COUR D’APPEL DE DE PARIS, 22 MARS  2023, BNP PARIBAS, N° RG 18/18698 

 

Clauses de remboursement – clause d’indexation – déséquilibre significatif – réputé non écrit – prescription – restitutions –  

 

EXTRAIT :   

 

S’il résulte de ces stipulations une énonciation, compréhensible sur les plans formel et grammatical, des conditions et modalités d’exécution du prêt, il n’en reste pas moins qu’au-delà de cette description de ses caractéristiques – se voulant exhaustive sur le plan technique au prix d’une prise de connaissance de longues stipulations non dénuées de complexité -, les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse n’y sont pas mis en relief ni même explicités en eux-mêmes de telle sorte que l’emprunteur puisse envisager concrètement l’impact économique, potentiellement significatif, d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel il accepte de s’exposer, le cas échéant.  

[…] 

Il résulte des stipulations du contrat de prêt que l’emprunteur s’expose à un risque 

financier, tributaire de la parité des monnaies de compte et de paiement, et ce, sans que ce 

risque ne soit plafonné lors de la dernière période additionnelle éventuelle de 

remboursement comme en convient d’ailleurs la société Bnppf, risque en regard duquel 

cette dernière ne supporte que l’aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu’il 

n’existe de mesure entre l’accroissement significatif du capital à rembourser pour 

l’emprunteur et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs 

suisses remboursé par équivalent en euros selon le cours du change au moment de chaque 

paiement. 

Il doit donc être considéré que la Bnppf ne pouvait s’attendre, si l’emprunteur avait 

été normalement informé du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et 

mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques négatives potentielles selon les 

exigences ci-dessus, à ce qu’il accepte le risque disproportionné qui résulte de ces clauses. […]  

il y a lieu de déclarer abusives toutes les 

clauses reproduites ci-dessus qui sont indivisibles en ce que le principe descriptif de 

l’emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de 

deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités 

de remboursement dans le temps. 

[…] 

l’action en restitution peut être soumise par le droit national à une prescription, en l’espèce quinquennale de l’article L 110-4 du code commerce – dont le 

point de départ court, tout comme celui de l’article 2224 du code civil, à compter du jour 

où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, – 

ce qui correspond à un impératif de sécurité juridique, et ce, sans contrevenir à l’effectivité 

des droits garantis par la directive pour autant qu’elle ne court pas à compter de l’offre de 

prêt elle-même ou qu’elle prive le consommateur, éventuellement alors dans l’ignorance 

des vices dénoncés, de son action. 

Mais c’est à juste titre que les emprunteurs font valoir que la conséquence du 

caractère non écrit d’un contrat dans son ensemble impose de considérer qu’il n’a jamais 

existé, que l’emprunteur doit être replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en 

l’absence de telles clauses qui, si elles ont imposé un paiement devenu indu entraîne sa 

restitution et que ce droit à restitution, comparable, en droit interne, à celui issu des effets 

de l’annulation d’un contrat, naît de la reconnaissance judiciaire elle-même du caractère 

abusif des clauses considérées. 

En conséquence, la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes de 

restitution des emprunteurs doit être rejetée. 

C’est à juste titre que les emprunteurs font valoir que la somme qu’il leur revient 

de restituer est l’équivalent en euros de la somme empruntée en francs suisses, selon le 

cours du change alors appliqué au contrat de 1,5440 euros, qui est la seule reçue par eux. 

Celle-ci s’élève à la somme de 138 257 euros (puisque la somme supplémentaire 

de 2073,85 euros qu’ils ont reçue a été affectée au paiement de frais de change à restituer 

par la banque de sorte qu’elle est d’un effet nul), de sorte que les époux Sébastien doivent 

être condamnés à payer à la société Bnppf cette somme de 138 275 euros et que la Bnppf 

doit être condamnée à leur restituer la totalité des sommes perçues par elle en exécution du 

prêt en principal, intérêts et frais depuis sa conclusion à l’exception de la somme de 

2 073,85 euros. 

La compensation doit être ordonnée et, comme sollicité, la somme due après 

compensation portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt et 

la capitalisation est ordonnée. 

 

Analyse 

 

Saisie d’un litige sur la nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêt, d’un prêt immobilier nommé “Invest Immo” le tribunal de grande instance de Paris avait déclaré la demande des emprunteurs irrecevable. Le jugement a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de l’intervention de l’un ou des arrêts à intervenir de la Cour de cassation à la suite de différents pourvois présentant un lien étroit avec le litige cités dans la décision. 

A la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation les 24 et 30 mars (Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996, n° 19-20 717, n° 19-18997, n°19-12947)) et 20 avril 2022 Cass. civ. 1ère, 20 avr. 2022,20-16.316) et par courrier en date du 24 mai 2022, les époux Sébastien ont sollicité la constatation de la survenance de la cause du sursis et un calendrier de procédure, ultérieurement modifié à leur demande, a été établi.  

La Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de vie, CLCV (qui s’était constituée partie civile en mars 2015, devant le tribunal de grande instance de Paris de la procédure engagée par plus d’une centaine de consommateurs pour pratique commerciale trompeuse engagée à l’encontre du groupe BNP Paribas dans l’affaire des prêts toxiques Helvet Immo) a conclu en intervention volontaire accessoire le 3 octobre 2022. L’association de consommateurs a sollicité le prononcé du caractère abusif des clauses de remboursement et l’anéantissement de manière rétroactive du contrat. Elle a demandé que soit jugée l’absence de prescription des restitutions réciproques consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat et que ces restitutions soient prononcées.  

 

La Cour d’appel de Paris opère dans sa décision un raisonnement en trois temps aux termes duquel elle fait droit aux demandes de l’association de la CLCV et des emprunteurs. 

