre en compte dans son analyse les règles nationales applicables en l’absence d’accord des parties. Enfin, il doit apprécier l’existence dans le droit national de recours laissés au consommateur pour remédier aux effets de ladite clause. 

La première chambre civile rappelle ensuite  que l’arrêt Banco Primus rendu le 26 janvier 2017 suppose que les critères d’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doivent être compris comme un ensemble de circonstances entourant la conclusion du contrat concerné (CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21).  

voir également :  

Cass. civ.1ère, 4 avril 2024, n°23-12-791

Prêt immobilier — activité professionnelle — Association —  

  

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, applicable à la cause : 

 

  1. L’association fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en restitution de la somme de 485 611,87 euros, alors « que, par ailleurs, le professionnel, au sens de la régime des clauses abusives, est celui qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’il agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ; que, de plus, la notion de « professionnel » est une notion fonctionnelle impliquant d’apprécier si le rapport contractuel s’inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel ; que, pour attribuer à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse la qualité de professionnel et ainsi exclure l’application des dispositions relatives aux clauses abusives, la cour d’appel a retenu, d’une part, que le contrat de prêt litigieux était destiné à financer un investissement immobilier comportant notamment la création d’une maison de retraite pour lequel elle a passé avec une association une convention d’assistance à maîtrise d’ouvrage, d’autre part, qu’aux termes des statuts de l’association qui en assure le fonctionnement, celle-ci agit conformément aux orientations et directives de ladite Congrégation fondatrice » et, enfin, qu’un contrat de bail a été consenti par la congrégation qui porte sur l’ensemble immobilier financé au moyen du prêt, comprenant 78 locaux répartis sur 2007 m2 utiles moyennant un loyer annuel principal de 122 000 euros ;

 

Ayant retenu que l’association avait souscrit le prêt afin d’acquérir, à titre d’investissement immobilier, 2007 m² de terrain et 78 locaux et d’y installer et faire exploiter sous ses directives, moyennant le versement d’un loyer annuel de 122 000 euros, une maison de retraite, la cour d’appel en a exactement déduit que l’association, qui avait agi dans le cadre d’une activité professionnelle, ne pouvait pas se prévaloir du caractère abusif de la clause d’indemnité contractuelle due au prêteur en cas de remboursement anticipé du prêt et que la demande tendant à ce que cette clause soit réputée non écrite devait être rejetée. ». 

 

  

ANALYSE : 

  

En l’espèce, une association liée à la Congrégation des sœurs de Notre-Dame de la Compassion de Toulouse a contracté un prêt immobilier destiné à financer la création d’une maison de retraite. La question de la validité d’une clause d’indemnité contractuelle en cas de remboursement anticipé du prêt s’est posée. L’association a invoqué le caractère abusif de cette clause en se basant sur les dispositions du régime des clauses abusives prévu par le code de la consommation. 

 

La cour d’appel a rejeté la demande de l’association en considérant que cette dernière agissait dans un cadre professionnel. Elle a notamment souligné que le prêt était destiné à un investissement immobilier de grande envergure (acquisition de 2007 m² et 78 locaux) pour la gestion d’une maison de retraite, avec un loyer annuel substantiel. Dès lors, la cour a estimé que l’association ne pouvait pas invoquer la protection accordée par le régime des clauses abusives aux consommateurs. 

 

La Cour de cassation confirme l’analyse de la cour d’appel sur ce point.  

 

Par conséquent, l’association, agissant à titre professionnel, ne peut bénéficier de la protection du régime des clauses abusives prévu par l’article L. 132-1 du code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à 2016). 

 

Cass. civ, 1ère, 13 mars 2024, n°22-24.812  

 

Directive 93/13/CEE – Crédit à la consommation en devise étrangère – principe d’effectivité – office du juge – clauses abusives 

 

EXTRAITS :   

 

« 7. En statuant ainsi, sans examiner d’office si la clause de remboursement en franc suisse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des emprunteurs, alors qu’elle relevait que ceux-ci développaient, au soutien de leur demande indemnitaire, des arguments relatifs au caractère abusif de la clause relative au risque de change, la cour d’appel a violé le texte susvisé. » 

 

ANALYSE :  

 

 

Dans sa décision du 13 mars 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation devait statuer sur une clause de remboursement dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère (franc suisse) et remboursable dans cette devise étrangère.  

