Dans l’affaire C‑137/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Budapesti II. és III. kerületi bíróság (Hongrie), par décision du 27 mars 2008, parvenue à la Cour le 7 avril 2008, dans la procédure

VB…

contre

F…

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts et J.-C. Bonichot, présidents de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. M. Ilešič, J. Malenovský, U. Lõhmus, E. Levits, A. Ó Caoimh, L. Bay Larsen et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour le gouvernement hongrois, par Mmes J. Fazekas, R. Somssich et K. Borvölgyi ainsi que M. M. Fehér, en qualité d’agents,

– pour l’Irlande, par M. D. J. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. A. M. Collins, S C,

– pour le gouvernement espagnol, par M. J. López-Medel Báscones, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. M. Wissels, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. S. Ossowski et L. Seeboruth, en qualité d’agents, ainsi que par M. T. de la Mare, barrister,

– pour la Commission européenne, par MM. B. D. Simon et W. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 juillet 2010,

rend le présent Arrêt

1/ La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant VB…  à M. S… au sujet d’une demande d’injonction de payer.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3/ L’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne est libellé comme suit:

«Dans les cas visés à l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la décision de la juridiction nationale qui suspend la procédure et saisit la Cour de justice est notifiée à celle-ci à la diligence de cette juridiction nationale. Cette décision est ensuite notifiée par les soins du greffier de la Cour aux parties en cause, aux États membres et à la Commission ainsi qu’à l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union qui a adopté l’acte dont la validité ou l’interprétation est contestée.

Dans un délai de deux mois à compter de cette dernière notification, les parties, les États membres, la Commission et, le cas échéant, l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union qui a adopté l’acte dont la validité ou l’interprétation est contestée ont le droit de déposer devant la Cour des mémoires ou observations écrites.

[…]».

4/ La directive a pour objet, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, de «rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur».

5/ L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

«1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

[…]»

6/ L’article 3, paragraphe 3, de la directive fait référence à l’annexe de celle-ci qui contient une «liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives». Le point 1 de cette annexe vise les «[c]lauses ayant pour objet ou pour effet:

[…]

q) de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur […]».

7 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

8/ L’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive énonce:

«1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.»

Le droit national

9/ À la date des faits au principal, étaient applicables le code civil, dans sa version résultant de la loi n° III de 2006, et le décret gouvernemental n° 18/1999 relatif aux clauses à considérer comme étant abusives dans les contrats conclus avec un consommateur.

10/ Conformément à l’article 209/A, paragraphe 2, du code civil, dans un contrat conclu avec un consommateur, une clause abusive qui est établie soit en tant que clause contractuelle générale, soit par avance et unilatéralement par le cocontractant du consommateur sans que cette clause ait été négociée individuellement, est nulle.

11/ Le décret gouvernemental n° 18/1999 classe les clauses contractuelles en deux catégories. Relèvent de la première catégorie les clauses contractuelles dont l’utilisation dans les contrats conclus avec les consommateurs est interdite et qui sont, en conséquence, nulles de plein droit. La seconde catégorie regroupe les clauses réputées abusives jusqu’à ce que la preuve contraire ait été apportée, l’auteur d’une telle clause pouvant renverser cette présomption.

12/ L’article 155/A, paragraphe 2, de la loi relative à la procédure civile dispose:

«Le tribunal décide de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle par ordonnance et sursoit simultanément à statuer. Le tribunal formule dans son ordonnance la question soumise à la Cour de justice en vue d’obtenir une décision à titre préjudiciel et communique les faits et la législation hongroise pertinents dans la mesure nécessaire pour permettre à la Cour de répondre à la question posée. Le tribunal notifie son ordonnance à la Cour de justice et l’envoie simultanément, pour information, au ministre ayant la Justice dans ses attributions.»

13/ Selon l’article 164, paragraphe 1, de ladite loi, la preuve des éléments de fait nécessaires pour trancher le litige incombe, en règle générale, à la partie qui a intérêt à ce que la juridiction les accepte comme avérés. Le paragraphe 2 du même article prévoit que la juridiction peut ordonner d’office des mesures d’instruction si la loi le permet.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14 Le 14 avril 2006, les parties au principal ont conclu un contrat de prêt destiné à financer l’achat d’une voiture.

15/ Lorsque M. S… n’a plus respecté ses obligations contractuelles, VB… a résilié ce contrat de prêt et a saisi la juridiction de renvoi afin d’obtenir le remboursement d’une créance s’élevant à 317 404 HUF ainsi que le paiement des intérêts échus sur le montant impayé et des frais.

16/ VB… n’a pas présenté sa demande d’injonction de payer devant la juridiction compétente dans le ressort de laquelle M. S… a sa résidence, mais s’est prévalue de la clause attributive de compétence juridictionnelle insérée dans ledit contrat de prêt qui soumet un éventuel litige entre les parties à la compétence de la juridiction de renvoi.

17/ L’injonction sollicitée a été prononcée dans le cadre d’une procédure dite «gracieuse», qui ne requiert pas que la juridiction concernée tienne une audience ou entende la partie adverse. Lors de l’adoption de cette injonction, la juridiction de renvoi ne s’est pas interrogée sur sa compétence territoriale non plus que sur la clause attributive de compétence juridictionnelle figurant dans le contrat de prêt.

18/ M. S… a formé une opposition contre cette injonction de payer devant la juridiction de renvoi, sans toutefois préciser les motifs de cette opposition. Cette dernière a eu pour conséquence juridique de rendre la procédure contradictoire, celle-ci se déroulant alors conformément aux dispositions du droit commun de la procédure civile.

19/ Ladite juridiction a constaté que M. S… n’avait pas sa résidence dans son ressort territorial, alors que les règles de procédure civile prévoient que la juridiction territorialement compétente pour connaître d’un litige tel que celui dont elle est saisie est celle dans le ressort de laquelle se trouve la résidence de la partie défenderesse.

20/ Dans ces conditions, le Budapesti II. és III. kerületi bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La protection garantie aux consommateurs par la directive […] nécessite-t-elle de la part du juge national que celui-ci se prononce d’office, même en l’absence de demande à cette fin – et quel que soit le caractère, contentieux ou gracieux, de la procédure –, sur le caractère abusif d’une clause contractuelle invoquée devant lui, dans le cadre de l’examen de sa propre compétence territoriale?

2) Dans la mesure où la première question appelle une réponse affirmative, quels sont les critères que le juge national peut prendre en considération dans le cadre de cet examen, en particulier lorsqu’une clause contractuelle prévoit la compétence territoriale non pas des tribunaux dans le ressort desquels se trouve le siège du professionnel, mais de tribunaux d’un ressort différent, bien qu’ils se trouvent à proximité de ce siège?

3) L’article 23, premier alinéa, du [statut de la Cour], exclut-il la possibilité pour le juge national qui engage une procédure préjudicielle d’en informer aussi d’office, simultanément, le ministre ayant, dans son propre État membre, la Justice dans ses attributions?»

La procédure devant la Cour

21/ Par décision du président de la Cour du 13 février 2009, le traitement de l’affaire a été suspendu dans l’attente du prononcé de l’arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM (C‑243/08, Rec. p. I-4713).

22/ Par suite du prononcé dudit arrêt, la juridiction de renvoi a, le 2 juillet 2009, fait savoir à la Cour qu’elle considérait qu’il n’était plus nécessaire que la Cour réponde aux première et deuxième des questions posées dans sa décision du 27 mars 2008. En revanche, cette juridiction a indiqué qu’elle souhaitait toujours obtenir une réponse à la troisième question.

23/ En outre, ladite juridiction s’interroge sur le rôle de la Cour lorsqu’il s’agit de garantir l’application uniforme, dans tous les États membres, du niveau de protection des droits des consommateurs prescrit par la directive. À cet égard, elle déclare déduire des points 34 et 35 de l’arrêt Pannon GSM, précité, que les caractéristiques spécifiques de la procédure juridictionnelle qui se déroule dans le cadre du droit national entre le professionnel et le consommateur ne sauraient constituer un critère susceptible d’affecter la protection juridique dont doit bénéficier le consommateur en vertu des dispositions de la directive. Il résulterait notamment de ces points 34 et 35/ que le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.

24/ Or, de l’avis de la juridiction de renvoi, les indications données par la Cour dans les points pertinents de l’arrêt Pannon GSM, précité, ne permettraient pas de trancher la question de savoir si le juge national ne peut examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle que lorsqu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ou si, au contraire, l’examen d’office de ce caractère abusif implique également que, dans le cadre de celui-ci, le juge national est tenu d’établir d’office les éléments de fait et de droit nécessaires audit examen.

25/ Eu égard à ces considérations, le Budapesti II. és III. kerületi bíróság a décidé de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes à titre complémentaire:

«1) La compétence de la Cour prévue à l’article [267 TFUE] inclut-elle celle d’interpréter la notion de «clause abusive» visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive […], ainsi que les clauses énumérées dans l’annexe de cette directive?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, la demande de décision préjudicielle sollicitant une telle interprétation peut-elle – dans l’intérêt d’une application uniforme pour tous les États membres du niveau de protection des droits des consommateurs garanti par la directive […] – porter sur la question de savoir de quels aspects le juge national peut ou doit tenir compte en cas d’application à une clause individuelle particulière des critères généraux fixés dans la directive?

3) Si le juge national, alors que les parties au litige n’ont formulé aucune demande à cet effet, remarque lui-même le caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle, peut-il procéder à une instruction d’office en vue de l’établissement des éléments de fait et de droit nécessaires à cette appréciation dans le cas où le droit procédural national n’autorise celle-ci que si les parties le demandent?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la troisième question posée initialement

26/ Par cette question, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si l’article 23, premier alinéa, du statut de la Cour s’oppose à une disposition du droit national qui prévoit que le juge qui engage une procédure de renvoi préjudiciel en informe d’office, simultanément, le ministre ayant la Justice dans ses attributions.

27/ À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 23, premier alinéa, du statut de la Cour, qui prévoit que la décision de la juridiction nationale qui suspend la procédure et saisit la Cour est notifiée à celle-ci à la diligence de cette juridiction nationale et que cette décision est ensuite notifiée par les soins du greffier de la Cour, entre autres et selon le cas, aux parties en cause, aux États membres et à la Commission, ainsi qu’à d’autres institutions, organes ou organismes de l’Union, ne comporte aucune indication relative à d’autres mesures d’information susceptibles d’être prises par la juridiction nationale dans le cadre de sa décision de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel.

28/ Afin de répondre à la question posée, il convient de souligner que le système instauré à l’article 267 TFUE en vue d’assurer l’unité de l’interprétation du droit de l’Union dans les États membres institue une coopération directe entre la Cour et les juridictions nationales par une procédure étrangère à toute initiative des parties (voir arrêts du 10 juillet 1997, Palmisani, C‑261/95, Rec. p. I‑4025, point 31; du 12 février 2008, Kempter, C‑2/06, Rec. p. I‑411, point 41, et du 16 décembre 2008, Cartesio, C‑210/06, Rec. p. I‑9641, point 90).

29/ En effet, le renvoi préjudiciel repose sur un dialogue de juge à juge, dont le déclenchement dépend entièrement de l’appréciation que fait la juridiction nationale de la pertinence et de la nécessité dudit renvoi (voir arrêts précités Kempter, point 42, et Cartesio, point 91).

30/ Compte tenu de ces principes qui sous-tendent le mécanisme préjudiciel et eu égard à la question posée, il importe de déterminer si l’obligation d’information dont il s’agit est susceptible d’avoir une incidence sur les facultés dont sont dotées les juridictions nationales en vertu de l’article 267 TFUE.

31/ À cet égard, il n’apparaît pas qu’une obligation telle que celle en cause au principal puisse être considérée comme une ingérence dans le mécanisme de dialogue juridictionnel instauré à l’article 267 TFUE.

32/ En effet, l’obligation faite aux juridictions nationales de l’État membre concerné d’informer le ministre de la Justice au moment de la transmission de la décision de renvoi à la Cour ne constitue pas une condition d’un tel renvoi. Ainsi, elle ne saurait avoir d’incidence sur le droit desdites juridictions d’introduire une demande de décision préjudicielle ni porter atteinte aux prérogatives qui sont conférées à celles-ci en vertu de l’article 267 TFUE.

33/ Par ailleurs, il n’apparaît pas qu’une éventuelle violation de cette obligation d’information emporte des conséquences juridiques susceptibles d’empiéter sur la procédure prévue à l’article 267 TFUE.

34/ En outre, et ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 74 de ses conclusions, aucun indice n’a été avancé, dont il pourrait être inféré que, en raison de l’obligation d’information dont il s’agit, les juridictions nationales de l’État membre concerné pourraient être dissuadées de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel.

35/ Il y a lieu, par conséquent, de répondre à la troisième question posée initialement que l’article 23, premier alinéa, du statut de la Cour ne s’oppose pas à une disposition du droit national qui prévoit que le juge qui engage une procédure de renvoi préjudiciel en informe d’office, simultanément, le ministre ayant, dans l’État membre concerné, la Justice dans ses attributions.

Sur les première et deuxième questions posées à titre complémentaire

36/ Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande si l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que la compétence de la Cour porte sur l’interprétation de la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive et à l’annexe de cette dernière, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive.

37/ Afin de répondre auxdites questions, il convient de rappeler que la procédure instaurée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêts du 8 novembre 1990, Gmurzynska-Bscher, C‑231/89, Rec. p. I‑4003, point 18, et du 12 mars 1998, Djabali, C‑314/96, Rec. p. I‑1149, point 17).

38 En ce qui concerne les dispositions du droit de l’Union susceptibles de faire l’objet d’un arrêt de la Cour en vertu de l’article 267 TFUE, il convient de rappeler que cette dernière est compétente pour statuer sur l’interprétation des traités et des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l’Union sans exception aucune (voir arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, Rec. p. 4407, point 8, et du 11 mai 2006, Friesland Coberco Dairy Foods, C‑11/05, Rec. p. I‑4285, points 35 et 36).

39/ Par conséquent, et s’agissant d’une réglementation relevant du droit de l’Union, la Cour peut être appelée par une juridiction nationale à interpréter les notions figurant dans un instrument de droit dérivé, telles que la notion de «clause abusive» visée par la directive et son annexe.

40/ À cet égard, la Cour a jugé que les articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de la directive définissent, dans leur ensemble, les critères généraux permettant d’apprécier la nature abusive des clauses contractuelles auxquelles les dispositions de la directive s’appliquent (voir arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, non encore publié au Recueil, point 33 et jurisprudence citée).

41/ Par ailleurs, une question semblable a été soulevée dans le cadre du renvoi préjudiciel qui a donné lieu à l’arrêt Pannon GSM, précité, en ce sens que, dans l’affaire à l’origine de cet arrêt, la juridiction de renvoi demandait à la Cour de lui fournir des indications relatives aux éléments que le juge national doit considérer afin d’apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle.