 

Dans un premier temps, ayant constaté que les clauses de remboursement, définissent l’objet principal du contrat elle énonce qu’il lui revient d’examiner si elles sont rédigées de façon claire et compréhensible. Pour cette appréciation, elle met en œuvre le principe de transparence matérielle étendu des clauses initié par la CJUE (CJUE, 10 juin 2021, C-609/19, BNP Paris Personal Finance) Elle observe que « s’il résulte de ces stipulations une énonciation, compréhensible sur les plans formel et grammatical, des conditions et modalités d’exécution du prêt, il n’en reste pas moins qu’au-delà de cette description de ses caractéristiques – se voulant exhaustive sur le plan technique au prix d’une prise de connaissance de longues stipulations non dénuées de complexité -, les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse n’y sont pas mis en relief ni même explicités en eux-mêmes de telle sorte que l’emprunteur puisse envisager concrètement l’impact économique, potentiellement significatif, d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel il accepte de s’exposer, le cas échéant. ». Elle en déduit que « les clauses litigieuses ne forment pas un ensemble clair et compréhensible ». 

 

Dans un deuxième temps, elle en apprécie par conséquent le déséquilibre significatif. Elle observe qu’ « résulte des stipulations du contrat de prêt que l’emprunteur s’expose à un risque financier, tributaire de la parité des monnaies de compte et de paiement, et ce, sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période additionnelle éventuelle de 

remboursement comme en convient d’ailleurs la société Bnppf, risque en regard duquel 

cette dernière ne supporte que l’aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu’il 

n’existe de mesure entre l’accroissement significatif du capital à rembourser pour 

l’emprunteur et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs 

suisses remboursé par équivalent en euros selon le cours du change au moment de chaque 

paiement ».  

Appliquant la jurisprudence de la CJUE laquelle induit, en matière de crédit en devises étrangères, le déséquilibre significatif du défaut de transparence (CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, aff. C-609/19) la Cour d’appel de Paris en déduit que « Il doit donc être considéré que la Bnppf ne pouvait s’attendre, si l’emprunteur avait été normalement informé du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques négatives potentielles selon les exigences ci-dessus, à ce qu’il accepte le risque disproportionné qui résulte de ces clauses. A supposer même qu’il doive être tenu compte, par comparaison avec des taux d’intérêts de prêt en euros à taux fixe existant alors sur le marché, du taux d’intérêt offert à l’emprunteur dont le caractère avantageux est mis en avant par la Bnppf – alors qu’il s’agit d’un élément extrinsèque aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif – il ne ressort pas de la note technique Finexi produite aux débats que l’emprunteur n’était pas, seul, exposé au risque d’augmentation de la monnaie de compte ». Elle en déduit que « il y a lieu de déclarer abusives toutes les clauses reproduites ci-dessus qui sont indivisibles en ce que le principe descriptif de l’emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps. 

 

Dans un troisième temps, la Cour d’appel tire les conséquences de la reconnaissance du caractère abusif des clauses litigieuses. 

La Cour commence par rappeler que le principe selon lequel à raison du réputé non écrit, « les emprunteurs doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n’avaient jamais existé ». Ce faisant elle applique là encore la jurisprudence de la CJUE (CJUE, gr. ch., 21 déc. 2016, Naranjo, aff. jtes C-154/15, C-307/15 et C-308/15).  

 

Elle observe ensuite « qu’il est constant que les clauses litigieuses, jugées abusives en ce qu’elles font encourir à l’emprunteur, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de paiement, définissent l’objet principal du contrat, que leur lecture et analyse montrent qu’elles sont indivisibles et que le contrat énonce que le montant du crédit est en francs suisses alors que ses modalités de remboursement et les opérations de change nécessaires ne sont pas maintenues, c’est l’entièreté du contrat de prêt qui est affectée (…). A moins d’une substitution de dispositions ou d’une révision prohibée du contrat et en l’absence de dispositions nationales supplétives, le contrat ne peut subsister sans elles puisqu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de décider qu’il s’agirait d’un prêt en euros affecté de l’un quelconque des taux d’intérêts stipulés, y compris le taux fixe initial prévu pour une durée de cinq ans ». Ce faisant la Cour d’appel de Paris a parfaitement appliqué la jurisprudence de la CJUE (Le juge national peut substituer une disposition à une clause abusive si l’annulation du contrat expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables). 

 

Elle rappelle ensuite la jurisprudence de la CJUE selon laquelle « Si, en vertu de l’autonomie procédurale des Etats, l’action aux fins de restitution de sommes indûment versées peut être soumise à une prescription de nature à répondre au principe de sécurité juridique, la CJUE a notamment dit pour droit, dans un arrêt du 10 juin 2021, que la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 sur les clauses abusives doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l’ensemble de ses droits découlant de cette directive ». Cependant, la Cour d’appel de Paris, au lieu d’appliquer un délai de prescription pour cette action en restitution considère qu’en l’espèce « ce droit à restitution, comparable, en droit interne, à celui issu des effets de l’annulation d’un contrat, naît de la reconnaissance judiciaire elle-même du caractère abusif des clauses considérées. ». Elle en déduit que « la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes de restitution des emprunteurs doit être rejetée ».  

Elle procède ensuite à l’analyse des restitutions en jugeant que les emprunteurs doivent restituer « l’équivalent en euros de la somme empruntée en francs suisses, selon le cours du change alors appliqué au contrat de 1,5440 euros, qui est la seule reçue par eux », soit « 138 275 euros » cependant que la banque doit être condamnée à leur restituer « la totalité des sommes perçues par elle en exécution du prêt en principal, intérêts et frais depuis sa conclusion » à l’exception de « 2073,85 euros qu’ils ont reçue a été affectée au paiement de frais de change à restituer par la banque ». La juridiction ordonne par conséquent la compensation entre les sommes dues au titre des deux chefs de condamnation ci-dessus et dit que la somme porte intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter de la signification du présent arrêt. 

