Banco E… SA

contre

X…

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. M. Safjan, M. Ilešic, E. Levits et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er décembre 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour Banco E…, par Mmes A. Herrador Muñoz et V. Betancor Sánchez ainsi que par M. R. Rivero Sáez, abogados,

–        pour le gouvernement espagnol, par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par Mme J. Kemper et M. T. Henze, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Owsiany-Homung et M. E. Gippini Fournier, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 février 2012,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation:

–        de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29);

–        de l’article 2 de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs (JO L 110, p. 30);

–        des dispositions du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JO L 399 p. 1);

–        des articles 5, paragraphe 1, sous l) et m), 6, 7 et 10, paragraphe 2, sous l), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO L 133, p. 66), et

–        de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) nº 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149, p. 22).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Banco Español de Crédito SA (ci-après « B…») à M. X… au sujet du paiement de sommes dues en exécution d’un contrat de prêt à la consommation conclu entre ces parties.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

La directive 87/102/CEE

3        La directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48), prévoyait à son article 6:

«1.      Nonobstant l’exclusion prévue à l’article 2 paragraphe 1 point e), lorsqu’un contrat a été passé entre un établissement de crédit ou un organisme financier et un consommateur pour l’octroi d’un crédit sous la forme d’une avance sur compte courant, sauf dans le cas des comptes liés à des cartes de crédit, le consommateur est informé au moment de la conclusion du contrat ou avant celle-ci:

–        du plafond éventuel du crédit,

–        du taux d’intérêt annuel et des frais applicables dès la conclusion du contrat et des conditions dans lesquelles ils pourront être modifiés,

–        des modalités selon lesquelles il peut être mis fin au contrat.

Ces informations sont confirmées par écrit.

2.      De plus, en cours de contrat, le consommateur est informé de toute modification du taux d’intérêt annuel ou des frais au moment où intervient cette modification. Cette information peut être fournie dans un relevé de compte ou par tout autre moyen jugé acceptable par les États membres.

3.      Dans les États membres où l’existence d’un découvert accepté tacitement est licite, ces derniers veillent à ce que le consommateur soit informé du taux d’intérêt annuel et des frais éventuels applicables ainsi que de toute modification de ceux-ci, lorsque ce découvert se prolonge au-delà d’une période de trois mois.»

4        Aux termes de l’article 7 de ladite directive:

«Lorsqu’il s’agit d’un crédit consenti en vue de l’acquisition de biens,  les États membres fixent les conditions dans lesquelles les biens peuvent être repris, notamment lorsque le consommateur n’a pas donné son accord. Ils veillent en outre à ce que, lorsque le prêteur reprend les biens, le décompte entre les parties soit établi de manière à éviter que la reprise n’entraîne un enrichissement non justifié.»

La directive 93/13

5        Le douzième considérant de la directive 93/13 énonce:

«considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive».

6        Le vingt et unième considérant de ladite directive est libellé comme suit:

«considérant que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel; que si, malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur, et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives».

7        Le vingt-quatrième considérant de la même directive précise:

«considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs».

8        Aux termes de l’article 6 de la directive 93/13:

«1.      Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.

2.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire des États membres.»

9        L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

10      L’article 8 de la même directive dispose:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité [CE], pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.»

La directive 2005/29

11      L’article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 2005/29 prévoit:

«1.      Les États membres veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions de la présente directive dans l’intérêt des consommateurs.

[…]

2.      Dans le cadre des dispositions juridiques visées au paragraphe 1, les États membres confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des pouvoirs les habilitant, dans les cas où ceux-ci estiment que ces mesures sont nécessaires compte tenu de tous les intérêts en jeu, et notamment de l’intérêt général:

a)      à ordonner la cessation de pratiques commerciales déloyales ou à engager les poursuites appropriées en vue de faire ordonner la cessation desdites pratiques,

ou

b)      si la pratique commerciale déloyale n’a pas encore été mise en œuvre mais est imminente, à interdire cette pratique ou à engager les poursuites appropriées en vue de faire ordonner son interdiction,

même en l’absence de preuve d’une perte ou d’un préjudice réels, ou d’une intention ou d’une négligence de la part du professionnel.

Les États membres prévoient en outre que les mesures visées au premier alinéa peuvent être prises dans le cadre d’une procédure accélérée:

–        soit avec effet provisoire,

–        soit avec effet définitif,

étant entendu qu’il appartient à chaque État membre de déterminer laquelle de ces deux options sera retenue.

[…]»

Le règlement n° 1896/2006

12      Le dixième considérant du règlement n° 1896/2006 précise:

«La procédure instituée par le présent règlement devrait constituer un instrument complémentaire et facultatif pour le demandeur, qui demeure libre de recourir à une procédure prévue par le droit national. En conséquence, le présent règlement ne remplace ni n’harmonise les mécanismes de recouvrement de créances incontestées prévus par le droit national.»

13      L’article 1er du règlement n° 1896/2006 prévoit:

«1.      Le présent règlement a pour objet:

a)      de simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts de règlement dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d’injonction de payer;

et

b)      d’assurer la libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l’ensemble des États membres en établissant des normes minimales dont le respect rend inutile toute procédure intermédiaire dans l’État membre d’exécution préalablement à la reconnaissance et à l’exécution.

2.      Le présent règlement n’empêche pas le demandeur de faire valoir une créance au sens de l’article 4 en recourant à une autre procédure prévue par le droit d’un État membre ou par le droit communautaire.»

La directive 2008/48

14      L’article 1er de la directive 2008/48 est libellé comme suit:

«La présente directive a pour objet d’harmoniser certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de contrats de crédit aux consommateurs.»