42/ À cet égard, la Cour, aux points 37 à 39 dudit arrêt, a relevé que l’article 3 de la directive ne définit que de manière abstraite les éléments qui donnent un caractère abusif à une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, que l’annexe à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives et que, selon l’article 4 de la directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion.

43/ Dans ces conditions, la Cour, dans la réponse qu’elle a apportée à ladite question, a précisé qu’il appartient au juge national de déterminer si une clause contractuelle réunit les critères requis pour être qualifiée d’«abusive», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive, et que, ce faisant, le juge national doit tenir compte du fait qu’une clause contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et qui confère compétence exclusive au tribunal dans le ressort duquel est situé le siège du professionnel, peut être considérée comme abusive (voir arrêt Pannon GSM, précité, point 44).

44/ Il y a donc lieu de répondre aux première et deuxième questions posées à titre complémentaire que l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que la compétence de la Cour porte sur l’interprétation de la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte desdits critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce.

Sur la troisième question posée à titre complémentaire

45/ Par cette question, qui est libellée dans des termes très généraux, la juridiction de renvoi cherche à déterminer les responsabilités qui lui incombent, en vertu des dispositions de la directive, à partir du moment où cette dernière s’interroge sur le caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle attributive de compétence juridictionnelle territoriale exclusive. Ladite juridiction demande notamment si, dans une telle situation, le juge national a l’obligation de procéder à une instruction d’office afin d’établir les éléments de fait et de droit nécessaires aux fins d’apprécier l’existence d’une telle clause, dans le cas où le droit national ne prévoit une telle instruction que si l’une des parties le demande.

46/ Afin de répondre à la question posée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le système de protection mis en œuvre par la directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (voir arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, C‑240/98 à C‑244/98, Rec. p. I‑4941, point 25; du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, Rec. p. I‑10421, point 25, ainsi que du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, Rec. p. I‑9579, point 29).

47/ La Cour a également jugé que, eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (voir arrêts précités Mostaza Claro, point 36, et Asturcom Telecomunicaciones, point 30).

48/ Afin d’assurer la protection voulue par la directive, la Cour a souligné que la situation d’inégalité entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat (voir arrêts précités Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, point 27, Mostaza Claro; point 26, ainsi que Asturcom Telecomunicaciones, point 31).

49/ Ainsi, dans le cadre des fonctions qui lui incombent en vertu des dispositions de la directive, le juge national doit vérifier si une clause du contrat faisant l’objet du litige dont il est saisi entre dans le champ d’application de cette directive. Dans l’affirmative, ledit juge est tenu d’apprécier, au besoin d’office, cette clause au regard des exigences de protection du consommateur prévues par ladite directive.

50/ En ce qui concerne le premier stade de l’examen devant être effectué par le juge national, il ressort des dispositions combinées des articles 1er et 3 de la directive que cette dernière s’applique à toute clause attributive de compétence juridictionnelle territoriale exclusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle.

51/ Afin de garantir l’efficacité de la protection des consommateurs voulue par le législateur de l’Union, le juge national doit donc, dans tous les cas et quelles que soient les règles de droit interne, déterminer si la clause litigieuse a fait ou non l’objet d’une négociation individuelle entre un professionnel et un consommateur.

52/ S’agissant du second stade dudit examen, il y a lieu de constater que la clause du contrat qui fait l’objet du litige au principal prévoit, ainsi que l’a indiqué le juge de renvoi, la compétence territoriale exclusive d’une juridiction qui n’est pas la juridiction dans le ressort de laquelle la partie défenderesse a sa résidence ni celle dans le ressort de laquelle se trouve le siège de la partie requérante, mais celle qui est située à proximité du siège de cette dernière tant sur le plan géographique que du point de vue des possibilités de transport.

53/ En ce qui concerne une clause qui avait été insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel et qui conférait une compétence exclusive au tribunal dans le ressort duquel était situé le siège du professionnel, la Cour a jugé, au point 24 de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, qu’une telle clause devait être considérée comme abusive au sens de l’article 3 de la directive, dans la mesure où elle crée, en dépit de l’exigence de bonne foi, au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

54/ Il convient de relever que la clause au sujet de laquelle le juge national s’interroge dans l’affaire au principal, à l’instar d’une clause qui a pour objet de conférer compétence, pour tous les litiges découlant du contrat, à la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le siège du professionnel, fait peser sur le consommateur l’obligation de se soumettre à la compétence exclusive d’un tribunal qui peut être éloigné de son domicile, ce qui est susceptible de rendre sa comparution plus difficile. Dans le cas de litiges portant sur des sommes limitées, les frais afférents à la comparution du consommateur pourraient se révéler dissuasifs et conduire ce dernier à renoncer à tout recours judiciaire ou à toute défense. Une telle clause entre ainsi dans la catégorie de celles ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice par le consommateur, catégorie visée au point 1, sous q), de l’annexe de la directive (voir arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, point 22).

55/ En outre, une telle clause attributive de juridiction exclusive permet au professionnel de regrouper l’ensemble du contentieux afférent à son activité professionnelle devant une juridiction unique, qui n’est pas celle du ressort du consommateur, ce qui tout à la fois facilite l’organisation de la comparution dudit professionnel et rend cette dernière moins onéreuse (voir, en ce sens, arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, point 23).

56/ Il y a lieu, dès lors, de répondre à la troisième question posée à titre complémentaire que le juge national doit prendre d’office des mesures d’instruction afin d’établir si une clause attributive de compétence juridictionnelle territoriale exclusive figurant dans le contrat faisant l’objet du litige dont il est saisi, et qui a été conclu entre un professionnel et un consommateur, entre dans le champ d’application de la directive et, dans l’affirmative, apprécier d’office le caractère éventuellement abusif d’une telle clause.

Sur les dépens

57/ La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1) L’article 23, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ne s’oppose pas à une disposition du droit national qui prévoit que le juge qui engage une procédure de renvoi préjudiciel en informe d’office, simultanément, le ministre ayant, dans l’État membre concerné, la Justice dans ses attributions.

2) L’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne porte sur l’interprétation de la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de cette directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte desdits critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce.

3) Le juge national doit prendre d’office des mesures d’instruction afin d’établir si une clause attributive de compétence juridictionnelle territoriale exclusive figurant dans le contrat faisant l’objet du litige dont il est saisi, et qui a été conclu entre un professionnel et un consommateur, entre dans le champ d’application de la directive 93/13 et, dans l’affirmative, apprécier d’office le caractère éventuellement abusif d’une telle clause.

Dans l’affaire C‑484/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunal Supremo (Espagne), par décision du 20 octobre 2008, parvenue à la Cour le 10 novembre 2008, dans la procédure

C…

contre

A…,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, faisant fonction de président de la première chambre, M. E. Levits, Mme C. Toader, MM. M. Ilešič et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2009,

considérant les observations présentées:

– pour C…, par Me M. Merola, avvocato, et Me J. Cadarso Palau, abogado,

– pour l’A…, par Mme M. J. Rodríguez Teijeiro, procuradora, ainsi que par Mes L. Pineda Salido et M. Mateos Ferres, abogados,

– pour le gouvernement espagnol, par MM. J. López-Medel Bascones et M. Muñoz Pérez, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes ainsi que par Mmes H. Almeida et P. Contreiras, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Gippini Fournier et W. Wils, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 octobre 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 2, et 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant C… à l’A… au sujet de la légalité d’une clause introduite par C… dans les contrats de prêt à taux d’intérêt variable conclus avec ses clients et destinés à l’achat de logements.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 Les douzième et dix-neuvième considérants de la directive énoncent:

«considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la […] directive; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité [CEE], d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la […] directive;

[…]

considérant que, pour les besoins de la […] directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses […]»

4 L’article 3 de la directive prévoit:

«1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

5 L’article 4 de la directive est rédigé dans les termes suivants:

«1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

6 L’article 8 de la directive dispose:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la […] directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.»

La réglementation nationale

7 En droit espagnol, la protection des consommateurs contre les clauses abusives a été assurée par la loi générale 26/1984 relative à la protection des consommateurs et des usagers (Ley General 26/1984 para la Defensa de los Consumidores y Usuarios), du 19 juillet 1984 (BOE n° 176, du 24 juillet 1984).

8 La loi 26/1984 a été modifiée par la loi 7/1998 relative aux conditions générales des contrats (Ley 7/1998 sobre condiciones generales de la contratación), du 13 avril 1998 (BOE n° 89, du 14 avril 1998), qui a transposé la directive en droit interne.

9 Toutefois, la loi 7/1998 n’a pas transposé l’article 4, paragraphe 2, de la directive en droit interne.

Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

10 Il ressort de la décision de renvoi que les contrats de prêt à taux d’intérêt variable destinés à l’achat de logements conclus entre C… et ses clients contiennent une clause écrite, introduite préalablement dans un contrat type, en vertu de laquelle le taux d’intérêt nominal prévu par le contrat, variable périodiquement conformément à l’indice de référence convenu, doit être arrondi, à partir de la première révision, au quart de point de pourcentage supérieur (ci-après la «clause d’arrondissement»).

11 Le 28 juillet 2000, l’A… a introduit un recours tendant, notamment, à obtenir de la part de C… la suppression de la clause d’arrondissement desdits contrats de prêt ainsi que la cessation de son utilisation pour l’avenir. Par jugement du 11 septembre 2001, le Juzgado de Primera Instancia de Madrid a accueilli le recours, estimant que la clause d’arrondissement était abusive et donc nulle, conformément à la législation nationale ayant transposé la directive.

12 C… a interjeté appel de ce jugement devant l’Audiencia Provincial de Madrid qui, le 10 octobre 2002, a rendu un arrêt confirmant le jugement de première instance.

13 Le 27 novembre 2002, C… s’est pourvue en cassation contre cet arrêt devant le Tribunal Supremo.

14 Selon le Tribunal Supremo, la clause d’arrondissement est susceptible de constituer un élément essentiel d’un contrat de prêt bancaire, tel que celui en cause au principal. Or, étant donné que l’article 4, paragraphe 2, de la directive exclurait que l’appréciation du caractère abusif porte sur une clause concernant, notamment, l’objet du contrat, une clause telle que celle en cause au principal ne pourrait, en principe, faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif.

15 Toutefois, le Tribunal Supremo relève également que, le Royaume d’Espagne n’ayant pas transposé dans son ordre juridique ledit article 4, paragraphe 2, la législation espagnole soumet le contrat tout entier à une telle appréciation.

16 C’est dans ces conditions que le Tribunal Supremo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 8 de la [directive] doit‑il être interprété en ce sens qu’un État membre peut prévoir dans sa législation, au bénéfice des consommateurs, un contrôle du caractère abusif des clauses que l’article 4, paragraphe 2, de la [directive] exclut dudit contrôle?

2) En conséquence, les dispositions combinées des articles 4, paragraphe 2, et 8 de la [directive] s’opposent‑elles à ce qu’un État membre prévoie dans son ordre juridique, au bénéfice des consommateurs, un contrôle du caractère abusif des clauses portant sur ‘la définition de l’objet principal du contrat’ ou sur ‘l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part’, même si lesdites clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible?

3) Une interprétation des articles 8 et 4, paragraphe 2, de la [directive] permettant à un État membre de procéder à un contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses figurant dans les contrats conclus par les consommateurs et rédigées de façon claire et compréhensible, qui définissent l’objet principal du contrat ou l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, est‑elle compatible avec les articles 2 CE, 3, paragraphe 1, sous g), CE et 4, paragraphe 1, CE?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

17 L’A…, le gouvernement espagnol et la Commission des Communautés européennes contestent la recevabilité de la demande de décision préjudicielle au motif qu’elle ne serait pas utile aux fins de la solution du litige dont la juridiction de renvoi est saisie. À cet égard, ils font valoir que la clause d’arrondissement en cause au principal ne porterait pas sur l’objet principal du contrat en question, mais constituerait un élément accessoire de celui-ci, de sorte que l’article 4, paragraphe 2, de la directive ne serait pas applicable au litige au principal.

18 À cet égard, il convient d’emblée de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, dans le cadre d’une procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national. Il appartient de même au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêts du 12 avril 2005, Keller, C‑145/03, Rec. p. I‑2529, point 33; du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, Rec. p. I‑6199, point 43, ainsi que du 11 septembre 2008, Eckelkamp e.a., C‑11/07, Rec. p. I‑6845, points 27 et 32).

19 Ainsi, bien que la Cour ait également jugé que, dans des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, point 21, et du 19 novembre 2009, Filipiak, C‑314/08, non encore publié au Recueil, point 41), le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible, notamment, que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que la disposition du droit de l’Union soumise à l’interprétation de la Cour ne peut trouver à s’appliquer (voir arrêts du 5 décembre 1996, Reisdorf, C‑85/95, Rec. p. I‑6257, point 16, et du 1er octobre 2009, Woningstichting Sint Servatius, C‑567/07, non encore publié au Recueil, point 43).

20 Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

21 En effet, dans sa décision de renvoi, le Tribunal Supremo s’interroge sur la portée des obligations qui incombent aux États membres en vertu de la directive, en ce qui concerne l’étendue du contrôle juridictionnel du caractère abusif de certaines clauses contractuelles qui, de l’avis du même Tribunal Supremo, relèveraient de l’article 4, paragraphe 2, de la directive.

22 Bien que cette appréciation du Tribunal Supremo ne soit pas partagée par toutes les parties, il n’apparaît pas, à tout le moins de manière manifeste, que ladite disposition de la directive ne puisse pas trouver à s’appliquer dans l’affaire au principal.

23 Dans ces conditions, force est de constater que la Cour est compétente pour se prononcer sur les questions préjudicielles qui lui sont soumises par la juridiction de renvoi, et que, dès lors, la demande de décision préjudicielle doit être déclarée recevable.

Sur le fond

Sur les première et deuxième questions

24 Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 4, paragraphe 2, et 8 de la directive s’opposent à ce qu’un État membre prévoie dans son ordre juridique, au bénéfice des consommateurs, un contrôle du caractère abusif des clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, même si ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

25 C… soutient que l’article 8 de la directive ne permet pas aux États membres d’introduire, par le biais de mesures de transposition, ou de maintenir, en cas d’absence de telles mesures, une réglementation nationale contraire à l’article 4, paragraphe 2, de la directive. En effet, cette disposition délimiterait de manière contraignante le champ d’application du système de protection prévu par la directive, en excluant ainsi toute possibilité pour les États membres d’y déroger, même afin de prévoir une réglementation nationale plus favorable aux consommateurs.