 

COUR D’APPEL DE PARIS, 18 MAI 2022, SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, N° RG 20/06140 

– clause de stipulation d’intérêts 

EXTRAITS 

 

En cause d’appel, les emprunteurs demandent à la cour « vu la recommandation de la commission des clauses abusives du 20 septembre 2005 », selon laquelle une clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours « qui ne tient pas compte de la durée réelle de l’année civile et qui ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en découler à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » ce qui conduit la commission à recommander d’éliminer des conventions souscrites par des consommateurs les clauses ayant pour objet ou pour effet : « de permettre à l’établissement de crédit de calculer sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d’en apprécier l’incidence financière » de « dire non écrite la stipulation d’intérêts ». 

Force est cependant de constater que dans le corps des conclusions des appelants, leurs critiques sur ce  fondement se limitent au mode de calcul des intérêts mais ne concernent pas la clause relative à la fixation du  taux, ce qui en tout état de cause entrerait dans le champ de l’alinéa 7 du texte précité selon lequel « l’appréciation  du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du  contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les  clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » s’agissant en effet de la rémunération du prêteur.  

Les emprunteurs ne rapportent en outre pas la preuve d’un déséquilibre significatif créé à leur détriment alors  que la clause litigieuse – qui est une clause dite « de rapport » (30/360) – revient à calculer sur l’ensemble des  échéances des prêts immobiliers consentis les intérêts conventionnels mensuellement, non sur la base de jours  exacts rapportés à une année dite lombarde de 360 jours, mais sur la base de 1/12ème du taux d’intérêt annuel  convenu, de sorte que son application revient au calcul prévu par les dispositions de l’article R.313-1 ancien du  code de la consommation effectué sur la base d’un mois normalisé de 30,41666 jours rapporté à l’année civile de  365 jours.   

(…) 

Il n’est donc justifié d’aucun motif de juger abusive et non écrite « la stipulation d’intérêt » ainsi que le réclament  les emprunteurs.  »  

ANALYSE 

 

La Cour d’appel juge que la clause de stipulation d’intérêts dans un contrat de prêt de la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE n’est pas abusive. 

La clause litigieuse est une clause dite « de rapport » (30/360) qui revient à calculer sur l’ensemble des  échéances des prêts immobiliers consentis les intérêts conventionnels mensuellement, non sur la base de jours  exacts rapportés à une année dite lombarde de 360 jours, mais sur la base de 1/12ème du taux d’intérêt annuel  convenu ». 

 

La clause s’analyse en une clause portant sur l’adéquation de la rémunération avec le service offert au sens de l’ancien article L.132-1 du Code de la consommation (nouvel article L.212-1 du Code de la consommation). L’examen de son caractère abusif suppose donc qu’elle soit entachée d’un défaut de clarté. 

En outre, la clause qui revient au calcul prévu par les dispositions de l’article R.313-1 ancien du  code de la consommation effectué sur la base d’un mois normalisé de 30,41666 jours rapporté à l’année civile de  365 jours ne crée pas de déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs (nouvel article L.212-1 du Code de la consommation).  

 

Voir également : 

- 8ème considérant de la Recommandation de la Commission des clauses abusives, N°05-02 Conventions de comptes bancaires

CA AMIENS, 17 MAI 2022, N° RG 20/06095 

 

– clause de calcul d’intérêts  

  

EXTRAITS 

 

« 2. Sur la prescription de l’action fondée sur le caractère abusif de la clause. 

S’il a été jugé que la clause contraire aux dispositions de l’article L.212-1 du code de la consommation, qui prohibe les clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs (ou non professionnels selon l’articleL.212-2) est ‘réputée non-écrite’, cette expression signifie simplement que seule la clause est nulle, non le contrat entier, et non pas qu’il s’agirait d’une sanction spécifique, autre que la nullité, échappant à la prescription. 

S’agissant d’une nullité visant à protéger les intérêts d’une parties-, cette nullité est relative (comp. Article 1179 nouveau du code civil consacrant la jurisprudence antérieure) ». 

 

ANALYSE :  

La cour d’appel considère que l’action fondée sur le caractère abusif d’une clause est soumise à la prescription quinquennale. 

Cette solution n’est pas conforme à la jurisprudence de la CJUE (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 – BNP Paribas Personal Finance) et à celle de la Cour de cassation (Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-17.997).

Voir également :

L’action aux fins de constatation du caractère abusif d’une clause n’est pas soumise à un délai de prescription
La demande qui tend à réputer non écrite une clause abusive n’est pas soumise à la prescription

CA D’AGEN, 13 AVRIL 2022, S. A. SOLFINEA, N° RG 21/00144 

– clause d’affectation des fonds 

EXTRAITS 

 « Les intimés invoquent le caractère abusif de la clause suivante stipulée au contrat de crédit : 

‘L’emprunteur autorise le prêteur à régler le professionnel dès la livraison du bien ou l’exécution de la prestation de service et après expiration du délai de rétractation. 

Mais n’est abusive au sens de l’ancien article L. 132-1 du code de la consommation, applicable au contrat souscrit le 15 février 2013, que les clauses qui ont pour objet ou pour effet dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.   

Le décret visé par ce texte, qui détermine une liste de clauses présumées abusives, ne mentionne pas la clause en litige.   

Ensuite, les fonds empruntés dans le cadre d’un crédit affecté ne sont pas à la libre disposition des emprunteurs et ne sont destinés qu’à financer le contrat principal.  

Ils ont donc vocation à être versés exclusivement au co contractant des emprunteurs dans le contrat principal.   

En outre, la clause en litige ne permet pas à la banque de les verser librement, mais subordonne, au contraire, ce versement, à un ordre de l’emprunteur constatant que la prestation du contrat principal a été exécutée.   