 

La situation est donc différente de celle tranchée dans l’arrêt BNP Paribas Personal Finance rendu le 10 juin 2021 par la Cour de Justice de l’Union Européenne, n°C-776/19, concernant des prêts libellés en francs suisses et remboursables en monnaie nationale (euros). 

 

La Cour considère que le juge du fond doit examiner d’office le potentiel déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au détriment des emprunteurs, au sein de la clause de remboursement d’un contrat de prêt en devise étrangère.  

 

La première chambre civile de la cour de cassation s’appuie sur l’arrêt « Pannon » rendu par la Cour de justice des Communautés Européennes le 4 juin 2009, n° C-243/08, où est établie l’obligation pour un juge d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle à condition qu’il dispose des éléments de droit et de faits nécessaires à cet effet, et ce sanctionné par l’interdiction de l’application de la clause litigieuse sauf opposition du consommateur. 

 

Aussi la première chambre civile casse l’arrêt d’appel au motif que les juges du fond n’ont pas examiné d’office si la clause de remboursement en franc suisse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des emprunteurs, alors même qu’elle relevait que ceux-ci développaient, au soutien de leur demande indemnitaire, des arguments relatifs au caractère abusif de la clause relative au risque de change,  

 

Cette solution diffère donc de celle rendue le 1er mars 2023 (Cass. civ. 1ère, 1 mars 2023, n° 21-20.260) dans laquelle elle avait jugé que la clause de remboursement d’un prêt libellé et remboursable en francs suisses à un emprunteur percevant ses revenus dans cette devise n’est pas abusive.  

 

En d’autres termes, les juges du fond doivent s’interroger sur le caractère abusif de la clause relative au risque de change tant dans les prêtes remboursables en euros que dans les prêts remboursables en devise étrangère. 

Voir également :  

 CJCE, arrêt du 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM 

 

Cass. civ 1, 13 mars 2024, n° 22-24.812 

Contrat de prêt — Crédit libellé en devise étrangère — Déchéance du terme — Relevé d’office — Clause de remboursement — Directive 93/13 

EXTRAITS : 

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

5. Interprétant la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit que le juge national était tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il disposait des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considérait une telle clause comme étant abusive, il ne l’appliquait pas, sauf si le consommateur s’y opposait (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08)

6.Pour rejeter les demandes des emprunteurs, l’arrêt retient que c’est sans commettre d’abus que la banque a pu prononcer la déchéance du terme dès lors que l’arriéré, constitué depuis le mois de juillet 2013, n’était pas apuré et que si Mme [K] [V] travaillait à l’étranger au moment de l’envoi de l’avis de déchéance du terme, il lui appartenait soit de communiquer ses nouvelles adresses à la banque, soit de faire en sorte que son courrier puisse lui parvenir.

7. En statuant ainsi, sans examiner d’office si la clause de remboursement en franc suisse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des emprunteurs, alors qu’elle relevait que ceux-ci développaient, au soutien de leur demande indemnitaire, des arguments relatifs au caractère abusif de la clause relative au risque de change, la cour d’appel a violé le texte susvisé. 

ANALYSE : 

Un couple de consommateurs avait eu recours à un contrat de prêt immobilier libellé en francs suisses et remboursable en francs suisses. Plusieurs années plus tard, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt du fait de la défaillance des consommateurs. Les consommateurs assignent la banque et demandent l’annulation de la déchéance du terme au motif que la clause de remboursement en francs suisses mettait à leur charge un risque de change.  

Les juges du fond rejettent la demande des consommateurs au motif que c’est sans abus que la banque avait prononcé la déchéance du terme du fait de la défaillance des consommateurs.  

La Première Chambre Civile censure le raisonnement des juges du fond en affirmant que les juges du fond n’avaient pas examiné d’office si ladite clause de remboursement constituait ou non un déséquilibre significatif, alors même que les consommateurs avaient invoqué ce caractère abusif dans leur demande. Or depuis, l’arrêt Pannon de la CJUE, le juge a l’obligation de relever d’office le caractère potentiellement abusif d’une clause. Ainsi, la Cour casse et annule la décision rendue afin de permettre l’appréciation du caractère abusif de ladite clause de remboursement. 