26 En revanche, les autres intéressés ayant présenté des observations font valoir que les articles 4, paragraphe 2, et 8 de la directive ne s’opposent pas à une telle possibilité. En effet, ils estiment que l’adoption ou le maintien d’une pareille réglementation nationale relèverait de la faculté des États membres d’instituer, dans le domaine régi par la directive, des mécanismes plus stricts de protection des consommateurs.

27 Afin de répondre aux questions posées, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le système de protection mis en œuvre par la directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, C‑240/98 à C‑244/98, Rec. p. I‑4941, point 25, ainsi que du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, Rec. p. I‑10421, point 25).

28 Néanmoins, comme l’indique expressément le douzième considérant de la directive, cette dernière n’a procédé qu’à une harmonisation partielle et minimale des législations nationales relatives aux clauses abusives, tout en reconnaissant aux États membres la possibilité d’assurer au consommateur un niveau de protection plus élevé que celui qu’elle prévoit.

29 Ainsi, l’article 8 de la directive prévoit formellement la possibilité pour les États membres d’«adopter ou [de] maintenir, dans le domaine régi par la […] directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur».

30 Il s’agit dès lors de vérifier si la portée de l’article 8 de la directive s’étend à l’ensemble du domaine régi par cette dernière et, par conséquent, à l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci, ou bien si, comme le soutient C…, cette dernière disposition est exclue du champ d’application dudit article 8.

31 Or, à cet égard, il y a lieu de constater que l’article 4, paragraphe 2, de la directive prévoit uniquement que «l’appréciation du caractère abusif» ne porte pas sur les clauses visées à cette disposition, pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

32 Il découle donc des termes mêmes de l’article 4, paragraphe 2, de la directive que cette disposition, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 74 de ses conclusions, ne saurait être considérée comme fixant le champ d’application matériel de la directive. Au contraire, les clauses visées audit article 4, paragraphe 2, tout en relevant du domaine régi par la directive, échappent seulement à l’appréciation de leur caractère abusif, dans la mesure où la juridiction nationale compétente devait estimer, à la suite d’un examen au cas par cas, qu’elles ont été rédigées par le professionnel de façon claire et compréhensible.

33 En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de la directive définissent, dans leur ensemble, les critères généraux permettant d’apprécier la nature abusive des clauses contractuelles soumises aux dispositions de la directive (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2002, Commission/Suède, C‑478/99, Rec. p. I‑4147, points 11 et 17, ainsi que du 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten, C‑237/02, Rec. p. I‑3403, points 18, 19 et 21).

34 Dans cette même perspective, l’article 4, paragraphe 2, de la directive vise pour sa part, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 75 de ses conclusions, uniquement à établir les modalités et l’étendue du contrôle de fond des clauses contractuelles, n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui décrivent les prestations essentielles des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

35 Il s’ensuit que les clauses visées à cet article 4, paragraphe 2, relèvent bien du domaine régi par la directive et que, partant, l’article 8 de celle‑ci s’applique également audit article 4, paragraphe 2.

36 Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de C… selon lesquels, ainsi qu’il ressortirait notamment de l’arrêt du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas (C‑144/99, Rec. p. I‑3541), l’article 4, paragraphe 2, de la directive aurait un caractère impératif et contraignant pour les États membres, de sorte que ceux-ci ne pourraient pas invoquer l’article 8 de la directive pour adopter ou maintenir dans leurs ordres juridiques internes des dispositions susceptibles d’en modifier la portée.

37 À cet égard, il suffit de relever que ces arguments découlent d’une lecture erronée dudit arrêt. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que le Royaume des Pays-Bas avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la directive non pas pour ne pas avoir transposé l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci, mais uniquement pour en avoir assuré une transposition incomplète, de sorte que la réglementation nationale en cause n’était pas en mesure d’atteindre les résultats voulus par cette disposition.

38 En effet, ladite réglementation excluait toute possibilité de contrôle juridictionnel des clauses décrivant les prestations essentielles dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, même lorsque la rédaction de ces clauses était obscure et ambiguë, de sorte que le consommateur était empêché de manière absolue de faire valoir le caractère abusif d’une clause portant sur la définition de l’objet principal du contrat et sur l’adéquation entre le prix et les services ou les biens à fournir.

39 Il ne peut, par conséquent, être aucunement déduit de l’arrêt Commission/Pays-Bas, précité, que la Cour aurait considéré que l’article 4, paragraphe 2, de la directive constituait une disposition impérative et contraignante, devant être obligatoirement transposée en tant que telle par les États membres. Au contraire, la Cour s’est limitée à juger que, afin de garantir concrètement les objectifs de protection des consommateurs poursuivis par la directive, toute transposition dudit article 4, paragraphe 2, devait être complète, de sorte que l’interdiction d’apprécier le caractère abusif des clauses porte uniquement sur celles qui sont rédigées de façon claire et compréhensible.

40 Il découle de tout ce qui précède que les États membres ne sauraient être empêchés de maintenir ou d’adopter, dans l’ensemble du domaine régi par la directive, y compris l’article 4, paragraphe 2, de celle-ci, des règles plus strictes que celles prévues par la directive elle-même, pourvu qu’elles visent à assurer un niveau de protection plus élevé des consommateurs.

41 Or, s’agissant de la réglementation espagnole en cause au principal, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, la loi 7/1998 n’a pas transposé en droit interne l’article 4, paragraphe 2, de la directive.

42 Il s’ensuit que, dans l’ordre juridique espagnol, ainsi que le relève le Tribunal Supremo, une juridiction nationale peut en toutes circonstances apprécier, dans le cadre d’un litige concernant un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, le caractère abusif d’une clause n’ayant pas été individuellement négociée, qui porte notamment sur l’objet principal dudit contrat, même dans les hypothèses où cette clause a été rédigée préalablement par le professionnel de façon claire et compréhensible.

43 Dans ces conditions, force est de constater que, en autorisant la possibilité d’un contrôle juridictionnel complet du caractère abusif des clauses, telles que celles visées à l’article 4, paragraphe 2, de la directive, prévues par un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, la réglementation espagnole en cause au principal permet d’assurer au consommateur, conformément à l’article 8 de la directive, un niveau de protection effective plus élevé que celui établi par celle-ci.

44 À la lumière de ces considérations, il convient de répondre aux première et deuxième questions que les articles 4, paragraphe 2, et 8 de la directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, même si ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

Sur la troisième question

45 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 2 CE, 3, paragraphe 1, sous g), CE et 4, paragraphe 1, CE s’opposent à une interprétation des articles 4, paragraphe 2, et 8 de la directive selon laquelle les États membres peuvent adopter une réglementation nationale qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, même si ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

46 Or, s’agissant des articles 2 CE et 4, paragraphe 1, CE, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, ces dispositions énoncent des objectifs et des principes généraux qui sont appliqués nécessairement en combinaison avec les chapitres respectifs du traité CE destinés à mettre en œuvre ces principes et objectifs. Elles ne sauraient donc à elles seules avoir pour effet de créer à la charge des États membres des obligations juridiques claires et inconditionnelles (voir, en ce sens, en ce qui concerne l’article 2 CE, arrêt du 24 janvier 1991, Alsthom Atlantique, C‑339/89, Rec. p. I‑107, point 9, et, s’agissant de l’article 4, paragraphe 1, CE, arrêt du 3 octobre 2000, Échirolles Distribution, C‑9/99, Rec. p. I‑8207, point 25).

47 De même, l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE ne saurait non plus produire à lui seul des obligations juridiques à la charge des États membres. En effet, cette disposition se borne à indiquer, comme la Cour a déjà eu l’occasion de le clarifier, un objectif qui doit cependant être précisé dans d’autres dispositions du traité, notamment dans celles relatives aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 29, et Alsthom Atlantique, précité, point 10).

48 En outre, force est de constater que les indications figurant dans la décision de renvoi ne permettent pas à la Cour de délimiter clairement les dispositions du traité relatives aux règles de concurrence dont l’interprétation serait utile à la solution du litige au principal.

49 À la lumière de l’ensemble de ces considérations, il convient de répondre à la troisième question que les articles 2 CE, 3, paragraphe 1, sous g), CE et 4, paragraphe 1, CE ne s’opposent pas à une interprétation des articles 4, paragraphe 2, et 8 de la directive selon laquelle les États membres peuvent adopter une réglementation nationale qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, même si ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

Sur les dépens

50 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1) Les articles 4, paragraphe 2, et 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, même si ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

2) Les articles 2 CE, 3, paragraphe 1, sous g), CE et 4, paragraphe 1, CE ne s’opposent pas à une interprétation des articles 4, paragraphe 2, et 8 de la directive 93/13 selon laquelle les États membres peuvent adopter une réglementation nationale qui autorise un contrôle juridictionnel du caractère abusif des clauses contractuelles portant sur la définition de l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, même si ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible.

Audience publique du jeudi 25 février 2010
N° de pourvoi: 09-12126

Publié au bulletin
M. Charruault (président), président
SCP Defrenois et Levis, SCP Didier et Pinet, avocat(s)

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que, victime d’un accident vasculaire cérébral survenu le 11 février 2000, ayant entraîné d’importantes séquelles, M. X… a signé avec l’Association générale de prévoyance militaire vie (l’assureur) un « protocole d’expertise arbitrale » en vue de voir déterminer à quelle date il pouvait être considéré en état d’invalidité totale et définitive, les parties déclarant s’en remettre à la décision du médecin arbitre et renoncer à toutes contestations ultérieures ; que le médecin arbitre ayant conclu que M. X… était en invalidité totale définitive depuis la date de la consolidation médico-légale de son état acquise au 31 décembre 2001, l’assureur a versé à celui-ci les indemnités convenues à compter de cette date ; que M. X… a assigné l’assureur en paiement d’indemnités depuis la date de son accident ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 novembre 2008) d’avoir déclaré son action irrecevable, alors, selon le moyen, qu’est abusive la clause ayant pour effet d’obliger un consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat ; qu’en admettant que la stipulation, conclue entre M. X… et l’AGPM vie, organisant un « arbitrage médical », interdisait à l’exposant de saisir le juge étatique, après que l’expert avait rendu ses conclusions, la cour d’appel a violé l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu que le compromis d’arbitrage signé, hors toute clause compromissoire insérée à la police d’assurance, entre l’assureur et l’assuré après la naissance d’un litige, ne constitue pas une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur, et n’est donc pas susceptible de présenter un caractère abusif au sens du texte visé au moyen ; d’où il suit que le grief n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les autres griefs qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation ;

Attendu qu’aux termes de ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu qu’en vertu d’un contrat d’amodiation conclu le 18 mai 2000 avec la société P… (la société), concessionnaire de l’exploitation du port de plaisance de D… pour une durée de cinquante ans à compter du 1er janvier 1972, M. X… est devenu amodiataire d’un poste d’amarrage et de mouillage pour une durée fixée par l’article 1er du contrat à celle de la concession ; qu’ayant vendu son bateau, il a, par lettre du 13 juin 2006, notifié la résiliation du contrat avec effet au 20 juin 2006, précisant être à jour des charges afférentes à l’emplacement en cause ; qu’assigné en paiement d’un complément de charges portuaires au titre de l’année 2006 et des charges de l’année 2007, il a opposé le caractère abusif de la clause fixant la durée de l’amodiation à celle de la concession ;

Attendu que, pour écarter le caractère abusif de la clause litigieuse et condamner M. X… à payer à la société les sommes par elle réclamées, le jugement attaqué énonce, d’abord, que la durée du contrat, qui est longue, s’explique par la nature du contrat portant occupation du domaine maritime de l’État, qu’elle a été contradictoirement acceptée par l’amodiataire lors de la signature du contrat, qu’elle s’impose donc aux deux parties et qu’il n’existe pas de déséquilibre entre les droits et obligations des deux parties, tenues l’une comme l’autre par cette durée, ensuite, que, si l’article 5 du contrat interdit à l’amodiataire de céder ou de sous-louer l’emplacement, cette règle est toutefois limitée par le règlement de police applicable au port de plaisance qui prévoit, en son article 27, alinéa 2, qu’en cas de vente d’un navire, le poste d’accostage concerné ne peut faire l’objet d’un transfert de jouissance, de la part du titulaire, au profit du nouveau propriétaire sans un accord formel du concessionnaire, de sorte qu’il appartient à M. X… de faire le nécessaire et qu’il ne peut se voir déchargé de ses obligations contractuelles concernant la durée de la convention, enfin, que, s’il est établi et non contesté que la société a mis l’emplacement à la disposition de tiers, ce fait constitue l’application de l’article 26 du règlement précité qui l’autorise à disposer de l’emplacement toutes les fois que l’amodiataire le libère pendant plus de sept jours sans effectuer une déclaration d’absence ;

Qu’en se déterminant ainsi, quand l’article 1er du contrat d’amodiation a pour objet et pour effet de maintenir l’amodiataire dans les liens contractuels pendant la durée de la concession en lui imposant de payer les charges portuaires afférentes à l’emplacement amodié, sans lui réserver la faculté de résilier la convention pour un motif légitime, et alors que, d’une part, l’article 5 lui interdit de céder ou sous-louer l’emplacement, tandis que le règlement de police du port ne prévoit la possibilité d’un transfert de jouissance du poste d’accostage qu’en cas de vente d’un navire et assujettit ce transfert à un accord formel du concessionnaire, et que, d’autre part, la société est autorisée à disposer de l’emplacement au profit de tiers passé un délai d’inoccupation de sept jours, de sorte que la société ne justifie pas d’un préjudice en cas de résiliation moyennant un préavis de sept jours ; qu’il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que la clause contenue à l’article 1er du contrat d’amodiation est donc abusive et, partant, réputée non écrite ; que, dès lors, la juridiction de proximité a violé, par refus d’application, les dispositions du texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 juin 2008, entre les parties, par la juridiction de proximité de Pont-L’Evêque ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Lisieux ;

Condamne la société Port D… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Port Deauville à verser à M. X… la somme de 2.000 € ; rejette la demande de la société.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille neuf.

Dans l’affaire C‑40/08, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia n° 4 de Bilbao (Espagne), par décision du 29 janvier 2008, parvenue à la Cour le 5 février 2008, dans la procédure

A…

contre

N…,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano (rapporteur), E. Levits et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour A…, par Mes P. Calderón Plaza et P. García Ibaceta, abogados,

– pour le gouvernement espagnol, par M. J. López-Medel Bascones, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement hongrois, par Mmes K. Veres et R. Somssich ainsi que par M. M. Fehér, en qualité d’agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Wils et R. Vidal Puig, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 mai 2009,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale devenue définitive opposant A… à Mme N… au sujet du paiement de sommes dues en exécution d’un contrat d’abonnement de téléphonie mobile que ladite société avait conclu avec cette dernière.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

4 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

5 L’annexe de la même directive comporte une liste indicative de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Au nombre de celles-ci figurent, au point 1, sous q), de cette annexe, les clauses qui ont pour objet ou pour effet «de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat».