Ainsi, le contrat stipule également :   

‘Condition de mise à disposition des fonds : à la livraison du bien, par chèque ou virement au bénéficiaire mentionné dans l’attestation de fin de travaux.’   

L’emprunteur a donc toute possibilité, tant que le bien commandé n’a pas été livré, ou que la prestation de service n’a pas été réalisée, ou même qu’elle n’a pas été réalisée correctement, de s’abstenir de signer l’attestation de fin de travaux.   

Par suite, la clause en litige est étrangère à toute notion de déséquilibre au détriment du consommateur. » 

Cette clause ne sera donc pas annulée, n’étant pas une des clauses présumées abusives de la liste de l’article R.212-1 du Code de la consommation, ne créant pas de déséquilibre significatif caractérisant une clause abusive comme prévu par l’article L.212-1 du Code de la consommation et en prenant en considération les autres clauses du contrat dans lequel elle est insérée. 

 

ANALYSE :  

La Cour d’appel était saisie du caractère abusif d’une clause insérée dans un contrat de crédit affecté au financement d’un centrale solaire photovoltaïque.  

La clause litigieuse était ainsi libellée : « L’emprunteur autorise le prêteur à régler le professionnel dès la livraison du bien ou l’exécution de la  prestation de service et après expiration du délai de rétractation. » 

 

Le Tribunal judiciaire d’Agen avait jugé la clause abusive. Pour infirmer le jugement, la Cour d’appel observe que ladite clause ne figure pas dans la liste de clauses présumées abusives. Cependant, la Cour d’appel ajoute que ladite stipulation ne permet pas à la banque de verser librement les fonds, mais subordonne, au contraire, ce versement, à un ordre de l’emprunteur constatant que la prestation du contrat principal a été exécutée.  Le consommateur ayant la possibilité de s’abstenir de signer l’attestation de fin de travaux, et donc de refuser le versement des fonds si la prestation de service n’est pas exécutée, la clause ne créée pas de déséquilibre significatif. 

CA D’AIX-EN-PROVENCE, 7 AVRIL 2022, SCI HOLDING, N° 19/18475 

 

– Contrat de prêt en francs suisse – clause de stipulation de remboursement en monnaie étrangère – clause d’indexation sur le franc suisse – clause de stipulation d’intérêt –  

 

EXTRAITS 

« Il résulte de l’acte en date du 7 mai 2007 que celui ci contient prêt d’une somme correspondant à la contre valeur en francs suisses de la somme de 700 000 €, que le taux d’intérêt sera révisable et sera celui du taux du franc suisse à 3 mois en vigueur au jour de la mise en disposition des fonds et qu’il sera remboursé en capital et intérêt en 71 échéances de la contre valeur en francs suisses de la somme de 12738,07 €, de sorte que la clause relative au taux d’intérêt et au taux effectif global intégrant les frais de dossier et les frais de prise de garantie calculés sur la contre valeur en francs suisses définit l’objet principal du contrat. 

La clause est par ailleurs rédigée en termes suffisamment clairs et compréhensibles pour permettre à l’emprunteur, à plus forte raison non profane comme en l’espèce, d’en évaluer les conséquences économiques sur ses obligations financières et de prendre en conséquence sa décision en toute connaissance de cause et dès lors que l’appréciation du caractère abusif des clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible, la clause relative aux taux d’intérêt contenue dans l’acte du 7 mai 2007 n’a aucun caractère abusif ». 

ANALYSE :  

 

Selon l’article L. 212-1, alinéa 3 du Code de la consommation, « l’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ».  

 

Dans le cadre d’un litige portant sur un contrat de prêt en francs suisses conclu auprès de la société CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DE LORRAINE, une demande subsidiaire conjointe en appel de la société MLB et de la société SCI IMMOBILIÈRE HOLDING est interjetée auprès de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en cessation des clauses de remboursement en monnaie étrangère et d’indexation sur le franc suisse portant sur l’objet principal du contrat de prêt afin de les déclarer illicites et de les réputer non-écrites. 

  

La clause de remboursement en monnaie étrangère du contrat de prêt du 7 mai 2007 conclu auprès de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Lorraine est ainsi libellée : Le taux d’intérêt sera révisable et sera celui du taux du franc suisse à 3 mois en vigueur au jour de la mise en disposition des fonds et qu’il sera remboursé en capital et intérêt en 71 échéances de la contre valeur en francs suisses de la somme de 12 738,07 € » 

La Cour d’appel de Paris juge la clause relative au taux d’intérêt et au taux effectif global intégrant les frais de dossier et les frais de prise de garantie calculés sur la contre valeur en francs suisses définit l’objet principal du contrat.” 

 

Elle considère également que cette clause est claire et compréhensible. 

 

Cependant, cette solution n’est désormais pas conforme au revirement de la Cour de cassation qui juge que l’exigence de clarté supposé que la banque ait fourni des informations suffisantes et exactes permettant à l’emprunteur d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte et qu’il ait été averti du contexte économique susceptible d’avoir des répercussions sur la variations des taux de change (Dans un prêt libellé en devises étrangères, le juge doit rechercher d’office si la banque a satisfait à son exigence de transparence en fournissant au consommateur des informations lui permettant d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives).

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 6, 30 mars 2022, JOUVE, RG 20/02033 

– prescription de l’action en reconnaissance du caractère abusif d’une clause – clause non abusive – clause abusive – clause réputée non écrite – coût du crédit – variation du taux d’intérêt – conversion du prêt – remboursement du prêt – changement de parité entre devise – clause constituant l’élément essentiel du contrat – clause d’indexation – 

ANALYSE :

Sur une action en cessation intentée par Monsieur JOUVE, la Cour d’appel de Paris se prononce quant à la prescription de l’action en reconnaissance du caractère abusif des clauses du contrat de prêt (1), la prescription de l’action en restitution de sommes indues (2), écarte le caractère abusif de certaines clauses (2), juge d’autres clauses abusives au sens de l’article L212-1 du code de la consommation (3) et enfin, statue sur les conséquences du caractère abusif des clauses constituant l’objet principal du contrat (4). 

