Cass. civ 1, 13 mars 2024, n° 22-24.812 

Contrat de prêt — Crédit libellé en devise étrangère — Déchéance du terme — Relevé d’office — Clause de remboursement — Directive 93/13 

EXTRAITS : 

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

4. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

5. Interprétant la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit que le juge national était tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il disposait des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considérait une telle clause comme étant abusive, il ne l’appliquait pas, sauf si le consommateur s’y opposait (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08)

6.Pour rejeter les demandes des emprunteurs, l’arrêt retient que c’est sans commettre d’abus que la banque a pu prononcer la déchéance du terme dès lors que l’arriéré, constitué depuis le mois de juillet 2013, n’était pas apuré et que si Mme [K] [V] travaillait à l’étranger au moment de l’envoi de l’avis de déchéance du terme, il lui appartenait soit de communiquer ses nouvelles adresses à la banque, soit de faire en sorte que son courrier puisse lui parvenir.

7. En statuant ainsi, sans examiner d’office si la clause de remboursement en franc suisse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des emprunteurs, alors qu’elle relevait que ceux-ci développaient, au soutien de leur demande indemnitaire, des arguments relatifs au caractère abusif de la clause relative au risque de change, la cour d’appel a violé le texte susvisé. 

ANALYSE : 

Un couple de consommateurs avait eu recours à un contrat de prêt immobilier libellé en francs suisses et remboursable en francs suisses. Plusieurs années plus tard, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt du fait de la défaillance des consommateurs. Les consommateurs assignent la banque et demandent l’annulation de la déchéance du terme au motif que la clause de remboursement en francs suisses mettait à leur charge un risque de change.  

Les juges du fond rejettent la demande des consommateurs au motif que c’est sans abus que la banque avait prononcé la déchéance du terme du fait de la défaillance des consommateurs.  

La Première Chambre Civile censure le raisonnement des juges du fond en affirmant que les juges du fond n’avaient pas examiné d’office si ladite clause de remboursement constituait ou non un déséquilibre significatif, alors même que les consommateurs avaient invoqué ce caractère abusif dans leur demande. Or depuis, l’arrêt Pannon de la CJUE, le juge a l’obligation de relever d’office le caractère potentiellement abusif d’une clause. Ainsi, la Cour casse et annule la décision rendue afin de permettre l’appréciation du caractère abusif de ladite clause de remboursement. 

 

Voir également : 

-  CJUE, 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM 

Cass. civ. 2ème, 15 février 2024, n°22-15.680 

 

Avocat — Honoraires— Contestation — Convention d’honoraires — Domaine d’application — Clauses abusives — Prestations accomplies par l’avocat antérieurement à la rupture de la convention d’honoraires — Calcul — Modalités — Détermination — Paiement — Appréciation du caractère abusif des clauses  

 

EXTRAITS : 

« 6. Il résulte de l’article R.212-1, 5° et 11°, du code de la consommation que dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l’article L.212-1 du même code et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet, d’une part, de contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service, d’autre part, de subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel.  

  1. La convention d’honoraires, qui confie à un avocat une mission d’assistance ou de représentation pour une procédure judiciaire déterminée, ne constitue pas un contrat à durée indéterminée et, en conséquence, n’entre pas dans les prévisions de l’article R. 212-1, 11°, du code de la consommation. 
  2. En outre, en cas de dessaisissement par le client, le versement d’un honoraire sur la base du taux horaire de l’avocat, aux lieu et place d’un honoraire forfaitaire complété par un honoraire de résultat, qui ne revêt aucun caractère indemnitaire, ne constitue pas une indemnité de résiliation au sens de ce texte ».

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, une personne a confié la défense de ses intérêts dans une procédure prud’homale à une avocate. Lesdites parties ont conclu une convention d’honoraires comportant une clause de dessaisissement selon laquelle « dans l’hypothèse où le client souhaite dessaisir l’avocat, les diligences déjà effectuées seront rémunérées par référence aux taux horaires usuel de l’avocat, soit 250 euros HT et non sur la base des honoraires de base et complémentaires figurant aux articles 2 et 3 de la convention ». À la suite d’un différend avec la cliente, l’avocate a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation des honoraires dus par sa cliente, lequel a calculé le montant des honoraires en vertu de la clause. La cliente fait grief à l’ordonnance de confirmer la décision du bâtonnier en ce que le juge est tenu de relever, au besoin d’office, le caractère abusif d’une disposition contractuelle dès lors qu’il dispose des éléments de fait et de droit nécessaire à cet effet.  