La législation nationale

6 En droit espagnol, la protection des consommateurs contre les clauses abusives a d’abord été assurée par la loi générale 26/1984 relative à la protection des consommateurs et des usagers (Ley General 26/1984 para la Defensa de los Consumidores y Usuarios), du 19 juillet 1984 (BOE n° 176, du 24 juillet 1984, ci-après la «loi 26/1984»).

7 La loi 26/1984 a été modifiée par la loi 7/1998 relative aux conditions générales des contrats (Ley 7/1998 sobre Condiciones Generales de la Contratación), du 13 avril 1998 (BOE n° 89, du 14 avril 1998, ci-après la «loi 7/1998»), qui a transposé la directive 93/13 dans le droit interne.

8 La loi 7/1998 a notamment ajouté à la loi 26/1984 un article 10 bis, lequel prévoit, à son paragraphe 1, que «[s]ont considérées comme clauses abusives toutes les dispositions n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. En tout état de cause, sont considérées comme clauses abusives les dispositions énoncées dans la première disposition additionnelle de la présente loi. […]».

9 L’article 8 de la loi 7/1998 dispose:

«1. Sont nulles de plein droit les conditions générales qui, au préjudice de l’adhérent, contreviennent aux dispositions de la loi ou de toute autre règle impérative ou prohibitive, à moins que celles-ci ne sanctionnent différemment leur violation.

2. En particulier, sont nulles les conditions générales abusives dans les contrats conclus avec un consommateur, telles qu’elles sont définies, en tout état de cause, par l’article 10 bis et la première disposition additionnelle de la loi générale 26/1984 […]»

10 À la date des faits au principal, la procédure d’arbitrage était régie par la loi 60/2003 relative à l’arbitrage (Ley 60/2003 de Arbitraje), du 23 décembre 2003 (BOE n° 309, du 26 décembre 2003, ci-après la «loi 60/2003»).

11 L’article 8, paragraphes 4 et 5, de la loi 60/2003 disposait:

«4. Le tribunal de première instance du lieu où la sentence a été rendue est compétent pour statuer sur l’exécution forcée de celle-ci, conformément à l’article 545, paragraphe 2, du code de procédure civile […]

5. Le recours en annulation de la sentence arbitrale est formé devant l’Audiencia Provincial du lieu où celle-ci a été prononcée.»

12 L’article 22, paragraphes 1 et 2, de ladite loi prévoyait:

«1. Les arbitres sont compétents pour statuer sur leur propre compétence, y compris sur les exceptions relatives à l’existence ou à la validité de la convention d’arbitrage ou toute autre exception dont l’admission empêche l’examen au fond du litige. À cet effet, une convention d’arbitrage faisant partie d’un contrat est considérée comme une convention distincte des autres clauses du contrat. La décision des arbitres constatant la nullité du contrat n’emporte pas de plein droit la nullité de la convention d’arbitrage.

2. Les exceptions visées au paragraphe précédent doivent être soulevées au plus tard lors du dépôt des conclusions en défense, le fait pour une partie d’avoir désigné ou participé à la désignation des arbitres ne la privant pas du droit de soulever ces exceptions. L’exception prise de ce que la question litigieuse excéderait les pouvoirs des arbitres doit être soulevée dès que la question alléguée comme excédant leurs pouvoirs est soulevée pendant la procédure arbitrale.

Les arbitres ne peuvent admettre les exceptions soulevées ultérieurement que si le retard est justifié.»

13 L’article 40 de la même loi était libellé comme suit:

«Une sentence définitive peut faire l’objet d’une action en annulation, conformément aux dispositions du présent titre.»

14 L’article 41, paragraphe 1, de la loi 60/2003 énonçait:

«La sentence ne peut être annulée que lorsque la partie qui demande l’annulation allègue et prouve:

[…]

f) que la sentence est contraire à l’ordre public.

[…]»

15 Aux termes de l’article 41, paragraphe 4, de ladite loi, le recours en annulation devait être formé dans les deux mois suivant la notification de la sentence arbitrale.

16 L’article 43 de la loi 60/2003 disposait:

«La sentence définitive produit les effets de l’autorité de la chose jugée et ne peut faire l’objet que d’un recours en révision, conformément aux dispositions du code de procédure civile applicables aux décisions définitives.»

17 L’article 44 de la même loi précisait:

«L’exécution forcée des sentences est régie par les dispositions du code de procédure civile et du présent titre.»

18 L’article 517, paragraphe 2, point 2, de la loi 1/2000 sur la procédure civile (Ley 1/2000 de Enjuiciamiento Civil), du 7 janvier 2000 (BOE n° 7, du 8 janvier 2000, ci-après la «loi 1/2000»), dispose que sont susceptibles d’exécution forcée les sentences ou décisions arbitrales.

19 L’article 559, paragraphe 1, de la loi 1/2000 est libellé comme suit:

«La défenderesse à l’exécution peut également s’opposer à l’exécution pour les défauts de procédure suivants:

1. la défenderesse à l’exécution n’a pas le caractère ou la représentation visés dans la demande;

2. la requérante à l’exécution n’a pas la capacité ou la représentation ou n’a pas justifié avoir le caractère ou la représentation visés dans la demande;

3. nullité totale de l’ordonnance d’exécution parce que celle-ci ne contient pas la décision ou la sentence arbitrale prononçant la condamnation, le document présenté ne remplit pas les conditions légales requises pour être exécutoire, ou pour infraction, lors du traitement de l’exécution, aux dispositions de l’article 520 de la présente loi;

4. si le titre à exécuter est une sentence arbitrale non formalisée par notaire, le défaut d’authenticité de celle-ci.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

20 Le 24 mai 2004, un contrat d’abonnement de téléphonie mobile a été conclu entre A… et Mme N…. Ce contrat comportait une clause arbitrale soumettant tout litige afférent à l’exécution de ce contrat à l’arbitrage de l’Asociación Europea de Arbitraje de Derecho y Equidad (Association européenne d’arbitrage et d’amiable composition, ci-après l’«AEADE»). Le siège de cette instance arbitrale, qui n’était pas indiqué dans le contrat, se trouve à Bilbao.

21 Mme N… n’ayant pas acquitté certaines factures et ayant résilié le contrat avant le terme de la durée minimale d’abonnement convenue, A… a engagé à son encontre une procédure arbitrale devant l’AEADE.

22 La sentence arbitrale, rendue le 14 avril 2005, a condamné Mme N… au paiement de la somme de 669,60 euros.

23 Mme N… n’ayant introduit aucune action en annulation contre cette sentence arbitrale, celle-ci est devenue définitive.

24 Le 29 octobre 2007, A…  a saisi le Juzgado de Primera Instancia n° 4 de Bilbao d’un recours en exécution forcée de ladite sentence arbitrale.

25 Dans sa décision de renvoi, cette juridiction constate que la clause d’arbitrage contenue dans le contrat d’abonnement présente un caractère abusif, eu égard, notamment, au motif que, tout d’abord, les frais que le consommateur devait exposer pour se déplacer au siège de l’instance arbitrale étaient supérieurs au montant de la somme faisant l’objet du litige au principal. Ensuite, selon la même juridiction, ce siège est situé à une distance importante du domicile du consommateur et n’est pas indiqué dans le contrat. Enfin, cette instance élabore elle-même les contrats qui sont ensuite utilisés par les entreprises de télécommunication.

26 Toutefois, la juridiction de renvoi relève également que, d’une part, la loi 60/2003 ne permet pas aux arbitres de soulever d’office la nullité des clauses d’arbitrage abusives et que, d’autre part, la loi 1/2000 ne prévoit aucune disposition concernant l’appréciation du caractère abusif des clauses d’arbitrage par le juge compétent pour statuer sur un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale devenue définitive.

27 Dans ces circonstances, nourrissant des doutes quant à la compatibilité de la législation nationale avec le droit communautaire, notamment en ce qui concerne les règles procédurales internes, le Juzgado de Primera Instancia n° 4 de Bilbao a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La protection des consommateurs qu’assure la [directive 93/13] implique-t-elle que la juridiction saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale définitive, rendue sans comparution du consommateur, apprécie d’office la nullité de la convention d’arbitrage et, par conséquent, annule la sentence au motif que ladite convention d’arbitrage comporte une clause d’arbitrage abusive au détriment du consommateur?»

Sur la question préjudicielle

28 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale ayant acquis la force de chose jugée, rendue sans comparution du consommateur, est tenue de relever d’office le caractère abusif de la clause d’arbitrage contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur ainsi que d’annuler ladite sentence.

29 Afin de répondre à la question posée, il convient de rappeler d’emblée que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, C‑240/98 à C‑244/98, Rec. p. I‑4941, point 25, ainsi que du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C-168/05, Rec. p. I‑10421, point 25).

30 Eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (arrêts Mostaza Claro, précité, point 36, et du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, non encore publié au Recueil, point 25).

31 Afin d’assurer la protection voulue par la directive 93/13, la Cour a également souligné à plusieurs reprises que la situation d’inégalité existant entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat (arrêts précités Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, point 27, ainsi que Mostaza Claro, point 26).

32 C’est à la lumière de ces principes que la Cour a ainsi jugé que le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle (arrêt Mostaza Claro, précité, point 38).

33 La présente affaire se distingue toutefois de celle ayant donné lieu à l’arrêt Mostaza Claro, précité, en ce que Mme N… est demeurée totalement passive au cours des différentes procédures afférentes au litige qui l’oppose à A…  et, en particulier, elle n’a pas introduit d’action tendant à obtenir l’annulation de la sentence arbitrale rendue par l’AEADE afin de contester le caractère abusif de la clause d’arbitrage, de sorte que cette sentence a désormais acquis la force de chose jugée.

34 Dans ces conditions, il y a lieu de déterminer si la nécessité de substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers oblige le juge de l’exécution à assurer une protection absolue au consommateur, et ce même en l’absence de toute action juridictionnelle introduite par ce dernier afin de faire valoir ses droits et nonobstant les règles procédurales nationales mettant en œuvre le principe de l’autorité de la chose jugée.

35 À cet égard, il importe de rappeler d’emblée l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique communautaire que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée.

36 En effet, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que les décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour l’exercice de ces recours ne puissent plus être remises en cause (arrêts du 30 septembre 2003, Köbler, C-224/01, Rec. p. I‑10239, point 38; du 16 mars 2006, Kapferer, C‑234/04, Rec. p. I‑2585, point 20, et du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub, C‑2/08, non encore publié au Recueil, point 22).

37 Par conséquent, selon la jurisprudence de la Cour, le droit communautaire n’impose pas à une juridiction nationale d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision, même si cela permettrait de remédier à une violation d’une disposition, quelle qu’en soit la nature, du droit communautaire par la décision en cause (voir, notamment, arrêts du 1er juin 1999, Eco Swiss, C-126/97, Rec. p. I‑3055, points 47 et 48; Kapferer, précité, point 21, ainsi que Fallimento Olimpiclub, précité, point 23).

38 En l’absence de réglementation communautaire en la matière, les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers. Cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts précités Kapferer, point 22, et Fallimento Olimpiclub, point 24).

39 En ce qui concerne, en premier lieu, le principe d’effectivité, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit communautaire doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s’il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599, point 14, et Fallimento Olimpiclub, précité, point 27).

40 En l’occurrence, la sentence arbitrale en cause au principal est devenue définitive en raison du fait que le consommateur concerné n’a pas introduit de recours en annulation contre cette sentence dans le délai prévu à cet effet.

41 À cet égard, il importe de relever que, selon une jurisprudence constante, la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique est compatible avec le droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral, 33/76, Rec. p. 1989, point 5; du 10 juillet 1997, Palmisani, C‑261/95, Rec. p. I‑4025, point 28, ainsi que du 12 février 2008, Kempter, C-2/06, Rec. p. I-411, point 58). En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2002, Grundig Italiana, C‑255/00, Rec. p. I‑8003, point 34).

42 Il convient dès lors de vérifier le caractère raisonnable d’un délai de deux mois, tel que celui prévu à l’article 41, paragraphe 4, de la loi 60/2003, à l’expiration duquel, en l’absence de recours en annulation, une sentence arbitrale devient définitive et acquiert ainsi l’autorité de la chose jugée.

43 En l’occurrence, il y a lieu de constater, d’une part, que, comme la Cour l’a déjà jugé, un délai de recours de 60 jours n’est pas en soi critiquable (voir, en ce sens, arrêt Peterbroeck, précité, point 16).

44 En effet, un tel délai de forclusion présente un caractère raisonnable en ce sens qu’il permet tant d’évaluer s’il existe des motifs de contester une sentence arbitrale que, le cas échéant, de préparer le recours en annulation contre cette dernière. À cet égard, il importe de relever que, dans la présente affaire, il n’a nullement été soutenu que les règles de procédure nationales régissant l’introduction du recours en annulation d’une sentence arbitrale, et notamment le délai de deux mois imparti à cet effet, étaient déraisonnables.

45 D’autre part, il importe de préciser que, aux termes de l’article 41, paragraphe 4, de la loi 60/2003, le délai commence à courir à compter de la notification de la sentence arbitrale. Ainsi, dans l’affaire au principal, le consommateur ne saurait se trouver dans une situation où le délai de prescription commence à courir, voire est écoulé, sans même qu’il ait eu connaissance des effets de la clause d’arbitrage abusive à son égard.

46 Dans ces conditions, un tel délai de recours apparaît conforme au principe d’effectivité, dans la mesure où il n’est pas par lui-même de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits que les consommateurs tirent de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2003, Santex, C‑327/00, Rec. p. I‑1877, point 55).

47 En tout état de cause, le respect du principe d’effectivité ne saurait aller, dans des circonstances telles que celles au principal, jusqu’à exiger qu’une juridiction nationale doive non seulement compenser une omission procédurale d’un consommateur ignorant ses droits, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Mostaza Claro, précité, mais également suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné qui, tel que la défenderesse au principal, n’a ni participé à la procédure arbitrale ni introduit une action en annulation contre la sentence arbitrale devenue de ce fait définitive.

48 À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les règles procédurales fixées par le système espagnol de protection des consommateurs contre les clauses contractuelles abusives ne rendent pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux consommateurs par la directive 93/13.

49 En ce qui concerne, en second lieu, le principe d’équivalence, celui-ci requiert que les conditions imposées par le droit national pour soulever d’office une règle de droit communautaire ne soient pas moins favorables que celles régissant l’application d’office de règles du même rang de droit interne (voir en ce sens, notamment, arrêt du 14 décembre 1995, van Schijndel et van Veen, C-430/93 et C-431/93, Rec. p. I‑ 4705, points 13 et 17 ainsi que jurisprudence citée).