  1. L’absence de prescription de l’action en reconnaissance du caractère abusif des clauses du contrat de prêt

Extraits : « La Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit, dans un arrêt du 10 juin 2021, notamment, d’une part, que la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 sur les clauses abusives doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription et, d’autre part, que, s’agissant d’une action aux fins de restitution de sommes indûment versées, elle s’oppose à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l’ensemble de ses droits découlant de cette directive.  

Il en résulte que si l’action en restitution peut être soumise par le droit national à une prescription, en l’espèce quinquennale, de l’article L 110-4 du code commerce, ce qui correspond à un impératif de sécurité juridique, et ce, sans contrevenir à l’effectivité des droits garantis par la directive pour autant qu’elle ne court pas à compter de l’offre de prêt elle-même ou qu’elle prive le consommateur, éventuellement alors dans l’ignorance des vices dénoncés, de son action, tel n’est pas le cas d’une action en reconnaissance du caractère abusif d’une clause.  

En conséquence, l’action en reconnaissance du caractère abusif de toutes les clauses n’est pas prescrite.  

  1. La prescription de l’action en restitution de sommes indues

Extraits : « Mais, il doit être rappelé que le terme du contrat est échu depuis le 31 juillet 2014, date à laquelle l’emprunteur a nécessairement été en mesure de connaître le déséquilibre constitutif d’un abus issu de l’application d’une clause conventionnelle puisque le contrat a épuisé tous ses effets.  

En conséquence, l’action en restitution de sommes indues, en ce qu’elle est fondée sur le caractère abusif des clauses 5.2 et 6 relatives à l’indexation serait irrecevable comme prescrite puisqu’il s’est écoulé un délai de plus de cinq ans entre le terme du contrat du 31 juillet 2014 et la demande relative à ces clauses, formée pour la première fois, en cause d’appel, par conclusions du 18 octobre 2019.  

En revanche, l’action en restitution, en ce qu’elle est fondée sur le caractère abusif des clauses 5.3, 10.5 et 10.3, formée dès l’introduction de l’instance le 6 novembre 2014, n’est pas prescrite dès lors qu’elles sont respectivement relatives au remboursement du crédit, à la faculté de conversion du prêt en euros et aux conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l’euro dont les effets se manifestent essentiellement lors du remboursement du capital s’agissant d’un prêt in fine. » 

  1. Les clauses jugées non abusives

CLAUSES RELATIVES À L’INDEXATION – CLAUSE RELATIVE AU COÛT DU CRÉDIT – CLAUSE DE VARIATION DU TAUX D’INTÉRÊT

L’article 5.2 relatif au coût du crédit et l’article 6 relatif à la variation du taux d’intérêt du contrat de prêt, et qui sont tous les deux relatifs à l’indexation sont ainsi libellés : 

Contenu de l’article 5.2 : « l’intérêt, initial nominal de 3,500 % est indexé que « L’index retenu est l’index LIBOR 3 mois. La définition de l’index est précisé au point « Définition des taux d’intérêts » La valeur de l’index à la date du 30.06.1999 est de 1,050 % » 

Contenu de l’article 6 : « Le taux d’intérêt du prêt varier a à la hausse comme à la baisse en fonction de l’évolution de la moyenne arithmétique trimestrielle du taux interbancaire offert à Londres (LIBOR ou London Interbank Offered rate) à trois mois, de la devise empruntée. Le taux du LIBOR est publié par l’Association des banques britanniques.  

La valeur de l’index est établie chaque année, le premier jour du mois civil (étant désigné par après sous l’appellation « mois anniversaire ») au cours duquel survient l’anniversaire de l’ouverture du prêt. La date d’ouverture du prêt s’entend comme étant la date à laquelle le compte de prêt est ouvert informatiquement dans la comptabilité du prêteur et figure au paragraphe « CONDITIONS FINANCIERES » du contrat.
La nouvelle valeur de l’index est déterminée en prenant en compte la moyenne du LIBOR à trois mois de la devise empruntée du dernier trimestre civil précédant le mois anniversaire. Annuellement, à chaque mois anniversaire, la variation de la valeur de l’index par rapport à la valeur de l’index arrêtée à la date d’ouverture du prêt est répercutée à due concurrence sur le taux du prêt, le taux initial servant de base pour le calcul de la variation.  

Toutefois, les variations de l’index entraînant une modification du taux du prêt inférieure à 25 centièmes par rapport au taux en vigueur ne sont pas répercutées. (…)  

La répercussion de la variation de l’index sur le terme de remboursement a lieu à compter de la prochaine échéance prélevée postérieurement au changement de taux.  

La variation du taux d’intérêt se traduira par une variation du montant des échéances de remboursement. » 

Analyse de l’article 5.6 relatif au coût du crédit et de l’article 6 relatif à la variation du taux d’intérêt du contrat de prêt : « Ainsi qu’il sera vu ci-après, au contraire des clauses de paiement et des opérations de change, l’article 6 intitulé “définition de l’index Libor 3 M” décrit ainsi avec précision les modalités pratiques d’indexation, la date et les valeurs de l’index prise en compte.  

L’index choisi, à l’instar de très nombreux contrats de prêt, était publié par l’association des banques britanniques, ce qui constituait une référence objective, ne dépendant pas, dans sa variabilité, de la volonté de la banque et est dénué de tout arbitraire à l’égard de l’emprunteur de sorte que cette indexation ne revêtait pas de caractère abusif comme créant un déséquilibre au détriment du consommateur, la circonstance que les effets de son évolution n’était pas limités ne confère pas à la clause un caractère déséquilibré.  