15      Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive:

«Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat ou une offre de crédit, le prêteur et, le cas échéant, l’intermédiaire de crédit, lui donnent en temps utile, sur la base des clauses et conditions du crédit proposé par le prêteur et, le cas échéant, des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause sur la conclusion d’un contrat de crédit. […]

Ces informations portent sur:

[…]

l)      le taux d’intérêt applicable en cas de retard de paiement, ainsi que les modalités d’adaptation de celui-ci et, le cas échéant, les frais d’inexécution;

m)      un avertissement concernant les conséquences des impayés;

[…]»

16      L’article 10, paragraphe 2, de la même directive dispose:

«Le contrat de crédit mentionne, de façon claire et concise:

[…]

l)      le taux d’intérêt applicable en cas de retard de paiement applicable au moment de la conclusion du contrat de crédit et les modalités d’adaptation de ce taux, ainsi que, le cas échéant, les frais d’inexécution;

[…]»

La directive 2009/22

17      L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2009/22 prévoit:

«La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux actions en cessation, mentionnées à l’article 2, visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs inclus dans les directives énumérées à l’annexe I, afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.»

18      Aux termes de l’article 2 de ladite directive:

«1.      Les États membres désignent les tribunaux ou autorités administratives compétents pour statuer sur les recours formés par les entités qualifiées au sens de l’article 3 visant:

a)      à faire cesser ou interdire toute infraction, avec toute la diligence requise et, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure d’urgence;

[…]

2.      La présente directive est sans préjudice des règles de droit international privé en ce qui concerne le droit applicable, à savoir normalement, soit le droit de l’État membre où l’infraction a son origine, soit celui de l’État membre où l’infraction produit ses effets.»

Le droit espagnol

19      En droit espagnol, la protection des consommateurs contre les clauses abusives a été, tout d’abord, assurée par la loi générale 26/1984 relative à la protection des consommateurs et des usagers (Ley General 26/1984 para la Defensa de los Consumidores y Usuarios), du 19 juillet 1984 (BOE n° 176, du 24 juillet 1984, p. 21686, ci après la «loi 26/1984»).

20      La loi 26/1984 a été, ensuite, modifiée par la loi 7/1998 relative aux conditions générales des contrats (Ley 7/1998 sobre condiciones generales de la contratación), du 13 avril 1998 (BOE n° 89, du 14 avril 1998, p. 12304), qui a transposé la directive 93/13 dans le droit interne espagnol.

21      Enfin, le décret royal législatif 1/2007 portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires (Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias), du 16 novembre 2007 (BOE n° 287, du 30 novembre 2007, p. 49181, ci-après le «décret législatif 1/2007»), a adopté le texte codifié de la loi 26/1984, telle que modifiée.

22      Aux termes de l’article 83 du décret législatif 1/2007:

«1.      Les clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites.

2.      La partie du contrat entachée de nullité est complétée conformément à l’article 1258 du code civil et au principe de la bonne foi objective.

À cet effet, le juge qui déclare la nullité desdites clauses complète le contrat et dispose d’un pouvoir modérateur quant aux droits et obligations des parties, si le contrat subsiste, et quant aux conséquences de son invalidité si celle-ci cause un préjudice appréciable au consommateur et à l’usager.

Le juge ne peut déclarer l’invalidité du contrat que si les clauses qui subsistent placent les parties dans une situation inéquitable à laquelle il ne peut être remédié.»

23      L’article 1258 du code civil dispose:

«Les contrats sont conclus par simple consentement et rendent dès lors obligatoires non seulement l’exécution des dispositions expressément convenues, mais aussi toutes les conséquences qui, selon leur nature, sont conformes à la bonne foi, à l’usage et à la loi.»

24      S’agissant de la procédure d’injonction de payer, le code de procédure civile (Ley de Enjuiciamiento Civil), dans sa version en vigueur à la date à laquelle la procédure ayant donné lieu au litige au principal a été engagée, énonce, à son article 812, paragraphe 1, les conditions d’application de cette même procédure dans les termes suivants:

«Peut recourir à la procédure d’injonction toute personne réclamant à autrui le paiement d’une dette pécuniaire, échue, exigible et ne dépassant pas 30 000 euros, dès lors que le montant de cette dette est attesté selon les modalités qui suivent:

1)      soit par la présentation de documents, quels que soient leur forme, leur type ou leur support physique, signés par le débiteur ou portant son timbre, empreinte ou marque ou tout autre signal, physique ou électronique, provenant du débiteur;

2)      soit par la présentation de factures, bons de livraison, certificats, télégrammes, télécopies ou tous autres documents qui, même créés unilatéralement par le créancier, sont habituellement utilisés pour documenter les crédits et dettes dans les relations du type de celle existant entre le créancier et son débiteur.

[…]»

25      L’article 815, paragraphe 1, du code de procédure civile, intitulé «Recevabilité de la demande et injonction de payer», dispose:

«Si les documents joints à la demande font partie de ceux prévus à l’article 812, paragraphe 2, ou constituent un commencement de preuve du droit du demandeur, confirmé par le contenu de la demande, le greffier ordonne au débiteur de payer le demandeur dans un délai de 20 jours et de fournir les preuves de ce paiement au tribunal, ou de comparaître devant celui-ci et d’indiquer de manière succincte, dans l’acte d’opposition, les motifs pour lesquels il considère qu’il n’est pas redevable, en tout ou en partie, du montant réclamé […]»

26      Quant à l’article 818, paragraphe 1, du code de procédure civile, relatif à l’opposition du débiteur, il prévoit:

«Si le débiteur forme opposition en temps utile, le litige est tranché définitivement à l’issue de la procédure appropriée et le jugement prononcé passe en force de chose jugée.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

27      Le 28 mai 2007 M. X… a conclu un contrat de prêt pour un montant de 30 000 euros avec B… (ci-après le «contrat litigieux»), afin de pouvoir procéder à l’acquisition d’un véhicule devant «subvenir aux besoins du ménage». Le taux de rémunération était fixé à 7,950 %, le TAEG (taux annuel effectif global) à 8,890 % et le taux des intérêts moratoires à 29 %.