50 Afin de vérifier si ledit principe est respecté dans l’affaire dont est saisie la juridiction nationale, il appartient à cette dernière, qui est seule à avoir une connaissance directe des modalités procédurales des recours dans le domaine du droit interne, d’examiner tant l’objet que les éléments essentiels des recours prétendument similaires de nature interne (voir, notamment, arrêt du 16 mai 2000, Preston e.a., C‑78/98, Rec. p. I‑3201, points 49 et 56). Toutefois, en vue de l’appréciation à laquelle ladite juridiction devra procéder, la Cour peut lui fournir certains éléments tenant à l’interprétation du droit communautaire (voir arrêt Preston e.a., précité, point 50).

51 Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 30 du présent arrêt, il convient de préciser que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 constitue une disposition de caractère impératif. Il importe en outre de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, cette directive, dans son intégralité, constitue, conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous t), CE, une mesure indispensable à l’accomplissement des missions confiées à la Communauté européenne et, en particulier, au relèvement du niveau et de la qualité de vie dans l’ensemble de cette dernière (arrêt Mostaza Claro, précité, point 37).

52 Ainsi, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive 93/13 assure aux consommateurs, il y a lieu de constater que l’article 6 de celle-ci doit être considéré comme une norme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public.

53 Il en découle que, dans la mesure où le juge national saisi d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale définitive doit, selon les règles de procédure internes, apprécier d’office la contrariété entre une clause arbitrale et les règles nationales d’ordre public, il est également tenu d’apprécier d’office le caractère abusif de cette clause au regard de l’article 6 de ladite directive, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêt Pannon GSM, précité, point 32).

54 Une telle obligation incombe également au juge national lorsqu’il dispose, dans le cadre du système juridictionnel interne, d’une simple faculté d’apprécier d’office la contrariété entre une telle clause et les règles nationales d’ordre public (voir, en ce sens, arrêts précités van Schijndel et van Veen, points 13, 14 et 22, ainsi que Kempter, point 45).

55 Or, s’agissant de l’affaire au principal, selon le gouvernement espagnol, le juge de l’exécution d’une sentence arbitrale devenue définitive est compétent pour apprécier d’office la nullité d’une clause arbitrale, contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, en raison du fait que cette clause est contraire aux règles nationales d’ordre public. Une telle compétence aurait par ailleurs été admise dans plusieurs arrêts récents de l’Audiencia Provincial de Madrid ainsi que de l’Audiencia Nacional.

56 Il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de vérifier si tel est le cas dans le litige dont elle est saisie.

57 Enfin, s’agissant des conséquences de la constatation par le juge de l’exécution de l’existence d’une clause d’arbitrage abusive dans un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 exige que les États membres prévoient que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, «dans les conditions fixées par leurs droits nationaux».

58 Dès lors, ainsi que l’a suggéré le gouvernement hongrois dans ses observations écrites, il appartient à la juridiction de renvoi de tirer, conformément au droit national, toutes les conséquences que l’existence d’une clause d’arbitrage abusive implique au regard de la sentence arbitrale, pour autant que cette clause n’est pas en mesure de lier le consommateur.

59 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale ayant acquis la force de chose jugée, rendue sans comparution du consommateur, est tenue, dès qu’elle dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’apprécier d’office le caractère abusif de la clause d’arbitrage contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans la mesure où, selon les règles de procédure nationales, elle peut procéder à une telle appréciation dans le cadre de recours similaires de nature interne. Si tel est le cas, il incombe à cette juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.

Sur les dépens

60 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours en exécution forcée d’une sentence arbitrale ayant acquis la force de chose jugée, rendue sans comparution du consommateur, est tenue, dès qu’elle dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’apprécier d’office le caractère abusif de la clause d’arbitrage contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans la mesure où, selon les règles de procédure nationales, elle peut procéder à une telle appréciation dans le cadre de recours similaires de nature interne. Si tel est le cas, il incombe à cette juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.

N° de pourvoi: 08-18225
Non publié au bulletin
Cassation partielle
M. Gillet (président), président
SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Tiffreau, avocat(s)

La Cour de cassation, deuxième chambre civile, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue en référé par le premier président d’une cour d’appel, que, condamnée par un jugement à supprimer diverses clauses figurant dans des modèles-types de contrats de vente de véhicules automobiles déclarées abusives ou illicites ainsi qu’à verser à l’U… des sommes en réparation de son préjudice associatif et du préjudice collectif, la publication de cette décision ayant été ordonnée, la société T… a interjeté appel et demandé au premier président l’arrêt de l’exécution provisoire dont le jugement était assorti ;

Sur les premier et deuxième moyens, réunis :

Attendu que l’U… fait grief à l’ordonnance d’arrêter l’exécution provisoire des dispositions relatives à la suppression des clauses et à la publication de la décision, alors, selon le moyen :

1°/ que l’exécution provisoire ne peut être arrêtée que si elle risque d’entraîner pour le débiteur des conséquences manifestement excessives ; qu’en se fondant sur le seul volume des contrats à modifier, sans indiquer en quoi une nouvelle édition desdits contrats aurait pour le concessionnaire des conséquences économiques manifestement excessives compte tenu de sa situation financière, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l’article 524 du code de procédure civile ;

2°/ que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire d’une condamnation doit être apprécié concrètement, en tenant compte de la situation du débiteur ; qu’en affirmant, sans autre justification, que la publication de la condamnation entraînerait un préjudice qu’une contre-publication ne pourrait effacer, prenant ainsi en considération la seule nature de l’affaire, sans constater l’existence de conséquences manifestement excessives pour les concessionnaires au vu des éléments de preuve qui auraient été soumis à son examen, le premier président n’a pas justifié légalement sa décision au regard de l’article 524 du code de procédure civile ;

Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments qui lui étaient soumis que le premier président, motivant sa décision, a estimé que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire portant sur la suppression des clauses litigieuses et sur la publication de la condamnation ne pouvait être accueillie ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l’article 524 du code de procédure civile ;

Attendu que pour arrêter l’exécution provisoire des dispositions du jugement relatives à la réparation du préjudice collectif et associatif, le premier président retient que celle-ci risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives dès lors que ce préjudice doit être mesuré en fonction des clauses qui seront maintenues par la cour d’appel comme abusives ou illicites ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des considérations étrangères aux facultés de paiement du débiteur ou de remboursement du créancier, le premier président a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’elle a arrêté l’exécution provisoire du jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 26 mai 2008 en ses dispositions relatives à la réparation du préjudice collectif et du préjudice associatif de l’U…, l’ordonnance rendue le 2 juillet 2008, entre les parties, par le premier président de la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne la société Toyota France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de l’U… et de la société T… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille neuf.

Attendu selon l’arrêt attaqué (Caen, 13 mars 2008), que la société à responsabilité limitée L…, aux droits de laquelle vient la société en nom collectif L… (la SNC) a donné à bail pour une durée de quatre-vingt dix ans aux époux X… un emplacement du camp de camping dont elle était propriétaire ; que les époux X… ont cédé leur droit au bail aux époux Y… qui l’ont cédé à leur tour, le 10 novembre 2000, aux époux Z… ; que ces derniers ont assigné la bailleresse afin de faire déclarer non écrites comme abusives plusieurs clauses du contrat de bail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les époux Z… font grief à l’arrêt de dire que n’était pas abusive la clause relative à la mise en place des installations, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en limitant ainsi la mise à l’écart de la clause aux termes de laquelle « la mise en place de ces installations devra être faite obligatoirement par le bailleur et sous son pilotage, toutes mises en place par le preneur ou tout autre personne est interdite, de même que tout échange ou remplacement de matériel implanté qui devra se faire par l’intermédiaire de la SNC L… » aux seules dispositions relatives au remplacement ou à l’échange de « mobil home », aux motifs qu’il est légitime pour le bailleur propriétaire des lieux d’exiger que la mise en place des installations soit faite avec son agrément et sous sa surveillance, sans rechercher si, comme les époux Z… le faisaient valoir, la clause litigieuse n’excluait pas, purement et simplement, toute intervention d’un tiers dans la mise en place des installations, de sorte qu’elle devrait être déclarée illicite ou réputée non écrite au même titre que les dispositions imposant d’acquérir le matériel litigieux auprès du bailleur, la cour d’appel prive son arrêt de base légale au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation, ensemble l’article L. 122-1 du même code ;

2°/ que, s’il fallait considérer que la cour d’appel a, interprétant la clause litigieuse, considéré que celle-ci n’imposait qu’une surveillance ou un agrément du bailleur, il n’en demeure pas moins que la clause litigieuse qui impose que la mise en place des installations soit faite par le bailleur lui-même et sous son pilotage, exclut formellement et sans ambiguïté toute intervention du preneur ou d’un tiers dans cette mise en place ; qu’en se fondant néanmoins, pour dénier à la clause tout caractère abusif, sur le caractère légitime de la clause prévoyant, dans un contrat de location d’emplacement de résidence mobile, que la mise en place des installations se ferait avec l’agrément et sous la surveillance du bailleur, tronquant ainsi la clause des obligations claires et précises qu’elle contient, la cour d’appel dénature les termes clairs et précis de ladite clause et viole l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant retenu qu’il était légitime pour le bailleur, propriétaire des lieux et responsable de l’ensemble des installations et de la sécurité des personnes à l’intérieur du camp, d’exiger que la mise en place des installations soit faite avec son agrément et sous sa surveillance et ce afin notamment d’assurer le respect des normes compatibles avec le maintien du classement de son camping et de contrôler la compatibilité du matériel avec les possibilités d’accès ainsi qu’avec les raccordements aux différents réseaux en sorte qu’il ne résultait de la clause aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la cour d’appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les époux Z… font grief à l’arrêt de dire que n’était pas abusive la clause permettant au bailleur d’imposer au preneur un changement de « mobil home » alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une clause abusive, comme l’a d’ailleurs relevé la commission des clauses abusives dans sa recommandation 05-01, la clause qui réserve au bailleur d’un emplacement destiné à recevoir une résidence mobile de loisir la faculté d’apprécier unilatéralement l’état de vétusté ou le caractère esthétique ou inesthétique de la résidence mobile, qui ne serait plus en harmonie avec le reste du parc, et d’exiger en conséquence son remplacement, sans énoncer de critères objectifs permettant de caractériser cet état de l’installation ; qu’en déniant tout caractère abusif à la clause litigieuse, qui créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dès lors qu’elle permettait au propriétaire du terrain, sur lequel le preneur était tenu d’installer un « mobil home », d’exiger, sous peine de résiliation, et tous les dix ans, le remplacement des « mobil homes », qu’il jugerait inesthétiques, sans énoncer aucun critère objectif d’appréciation du caractère inesthétique de ces installations, laissé à la discrétion du bailleur, la cour d’appel viole l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

2°/ que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion de même qu’à toutes les autres clauses du contrat ; que pour dénier tout caractère abusif à la clause litigieuse, la cour d’appel se fonde sur le fait qu’en l’espèce, la mise sur le marché de « mobil homes » comportant un toit en double pente caractérise l’inadéquation du « mobil home » des époux Z… aux critères esthétiques actuels relatifs à cet équipement ; qu’en se fondant ainsi, pour apprécier le caractère abusif de la clause, sur des circonstances postérieures à la conclusion du contrat, insusceptibles de restaurer l’équilibre contractuel rompu du fait de la faculté ouverte au bailleur tous les dix ans, la cour d’appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l’article L 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu qu’ayant relevé que le contrat comportait un critère objectif, à savoir la vétusté et l’aspect inesthétique résultant de la durée d’implantation évaluée à dix ans et retenu que cette durée paraissait conforme aux réalités tant d’évolution des normes environnementales imposées par le code de l’urbanisme que d’obsolescence du matériel concerné, la cour d’appel, qui a pu retenir que le changement était de l’intérêt commun des parties du maintien du camp dans la catégorie choisie par les preneurs, a, abstraction faite d’un motif surabondant, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que les époux Z… font grief à l’arrêt de refuser de considérer comme abusive la clause de solidarité du preneur et des cessionnaires alors, selon le moyen, qu’en vertu de l’article 1717 du code civil, le preneur a le droit de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite ; que la cession emporte transfert, à la charge du cessionnaire, de l’obligation d’exécuter le contrat de location, sans que le bailleur puisse, en l’absence de clause de solidarité dûment insérée dans le contrat, exiger du cédant le paiement des sommes échues postérieurement à la cession ; que pour dénier tout caractère abusif à la clause litigieuse, la cour d’appel relève néanmoins que la garantie solidaire des preneurs successifs était normalement acquise au bailleur pour la totalité du bail, de sorte que la clause litigieuse constituait une dérogation au droit commun du bail profitable au preneur ; qu’en statuant ainsi, par des motifs erronés, l’ayant conduite à omettre de s’interroger sur le caractère excessif de la clause de solidarité dérogatoire insérée dans la convention litigieuse, la cour d’appel a violé l’article 1717 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que la garantie solidaire du cessionnaire était normalement acquise au bailleur pour la totalité du bail, à savoir quatre-vingt dix ans, et que la durée contractuelle fixée constituait une limitation profitable au preneur, la cour d’appel en a exactement déduit que cette clause n’était pas abusive sans méconnaître le principe de libre cession ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen, ci-après annexé :

Attendu qu’ayant constaté que la clause concernant les dégradations ne constituait que l’application des règles de droit commun de l’article 1382 du code civil, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle n’avait pas pour objet ni pour effet d’exonérer l’exploitant de toute responsabilité en cas d’événement survenant sur le terrain de camping ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le huitième moyen :

Attendu que les époux Z… font grief à l’arrêt de refuser de considérer comme abusive la clause imposant aux preneurs d’avoir recours, pour l’acte de cession de leur contrat de bail, à un notaire déterminé, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en refusant d’annuler une clause portant atteinte au principe du libre choix d’un officier ministériel, la cour d’appel viole l’article 6 du code civil ;

2°/ que constitue une clause abusive la clause ayant pour objet ou pour effet d’imposer aux preneurs d’un emplacement de résidence mobile le recours pour instrumentaliser la cession du contrat de bail à des tiers, à un notaire désigné par le bailleur dans le contrat, dès lors que cette clause, en privant les preneurs de toute liberté dans le choix d’un notaire susceptible de les informer et de les conseiller, dans le cadre de la passation d’un acte auquel le bailleur n’est pas partie, et en les obligeant à recourir au notaire du bailleur, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du preneur ; qu’en refusant de déclarer cette clause abusive et partant non écrite, la cour d’appel viole l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu qu’ayant, par motifs propres, relevé, à bon droit, que la clause litigieuse n’interdisait pas au preneur de mandater un notaire de son choix pour concourir à l’acte, la cour d’appel en a exactement déduit que la désignation d’un notaire en particulier ne créait aucun déséquilibre significatif au détriment du preneur ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, ensemble le point b) de l’article annexe à cet article ;

