Cour de cassation
Le délai de prescription de l’action en restitution court à compter de la décision de justice constatant le caractère abusif

Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030

Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030

Mots-clés : clauses abusives point de départ du délai de prescription – action en restitution 

EXTRAITS :  

 

« 9. Il s’en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale, tel qu’énoncé à l’article 2224 du code civil et à l’article L. 110-4 du code de commerce, de l’action, fondée sur la constatation du caractère abusif de clauses d’un contrat de prêt libellé en devises étrangères, en restitution de sommes indûment versées doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses. » 

 

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 1999, une banque consent à un emprunteur un prêt immobilier souscrit en franc suisse à taux variable et indexé sur le LIBOR francs suisses. L’emprunteur n’ayant pas remboursé l’intégralité du prêt à l’échéance, la banque a mis en œuvre des mesures d’exécution, finalement levées à la suite du règlement du solde du prêt, par l’emprunteur, au moyen d’un nouvel emprunt souscrit auprès d’une seconde banque.  

En 2014, l’emprunteur assigne la première banque en constatation du caractère abusif de clauses de remboursement et de change ainsi qu’en restitution des sommes indûment versées.  

 

Après décisions au fond, la banque forme un pourvoi en cassation. Celle-ci fait grief à l’arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu’elle oppose aux demandes de restitutions alors que « l’action tendant à la restitution de sommes versées sur le fondement de clauses prétendument abusives relatives au remboursement d’un prêt en devise et au risque de change supporté par l’emprunteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le consommateur a été en mesure de constater une importante dépréciation de l’euro par rapport à la devise empruntée ».  

 

La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, par cet arrêt, s’oppose à la cassation en opérant une substitution de motifs.  

 

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 BNP Paribas), lequel s’oppose à une règlementation nationale qui viendrait faire courir le délai de prescription quinquennale à compter de la date de l’acceptation de l’offre de prêt, puisque le consommateur ne connaissait pas nécessairement à cette date l’ensemble de ses droits découlant de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993.  

 

Dans un second temps, la Cour de cassation reprend l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne du 9 juillet 2020 (C-698/18 et C-699/18 – Raiffeisen Bank), lequel s’oppose à ce que le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution des montants indûment payés sur le fondement d’une clause abusive soit la date de l’exécution intégrale du contrat, ce qui reviendrait à présumer qu’à cette date, le consommateur ait eu connaissance du caractère abusif de la clause en cause.  

 

Par conséquent, de ces deux postulats, la Cour de cassation, au visa des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, en déduit que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l’action en restitution des sommes indûment versées sur le fondement de clauses abusives, « doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses ».  

 

Ce faisant, la Cour de cassation poursuit l’évolution jurisprudentielle ayant pour objet de retarder au maximum le point de départ du délai de prescription (voir, notamment, Cass, Civ.1ère, 28 juin 2023, n°21-24.720) dans l’intérêt du consommateur.  

 

L’arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de prononcer sur les restitutions (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°22-17.030). 

 

Voir également :