28      Bien que l’échéance du contrat litigieux ait été fixée au 5 juin 2014, B… a considéré que celui-ci avait expiré avant cette date au motif que, au mois de septembre 2008, les remboursements de sept mensualités n’avaient pas encore été effectués. Ainsi, le 8 janvier 2009, elle a introduit, devant le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Sabadell, conformément au droit espagnol, une demande d’injonction de payer portant sur la somme de 29 381,95 euros, correspondant aux mensualités impayées, majorées des intérêts conventionnels et des dépens.

29      Le 21 janvier 2010, le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Sabadell a rendu une ordonnance dans laquelle il a constaté que, d’une part, le contrat litigieux était un contrat d’adhésion, conclu sans réelles possibilités de négociation et comportant des conditions générales imposées, et que, d’autre part, le taux des intérêts moratoires de 29 % était fixé dans une clause dactylographiée qui ne se distinguait pas du reste du texte en ce qui concerne le type de lettres, le corps des lettres utilisées ou l’acceptation spécifique par le consommateur.

30      Dans ces conditions, en tenant compte, notamment, du niveau du taux d’intérêt Euribor («Euro interbank offered rate») et de la Banque centrale européenne (BCE) ainsi que du fait que le taux desdits intérêts moratoires était supérieur de plus de 20 points à celui de la rémunération, le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Sabadell a déclaré d’office la nullité de plein droit de la clause relative aux intérêts moratoires, au motif que celle-ci présentait un caractère abusif, en faisant référence à la jurisprudence constante de la Cour en la matière. Il a en outre fixé ce même taux à 19 %, en faisant référence au taux d’intérêt légal et au taux des intérêts moratoires figurant dans les lois budgétaires nationales de 1990 à 2008, et a exigé que B… effectue un nouveau calcul du montant des intérêts pour la période en cause dans le litige dont il était saisi.

31       B… a interjeté appel de ladite ordonnance devant l’Audiencia Provincial de Barcelona en faisant valoir, en substance, que le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Sabadell ne pouvait, à ce stade de la procédure, ni constater d’office la nullité de la clause contractuelle relative aux intérêts moratoires, considérée par lui comme abusive, ni procéder à la révision de celle-ci.

32      Dans la décision de renvoi, l’Audiencia Provincial de Barcelona a constaté, en premier lieu, que la législation espagnole en matière de protection des intérêts des consommateurs et des usagers n’habilite pas les juges saisis d’une demande d’injonction de payer à déclarer, d’office et in limine litis, la nullité des clauses abusives, l’analyse de la licéité de celles-ci relevant de la procédure de droit commun, laquelle n’est ouverte que dans le cas d’une opposition formée par le débiteur.

33      S’agissant, en second lieu, du droit de l’Union, ladite juridiction a relevé que, certes, la jurisprudence de la Cour a interprété l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 en ce sens que les juges nationaux sont tenus de soulever d’office la nullité et l’inapplicabilité d’une clause abusive, même en l’absence de toute demande des parties au contrat présentée à cet effet.

34      Toutefois, selon la juridiction de renvoi, le règlement n° 1896/2006, régissant précisément la matière de l’injonction de payer au niveau de l’Union européenne, n’institue pas une procédure d’examen d’office et in limine litis des clauses abusives, mais se borne à énumérer une série d’exigences et d’informations qui doivent être fournies aux consommateurs.

35      De même, ni la directive 2008/48, concernant les contrats de crédit à la consommation, ni la directive 2009/22, relative aux actions en cessation des infractions préjudiciables aux intérêts des consommateurs, ne prévoient de mécanismes procéduraux qui imposent aux juridictions nationales de constater d’office la nullité d’une clause telle que celle contenue dans le contrat litigieux.

36      Enfin, même en considérant comme «déloyale», au sens de la directive 2005/29, la pratique consistant à insérer dans le texte d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur une clause d’intérêts moratoires, la loi 29/2009 portant modification du régime légal de la concurrence déloyale et de la publicité pour l’amélioration de la protection des consommateurs et des usagers (Ley 29/2009 por la que se modifica el régimen legal de la competencia desleal y de la publicidad para la mejora de la protección de los consumidores y usuarios), du 30 décembre 2009 (BOE n° 315, du 31 décembre 2009, p. 112039), n’ayant pas transposé en droit espagnol l’article 11, paragraphe 2, de cette directive, les juridictions nationales ne disposent pas, en tout état de cause, du pouvoir d’examiner d’office le caractère déloyal de ladite pratique.

37      C’est dans ces conditions que l’Audiencia Provincial de Barcelona, éprouvant des doutes en ce qui concerne la correcte interprétation du droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le droit de l’Union, et en particulier le droit des consommateurs et des usagers, s’oppose-t-il à ce qu’une juridiction nationale évite de se prononcer d’office, in limine litis et à tout moment de la procédure, sur la nullité ou non et la révision ou non d’une clause d’intérêts moratoires (en l’occurrence de 29 %) insérée dans un contrat de prêt à la consommation? La juridiction peut-elle choisir, sans porter atteinte aux droits que le consommateur tire de la législation de l’Union, de laisser l’éventuel examen d’une telle clause à l’initiative du débiteur (par la voie de l’opposition que ce dernier peut former)?