Attendu que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que pour écarter le caractère abusif de la clause suivant laquelle « le preneur devra souffrir, sans indemnité, les travaux nécessités par les entretiens des installations en sous-sol passant sur leur emplacement », l’arrêt retient que si la recommandation n° 05-01 de la commission des clauses abusives considère comme abusives les clauses imposant au consommateur de supporter les troubles occasionnés par les travaux que l’exploitant du camping serait amené à faire sur l’emplacement loué sans limiter expressément les travaux, en période d’occupation aux réparations urgentes et en excluant tout droit à indemnité pour le consommateur, tel n’est pas le cas de la clause litigieuse puisqu’elle est limitée aux travaux relatifs aux installations en sous-sol, et n’est pas exclusive de la responsabilité encourue par le bailleur à raison des négligences commises à l’occasion de l’exécution de ces travaux ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la clause qui prévoit que le preneur de l’emplacement s’engage à laisser le professionnel procéder aux travaux nécessaires sans pouvoir réclamer aucune indemnité, et ce quels que soient l’urgence, l’importance, la durée et les troubles qu’ils occasionnent, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en ce qu’elle exonère, de manière générale, le professionnel de toute responsabilité, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le sixième moyen :

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, ensemble le point b) de l’article annexe à cet article ;

Attendu que pour écarter le caractère abusif de la clause selon laquelle « le preneur assure à ses frais le « mobil home » et l’abri de jardin qu’il aura installés sur sa parcelle et leur contenu, le bailleur n’étant tenu à aucune indemnité en cas d’incendie ou de vol », l’arrêt retient que la clause n’a pour objet ou pour effet ni d’exonérer l’exploitant de toute responsabilité en cas d’événement survenant sur le terrain de camping puisque l’exclusion est limitée aux sinistres présentant les caractéristiques de la force majeure, ni de la responsabilité lui incombant au titre de l’article 1384 du code civil ;

Qu’en statuant ainsi alors que la clause, qui excluait en termes généraux toute indemnisation du preneur en cas d’incendie ou de vol le privait de façon inappropriée de ses droits légaux vis-à-vis du professionnel en cas d’exécution défectueuse par celui-ci de ses obligations contractuelles, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le septième moyen :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu que pour écarter le caractère abusif de la clause selon laquelle « le présent bail pourra être résilié de plein droit pour défaut de paiement des charges ou d’exécution de l’une ou l’autre des charges et conditions du bail, conventionnelles ou légales, ou de non-respect du règlement intérieur, si bon semble au bailleur, un mois après un simple commandement de payer ou mise en demeure demeurés infructueux », l’arrêt retient que les manquements précisés sont objectifs et ne constituent que la reproduction des obligations essentielles de tout locataire et que le délai prévu est raisonnable ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la clause, a violé le texte susvisé ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE mais seulement en ce qu’il a écarté le caractère abusif des clauses relatives à l’entretien des installations du sous-sol, à la responsabilité en cas d’incendie ou de vol et à la résiliation du bail, l’arrêt rendu le 13 mars 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi du chef des clauses relatives à l’entretien des installations du sous-sol et à la responsabilité en cas d’incendie ou de vol ;

Déclare abusives les clauses relatives à l’entretien des installations du sous-sol et à la responsabilité en cas d’incendie ou de vol ; dit qu’en conséquence elles seront réputées non écrites ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Caen autrement composée pour qu’il soit statué sur la clause relative à la résiliation du bail ;

Condamne la SNC L… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SNC L… à payer aux époux Z… la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la SNC L… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Maître Blondel, avocat aux Conseils pour les époux Z….

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que n’était pas abusive en ses dispositions relatives à la mise en place des installations, la clause suivante « la mise en place de ces installations devra être faite obligatoirement par le bailleur et sous son pilotage, toutes mises en place par le preneur ou toute autre personne est interdite, de même que tout échange ou remplacement de matériel implanté qui devra se faire par l’intermédiaire de la SNC L… » ;

AUX MOTIFS QU’aux termes du contrat le preneur a l’obligation d’installer sur l’emplacement loué un mobil home et un abri de jardin; que s’il est légitime pour le bailleur propriétaire des lieux, et responsable de l’ensemble des installations et de la sécurité des personnes à l’intérieur du camp d’exiger que la mise en place des installations soit faite avec son agrément et sous sa surveillance et ce afin notamment d’assurer le respect des normes compatibles avec le maintien du classement de son camping, de contrôler la compatibilité du matériel avec les possibilités d’accès par les voiries intérieures desservant la parcelle concernée, ainsi qu’avec les raccordements aux différents réseaux, le tribunal a justement considéré que toute clause spécifiant que les locataires doivent se fournir en mobil-home auprès de la société L…, instaurant ainsi un monopole au profit de cette société, relevait des pratiques anti-concurrentielles légalement prohibées » ;

ALORS QUE D’UNE PART en limitant ainsi la mise à l’écart de la clause aux termes de laquelle « la mise en place de ces installations devra être faite obligatoirement par le bailleur et sous son pilotage, toutes mises en place par le preneur ou toute autre personne est interdite, de même que tout échange ou remplacement de matériel implanté qui devra se faire par l’intermédiaire de la SNC L… », aux seules dispositions relatives au remplacement ou à l’échange de mobil-home, aux motifs qu’il est légitime pour le bailleur propriétaire des lieux d’exiger que la mise en place des installations soit faite avec son agrément et sous sa surveillance, sans rechercher si, comme les époux Z… le faisaient valoir (cf p.10 des conclusions du 3 janvier 2008), la clause litigieuse n’excluait pas, purement et simplement, toute intervention d’un tiers dans la mise en place des installations, de sorte qu’elle devrait être déclarée illicite ou réputée non écrite au même titre que les dispositions imposant d’acquérir le matériel litigieux auprès du bailleur, la cour prive son arrêt de base légale au regard de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, ensemble l’article L. 122-1 du même Code ;

ALORS QUE D’AUTRE PART et subsidiairement, et s’il fallait considérer que la Cour a, interprétant la clause litigieuse, considéré que celle-ci n’imposait qu’une surveillance ou un agrément du bailleur, il n’en demeure pas moins que la clause litigieuse qui impose que la mise en place des installations soit faite par le bailleur lui-même et sous son pilotage, exclut formellement et sans ambiguïté toute intervention du preneur ou d’un tiers dans cette mise en place ; qu’en se fondant néanmoins, pour dénier à la clause tout caractère abusif, sur le caractère légitime de la clause prévoyant, dans un contrat de location d’emplacement de résidences mobiles, que la mise en place des installations se ferait avec l’agrément et sous la surveillance du bailleur, tronquant ainsi la clause des obligations claires et précises qu’elle contient, la cour dénature les termes clairs et précis de ladite clause et viole l’article 1134 du Code civil .

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que n’était pas abusive la clause permettant au bailleur d’imposer au preneur un changement de mobil-home ;

AUX MOTIFS QUE ainsi que l’a relevé le tribunal, cette clause est justifiée eu égard à son objet, à savoir la sauvegarde de l’aspect esthétique du camp, et à l’obligation qui pèse sur l’exploitant des lieux de faire respecter sur le terrain les normes environnementales, condition essentielle du maintien du classement de son établissement en camping 4 étoiles grand confort option loisir; que si la recommandation n°05-01 relative aux contrats de location d’emplacements de résidence mobile considère comme abusive toute clause réservant au professionnel, sans énonciation préalable de critères permettant de caractériser la vétusté de l’installation, la faculté d’apprécier l’état d’une résidence mobile, tel n’est psa le cas en l’espèce puisque le contrat comporte un critère objectif, à savoir la vétusté et l’aspect inesthétique résultant de la durée d’implantation, évaluée à dix ans, ce qui paraît conforme aux réalités tant d’évolution des normes environnementales imposées par le Code de l’urbanisme, que d’obsolescence du matériel concerné, et donc à l’intérêt commun des parties du maintien du camp dans la catégorie choisie par les preneurs, étant précisé que la SCN L… ne leur reproche aucun défaut d’entretien de leur mobil-home ; que cette clause n’est nullement potestative, comme prétendu par ceux-ci, puisque si « le bailleur se réserve la possibilité » d’imposer au preneur l’engagement de changer de mobil-home, ce changement n’est pas la conséquence de la volonté unilatérale du bailleur, mais d’un fait qui lui est étranger à savoir l’adéquation, à l’expiration d’une durée de dix ans, avec les critères esthétiques évolutifs relatifs à cet équipement, et spécifiquement en l’espèce à la mise sur le marché de mobil-homes comportant un toit à double pente, informations qui ont été portées à la connaissance de tous les locataires lors d’une réunion du 6 mai 2006 alors que le mobil-home des époux Z… est, comme tous ceux de sa génération, doté d’un toit plat ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE cette clause signifie que les conditions du bail permettent à la société SNC L… de demander pour des raisons d’esthétisme et non seulement de mauvais état, le changement du mobil-home au terme des 10 premières années; que cette disposition apparaît justifiée car l’attrait pour ce camping résidentiel repose sur la rénovation perpétuelle des mobil-homes et sur l’obligation qui pèse sur l’exploitant du terrain de maintenir une parfaite intégration des mobil homes dans l’environnement, cette dernière obligation étant une condition essentielle pour être autorisé à poursuivre l’exploitation du terrain ; qu’au vu de ces éléments, les motifs tirés des considérations esthétiques apparaissent légitimes pour motiver, en l’espèce, un changement de mobil home, mais seulement à l’issue d’une période de de dix ans (….) ;

ALORS, D’UNE PART, QUE constitue une clause abusive, comme l’a d’ailleurs relevé la commission des clauses abusives dans sa recommandation 05-01, la clause qui réserve au bailleur d’un emplacement destiné à recevoir une résidence mobile de loisir la faculté d’apprécier unilatéralement l’état de vétusté ou le caractère esthétique ou inesthétique de la résidence mobile, qui ne serait plus en harmonie avec le reste du parc, et d’exiger en conséquence son remplacement, sans énoncer de critères objectifs permettant de caractériser cet état de l’installation; qu’en déniant tout caractère abusif à la clause litigieuse, qui créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dès lors qu’elle permettait au propriétaire du terrain, sur lequel le preneur était tenu d’installer un mobil home, d’exiger, sous peine de résiliation, et tous les dix ans, le remplacement des mobil-homes qu’il jugerait inesthétiques, sans énoncer aucun critère objectif d’appréciation du caractère esthétique de ces installations, laissé à la discrétion du bailleur, la cour viole l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

ET ALORS QUE D’AUTRE, PART que le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion de même qu’à toutes les autres clauses du contrat; que pour dénier tout caractère abusif à la clause litigieuse, la cour se fonde sur le fait qu’en l’espèce, la mise sur le marché de mobil-homes comportant un toit à double pente caractérise l’inadéquation du mobil-home des époux Z… aux critères esthétiques actuels relatifs à cet équipement; qu’en se fondant ainsi, pour apprécier le caractère abusif de la clause, sur des circonstances postérieures à la conclusion du contrat, insusceptibles de restaurer l’équilibre contractuel rompu du fait de la faculté ouverte au bailleur tous les dix ans, la cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l’article L 132 –1 du Code de la consommation.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de déclarer abusive la clause selon laquelle « le preneur devra souffrir sans indemnité, les travaux nécessités par les entretiens ultérieurs des installations en sousseul passant sur leur emplacement » ;

AUX MOTIFS QUE si la recommandation n°05-01 susvisée considère comme abusive les clauses imposant au consommateur de supporter les troubles occasionnés par les travaux que l’exploitant du camping serait amené à faire sur l’emplacement loué sans limiter expressément les travaux, en période d’occupation, aux réparations urgentes et en excluant tout droit à indemnité pour le consommateur, tel n’est pas le cas de la clause litigieuse puisqu’elle est limitée aux travaux relatifs aux installations en sous-sol et n’est pas exclusive de la responsabilité encourue par le bailleur à raison des négligences commises à l’occasion de l’exécution des travaux; que cette clause n’est pas abusive et que le jugement sera réformé sur ce point et la réclamation des preneurs de ce chef rejetée ;

ALORS, D’UNE PART QU’ est abusive la clause d’un contrat de bail qui créée au détriment du preneur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties; que tel est le cas de la clause du contrat qui permet au bailleur de s’exonérer, sans limitation, de son obligation de garantir au preneur une jouissance paisible de la chose louée, tandis que le preneur se trouve privé de ses droits sans indemnité; qu’ainsi, et comme l’a énoncé la recommandation 05-01 de la commission des clauses abusives, est abusive la clause qui impose au preneur de souffrir, sans indemnité, toutes les réparations que l’exploitant du camping serait amené à faire sur ou sous l’emplacement loué sans pouvoir réclamer aucune indemnité et ce, quelle que soit la durée et l’importance des travaux, et en dépit du trouble en résultant en période d’occupation; qu’en déniant cependant tout caractère abusif à la clause litigieuse, au motif que la nature des travaux, visant les installations en sous-sol passant sur l’emplacement des preneurs, était déterminée, cependant que cette circonstance n’était pas de nature à circonscrire l’étendue des travaux et du préjudice en résultant, la cour viole l’article L. 132-1, ensemble le paragraphe b) des dispositions annexées à ce texte ;

ALORS, D’AUTRE PART, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE constitue une clause abusive la clause du contrat de bail qui créée au détriment du preneur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que tel est le cas de la clause du contrat qui permet au bailleur de s’exonérer, sans limitation, de son obligation de garantir au preneur une jouissance paisible de la chose louée, tandis que le preneur se trouve privé de ses droits sans indemnité; qu’ainsi, et comme l’a énoncé la recommandation 05-01 de la commission des clauses abusives, est abusive la clause qui impose au preneur de souffrir, sans indemnité, toutes les réparations que l’exploitant du camping serait amené à faire sur ou sous l’emplacement loué sans pouvoir réclamer aucune indemnité et ce, quelle que soit la durée et l’importance des travaux, et en dépit du trouble en résultant en période d’occupation; que pour dénier tout caractère abusif à la clause litigieuse la cour se fonde sur le fait que la nature des travaux visés par la clause, portant sur les installations en sous-sol, était déterminée ; qu’en statuant ainsi, sans constater que cette précision était de nature à limiter la durée et l’importance des travaux susceptibles d’être imposés au preneur sans indemnité, et en conséquence de circonscrire suffisamment l’atteinte susceptible d’être subi par celui-ci dans ses droits, la cour prive sa décision de base légale au regard de l’article L. 132-1 du Code de la consommation.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de considérer comme abusive la clause prévoyant, au profit du bailleur et en cas de cession du bail, la garantie solidaire par le cédant du respect par le cessionnaire de ses obligations, pendant une durée de douze ans et six mois ;