Au demeurant, pas plus que la banque, M. Jouve ne produit d’élément sur les modalités de l’exécution du prêt et sur l’évolution de l’index qui mettrait la cour à même d’apprécier le caractère déséquilibré des effets de cette indexation à son détriment.  

En conséquence, M. Olivier Jouve doit être débouté de sa demande tendant à voir réputées non écrites les clauses 5.2 et 6 du contrat. » 

CLAUSE DE CONVERSION DU PRÊT  

La clause 10.3 du contrat de prêt relatif à la conversion du prêt est ainsi libellé : 

Contenu de la clause 10.3 : « Le prêt est réputé convertible en francs français ou en euros. L’emprunteur pourra demander au prêteur la conversion du prêt en francs français ou en euros sous préavis de 30 jours minimum. La conversion ne pourra intervenir qu’à une date d’échéance. Les caractéristiques du taux d’intérêt seront négociées entre les parties à ce moment-là, étant précisé qu’à défaut d’accord, l’emprunteur devra à son choix poursuivre le prêt en devises ou le rembourser par anticipation » 

Analyse de la clause 10.3 : « Il doit d’abord être précisé qu’il ne peut être tiré aucune conclusion utile à la solution du litige du caractère abusif allégué de la dernière clause 10.3 relative à la faculté de conversion du prêt en euros alors que ce dernier est désormais échu sans avoir été converti et que M. Jouve ne soutient pas même avoir jamais envisagé de solliciter cette conversion au cours de son exécution. » 

  1. Les clauses jugées abusives au sens de l’article L212-1 du code de la consommation

CLAUSE DE REMBOURSEMENT DU PRÊT – CONSÉQUENCES DU CHANGEMENT DE PARITÉ ENTRE DEVISE 

La clause 5.3 du contrat de prêt relatif au « remboursement du crédit » et la clause 10.5 relative aux conséquences du changement de parité sont ainsi libellées :  

Contenu de la clause 5.3 : « Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et commissions et cotisations d’assurance auront lieu dans la devise empruntée. Les échéances seront débitées sur tout compte en devise ouvert au nom de l’un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. La monnaie de paiement est le franc français ou l’euro, l’emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en francs français ou en euros les échéances au moment de leur prélèvement. Les échéances seront déboutées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en francs français ou en euros) ouvert au nom de l’un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. Les frais des garanties seront payables en francs ou en euros.  

Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l’échéance le prêteur est en droit de convertir le montant de l’échéance impayée en francs français ou en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en francs français ou en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l’emprunteur ou du coemprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré » 

Contenu de la clause 10.5 : « Il est expressément convenu que l’emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et le franc français ou l’euro, qui pourrait intervenir jusqu’au complet remboursement du prêt » 

Analyse de la clause 5.3 du contrat de prêt relatif au « remboursement du crédit » et de la clause 10.5 relative aux conséquences du changement de parité : « De même, si la clause 10.5 doit être considérée, en vertu du principe énoncé ci- dessus, pour apprécier la portée de la clause de remboursement 5.3, il n’en résulte pas de manière autonome de conséquences particulières en terme de restitution puisque c’est son caractère lacunaire, en lien avec la clause 5.3, qui est susceptible de voir qualifier d’abusif l’ensemble ainsi formé.  

La clause 5.3, insérée dans un contrat de crédit conclu dans une devise étrangère entre un professionnel et un consommateur sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle, aux termes de laquelle le crédit doit être remboursé dans cette même devise détermine la nature même de l’obligation de remboursement de l’emprunteur et elle porte ainsi sur l’objet principal du contrat de prêt, de sorte qu’il convient d’examiner, en vertu de ce qui précède, si elle est rédigée de manière claire et compréhensible, et ce, en tenant compte des autres clauses en regard desquelles elle doit s’interpréter et, dans l’hypothèse où tel n’est pas le cas si elle créé un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur.  

Cette exigence ne se réduit pas au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical puisque le contrat doit également exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause aux fins que le consommateur soit en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques envisageables qui en découlent pour lui.  

Il y a lieu d’abord d’observer qu’en dépit de ce que la clause affirme que “la monnaie de paiement est le franc français ou l’euro” – pour satisfaire à la prohibition de l’usage d’une monnaie étrangère en tant qu’instrument de paiement et non pas seulement en tant qu’unité de compte – elle prévoit, en contradiction avec cette assertion, à plusieurs reprises que “tous les remboursements” auront lieu “dans la devise empruntée”, que les échéances sont débitées à titre principal “sur tout compte en devises” de l’emprunteur et, seulement subsidiairement, sur un compte en francs ou en euros.  

Il ne peut ensuite qu’être constaté que le contrat de prêt litigieux ne contient aucune information sur la manière dont la clause est mise en oeuvre, sur la manière d’effectuer les remboursements en francs suisses alors même qu’il n’est pas contesté que M. Jouve ne percevait que des revenus en francs français puis en euros, et ce, alors qu’il faut nécessairement que des conversions interviennent et qu’en conséquence un taux de change soit appliqué. La seule mention à la stipulation 10.1 selon laquelle “le présent concours financier sera réalisé conformément à la réglementation des changes en vigueur au jour de la réalisation” est notoirement imprécis et laisse l’emprunteur dans l’expectative quant au taux de change pris en compte non seulement pour le paiement des intérêts mais également pour le capital payable in fine, quant au moment exact de la prise en compte de la variation de ce taux de change pour que soit opérée une conversion et quant aux modalités selon lesquelles il peut en être informé.  