 

Voir également : 

-  CJUE, 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM 

Cass. civ. 2ème, 15 février 2024, n°22-15.680 

 

Avocat — Honoraires— Contestation — Convention d’honoraires — Domaine d’application — Clauses abusives — Prestations accomplies par l’avocat antérieurement à la rupture de la convention d’honoraires — Calcul — Modalités — Détermination — Paiement — Appréciation du caractère abusif des clauses  

 

EXTRAITS : 

« 6. Il résulte de l’article R.212-1, 5° et 11°, du code de la consommation que dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l’article L.212-1 du même code et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet, d’une part, de contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service, d’autre part, de subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel.  

  1. La convention d’honoraires, qui confie à un avocat une mission d’assistance ou de représentation pour une procédure judiciaire déterminée, ne constitue pas un contrat à durée indéterminée et, en conséquence, n’entre pas dans les prévisions de l’article R. 212-1, 11°, du code de la consommation. 
  2. En outre, en cas de dessaisissement par le client, le versement d’un honoraire sur la base du taux horaire de l’avocat, aux lieu et place d’un honoraire forfaitaire complété par un honoraire de résultat, qui ne revêt aucun caractère indemnitaire, ne constitue pas une indemnité de résiliation au sens de ce texte ».

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, une personne a confié la défense de ses intérêts dans une procédure prud’homale à une avocate. Lesdites parties ont conclu une convention d’honoraires comportant une clause de dessaisissement selon laquelle « dans l’hypothèse où le client souhaite dessaisir l’avocat, les diligences déjà effectuées seront rémunérées par référence aux taux horaires usuel de l’avocat, soit 250 euros HT et non sur la base des honoraires de base et complémentaires figurant aux articles 2 et 3 de la convention ». À la suite d’un différend avec la cliente, l’avocate a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation des honoraires dus par sa cliente, lequel a calculé le montant des honoraires en vertu de la clause. La cliente fait grief à l’ordonnance de confirmer la décision du bâtonnier en ce que le juge est tenu de relever, au besoin d’office, le caractère abusif d’une disposition contractuelle dès lors qu’il dispose des éléments de fait et de droit nécessaire à cet effet.  

Tout d’abord, la Cour de cassation vise l’’article R.212-1, 5 et 11° du code de la consommation qui présume abusives de manière irréfragables dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet «  d’une part, de contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service, d’autre part, de subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel ».  

Ce faisant, elle considère que la convention d’honoraires, qui confie à un avocat une mission d’assistance ou de représentation pour une procédure judiciaire déterminée, ne constitue pas un contrat de durée indéterminée, et subséquemment, n’entre pas dans le champ d’application de l’article R.212-1,11° du code de la consommation. 

En outre, la Cour de cassation confirme que le versement de l’honoraire prévu par la clause ne revêt aucun caractère indemnitaire et ne constitue pas une indemnité de résiliation au sens de l’article R.212-1, 11° du code de la consommation.  

Par conséquent, la Cour de cassation juge que la clause n’est pas abusive et rejette le pourvoi. 

 

Voir également : 

2e Civ., 2 juin 2005, n°04-12.046 

2e Civ., 4 février 2016, n°14-23.960 

2e Civ., 27 octobre 2022, n°21-10.739 

Cass. civ.1ère, 14 février 2024, n°22-21.135 

 

Contrat de prêt immobilier – Taux révisable – Clause de remboursement – Nullité des prêts – Transparence des clauses – Obligations d’information – Devise étrangère. 

 

EXTRAITS : 

«  Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 

  

  1. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19, BNP Paribas Personal Finance), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, § 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. 
  2. Pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusives les clauses critiquées, l’arrêt retient, d’une part, que ces clauses définissent l’objet principal des contrats de prêt, qu’elles sont parfaitement claires et compréhensibles, en ce qu’elles prévoient que la monnaie de compte est le franc suisse, que le remboursement se fait en euros et que les emprunteurs sont soumis au risque du taux de change, d’autre part, que les clauses du prêt sont peu lisibles, particulièrement complexes et qu’elles ne permettent pas de réaliser de façon claire et transparente que le capital restant dû à l’issue de la durée initiale allongée de cinq ans peut être bien supérieur à celui initialement prévu et que les simulations ne permettaient pas de comprendre les conséquences économiques des crédits, de sorte que la banque a manqué à son obligation d’information transparente sur les conséquences économiques des prêts ».