2)      À la lumière de l’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13] et de l’article 2 de la directive [2009/22], quelle doit être, à cet effet, l’interprétation conforme de l’article 83 du [décret législatif 1/2007] […]? Quelle est la portée, à cet égard, de l’article 6, paragraphe 1, de la directive [93/13] lorsqu’il prévoit que les clauses abusives ‘ne lient pas les consommateurs’?

3)      Le contrôle juridictionnel d’office et in limine litis peut-il être exclu lorsque le demandeur indique clairement, dans sa demande, le taux d’intérêt moratoire, le montant de la créance, notamment le principal et les intérêts, les pénalités contractuelles et les frais, le taux d’intérêt et la période pour laquelle ces intérêts sont réclamés (sauf si des intérêts légaux sont automatiquement ajoutés au principal en vertu du droit de l’État membre d’origine), la cause de l’action, y compris une description des circonstances invoquées en tant que fondement de la créance et des intérêts réclamés, et lorsque le demandeur précise s’il s’agit d’un taux d’intérêt légal ou contractuel, d’une capitalisation des intérêts, du taux d’intérêt du prêt, s’il a été calculé par le demandeur, ou du pourcentage au-dessus du taux de base de la Banque centrale européenne, comme le prévoit le règlement [n° 1896/2006] instituant une procédure européenne d’injonction de payer?

4)      À défaut de transposition, les articles 5, sous l) et m), 6 et 10, sous l), de la directive [2008/48] – lorsqu’ils mentionnent les ‘modalités d’adaptation’ –, obligent-ils l’établissement financier à indiquer de manière spécifique et séparée dans le contrat (et non pas dans le corps du texte, de manière indistincte), de façon claire et visible, en tant qu’‘informations précontractuelles’, les références au taux d’intérêt moratoire en cas d’impayé ainsi que les éléments pris en considération pour sa fixation (frais financiers, de recouvrement…) et à inclure un avertissement concernant les conséquences relatives aux éléments de coût?

5)      L’article 6, paragraphe 2, de la directive [2008/48] implique-t-il l’obligation de notifier la fin anticipée du crédit ou du prêt, qui permet l’application du taux d’intérêt moratoire? Le principe de l’interdiction de l’enrichissement non justifié, énoncé à l’article 7 de la directive [2008/48], est-il applicable lorsque l’établissement de crédit entend non seulement reprendre le bien (le capital d’emprunt), mais également appliquer des intérêts de retard particulièrement élevés?

6)      À défaut de règle de transposition et à la lumière de l’article 11, paragraphe 2, de la directive [2005/29], la juridiction peut-elle examiner d’office le caractère déloyal de la pratique consistant à insérer dans le texte du contrat une clause d’intérêts moratoires?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

38      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas au juge saisi d’une demande d’injonction de payer d’apprécier d’office, in limine litis ni à aucun autre moment de la procédure, le caractère abusif d’une clause d’intérêts moratoires contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, en l’absence d’opposition formée par ce dernier.

39      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler d’emblée que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, C-240/98 à C-244/98, Rec. p. I-4941, point 25; du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C-168/05, Rec. p. I-10421, point 25, ainsi que du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C-40/08, Rec. p. I-9579, point 29).

40      Eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (arrêts Mostaza Claro, précité, point 36; Asturcom Telecomunicaciones, précité, point 30; du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C-137/08, non encore publié au Recueil, point 47, et du 15 mars 2012, Perenicová et Perenic, C-453/10, non encore publié au Recueil, point 28).

41      Afin d’assurer la protection recherchée par la directive 93/13, la Cour a déjà souligné à plusieurs reprises que la situation d’inégalité existant entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat (voir arrêts précités Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, point 27; Mostaza Claro, point 26; Asturcom Telecomunicaciones, point 31, ainsi que VB Pénzügyi Lízing, point 48).

42      C’est à la lumière de ces principes que la Cour a ainsi jugé que le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel (voir, en ce sens, arrêts Mostaza Claro, précité, point 38; du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, Rec. p. I-4713, point 31; Asturcom Telecomunicaciones, précité, point 32, ainsi que VB Pénzügyi Lízing, précité, point 49).

43      Par conséquent, le rôle qui est attribué par le droit de l’Union au juge national dans le domaine considéré ne se limite pas à la simple faculté de se prononcer sur la nature éventuellement abusive d’une clause contractuelle, mais comporte également l’obligation d’examiner d’office cette question, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (voir arrêt Pannon GSM, précité, point 32).

44      À cet égard, en se prononçant sur une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction nationale saisie dans le cadre d’une procédure contradictoire ouverte à la suite de l’opposition formée par un consommateur à une injonction de payer, la Cour a jugé que cette juridiction est tenue de prendre d’office des mesures d’instruction afin d’établir si une clause attributive de compétence juridictionnelle territoriale exclusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur entre dans le champ d’application de la directive 93/13 et, dans l’affirmative, d’apprécier d’office le caractère éventuellement abusif d’une telle clause (arrêt VB Pénzügyi Lízing, précité, point 56).

45      Toutefois, la présente affaire se distingue de celles ayant donné lieu aux arrêts précités Pannon GSM et VB Pénzügyi Lízing par le fait qu’elle concerne la définition des responsabilités incombant au juge national, en vertu des dispositions de la directive 93/13, dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer, et ce avant l’opposition formée par le consommateur.

46      À cet égard, il y a lieu de constater que, en l’absence d’harmonisation des mécanismes nationaux de recouvrement de créances incontestées, les modalités de mise en œuvre des procédures nationales d’injonction de payer relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux consommateurs par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts précités Mostaza Claro, point 24, et Asturcom Telecomunicaciones, point 38).

47      S’agissant du principe d’équivalence, il y a lieu de relever que la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité à celui-ci de la réglementation en cause dans l’affaire au principal.