Au-delà du contrat de prêt lui-même, aucune pièce ne permet d’établir que M. Jouve a été destinataire d’information à cet égard et il est singulier que la banque n’ait pas même produit aux débats, au-delà du tableau d’amortissement prévisionnel, les modalités selon lesquelles les intérêts ont été effectivement payés en exécution du prêt et sur quelle base en matière de taux de change, de même que sa réclamation du solde du prêt dans son décompte du 21 novembre 2014 est fondée sur le taux de change audit jour.  

En dehors de la laconique et sommaire stipulation 10.5 du contrat de prêt selon laquelle “il est expressément convenu que l’emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et le franc français ou l’euro, qui pourrait intervenir jusqu’au complet remboursement du prêt”, le Crédit Mutuel ne justifie pas avoir communiqué la moindre information sur les éléments fondamentaux tenant au risque de change, susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de l’engagement permettant à l’emprunteur d’évaluer notamment le coût total potentiel de l’emprunt et de prendre conscience des difficultés auxquelles il serait confronté en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus.  

Aucune information pertinente n’est ainsi communiquée permettant à M. Jouve d’évaluer les conséquences économiques de la clause sur ses obligations financières.  

Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la clause de“remboursement du crédit”, même éclairée par les autres stipulations du contrat de prêt, n’est pas rédigée de manière claire et qu’elle n’est pas intelligible en elle-même car lacunaire pour l’emprunteur puisqu’il est vain pour quiconque d’y rechercher avec succès la détermination exacte des opérations de change nécessaires à l’exécution du prêt.  

D’autre part, la stipulation d’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre la banque prêteuse et l’emprunteur en ce que ce dernier n’est pas mis en mesure d’envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et n’a pas été suffisamment informé des mécanismes de change.  

En conséquence, la clause de remboursement du crédit 5.3 rapportée ci-dessus et la clause en lien avec celle-ci 10.5 doivent être déclarées non écrites. » 

  1. Conséquences du caractère abusif des clauses constituant l’objet principal du contrat

CLAUSE CONSTITUANT L’ÉLÉMENT ESSENTIEL DU CONTRAT RÉPUTÉE NON ÉCRITE 

Extraits : «  Les alinéas 6 et 8 de l’article L 132-1 ancien du code de la consommation disposent que :“Les clauses abusives sont réputées non écrites” et que “le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses”.  

En l’espèce, il a été déterminé ci-dessus que les clauses réputées non écrites constituent l’objet principal du contrat de sorte que ce dernier n’a pu subsister sans elles et que si l’indexation en elle-même du taux nominal initial ne revêt pas un caractère abusif, l’index choisi étant le Libor 3 mois “de la devise empruntée”, il est lui-même atteint par les effets du caractère non écrit des clauses.  

En conséquence, ni le remboursement en devise ni l’intérêt stipulé ne peuvent subsister. »  

> Voir également : CJUE, 10 juin 2021

CA de Douai, 10 MARS 2022, ATTILA PROTECTION, N° RG 18/10452 

 

– clause de résiliation –  

 

EXTRAIT  

 

« L’article L. 212-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que: «  

Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 

L’article 3 du contrat du 2 septembre 2016 conclu entre la société Attila et M. M. prévoit que:  » De convention expresse, le présent contrat pourra être rompu par chacune des parties en cas de non respect d’une de ces clauses, une semaine après mise en demeure après la signature du contrat. Au-delà de ce délai, le client devra régler toutes les mensualités jusqu’à la fin du contrat à la société APR. 

 Cette clause ayant pour objet de soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel doit être présumée abusive sauf au professionnel de démontrer le contraire. Or la société Attila ne rapporte pas de preuve contraire. En conséquence, la clause litigieuse doit être réputée non écrite et la demande en paiement de la société Attila sur ce fondement sera écartée. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point. » 

 

ANALYSE :  

La Cour d’appel était saisie par un consommateur d’une action en constatation du caractère abusif d’une clause de résiliation d’un contrat de protection de personne physique. La clause prévoyait que « De convention expresse, le présent contrat pourra être rompu par chacune des parties en cas de non-respect d’une de ces clauses, une semaine après mise en demeure après la signature du contrat. Au-delà de ce délai, le client devra régler toutes les mensualités jusqu’à la fin du contrat à la société APR. «  » 

 

La CA de Douai juge abusive la clause en application des articles L. 212-1 et R.212-1 et R212-2 8° du code de la consommation. En effet, l’article R.212-2 édicte parmi les clauses dites grises celle ayant pour objet ou pour effet de « Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel » (8°). Cette clause est présumée abusive de façon abusive.  

 

La Cour d’appel ayant relevé que le professionnel « ne rapporte pas de preuve contraire », elle en déduit que la clause litigieuse doit être réputée non écrite. Elle tire la conséquence concrète du réputé non écrit : la demande en paiement du professionnel sur le fondement de ladite stipulation doit être écartée. 

CA PARIS, Pole 4 ch.8, 1er février 2022, RG N° 20/01378 

 

– clauses relative à la preuve 

  

EXTRAIT  

 

« Au cas particulier, les clauses figurant aux pages 18 et 40 des conditions générales du contrat 

d’assurance sont ainsi rédigées : 

Le vol du véhicule, c’est à dire sa soustraction frauduleuse : 

– commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est 

stationné. 

Si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l’indemnité sans effraction des organes de direction, la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l’indemnité déjà 

versée et récupérer le véhicule retrouvé. 

Il en résulte que la garantie Vol ne s’applique pas sans effraction, que le vol du véhicule doit être prouvé par l’effraction des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné, et que 

l’effraction électronique, quant à elle, n’est pas mentionnée. 

Ainsi, par sa définition de l’effraction, l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu’en application de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, cette preuve est libre. 

Outre leur caractère restrictif, ces modes de preuve ne correspondent plus à la réalité des moyens de piratages électroniques actuels mis en oeuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir les forcer et qui ne permettent de constater aucune trace d’effraction, y compris par un expert automobile, vidant ainsi la garantie de sa substance. 