Tout d’abord, la Cour de cassation vise l’’article R.212-1, 5 et 11° du code de la consommation qui présume abusives de manière irréfragables dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet «  d’une part, de contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service, d’autre part, de subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel ».  

Ce faisant, elle considère que la convention d’honoraires, qui confie à un avocat une mission d’assistance ou de représentation pour une procédure judiciaire déterminée, ne constitue pas un contrat de durée indéterminée, et subséquemment, n’entre pas dans le champ d’application de l’article R.212-1,11° du code de la consommation. 

En outre, la Cour de cassation confirme que le versement de l’honoraire prévu par la clause ne revêt aucun caractère indemnitaire et ne constitue pas une indemnité de résiliation au sens de l’article R.212-1, 11° du code de la consommation.  

Par conséquent, la Cour de cassation juge que la clause n’est pas abusive et rejette le pourvoi. 

 

Voir également : 

2e Civ., 2 juin 2005, n°04-12.046 

2e Civ., 4 février 2016, n°14-23.960 

2e Civ., 27 octobre 2022, n°21-10.739 

Cass. civ.1ère, 14 février 2024, n°22-21.135 

 

Contrat de prêt immobilier – Taux révisable – Clause de remboursement – Nullité des prêts – Transparence des clauses – Obligations d’information – Devise étrangère. 

 

EXTRAITS : 

«  Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 

  

  1. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19, BNP Paribas Personal Finance), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, § 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. 
  2. Pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusives les clauses critiquées, l’arrêt retient, d’une part, que ces clauses définissent l’objet principal des contrats de prêt, qu’elles sont parfaitement claires et compréhensibles, en ce qu’elles prévoient que la monnaie de compte est le franc suisse, que le remboursement se fait en euros et que les emprunteurs sont soumis au risque du taux de change, d’autre part, que les clauses du prêt sont peu lisibles, particulièrement complexes et qu’elles ne permettent pas de réaliser de façon claire et transparente que le capital restant dû à l’issue de la durée initiale allongée de cinq ans peut être bien supérieur à celui initialement prévu et que les simulations ne permettaient pas de comprendre les conséquences économiques des crédits, de sorte que la banque a manqué à son obligation d’information transparente sur les conséquences économiques des prêts ».

 

ANALYSE : 

En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance a accordé deux prêts immobiliers en francs suisses à un couple de consommateurs le 1er avril 2009, avec des taux révisables tous les trois ans. Ces derniers ont poursuivi la banque en justice, alléguant l’abus de la clause de remboursement et réclamant des dommages-intérêts pour défaut d’information et de mise en garde. La Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 132-1 du code de la consommation et conformément à l’arrêt BNP Paribas Personal Finance (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C782/19), a jugé que les clauses du contrat étaient peu lisibles, particulièrement complexes et ne permettaient pas une compréhension claire des conséquences économiques des prêts pour les emprunteurs, constituant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En conséquence, la Cour a cassé l’arrêt attaqué, confirmant ainsi sa jurisprudence antérieure mettant en œuvre la jurisprudence de la CJUE précitée. 

Voir également : 

CJUE, 10 juin 2021, BNP Parisbas Personal Finance, C-776/19 à C782/19

Cass. civ. 1ère, 20 décembre 2023, n° 22-17.934 

 

Prêt immobilier – Contrat de prêt souscrit en franc suisses – Risque de change – Emprunteurs – Risque de dépréciation – Clause abusive – Déséquilibre significatif 

 

 

EXTRAITS : 

 

« En statuant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ». 

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, une banque a consenti à des emprunteurs un prêt immobilier souscrit en francs suisses, à taux variable, indexé sur le Libor franc suisse 3 mois. À la suite du défaut de remboursement d’échéances, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt. Les emprunteurs ont assigné la banque en annulation du contrat de prêt, constat du caractère abusif de la clause de change et en indemnisation en raison de manquements à ses devoirs d’information et de conseil. 