48      En effet, il ressort du dossier que le système procédural espagnol ne permet pas au juge national saisi d’une demande d’injonction de payer d’apprécier d’office, in limine litis ni à aucun autre moment de la procédure, non seulement le caractère abusif, au regard de l’article 6 de la directive 93/13, d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur en l’absence d’opposition formée par ce dernier, mais également la contrariété entre une telle clause et les règles nationales d’ordre public, ce qu’il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier.

49      En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales (voir arrêt Asturcom Telecomunicaciones, précité, point 39 et jurisprudence citée).

50      En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que, conformément à l’article 812 du code de procédure civile, la procédure d’injonction de payer s’applique aux dettes pécuniaires échues, liquides et exigibles, dont le montant n’excède pas une valeur limitée, s’élevant à 30 000 euros à la date des faits au principal.

51      Afin de garantir aux créanciers un accès plus simple à la justice et un déroulement de la procédure plus rapide, ce même article prévoit uniquement la nécessité pour ceux-ci de joindre à la demande des documents prouvant l’existence de la dette, sans les obliger à indiquer clairement le taux d’intérêt moratoire, la période précise d’exigibilité et le point de référence de ce même taux par rapport à l’intérêt légal de droit interne ou bien au taux de la Banque centrale européenne.

52      Ainsi, en vertu des articles 815, paragraphe 1, et 818, paragraphe 1, du code de procédure civile, le juge national saisi d’une demande d’injonction de payer jouit d’une compétence qui est limitée à la seule vérification de l’existence des conditions formelles d’ouverture de cette procédure, en présence desquelles il doit faire droit à la demande dont il est saisi et rendre une injonction exécutoire sans pouvoir examiner, in limine litis ni à aucun autre moment de la procédure, le bien-fondé de la demande au regard des informations dont il dispose, à moins que le débiteur ne refuse de s’acquitter de sa dette ou ne forme opposition dans un délai de 20 jours à compter de la date de la notification de ladite injonction. Une telle opposition doit nécessairement être effectuée avec l’assistance d’un avocat pour les litiges excédant une valeur déterminée par la loi, s’élevant à 900 euros à la date des faits ayant donné lieu au litige au principal.

53      Or, dans ce contexte, force est de constater qu’un tel régime procédural, instituant une impossibilité pour le juge saisi d’une demande d’injonction de payer d’apprécier d’office, in limine litis ni à aucun autre moment de la procédure, alors même qu’il dispose déjà de tous les éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère abusif des clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, en l’absence d’opposition formée par ce dernier, est de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis, C-473/00, Rec. p. I-10875, point 35).

54      En effet, compte tenu de l’ensemble, du déroulement et des particularités de la procédure d’injonction de payer décrite aux points 50 à 52 du présent arrêt, il existe un risque non négligeable que les consommateurs concernés ne forment pas l’opposition requise soit en raison du délai particulièrement court prévu à cette fin, soit parce qu’ils peuvent être dissuadés de se défendre eu égard aux frais qu’une action en justice entraînerait par rapport au montant de la dette contestée, soit parce qu’ils ignorent ou ne perçoivent pas l’étendue de leurs droits, ou encore en raison du contenu limité de la demande d’injonction introduite par les professionnels et donc du caractère incomplet des informations dont ils disposent.

55      Ainsi, il suffirait aux professionnels d’engager une procédure d’injonction de payer au lieu d’une procédure civile ordinaire pour priver les consommateurs du bénéfice de la protection voulue par la directive 93/13, ce qui s’avère également contraire à la jurisprudence de la Cour selon laquelle les caractéristiques spécifiques des procédures juridictionnelles, qui se déroulent dans le cadre du droit national entre les professionnels et les consommateurs, ne sauraient constituer un élément susceptible d’affecter la protection juridique dont doivent bénéficier ces derniers en vertu des dispositions de cette directive (arrêt Pannon GSM, précité, point 34).

56      Dans ces conditions, il convient de constater que la réglementation espagnole en cause au principal n’apparaît pas conforme au principe d’effectivité, en ce qu’elle rend impossible ou excessivement difficile, dans les procédures engagées par les professionnels et auxquels les consommateurs sont défendeurs, l’application de la protection que la directive 93/13 entend conférer à ces derniers.

57      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas au juge saisi d’une demande d’injonction de payer d’apprécier d’office, in limine litis ni à aucun autre moment de la procédure, alors même qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère abusif d’une clause d’intérêts moratoires contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, en l’absence d’opposition formée par ce dernier.

Sur la deuxième question

58      Afin de fournir une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour la juridiction de renvoi (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Michaniki, C-213/07, Rec. p. I-9999, points 50 et 51), il convient de comprendre la deuxième question comme demandant, en substance, si les articles 2 de la directive 2009/22 et 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle prévue à l’article 83 du décret législatif 1/2007, qui permet au juge national, lorsqu’il constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de compléter ledit contrat en révisant le contenu de cette clause.

59      À cet égard, il importe de relever, à titre liminaire, que le litige au principal se déroule dans le cadre d’une procédure d’injonction de payer engagée par l’une des parties contractantes et non pas dans le contexte d’une action en cessation introduite par une «entité qualifiée» au sens de l’article 3 de la directive 2009/22.

60      Par conséquent, dans la mesure où cette dernière directive n’est pas applicable au litige au principal, il n’y a pas lieu de se prononcer sur l’interprétation de l’article 2 de celle-ci.

61      Cela étant, afin de répondre à la question posée concernant les conséquences à tirer de la déclaration du caractère abusif d’une clause contractuelle, il convient de se référer tant à la lettre de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 qu’aux finalités et à l’économie générale de cette dernière (voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2009, AHP Manufacturing, C-482/07, Rec. p. I-7295, point 27, et du 8 décembre 2011, Merck Sharp & Dohme, C-125/10, non encore publié au Recueil, point 29).