AUX MOTIFS QUE le tribunal a considéré que cette clause était abusive à raison de sa durée ; cependant, cette clause, conforme au droit commun, ne peut être considérée comme abusive puisque la garantie solidaire du cessionnaire est normalement acquise au bailleur pour la totalité du bail à savoir quatre dix vingt années, et que la durée contractuelle fixée constitue donc une limitation profitable au preneur ; qu’en conséquence le jugement sera réformé sur ce point et la réclamation des preneurs de ce chef sera rejetée ;

ALORS QU’en vertu de l’article 1717 du Code civil, le preneur a le droit de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite ; que la cession emporte transfert, à la charge du cessionnaire, de l’obligation d’exécuter le contrat de location, sans que le bailleur puisse, en l’absence de clause de solidarité dûment insérée dans le contrat, exiger du cédant le paiement des sommes échues postérieurement à la cession ; que pour dénier tout caractère abusif à la clause litigieuse, la cour relève néanmoins que la garantie solidaire des preneurs successifs était normalement acquise au bailleur pour la totalité du bail, de sorte que la clause litigieuse constituait une dérogation au droit commun du bail profitable au preneur ; qu’en statuant ainsi, par des motifs erronés, l’ayant conduite à omettre de s’interroger sur le caractère excessif de la clause de solidarité dérogatoire insérée dans la convention litigieuse, la cour viole l’article 1717 du Code civil.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de considérer comme abusive la clause selon laquelle les dégradations commises sur la végétation, aux clôtures et sur tous les aménagements et installations seront à la charge de leur auteur ou du responsable civil de cet auteur ;

AUX MOTIFS QUE la recommandation n°05-01 susvisée considère comme abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet d’exclure toute responsabilité du professionnel en cas d’évènement survenant sur le terrain de camping, et en cas d’accident pouvant survenir aux enfants fréquentant les aires de jeux, sans réserver le cas d’un défaut d’entretien imputable au professionnel ; que par ailleurs, le professionnel tient du règlement intérieur type une obligation générale de surveillance du terrain et est responsable, en application de l’article 1384 du Code civil de ses installations et de ses préposés ; que notamment, aux termes du décret du 18 décembre 1996, il doit vérifier l’entretien des aires de jeux et déterminer les réparations utiles ; qu’en l’espèce, le bailleur fait justement observer que la clause concernant les dégradations est sans lien avec la disposition relative au sinistre imputable à des causes diverses relevant de la force majeure ; que la clause relative aux dégradations ne constitue que l’application des règles de droit commun de l’article 1382 du Code civil, celle relative à la force majeure est conforme à l’article 1148 du Code civil ; qu’elles n’ont pour effet ou pour objet ni d’exonérer l’exploitant de toute responsabilité en cas d’évènement survenant sur le terrain de camping puisque l’exclusion est limitée aux sinistres présentant les caractéristiques de la force majeure, ni de la responsabilité lui incombant au titre de l’article 1384 du Code civil,

ALORS QUE D’UNE PART constitue une clause abusive la clause ayant pour effet d’exclure ou de limiter, de façon inappropriée, les droits légaux du consommateur vis à vis du professionnel en cas de non exécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse par le professionnel d’une quelconque des obligations contractuelles ; qu’en l’espèce, pour dénier à la clause litigieuse tout caractère abusif, la cour relève qu’elle ne constitue qu’une application des règles de l’article 1382 du Code civil ; qu’en statuant ainsi, cependant que cette clause, qui ne réserve ni l’hypothèse d’un recours contre le bailleur dans l’hypothèse de dommages ou d’un trouble de jouissance causés à un locataire par d’autres occupants du camping, ni celle de l’inexécution ou de l’exécution défectueuse par le bailleur de ses obligations de garantir la jouissance paisible de la chose louée et d’en assurer l’entretien, conformément à l’article 1719 du Code civil et aux documents contractuels (bail, p.1, règlement intérieur p.17), prive le locataire de ses droits dans l’hypothèse de telles inexécutions, et créée ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, comme l’a d’ailleurs relevé la commission des clauses abusives dans sa recommandation n°05-01, la cour viole l’article L. 132-1 et le paragraphe b) de l’article annexé à ce texte ;

ET ALORS QUE D’AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse avait pour objet ou pour effet de laisser croire au preneur qu’il était privé de ses droits, la Cour viole l’article L. 132-1 et le paragraphe b) de l’article annexé à ce texte.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de considérer comme abusive la clause selon laquelle le bailleur n’est tenu à aucune indemnité en cas d’incendie ou de vol ;

ALORS, D’UNE PART, QUE tout jugement doit être motivé ; qu’en déniant à la clause dénoncée par les preneurs tout caractère abusif, sans assortir sa décision, sous cet angle, du moindre motif, la cour méconnaît les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile, violé ;

ALORS, D’AUTRE PART, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE constitue une clause abusive la clause ayant pour effet d’exclure ou de limiter, de façon inappropriée, les droits légaux du consommateur vis à vis du professionnel en cas de non-exécution totale ou partielle ou d’exécution défectueuse par le professionnel d’une quelconque des obligations ; qu’en l’espèce, la clause litigieuse a pour effet d’exclure tout recours du preneur en cas d’incendie ou de vol, concernant ses installations, sans réserver l’hypothèse dans laquelle l’incendie ou le vol SERAIT dû à une mauvaise exécution, ou à une inexécution, par le bailleur, de ses obligations ou à un défaut des installations lui appartenant ; qu’à tout le moins la clause litigieuse laisse croire au preneur à une telle exclusion; qu’elle créée ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de sorte qu’elle doit être considérée comme abusive ; que la cour, qui refuse de juger abusive une telle clause, viole l’article L. 132-1 du Code de la consommation, et le paragraphe b) de l’article annexé à ce texte.

SEPTIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir d’avoir refusé de considérer comme abusive la clause de résiliation de plein droit,

AUX MOTIFS QUE aux termes de la recommandation 05-01 susvisée est abusive la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat par le professionnel, à bref délai, après l’envoi d’une mise en demeure, à défaut d’exécution par le consommateur d’une clause quelconque du bail. En l’espèce, les manquement précisés par la clause sont objectifs et ne constituent que la reproduction des obligations essentielles de tout locataire ; que le délai prévu est raisonnable; que la faculté donnée au bailleur est favorable au preneur et ne constitue par une condition potestative ; que l’exécution du la clause reste soumise à l’appréciation des juridictions de droit commun ;

ALORS, D’UNE PART, QUE la clause litigieuse stipule que « le présent bail pourra être résilié de plein droit pour défaut de paiement des charges ou d’exécution de l’une ou l’autre des charges et conditions du bail, conventionnelles ou légales, ou du non respect du réglement intérieur » ; qu’étaient ainsi visées toutes les obligations insérées dans le contrat de bail ou le règlement intérieur, parmi lesquelles de nombreuses obligations ne pouvaient être considérées comme essentielles ; qu’en décidant néanmoins que les manquements précisés par la clause ne visaient que les obligations essentielles du contrat de bail, la cour statue au prix d’une dénaturation éclatante des termes de la clause précité et viole l’article 1134 du Code civil ;

ET ALORS, D’AUTRE PART, QUE sont abusives, en ce qu’elle créée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, les clauses prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de bail, pour manquement du preneur à l’une quelconque de ses obligations, insérées au seul profit du bailleur, sans qu’aucune réciprocité ne soit prévue au profit du preneur en cas de manquement du professionnel à ses propres obligations ; que pour dénier le caractère abusif de la clause de résiliation de plein droit insérée dans la convention litigieuse, la cour relève que le délai prévu est raisonnable et que l’exécution de la clause reste soumise à l’appréciation du juge ; qu’en statuant ainsi, alors que ladite clause permettait au bailleur de se délier de la convention à la moindre défaillance du preneur, en dehors, précisément, de toute intervention judiciaire hors l’initiative du preneur, et octroyait ainsi au professionnel un moyen de pression redoutable, sans que le délai ou la faculté, pour le preneur, de saisir le juge, ne soient en mesure de restaurer l’équilibre contractuel ainsi rompu, la cour viole l’article L. 132-1 du Code de la consommation.

HUITIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de considérer comme abusive la clause imposant aux preneurs d’avoir recours, pour instrumentaliser la cession de leur contrat de bail, à un notaire déterminé, désigné dans le contrat de bail ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE ainsi que l’a précisé le tribunal, la prévision de la nécessité d’un acte authentique et la désignation d’un notaire en particulier ne créent aucun déséquilibre au détriment du preneur étant précisé que contrairement aux allégations des époux Z…, la clause litigieuse n’interdit pas au preneur la faculté de mandater un notaire de son choix pour concourir à l’acte ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE cette volonté contractuelle ne présente aucun abus au détriment de Monsieur et Madame Z…. En effet, les demandeurs n’apportent aucune pièce démontrant que le fait de désigner à l’avance le rédacteur d’une éventuelle cession du contrat de bail leur causerait un déséquilibre significatif ; (…) que dès lors qu’il est reconnu l’intérêt de l’intervention obligatoire d’un notaire, la circonstance d’en désigner un en particulier ne saurait créer un préjudice, puisque les notaires sont des officiers ministériels ;

ALORS, D’UNE PART, QU’en refusant d’annuler une clause portant atteinte au principe du libre choix d’un officier ministériel, la cour viole l’article 6 du Code civil ;

ET ALORS, D’AUTRE PART, QUE constitue une clause abusive la clause ayant pour objet ou pour effet d’imposer aux preneurs d’un emplacement de résidence mobile le recours, pour instrumentaliser la cession du contrat de bail à des tiers, à un notaire désigné par le bailleur dans le contrat, dès lors que cette clause, en privant les preneurs de toute liberté dans le choix d’un notaire susceptible de les informer et de les conseiller, dans le cadre de la passation d’un acte auquel le bailleur n’est pas partie, et en les obligeant à recourir au notaire du bailleur, créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du preneur ; qu’en refusant de déclarer cette clause abusive et partant non écrite, la cour viole l’article L. 132-1 du Code de la consommation.

Dans l’affaire C‑243/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Budaörsi Városi Bíróság (Hongrie), par décision du 22 mai 2008, parvenue à la Cour le 2 juin 2008, dans la procédure

P… tgib

contre

E…,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. T. von Danwitz, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász et J. Malenovský, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 avril 2009,

considérant les observations présentées:

– pour P…, par Mes J. Vitári, C. Petia et M. B. Bíró, ügyvédek,

– pour le gouvernement hongrois, par Mmes J. Fazekas, R. Somssich, K. Borvölgyi et M. M. Fehér, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement espagnol, par M. J. López-Medel Bascones, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement français, par M. B. Cabouat et Mme R. Loosli-Surrans, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par Mmes C. Pesendorfer et A. Hable, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de M. T. de la Mare, barrister,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. W. Wils et B. Simon, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’entreprise P…  à Mme G…, au sujet de l’exécution d’un contrat d’abonnement téléphonique conclu entre lesdites parties.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, la directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

4 L’article 3 de la directive dispose:

«1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

[…]

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

5 Le point 1, sous q), de cette annexe vise les clauses ayant pour objet ou pour effet:

«de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur […]»

6 L’article 4, paragraphe 1, de la directive prévoit:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

7 Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

8 L’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive énonce:

«1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.»

La réglementation nationale

9 Au moment des faits en cause au principal, étaient applicables le code civil, dans sa version résultant de la loi n° CXLIX de 1997 (Magyar Közlöny 1997/115, ci-après le «code civil»), et le décret gouvernemental n° 18/1999 relatif aux clauses à considérer comme abusives dans les contrats conclus avec un consommateur (Magyar Közlöny 1998/8), dans sa version en vigueur lors du litige au principal.

10 Conformément à l’article 209, paragraphe 1, du code civil, une partie peut contester toute condition générale contractuelle considérée comme étant abusive. Selon le paragraphe 4 de l’article 209 B dudit code, des dispositions particulières déterminent les clauses considérées comme abusives dans les contrats de consommation. En vertu de l’article 235, paragraphe 1, du code civil, à la suite d’une contestation valable, le contrat en cause perd sa force juridique à compter de la date de sa conclusion. D’après l’article 236, paragraphe 1, du code civil, la contestation doit être communiquée par écrit à l’autre partie dans un délai d’un an.

11 Le décret gouvernemental n° 18/1999, dans sa version en vigueur lors du litige au principal, classe les clauses contractuelles en deux catégories. Relèvent d’une première catégorie les clauses contractuelles dont l’utilisation dans les contrats de consommation est interdite, et qui sont, en conséquence, nulles de plein droit. La seconde catégorie regroupe les clauses réputées abusives jusqu’à ce que la preuve contraire ait été apportée, l’auteur d’une telle clause pouvant renverser cette présomption.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 Le 12 décembre 2004, Mme G… avait conclu avec P… un contrat d’abonnement relatif à la fourniture de services de téléphonie mobile. Le contrat avait été conclu sur la base d’un formulaire fourni par P… qui stipulait que, en signant le contrat, Mme G… prenait connaissance du règlement d’exploitation, comprenant les conditions générales contractuelles et constituant un élément indissociable du contrat, et en acceptait la teneur.

13 En vertu de ce règlement d’exploitation, les deux parties au principal reconnaissaient la compétence de la juridiction du ressort du siège de P… pour tout litige né du contrat d’abonnement ou en relation avec celui-ci. Cette clause attributive de compétence n’avait pas fait l’objet d’une négociation entre ces deux parties.

14 Considérant que Mme G…i ne s’était pas conformée à ses obligations contractuelles, P… a introduit, en application de ladite clause, une demande d’injonction de payer auprès du Budaörsi Városi Bíróság, juridiction dans le ressort de laquelle se situe son siège social.

15 La juridiction saisie a prononcé l’injonction sollicitée par P… Mme G… a alors formé, dans le délai prévu, une opposition à l’encontre de cette injonction, la procédure ainsi étant devenue contradictoire.

16 Ladite juridiction a relevé que la résidence de Mme G… ne se trouvait pas dans son ressort territorial. Elle a constaté que la résidence permanente de cette dernière, qui bénéficie d’une pension d’invalidité, est située à Dombegyház, dans le comitat de Békés, soit à 275 kilomètres de Budaörs, et a précisé que les possibilités de transport entre Budaörs et Dombegyház sont très limitées en raison de l’absence de ligne directe de train ou de bus.

17 Le Budaörsi Városi Bíróság a observé que les règles de procédure applicables prévoient que la juridiction territorialement compétente est celle où se trouve la résidence de Mme G…, à savoir le Battonyai Városi Bíróság (tribunal municipal de Battonya).

18 La juridiction de renvoi a expliqué que le code de procédure civile prévoit que le juge, dans le domaine considéré, doit soulever d’office la question de sa compétence territoriale. Cependant, ne s’agissant pas d’une compétence exclusive, il ne serait plus possible de soulever cette question après le premier dépôt, par la partie défenderesse, d’un mémoire en défense portant sur le fond du litige. Le juge saisi ne pourrait examiner l’exactitude des faits invoqués pour établir sa compétence territoriale que lorsqu’ils sont contraires à des faits notoires ou à des faits dont la juridiction a officiellement connaissance, ou encore lorsqu’ils sont improbables ou que l’autre partie au litige les conteste.