 

La clause du prêt stipulait que l’emprunteur assume les conséquences de l’évolution du taux de change. 

   

La Cour de cassation rappelle qu’en vertu du Code de la consommation, les clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrats sont abusives. Cependant, l’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 

 

La Cour de cassation rappelle également la décision de la CJUE du 10 juin 2021 (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19), qui avait jugé que dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, le professionnel doit fournir au consommateur des informations suffisantes et exactes pour lui permettre de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et le risque réel auquel il s’expose.  

La Cour d’appel avait rejeté la demande tendant à voir réputer non écrite la clause du prêt car celle-ci relève de l’objet principal du contrat de prêt et est rédigée de manière claire et compréhensible, dès lors que le risque lié à l’évolution défavorable du taux de change était mentionné dans l’acte de prêt et dans l’avenant, et que la banque avait fait signer aux emprunteurs une attestation selon laquelle ils déclaraient accepter ces risques.  

 

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel, considérant que ces preuves sont insuffisantes pour justifier l’absence de caractère abusif de la clause. En effet, la Cour de cassation rappelle que la banque doit fournir aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives d’une telle clause en cas de dépréciation importante de la monnaie.  

 

Voir également : 

-  Décision attaquée : CA Colmar, 9 mars 2022, n°19/03060 

CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19 

Cass. civ 1, 29 novembre 2023, n° 22-19.688 

Contrat de prêt — Crédit libellé en devise étrangère — Directive 93/13— Transparence —Déséquilibre significatif 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 :  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 
  2. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat
  3. Pour rejeter la demande tendant à voir réputer non écrite les clauses 4.3 et 9.5 du contrat de prêt, l’arrêt retient, d’une part, qu’elles définissent l’objet principal du contrat, et, d’autre part, après en avoir rappelé les termes, que même si les documents contractuels ne contenaient pas d’éléments simulant concrètement une variation du cours de change à la hausse ou à la baisse et les effets sur le montant d’une mensualité qui serait payée en euros, du capital qui serait remboursé par anticipation en euros ou du montant des sommes restant dues en cas de conversion du prêt en euros, les emprunteurs ont signé, le 9 novembre 2015, une attestation par laquelle ils déclarent notamment avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse, de sorte que ces clauses, rédigées en des termes clairs et compréhensibles, au demeurant éclairées par l’information spécialement et distinctement fournie sur le risque de change lié au cours du franc suisse qu’ils ont reconnu avoir reçue en signant l’attestation précitée avant de souscrire l’offre de prêt, était suffisamment claire et compréhensible pour permettre aux emprunteurs, dont le caractère de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé sera retenu, en l’absence de toute preuve contraire, de comprendre la portée concrète du fonctionnement du prêt et du risque. 
  4. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

ANALYSE : 

Un couple de consommateurs avait eu recours à un contrat de prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros via un taux d’intérêt variable indexé sur le Libor. Les consommateurs assignent la banque et contestent l’application des clauses relatives au risque de change en affirmant que ces dernières sont abusives. Les juges du fond rejettent la qualification desdites clauses comme abusives au motif que celles-ci portent sur l’objet principal du contrat et que les consommateurs avaient signé une attestation par laquelle ils affirmaient avoir pris connaissance des risques de change liés à l’indexation du prêt au cours du franc suisse, rendant ainsi l’information suffisamment claire et compréhensible.  

La Première Chambre Civile censure le raisonnement des juges du fond en affirmant que la banque n’avait pas fourni les informations suffisantes et exactes pour permettre aux consommateurs de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme et les risques économiques qui en découlaient pour le couple de consommateurs. Ainsi, la banque n’avait pas communiqué aux consommateurs une information suffisamment claire et compréhensible. Les juges du fond auraient dû apprécier le caractère abusif desdites clauses découlant de l’absence de transparence dans les informations fournies. L’arrêt est une application de la jurisprudence dite BNP Paribas (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C/782/19) à laquelle la Cour de cassation est désormais familière. 