Il s’agit donc d’une clause abusive en ce qu’elle limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur. Dans la mesure où l’assureur ne saurait promettre à l’assuré de garantir le vol tout en limitant l’application de la garantie à des hypothèses d’exécution matérielle de l’infraction trop précises, devenues totalement marginales ou dont la preuve est impossible à rapporter, elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit être réputée non écrite. Le jugement sera confirmé sur ce point. » 

 

ANALYSE :  

La Cour d’appel de Paris était saisie du caractère abusif d’une clause ainsi libellée : 

 

Contenu de la clausepage 18 : «Le vol du véhicule, c’est à dire sa soustraction frauduleuse : – commise par effraction du véhicule et des organes de direction ou du garage dans lequel il est stationné. » 

Page 40 : Si votre véhicule est retrouvé après le paiement de l’indemnité sans effraction des organes de direction, la garantie Vol ne serait pas acquise. Vous devriez alors nous rembourser l’indemnité déjà versée et récupérer le véhicule retrouvé. 

  

La Cour d’appel juge abusive cette clause.  

Pour statuer ainsi, elle se fonde sur trois règles de droit.  

D’une part elle juge que l’assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu’en application de l’article 1315, devenu 1353 du code civil, cette preuve est libre. 

D’autre part, elle observe que les modes de preuve requis par la clause « ne correspondent plus à la réalité des moyens de piratages électroniques actuels mis en oeuvre pour démarrer la majeure partie des véhicules sans jamais devoir les forcer et qui ne permettent de constater aucune trace d’effraction, y compris par un expert automobile ». Il en déduit que la clause vide ainsi la garantie « de sa substance ». On reconnaît ici l’ l’article 1170 du Code civil, issu de de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, selon lequel « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Cependant, les juges n’ont pas cité ce texte puisque le contrat d’assurance avait été conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée. 

Enfin, la Cour d’appel se fonde sur l’article R. 212-2, 9° du Code de la consommation qui présume abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de «  Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ». Cette clause grise est présumée abusive de façon simple. 

CA DE PARIS, 30 SEPTEMBRE 2021, N°18/21411 

 

– Contrat de mandat de gestion locative – Clause de résiliation anticipée – clause d’indemnisation de résiliation –   

 

EXTRAIT  

Les parties ont conclu le 2 décembre 2016 un contrat de mandat exclusif de gestion locative pour une durée de trois années, prévoyant une reddition annuelle des comptes et la rémunération du mandataire pour sa gestion, à hauteur de 10,8 % TTC du montant des sommes encaissées pour le compte des mandants et d’un forfait par dossier pour des prestations particulières et pour la location, d’un prix au m2 à la charge du locataire et de 16,67 % TTC du loyer annuel à la charge du bailleur. 

L’article 10 dispose que le contrat est renouvelable par tacite reconduction mais peut être dénoncé par l’une ou l’autre des parties moyennant un préavis de trois mois avant sa date d’échéance triennale. 

L’article 10 bis mentionne qu’en cas de rupture du contrat par le mandant en dehors des périodes mentionnées à l’article 10, ce dernier devra s’acquitter d’une indemnité égale au montant des honoraires restant à percevoir au prorata temporis de la date d’échéance conventionnelle. 

Il est constant que le contrat litigieux, conclu entre un professionnel et un consommateur, entre dans les prévisions de l’article L. 212-1 du code de la consommation.  

Selon l’article R. 212-2 8° du même code, est présumée abusive la clause ayant pour objet ou pour effet de soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le professionnel que pour le consommateur.  

(…) 

En l’espèce, si les deux parties disposent de la même faculté́ de dénoncer le contrat au terme du délai triennal, il est patent que la possibilité́ pour les mandants de résilier le contrat avant ce terme est assortie de l’obligation d’acquitter l’indemnité́ prévue par l’article 10 bis tandis que le contrat ne prévoit aucune indemnité́ au bénéfice des mandants si le mandataire venait à résilier le contrat avant le terme convenu.  

Elle ne saurait être justifiée par le droit du mandant à percevoir la rémunération de ses diligences puisque le travail de gestion s’achève nécessairement lors de la résiliation du contrat et que la rémunération de la location reste due pour autant que l’agence ait effectivement trouvé un locataire. 

C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que cette clause qui pose des conditions de résiliation plus rigoureuses pour le mandant que pour le mandataire était abusive au sens de l’article R. 212-2 8° précité́.  

Cette clause est donc réputée non écrite.” 

 

ANALYSE :  

 

L’article R. 212-2 8° du code de la consommation présume abusive la clause qui a pour objet ou pour effet de « soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel ».  

Il s’agit d’une clause grise, présumée abusive. Le professionnel peut apporter la preuve que la clause ne créé pas de déséquilibre significatif.  

 

En l’espèce la Cour d’appel de Paris juge qu’entre dans cette qualification la clause insérée dans un contrat de mandat exclusif de gestion locative ainsi libellée :  

Contenu de la clause : « Le contrat est renouvelable par tacite reconduction mais peut être dénoncé par l’une ou l’autre des parties moyennant un préavis de trois mois avant sa date d’échéance triennale. » 

« En cas de rupture du contrat par le mandant en dehors des périodes mentionnées à l’article 10, ce dernier devra s’acquitter d’une indemnité égale au montant des honoraires restant à percevoir au prorata temporis de la date d’échéance conventionnelle. » 

 

En effet, la clause de résiliation soumet le mandant, consommateur, à l’obligation d’acquitter l’indemnité́ prévue par l’article 10 bis tandis que le contrat ne prévoit aucune indemnité́ au bénéfice des mandants si le mandataire, professionnel, venait à résilier le contrat avant le terme convenu.