19 Dans ces conditions, le Budaörsi Városi Bíróság, nourrissant des doutes quant au caractère éventuellement abusif de la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales du contrat litigieux, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13], aux termes duquel les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, peut-il être interprété en ce sens que le fait que le consommateur n’est pas lié par une clause abusive introduite par le professionnel ne résulte pas de plein droit de la loi, mais suppose que le consommateur conteste avec succès ladite clause abusive en introduisant une demande à cet effet?

2) La protection que la directive [93/13] confère aux consommateurs nécessite-t-elle de la part du juge national que celui-ci se prononce d’office, même en l’absence de demande en ce sens, c’est-à-dire sans que le caractère abusif de la clause n’ait été invoqué – et quel que soit le caractère, contentieux ou gracieux, de la procédure –, sur le caractère abusif d’une clause contractuelle dont il est saisi, et qu’il examine ainsi d’office, dans le cadre de la vérification de sa propre compétence territoriale, la clause introduite par le professionnel?

3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, quels sont les éléments que le juge national doit prendre en compte et apprécier dans le cadre dudit examen?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

20 Par cette question, la juridiction de renvoi vise à savoir si l’article 6, paragraphe 1, de la directive, selon lequel les clauses abusives contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne lient pas ce dernier, doit être interprété en ce sens que c’est uniquement dans les cas où le consommateur a contesté avec succès une telle clause qu’il n’est pas lié par celle-ci.

21 Afin de répondre à la question posée, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que l’obligation imposée aux États membres en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive vise à accorder un droit au citoyen, dans son rôle de consommateur, et définit le résultat auquel tend la directive (voir arrêts du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas, C‑144/99, Rec. p. I‑3541, point 18, et du 7 mai 2002, Commission/Suède, C‑478/99, Rec. p. I‑4147, points 16 et 18).

22 Ainsi, le système de protection mis en œuvre par ladite directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêt du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, C‑240/98 à C‑244/98, Rec. p. I‑4941, point 25).

23 La Cour a également jugé, au point 26 dudit arrêt, que l’objectif poursuivi par l’article 6 de la directive ne pourrait être atteint si les consommateurs devaient se trouver dans l’obligation de soulever eux-mêmes le caractère abusif d’une clause contractuelle et qu’une protection effective du consommateur ne saurait être assurée que si le juge national se voit reconnaître la faculté d’apprécier d’office une telle clause.

24 Il convient de souligner, à cet égard, que, s’il faut garantir cette faculté au juge national, il est exclu d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la directive comme signifiant que c’est uniquement dans les cas où le consommateur a introduit une demande explicite à ce sujet qu’une clause contractuelle abusive ne lie pas le consommateur. Une telle interprétation exclurait, en effet, la possibilité pour le juge national d’apprécier d’office, dans le cadre de l’examen de la recevabilité de la demande qui lui est soumise et sans demande explicite du consommateur à cet effet, le caractère abusif d’une clause contractuelle.

25 Quant aux effets juridiques dont doit être assortie une clause abusive, la Cour a précisé, dans son arrêt du 26 octobre 2006, Mostaza Claro (C‑168/05, Rec. p. I‑10421, point 36), que l’importance de la protection des consommateurs a conduit le législateur communautaire à prévoir, à l’article 6, paragraphe 1, de la directive, que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel «ne lient pas les consommateurs». Elle a souligné qu’il s’agit d’une disposition impérative qui, compte tenu de l’infériorité de l’une des parties au contrat, tend à substituer à l’équilibre formel que celui-ci établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers.

26 La Cour a ajouté, au point 37 dudit arrêt, que la directive, qui vise à renforcer la protection des consommateurs, constitue, conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous t), CE, une mesure indispensable à l’accomplissement des missions confiées à la Communauté européenne et, en particulier, au relèvement du niveau et de la qualité de vie dans l’ensemble de cette dernière.

27 Par conséquent, l’expression «dans les conditions fixées par leurs droits nationaux», énoncée à l’article 6, paragraphe 1, de la directive, ne saurait être comprise comme permettant aux États membres de subordonner le caractère non contraignant d’une clause abusive à une condition telle que celle évoquée dans la première question préjudicielle.

28 Partant, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle abusive ne lie pas le consommateur, et qu’il n’est pas nécessaire, à cet égard, que celui-ci ait préalablement contesté avec succès une telle clause.

Sur la deuxième question

29 Par cette question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur les obligations incombant au juge national, en vertu des dispositions de la directive, afin de savoir si ce dernier, dans le cadre de l’examen de sa compétence et indépendamment de la nature du recours, doit se prononcer, au besoin d’office, sur le caractère abusif d’une clause contractuelle.

30 Afin de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler que la Cour, dans son arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis (C‑473/00, Rec. p. I‑10875, point 34), a relevé que la protection que la directive confère aux consommateurs s’étend aux hypothèses dans lesquelles le consommateur, qui a conclu avec un professionnel un contrat contenant une clause abusive, s’abstient d’invoquer le caractère abusif de cette clause soit parce qu’il ignore ses droits, soit parce qu’il est dissuadé de les faire valoir en raison des frais qu’une action en justice entraînerait.

31 Il convient également de relever que la Cour a jugé, au point 38 de l’arrêt Mostaza Claro, précité, que la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive assure aux consommateurs justifient que le juge national soit tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel.

32 Le juge saisi est donc appelé à assurer l’effet utile de la protection voulue par les dispositions de la directive. Par conséquent, le rôle qui est ainsi attribué par le droit communautaire au juge national dans le domaine considéré ne se limite pas à la simple faculté de se prononcer sur la nature éventuellement abusive d’une clause contractuelle, mais comporte également l’obligation d’examiner d’office cette question, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, y compris lorsqu’il s’interroge sur sa propre compétence territoriale.

33 Dans l’exercice de cette obligation, le juge national n’est toutefois pas tenu, en vertu de la directive, d’écarter l’application de la clause en cause si le consommateur, après avoir été avisé par ledit juge, entend ne pas en faire valoir le caractère abusif et non contraignant.

34 Dans ces conditions, les caractéristiques spécifiques de la procédure juridictionnelle, qui se déroule dans le cadre du droit national entre le professionnel et le consommateur, ne saurait constituer un élément susceptible d’affecter la protection juridique dont doit bénéficier le consommateur en vertu des dispositions de la directive.

35 Il convient, dès lors, de répondre à la deuxième question que le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose. Cette obligation incombe au juge national également lors de la vérification de sa propre compétence territoriale.

Sur la troisième question

36 Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à obtenir des indications relatives aux éléments que le juge national doit considérer afin d’apprécier le caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle.

37 Afin de répondre à cette question, il y a lieu d’observer que, en se référant aux notions de bonne foi et de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, l’article 3 de la directive ne définit que de manière abstraite les éléments qui donnent un caractère abusif à une clause contractuelle qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêt du 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten, C‑237/02, Rec. p. I‑3403, point 19).

38 Dans ce contexte, l’annexe à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives (arrêt Freiburger Kommunalbauten, précité, point 20).

39 En outre, l’article 4 de la directive prévoit que le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion.

40 Toutefois, quant à la clause faisant l’objet du litige au principal, il convient de rappeler que, aux points 21 à 24 de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, la Cour a jugé que, dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel au sens de la directive, une clause préalablement rédigée par un professionnel et n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui a pour objet de conférer compétence, pour tous les litiges découlant du contrat, à la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le siège du professionnel, réunit tous les critères pour pouvoir être qualifiée d’abusive au regard de la directive.

41 En effet et ainsi que la Cour l’a souligné au point 22 de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, une telle clause fait peser sur le consommateur l’obligation de se soumettre à la compétence exclusive d’un tribunal qui peut être éloigné de son domicile, ce qui est susceptible de rendre sa comparution plus difficile. Dans le cas de litiges portant sur des sommes limitées, les frais afférents à la comparution du consommateur pourraient se révéler dissuasifs et conduire ce dernier à renoncer à tout recours judiciaire ou à toute défense. La Cour a dès lors conclu, audit point 22, qu’une telle clause entre dans la catégorie de celles ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice par le consommateur, catégorie visée au point 1, sous q), de l’annexe de la directive.

42 S’il est vrai que la Cour, dans l’exercice de la compétence qui lui est conférée à l’article 234 CE, a interprété au point 22 de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, précité, les critères généraux utilisés par le législateur communautaire pour définir la notion de clause abusive, elle ne saurait cependant se prononcer sur l’application de ces critères généraux à une clause particulière qui doit être examinée en fonction des circonstances propres au cas d’espèce (voir arrêt Freiburger Kommunalbauten, précité, point 22).

43 Il appartient au juge de renvoi, à la lumière de ce qui précède, d’apprécier si une clause contractuelle peut être qualifiée d’abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive.

44 Dans ces conditions, il convient de répondre à la troisième question en ce sens qu’il appartient au juge national de déterminer si une clause contractuelle telle que celle faisant l’objet du litige au principal réunit les critères requis pour être qualifiée d’abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive. Ce faisant, le juge national doit tenir compte du fait qu’une clause contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et qui confère compétence exclusive au tribunal dans le ressort duquel est situé le siège du professionnel, peut être considérée comme abusive.

Sur les dépens

45 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle abusive ne lie pas le consommateur, et qu’il n’est pas nécessaire, à cet égard, que celui-ci ait préalablement contesté avec succès une telle clause.

2) Le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose. Cette obligation incombe au juge national également lors de la vérification de sa propre compétence territoriale.

3) Il appartient au juge national de déterminer si une clause contractuelle telle que celle faisant l’objet du litige au principal réunit les critères requis pour être qualifiée d’abusive au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13. Ce faisant, le juge national doit tenir compte du fait qu’une clause contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle et qui confère compétence exclusive au tribunal dans le ressort duquel est situé le siège du professionnel, peut être considérée comme abusive.

Audience publique du 2 avril 2009
N° de pourvoi: 07-14900
Non publié au bulletin
Rejet
M. Gillet (président), président
Me Le Prado, SCP Ghestin, avocat(s)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 15 février 2007) qu’à l’occasion de deux prêts consentis par le C…, M. X… a adhéré à un contrat d’assurance de groupe, garantissant les risques de décès et d’invalidité, souscrit par la banque auprès de la Caisse N… (l’assureur) ; qu’ayant été reconnu en état d’invalidité par la Mutualité sociale agricole à compter du 1er novembre 2000, M. X… a demandé à bénéficier de la garantie invalidité totale et définitive prévue au contrat ; qu’à la suite du refus de l’assureur, il a assigné ce dernier en exécution du contrat ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu’en l’espèce, le caractère ambigu de la clause litigieuse, relative à l’impossibilité définitive pour l’adhérent de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit résulte des propres énonciations de l’arrêt, qui relève expressément « que cette clause est certes ambiguë puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu’au contraire le terme « et » impose un cumul » ; qu’en déboutant cependant M. X… de sa demande de garantie, au prétexte «que cependant l’interprétation faite par l’assureur est plus favorable à M. X… puisqu’elle considère que lorsque l’adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;

2°/ que constitue une clause potestative entachée de nullité la clause par laquelle l’assureur se réserve la possibilité d’une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; qu’en infirmant le jugement de première instance qui avait relevé « que le fait de prévoir l’alternative de « et » et « ou » laisse à penser que, selon le bon vouloir de l’assureur, celui-ci peut opposer à l’adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu’il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu’il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu’il ne puisse se livrer à aucune occupation ; que par ailleurs, le terme « occupation » sans adjectif adjoint permet au seul assureur d’exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu’il y ait impossibilité d’exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux », sans s’expliquer sur le caractère potestatif de cette clause dont elle a pourtant relevé par ailleurs l’ambiguïté quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions de la garantie, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1170 et 1174 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, après avoir relevé l’ambiguïté de la clause litigieuse, a exactement décidé que l’interprétation faite par l’assureur était la plus favorable à l’assuré puisque, lorsque ce dernier exerce une activité professionnelle, il peut prétendre à une prise en charge quand l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation ;

Et attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que l’application de la clause, dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire, la cour d’appel a nécessairement exclu le caractère potestatif de la condition ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes alors, selon le moyen, que l’état d’invalidité de l’assuré s’apprécie in concreto, de sorte que l’assureur doit sa garantie dès lors que les limitations pratiques assortissant l’avis médical de reprise partielle d’une activité aménagée par l’assuré sont telles qu’elles rendent totalement illusoires la possibilité de reprise de l’exercice effectif d’une activité adaptée à la situation concrète du bénéficiaire de la garantie ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a expressément constaté « que M. X…, qui n’a jamais exercé d’autre profession que celle d’agriculteur depuis l’âge de 14 ans, qui ne dispose d’aucun bagage scolaire ni d’aucune formation et qui était déjà âgé de 57 ans lorsqu’il a été placé en invalidité par la Mutualité sociale agricole, pourra difficilement retrouver une activité rémunératrice adaptée à son état de santé » ; qu’en affirmant cependant que M. X… ne remplit pas les conditions de la garantie, au prétexte que « ces difficultés sont dues non pas à l’invalidité dont M. X… est atteint, mais à des facteurs liés au marché de l’emploi, à l’âge de l’adhérent et à son niveau de formation », bien que ces circonstances caractérisaient l’impossibilité concrète pour l’assuré de retrouver effectivement une activité rémunérée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que le moyen ne tend, sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale, qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l’appréciation souveraine par laquelle la cour d’appel a estimé, sans dénaturer le contrat, que M. X… ne se trouvait pas dans un état d’invalidité correspondant à la définition contractuelle qu’en donne le contrat d’assurance ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, telles les clauses ayant pour objet ou pour effet d’accorder au professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou le service fourni est conforme aux stipulations du contrat ou de lui conférer le droit exclusif d’interpréter une quelconque clause du contrat ; qu’en se bornant à affirmer en l’espèce que la clause litigieuse « ne crée au détriment de l’assuré aucun déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat dans la mesure où l’assureur a fixé le tarif des primes en fonction des seules exigences du contrat », sans égard au fait qu’elle donne à l’assureur toute latitude pour décider si l’état du souscripteur correspond ou non à la garantie stipulée et refuser ainsi d’exécuter sa propre obligation de garantie, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu qu’en retenant que la clause litigieuse ne créait au détriment de l’assuré aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, la cour d’appel, qui n’a pas relevé que cette clause donnait toute latitude à l’assureur pour décider si l’état du souscripteur correspondait ou non à la garantie, a, répondant nécessairement en les écartant aux conclusions de M. X…, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille neuf.