Voir également : 

-  CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C/782/19 

CJUE 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance SA 

Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2023, n° 21-22.655 

Clauses abusives – Domaine d’application – Contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises – Règles applicables en cas de perte et avaries – Application supplétive – Convention écrite entre les parties – Clause n’accordant pas un niveau d’indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives – Clause limitative de réparation 

 

EXTRAITS : 

« Il résulte de la combinaison des articles L. 132-1, alinéa 1, devenu L. 212-1, alinéa 1, R.132-1, 6°, devenu R. 212-1, 6°, du code de la consommation, de l’article L. 1432-4 du code des transports et des articles 21 du décret n° 99-269 du 6 avril 1999 et 22 du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatifs au contrat type applicable en matière de transport public routier de marchandises, que les règles applicables en cas de perte et avaries énoncées par ces deux derniers textes s’appliquent de manière supplétive en l’absence de convention écrite conclue entre les parties et qu’en présence d’une telle convention, les clauses qui n’accordent pas un niveau d’indemnisation conforme ou supérieur aux dispositions supplétives sont abusives. Dès lors qu’elle a relevé que les clauses critiquées fixaient des plafonds d’indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l’existence, et fait ressortir qu’elles n’accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu’elles évinçaient, une cour d’appel en a exactement déduit qu’elles étaient abusives » 

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, le Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL), invoquant le caractère abusif de plusieurs clauses figurant depuis le mois de juin 2015 dans les contrats offerts par la société Chronopost, l’a assigné afin que celles-ci soient réputées non écrites et que soient ordonnées leur suppression et la mise en conformité des contrats proposés. Ces clauses prévoyaient des plafonds d’indemnisation en cas de pertes et avaries d’une part, et de retard d’autre part. Condamnée sous astreinte par la cour d’appel de Paris à supprimer les clauses, à payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, et à publier le dispositif de l’arrêt, la société Chronopost a formé un pourvoi devant la première chambre civile de la Cour de cassation au motif que les clauses ne pouvaient être déclarées abusives dans les matières régies de manière supplétive par des contrats-types de nature réglementaire. 

La Cour de cassation considère que ces clauses sont abusives car elles fixaient des plafonds d’indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l’existence et ainsi, n’accordaient pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu’elles évinçaient.  

De plus, ces clauses sont jugées abusives car elles venaient limiter le droit à réparation du consommateur et ainsi, elles étaient moins favorables que les prévisions du contrat type, en ce qu’elles n’avertissaient pas le consommateur de sa faculté de faire une déclaration d’intérêt spécial à la livraison ayant pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l’indemnité fixée. 

En cela, la Cour vise l’article R. 212-1, 6° du code de la consommation qui présume abusives de manière irréfragable dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas du manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ». 

Ce faisant, elle considère que les clauses fixant des plafonds d’indemnisation inférieurs aux plafonds réglementaires, dont elles ne rappelaient pas l’existence, et qui n’accordent pas une indemnisation conforme ou supérieure aux dispositions supplétives qu’elles évincent, sont des clauses “noires” dans les contrats de consommation. 

Par conséquent, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Chronopost.

Cass. com, 11 octobre 2023, n° 22-10.521 

 

Mots clés : Contrats entre professionnels – conditions générales – clauses abusives – qualité de professionnel – notion de non-professionnel – déséquilibre significatif  

 

EXTRAITS : 

 

« Dès lors que la lettre de mission du 7 juillet 2005 avait un rapport direct avec l’activité de la société Jego, ce dont il résulte que cette dernière n’était pas un non-professionnel, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à la vérification prétendument omise ». 

 

ANALYSE : 

 

La société Ambulances Daniel Jego (société Jego) a confié à la société d’expertise comptable Aria expertise conseils (société Aria) une mission de présentation de ses comptes annuels et d’établissement des bulletins de paie de ses salariés, selon une lettre de mission datée du 7 juillet 2005. 

 

Les conditions générales d’intervention de la société Aria, notamment l’article 5 intitulé « Responsabilité », stipulent que toute demande de dommages et intérêts doit être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client a eu connaissance du sinistre. 

 

Le 13 octobre 2016, la société Jego a assigné la société Aria en responsabilité, alléguant que des erreurs avaient été commises dans le calcul des heures supplémentaires des salariés par la société Aria. 