62      En ce qui concerne le libellé dudit article 6, paragraphe 1, il convient de constater, d’une part, que le premier membre de phrase de cette disposition, tout en reconnaissant aux États membres une certaine marge d’autonomie en ce qui concerne la définition des régimes juridiques applicables aux clauses abusives, impose néanmoins expressément de prévoir que lesdites clauses «ne lient pas les consommateurs».

63      Dans ce contexte, la Cour a déjà eu l’occasion d’interpréter cette disposition en ce sens qu’il incombe aux juridictions nationales constatant le caractère abusif de clauses contractuelles de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national, afin que le consommateur ne soit pas lié par lesdites clauses (voir arrêt Asturcom Telecomunicaciones, précité, point 58; ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovost, C-76/10, non encore publiée au Recueil, point 62, ainsi que arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 30). En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 40 du présent arrêt, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à restaurer l’égalité entre ces derniers.

64      D’autre part, il y a lieu de relever que le législateur de l’Union a explicitement prévu, dans le second membre de phrase de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, ainsi qu’au vingt et unième considérant de celle-ci, que le contrat conclu entre le professionnel et le consommateur restera contraignant pour les parties «selon les mêmes termes», s’il peut subsister «sans les clauses abusives».

65      Il découle ainsi du libellé du paragraphe 1 dudit article 6 que les juges nationaux sont tenus uniquement d’écarter l’application d’une clause contractuelle abusive afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sans qu’ils soient habilités à réviser le contenu de celle-ci. En effet, ce contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible.

66      Cette interprétation est corroborée, en outre, par la finalité et l’économie générale de la directive 93/13.

67      En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, cette directive, dans son intégralité, constitue une mesure indispensable à l’accomplissement des missions confiées à l’Union et, en particulier, au relèvement du niveau et de la qualité de vie dans l’ensemble de cette dernière (voir arrêts précités Mostaza Claro, point 37; Pannon GSM, point 26, et Asturcom Telecomunicaciones, point 51).

68      Ainsi, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection assurée aux consommateurs, qui se trouvent dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels, la directive 93/13 impose aux États membres, comme il ressort de son article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec le vingt-quatrième considérant de celle-ci, de prévoir des moyens adéquats et efficaces «afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel».

69      Or, dans ce contexte, force est de constater que, comme l’a relevé Mme l’avocat général aux points 86 à 88 de ses conclusions, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans de tels contrats, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. En effet, cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives (voir, en ce sens, ordonnance Pohotovost’, précitée, point 41 et jurisprudence citée), dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels.

70      De ce fait, une telle faculté, si elle était reconnue au juge national, ne serait pas en mesure de garantir, par elle-même, une protection aussi efficace du consommateur que celle résultant de la non-application des clauses abusives. Par ailleurs, cette faculté ne pourrait pas non plus être fondée sur l’article 8 de la directive 93/13, qui laisse aux États membres la possibilité d’adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par cette directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le droit de l’Union, pour autant que soit assuré un niveau de protection plus élevé au consommateur (voir arrêts du 3 juin 2010 Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C-484/08, Rec. p. I-4785, points 28 et 29, ainsi que Perenicová et Perenic, précité, point 34).

71      Il découle, dès lors, de ces considérations que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne saurait être compris comme permettant au juge national, dans le cas où il constate l’existence d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de réviser le contenu de ladite clause au lieu d’en écarter simplement l’application à l’égard de ce dernier.

72      À cet égard, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier quelles sont les règles nationales applicables au litige dont elle est saisie et de faire tout ce qui relève de sa compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, non encore publié au Recueil, point 27 et jurisprudence citée).

73      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que l’article 83 du décret législatif 1/2007, qui permet au juge national, lorsqu’il constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de compléter ledit contrat en révisant le contenu de cette clause.

Sur les troisième à sixième questions

74      Par ses troisième à sixième questions, la juridiction de renvoi interroge, en substance, la Cour, d’une part, sur les responsabilités qui incombent aux juges nationaux, en vertu du règlement n° 1896/2006 et de la directive 2005/29, dans le cas où ils contrôlent une clause contractuelle d’intérêts moratoires telle que celle en cause au principal, et, d’autre part, sur les obligations auxquelles sont soumis les établissements financiers aux fins de l’application du taux d’intérêt moratoire dans des contrats de crédit, au sens des articles 5, paragraphe 1, sous l) et m), 6, 7 et 10, paragraphe 2, sous l), de la directive 2008/48.

75      Le Royaume d’Espagne et la Commission européenne soutiennent que ces questions sont irrecevables, dans la mesure où les règles du droit de l’Union qu’elles visent ne sont pas applicables au litige au principal et que, partant, l’interprétation de celles-ci ne saurait être utile à la juridiction de renvoi pour trancher ce litige.

76      À cet égard, il convient d’emblée de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national. Il appartient de même au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêts du 12 avril 2005, Keller, C-145/03, Rec. p. I-2529, point 33; du 18 juillet 2007, Lucchini, C-119/05, Rec. p. I-6199, point 43, ainsi que du 11 septembre 2008, Eckelkamp e.a., C-11/07, Rec. p. I-6845, points 27 et 32).

77      Ainsi, le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, point 25, ainsi que du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez, C-570/07 et C-571/07, Rec. p. I-4629, point 36).