 

ANALYSE : 

En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance a accordé deux prêts immobiliers en francs suisses à un couple de consommateurs le 1er avril 2009, avec des taux révisables tous les trois ans. Ces derniers ont poursuivi la banque en justice, alléguant l’abus de la clause de remboursement et réclamant des dommages-intérêts pour défaut d’information et de mise en garde. La Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 132-1 du code de la consommation et conformément à l’arrêt BNP Paribas Personal Finance (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C782/19), a jugé que les clauses du contrat étaient peu lisibles, particulièrement complexes et ne permettaient pas une compréhension claire des conséquences économiques des prêts pour les emprunteurs, constituant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En conséquence, la Cour a cassé l’arrêt attaqué, confirmant ainsi sa jurisprudence antérieure mettant en œuvre la jurisprudence de la CJUE précitée. 

Voir également : 

CJUE, 10 juin 2021, BNP Parisbas Personal Finance, C-776/19 à C782/19

Cass, civ, 1ère, 14 février 2024, n°22-22.742 

 

Procédure d’exequatur – ordre public international et national – principe d’effectivité – office du juge – clauses abusives  

 

 

EXTRAITS :  

 

  1. Selon les articles 34 et 45 du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I, la reconnaissance n’est refusée que si elle est manifestement contraire à l’ordre public de l’Etat requis et, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l’objet d’une révision au fond.

 

  1. La contrariété à l’ordre public international s’entend d’une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dans celui de l’État membre requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands).

 

  1. Lorsqu’il vérifie l’existence éventuelle d’une violation manifeste de l’ordre public de l’État requis, le juge de cet État doit tenir compte du fait que, sauf circonstances particulières rendant trop difficile ou impossible l’exercice des voies de recours dans l’État membre d’origine, les justiciables doivent faire usage dans cet État membre de toutes les voies de recours disponibles afin de prévenir en amont une telle violation (CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands).

 

  1. Le respect du principe d’effectivité ne saurait néanmoins aller jusqu’à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (CJUE 17 mai 2022, C-600/19, Ibercaja Banco).

 

  1. En retenant, d’une part, que l’existence d’une éventuelle clause abusive dans le contrat de prêt ne pouvait être considérée en soi comme une violation qui heurterait de manière inacceptable l’ordre juridique de l’Etat français en tant qu’elle porterait atteinte à un principe fondamental et, d’autre part, qu’il n’appartenait pas au juge, eu égard à l’interdiction de toute révision au fond de la décision dont il était demandé l’exécution, d’apprécier le caractère abusif d’une telle clause, dont M. et Mme [U] ne s’étaient pas prévalus devant les juges Luxembourgeois, la cour d’appel a justifié sa décision.

 

 

 

ANALYSE :  

 

Dans sa décision du 14 juillet 2024, la première Chambre civile de la Cour de cassation souligne que les juridictions françaises sont incompétentes dans le cadre d’une procédure d’exequatur pour connaître le caractère abusif d’une clause dont les requérants ne se seraient pas prévalus dans le cadre de la procédure initiale.  

 

Elle justifie sa décision en s’appuyant sur la définition de l’ordre public national français qui suppose qu’une décision qui heurterait de manière inacceptable ledit ordre public serait inexécutable en France. La législation européenne relative aux clauses abusives n’est pas considérée par la Cour comme une atteinte aux principes fondamentaux de l’État français.  

 

Par ailleurs, la Cour de cassation ajoute qu’un litige ayant déjà fait l’objet d’une décision au fond dans un État de l’Union ne peut faire l’objet d’un second examen au fond dans un autre État membre. Ainsi, il incombe aux parties de procéder à l’épuisement de toutes les voies de recours disponibles dans l’État d’origine pour relever le caractère abusif d’une clause. Le principe d’effectivité ne peut être invoqué comme ultima ratio pour pallier l’inertie du consommateur.   

 

Ainsi, l’État effectuant la procédure d’exequatur n’est pas compétent pour apprécier le caractère abusif d’une clause, ce qui relève du fond, et ne peut qu’apprécier l’éventuelle contrariété à l’ordre public national de la décision rendue.  

 

 

Voir également :  

 

CJUE 16 juillet 2015, C-681/13, Diageo Brands 

CJUE 17 mai 2022, C-600/19, Ibercaja Banco