 

L’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 26 octobre 2021 a fait l’objet d’un pourvoi en cassation par la société Jego.  

 

En l’espèce, la société Jego reproche à la cour de ne pas avoir vérifié d’office si la clause de forclusion de trois mois limitait de manière excessive le droit à réparation du préjudice subi ou entravait au moins l’exercice de son action en justice en imposant un délai très court. La société Jego soutient que cette clause crée un déséquilibre significatif au détriment d’une partie non professionnelle dans le domaine des contrats d’expertise comptable, ce qui rend la clause abusive. Selon la société Jego, en omettant d’effectuer cette vérification, la cour d’appel aurait ignoré son office.  

En effet, selon la société Jego, le juge a l’obligation d’examiner, voire de soulever lui-même, le caractère abusif d’une clause contractuelle dès lors qu’il dispose des éléments nécessaires pour constater un déséquilibre significatif en défaveur de la partie non professionnelle.  

Cependant, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en soulignant que le litige impliquait deux professionnels, excluant ainsi l’application des dispositions sur les clauses abusives destinées à protéger les non-professionnels.  

Il convient de rappeler que dans un contrat conclu entre deux professionnels, le juge n’est pas tenu d’analyser, même d’office, la nature abusive d’une clause contractuelle. Le relevé d’office lui incombe en revanche lorsque le contrat est conclu entre un professionnel et un consommateur ou entre un professionnel et un non-professionnel.  

Or, en l’espèce, le statut de non-professionnel ne peut être attribué à la société Jego uniquement en raison de son absence de spécialisation dans les domaines comptables et d’expertise-comptable. La Cour, afin d’étayer son raisonnement et d’exclure l’application du mécanisme des clauses abusives, souligne qu’il existe un lien direct entre la lettre de mission du 7 juillet 2005 et l’activité de la société Jego, établissant ainsi sa qualité de professionnelle. Par conséquent, celle-ci ne peut être considérée comme un non-professionnel au sens de l’article L132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 23 août 2001. 

La solution serait la même, avec un raisonnement juridique différent, sous l’empire de l’article liminaire du Code de la consommation qui définit désormais le non professionnel « toute personne morale n’agissant pas à des fins professionnelles ».  

Il en résulte que la Cour d’appel n’était pas tenue d’examiner ou de soulever d’office le caractère abusif de la clause des conditions générales, étant donné que la société Jego ne relève pas du statut de non-professionnel. 

Cass. com., 11 oct. 2023, n°22-10.521 

Non-professionnel – clause abusive – contrat d’expertise comptable – office du juge. 

 

 

EXTRAITS :  

« Dès lors que la lettre de mission du 7 juillet 2005 avait un rapport direct avec l’activité de la société Jego, ce dont il résulte que cette dernière n’était pas un non-professionnel, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à la vérification prétendument omise ».  

 

 

ANALYSE :  

En l’espèce, les juges du fond ont été saisis d’un litige opposant une société, qui avait confié à une société d’expertise comptable une lettre de mission d’expertise des comptes annuels et d’établissement de bulletin de paie de ses salariés. Les conditions générales de la société d’expertsie comptable comportaient une clause intitulée « Responsabilité » stipulant que toute demande de dommages et intérêts « devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre » 

La société cliente reproche à la cour d’appel de ne pas avoir examiné au besoin d’office, le caractère abusif de cette clause alors qu’elle disposait des éléments de fait et de droit pour le faire et que la clause révélait un déséquilibre significatif au détriment du non-professionnel.  

 

Le pourvoi est rejeté par la chambre commerciale financière et économique qui juge que la société cliente n’était pas un non-professionnel, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001. La chambre commerciale se fonde sur le critère du rapport direct pour considérer que la lettre de mission avait un rapport direct avec son activité. Ce raisonnement se fonde sur un critère abondonné depuis longtemps par la jurisprudence (Cass. civ. 1re, 11 déc. 2008, n°07-18.128 ; Cass. com. 3 déc. 2013, n°12-26.416). La solution est cependant fondée. La cliente ne pouvait être considérée comme un non-professionnel qui désigne « toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles (C. consom., art. liminaire) puisqu’elle avait agi dans le cadre de son activité professionnelle. 

Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030

Mots-clés : clauses abusives – action en restitution – contrat de prêt – effet restitutoire – objet principal du contrat -Transparence matérielle 

 

EXTRAITS :  

 

« 12. Faisant ainsi ressortir, d’une part, que la banque n’avait pas fourni à l’emprunteur, en sa qualité́ de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des clauses litigieuses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, d’autre part, que la banque ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard de l’emprunteur, à ce que celui-ci acceptât, à la suite d’une négociation individuelle, les risques disproportionnés susceptibles de résulter de telles clauses, la cour d’appel, qui a procédé́ aux recherches prétendument omises, en a exactement déduit que la clause de remboursement, qui portait sur l’objet du contrat, n’était ni claire ni compréhensible et qu’elle créait un déséquilibre significatif entre la banque et les emprunteurs, de sorte qu’elle devait, avec la clause de change en lien avec elle, être réputée non écrite. » 

 

« 17. Ayant relevé́ que les clauses réputées non écrites constituaient l’objet principal du contrat et que celui-ci n’avait pu subsister sans elles, la cour d’appel a exactement retenu que l’emprunteur devait restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et que celle-ci devait lui restituer toutes les sommes perçues en exécution du prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements. » 

 

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1999, une banque consent à un emprunteur un prêt immobilier souscrit en franc suisse à taux variable et indexé sur le LIBOR francs suisses. L’emprunteur n’ayant pas remboursé l’intégralité du prêt à l’échéance, la banque a mis en œuvre des mesures d’exécution, finalement levées à la suite du règlement du solde du prêt, par l’emprunteur, au moyen d’un nouvel emprunt souscrit auprès d’une seconde banque.  

En 2014, l’emprunteur assigne la première banque en constatation du caractère abusif de clauses de remboursement et de change ainsi qu’en restitution des sommes indûment versées.  

 

Après décisions au fond, la banque forme un pourvoi en cassation. Celle-ci fait grief à l’arrêt de la condamner à restituer les sommes perçues en exécution du contrat de prêt, c’est-à-dire restituer la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements, et de condamner l’emprunteur à lui payer la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change applicable à la date de la mise à disposition des fonds alors « que l’accipiens tenu de restituer la contrevaleur en euros d’une somme d’argent perçue en devise doit opérer la restitution en appliquant le taux de change en vigueur au jour où il restitue ; qu’au cas présent, après avoir déclaré́ non-écrites les clauses 5.3 et 10.5 relatives au remboursement du prêt en devise in fine et au risque de change, la cour d’appel, jugeant que le remboursement en devises ne pouvait subsister, a condamné M. [N] à restituer à la Caisse la contrevaleur en euros de la somme prêtée selon le taux de change en vigueur à la date de la mise à disposition des fonds. » 

 

La Première chambre civile de la Cour de cassation confirme la solution de la Cour d’appel de Paris qui, appliquant le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation en 2022, juge que la clause de monnaie étrangère est susceptible de créer un déséquilibre significatif dès lors que le professionnel n’a pas satisfait à l’exigence de transparence (Cass. civ. 1ère, 20 avril 2022, 20-13.316)  

 

Cependant, pour la première fois la Cour de cassation a l’occasion de se prononcer sur les restitutions applicables en conséquence de la sanction de la clause abusive, portant sur l’objet principal du contrat, puisqu’elle a jugé recevable l’action en restitutions (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030). Elle se fonde sur l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 21 décembre 2016. Dans cet arrêt, la Cour de Justice avait jugé qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée comme n’ayant jamais existé et, de ce fait, la constatation judiciaire du caractère abusif de la clause doit permettre de replacer le consommateur dans la situation dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de ladite clause. Ainsi, la clause abusive emporte un effet restitutoire des sommes versées.  

 

Ainsi, parce qu’une clause relève de l’objet principal du litige et qu’elle est abusive et donc réputée non-écrite, on considère que le contrat doit disparaître de manière rétroactive entrainant donc des restitutions.  

Par conséquent, la Cour de cassation précise l’étendue des restitutions et indique que l’emprunteur doit restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée et la banque doit restituer à l’emprunteur toutes les sommes perçues en exécution du prêt c’est-à-dire la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements. 

 

Voir également :