78      Or, force est de constater que tel est précisément le cas en l’espèce.

79      En particulier, s’agissant de la troisième question, il y a lieu de relever que l’interprétation du règlement n° 1896/2006 est dépourvue de toute pertinence au regard de la décision que la juridiction de renvoi est appelée à rendre dans le litige dont elle est saisie. En effet, d’une part, il convient de constater que, comme il ressort du dossier soumis à la Cour, les faits du litige au principal n’entrent pas dans le champ d’application de ce règlement, lequel, conformément à son article 1er, paragraphe 1, vise uniquement les litiges transfrontaliers, mais demeurent soumis exclusivement aux dispositions du code de procédure civile. D’autre part, il importe de préciser que ce règlement, ainsi qu’il ressort expressément de son dixième considérant, ne remplace ni n’harmonise les mécanismes de recouvrement de créances incontestées prévus par le droit national.

80      En ce qui concerne la quatrième question, il apparaît de manière manifeste que les dispositions des articles 5, paragraphe 1, sous l) et m), 6 ainsi que 10, paragraphe 2, sous l), de la directive 2008/48, dont l’interprétation est sollicitée par la juridiction de renvoi, ne trouvent pas à s’appliquer ratione temporis au litige au principal, en tant que celui-ci concerne l’exécution prétendument incorrecte par M. X… du contrat de crédit conclu le 28 mai 2007 entre ce dernier et B….

81      En effet, il suffit de relever à cet égard que, conformément aux articles 27, 29 et 31 de la directive 2008/48, celle-ci est entrée en vigueur le 11 juin 2008 et que les États membres devaient adopter les mesures nécessaires pour se conformer à cette directive avant le 11 juin 2010, date à partir de laquelle a été abrogée la directive 87/102. En outre, l’article 30, paragraphe 1, de la même directive a expressément prévu qu’elle ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours à la date d’entrée en vigueur des mesures nationales de transposition.

82      Quant à la cinquième question, visant à savoir, d’une part, si l’article 6, paragraphe 2, de la directive 2008/48 oblige l’établissement de crédit à notifier la fin anticipée du crédit ou du prêt pour pouvoir appliquer le taux des intérêts moratoires et, d’autre part, si le principe de l’interdiction de l’enrichissement non justifié, énoncé à l’article 7 de cette même directive, est susceptible d’être invoqué lorsque ledit établissement de crédit demande non seulement le remboursement du capital, mais également des intérêts de retard particulièrement élevés, il importe de relever d’emblée que, par cette question, comme il ressort du dossier soumis à la Cour, la juridiction de renvoi a entendu, en réalité, se référer aux articles correspondants de la directive 87/102, lesquels sont seuls congruents à l’objet visé à ladite question.

83      Toutefois, en admettant même que telle est la portée réelle de la cinquième question (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 1999, Teckal, C-107/98, Rec. p. I-8121, points 34 et 39), force est de constater que, comme l’a également relevé Mme l’avocat général aux points 99 et 100 de ses conclusions, rien dans la décision de renvoi n’indique que le litige au principal porte sur une problématique concernant soit l’obligation d’information préalable du consommateur au sujet de toute modification du taux d’intérêt annuel, soit la restitution d’un bien au créancier donnant lieu à un enrichissement non justifié de ce dernier.

84      Il apparaît ainsi de manière manifeste que la cinquième question est de nature hypothétique, l’interprétation desdites dispositions de la directive 87/102 ne présentant aucun lien avec l’objet du litige au principal.

85      S’agissant, enfin, de la sixième question, visant à savoir si, à défaut de transposition de la directive 2005/29, l’article 11, paragraphe 2, de celle-ci doit être interprété en ce sens qu’un juge national peut examiner d’office le caractère déloyal d’une pratique consistant à insérer dans le texte d’un contrat une clause d’intérêts moratoires, il suffit de constater que, comme l’a également relevé Mme l’avocat général au point 106 de ses conclusions, rien dans la décision de renvoi n’indique que le Juzgado de Primera Instancia n° 2 de Sabadell, ayant rendu l’ordonnance de rejet de la demande d’injonction de payer, aurait considéré comme une pratique commerciale déloyale, au sens de la directive susmentionnée, le fait pour B… d’avoir introduit dans le contrat de crédit qu’elle a conclu avec M. Calderón Camino une clause d’intérêts moratoires telle que celle en cause au principal.

86      Il importe de constater également que, dans sa décision, la juridiction de renvoi développe des considérations explicatives de ladite question en faisant expressément référence à «l’éventuelle pratique déloyale de l’établissement bancaire».

87      Par conséquent, il apparaît de manière manifeste que l’interprétation de la directive 2005/29 présente un caractère purement hypothétique au regard de l’objet du litige au principal. Dans ce contexte, l’absence de transposition de cette directive s’avère également sans pertinence pour la solution dudit litige.

88      Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de déclarer irrecevables les troisième à sixième questions posées par la juridiction de renvoi.

Sur les dépens

89      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui ne permet pas au juge saisi d’une demande d’injonction de payer d’apprécier d’office, in limine litis ni à aucun autre moment de la procédure, alors même qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère abusif d’une clause d’intérêts moratoires contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, en l’absence d’opposition formée par ce dernier.

2)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que l’article 83 du décret royal législatif 1/2007, portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires (Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias), du 16 novembre 2007, qui permet au juge national, lorsqu’il constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de compléter ledit contrat en révisant le contenu de cette clause.

N° de pourvoi: 11-12242
Non publié au bulletin
M. Charruault (président), président
Me Georges, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat(s)
Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu l’article 16 du code de procédure civile ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que Mme X…, qui avait souscrit le 13 mars 2008 un abonnement téléphonique pour une durée de vingt-quatre mois auprès de la société Y…, a déclaré la perte de son téléphone mobile le 25 mars 2009 ; que, reprochant à la société Y… de lui avoir réclamé les mensualités suivantes, elle l’a assignée en sollicitant la résiliation du contrat, le paiement de dommages-intérêts et le retrait de son nom du fichier Preventel ;

Attendu que pour accueillir ces demandes, le jugement déclare abusive de manière irréfragable, en application de l’article R. 132-1 du code de la consommation, la clause relative à la suspension, en cas de perte du téléphone, du contrat d’abonnement téléphonique en cause, indiquant que “durant la suspension de la ligne, les redevances d’abonnement restent dues à Y…” ;

Qu’en statuant ainsi alors qu’il résulte du jugement et des pièces de la procédure que les parties n’avaient pas été avisées du moyen, relevé d’office, tiré de l’existence d’une clause abusive, ni invitées à présenter leurs observations, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 novembre 2010, entre les parties, par la juridiction de proximité de Montauban ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Castelsarrasin ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de Me Georges ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille douze.

cjue120426.htm

Affaire C 472/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Pest Megyei Bíróság (Hongrie), par décision du 25 août 2010, parvenue à la Cour le 29 septembre 2010, dans la procédure

Nemzeti Fogyasztóvédelmi Hatóság

contre

I…,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur), A. Borg Barthet, J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér ainsi que par Mmes K. Szíjjártó et Z. Tóth, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. F. Díez Moreno, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. G. Rozet et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3, paragraphes 1 et 3, et 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive») ainsi que des points 1, sous j), et 2, sous d), de l’annexe de cette directive.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours d’intérêt public dirigé par le Nemzeti Fogyasztóvédelmi Hatóság (Office national pour la protection des consommateurs, ci-après le «NFH») contre I… (ci-après «I…»), au sujet de l’usage par cette dernière de clauses prétendument abusives dans ses contrats conclus avec des consommateurs.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        Le vingtième considérant de la directive énonce:

«considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses […]».

4        Aux termes de l’article 1er de la directive:

«[…]

2.       Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives […] ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive.»

5        L’article 3 de cette directive prévoit:

«1.      Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[…]

3.      L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

6        En vertu de l’article 4 de la même directive:

«1.      Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

7        L’article 5 de la directive dispose:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. […]»

8        L’article 6 de la directive énonce:

«1.      Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.

[…]»

9        L’article 7 de ladite directive est libellé comme suit:

«1.      Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2.      Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.

3.      Dans le respect de la législation nationale, les recours visés au paragraphe 2 peuvent être dirigés, séparément ou conjointement, contre plusieurs professionnels du même secteur économique ou leurs associations qui utilisent ou recommandent l’utilisation des mêmes clauses contractuelles générales, ou de clauses similaires.»

10      Aux termes de l’article 8 de la directive:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.»

11      L’annexe de cette directive énumère les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci:

«1.      Clauses ayant pour objet ou pour effet:

[…]

j)      d’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat;

[…]

l)      de prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou d’accorder au vendeur de biens ou au fournisseur de services le droit d’augmenter leurs prix, sans que, dans les deux cas, le consommateur n’ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat;

[…]

2.      Portée des points g), j) et l)

[…]

b)      […]

Le point j) ne fait pas […] obstacle à des clauses selon lesquelles le professionnel se réserve le droit de modifier unilatéralement les conditions d’un contrat de durée indéterminée pourvu que soit mis à sa charge le devoir d’en informer le consommateur avec un préavis raisonnable et que celui-ci soit libre de résilier le contrat.

[…]

d)      Le point l) ne fait pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit.»

Le droit national

12      L’article 209 du code civil prévoit:

«1.      Une clause contractuelle générale, ou une clause contractuelle non individuellement négociée d’un contrat de consommation, est abusive si, au mépris des exigences de bonne foi et d’équité, elle détermine, unilatéralement et sans justification, les droits et obligations des parties découlant du contrat de façon à désavantager le cocontractant de celui qui impose la clause contractuelle en question.

[…]»

13      Aux termes de l’article 209/A du code civil:

«1.      La partie lésée peut contester les clauses abusives qui figurent dans le contrat en tant que conditions générales contractuelles.

2.      Sont nulles les clauses abusives qui figurent dans des contrats de consommation en tant que conditions générales contractuelles ou que le professionnel a rédigé de manière unilatérale, au préalable et sans négociation individuelle. La nullité ne peut être invoquée que dans l’intérêt du consommateur.»

14      L’article 209/B du code civil dispose:

«1.      La déclaration de nullité d’une clause abusive qui figure dans un contrat de consommation en tant que condition générale contractuelle, prévue à l’article 209/A, paragraphe 2, de ce même code, peut également être demandée au juge par un organisme à désigner par un texte spécifique. La déclaration de nullité de la clause abusive réalisée par le juge vaudra à l’égard de toute partie ayant conclu un contrat avec un professionnel utilisant ladite clause.

2.      L’organisme à désigner par un texte spécifique peut également demander la déclaration de nullité de toute condition générale contractuelle qui a été rédigée en vue de conclure des contrats avec des consommateurs et qui a été rendue publique, quand bien même elle n’aurait pas encore été utilisée.

3.      Si le juge constate, dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 2, que la condition générale litigieuse est abusive, il la déclarera nulle en cas d’utilisation (future), avec effet à l’égard de toute partie concluant un contrat avec tout professionnel ayant rendu publique la clause. Toute personne utilisant la clause contractuelle abusive devra satisfaire aux demandes formulées par un consommateur sur le fondement de la décision. En outre, la décision judiciaire doit interdire l’utilisation de la condition générale contractuelle abusive à toute personne l’ayant rendue publique.

[…]»

15      Conformément à l’article 39 de la loi n° CLV de 1997 relative à la protection des consommateurs:

«1.      L’autorité de protection des consommateurs, l’organisme social chargé de la représentation des intérêts des consommateurs, ou le ministère public peut engager, à l’encontre de toute personne dont une activité contraire à la loi concerne un nombre important de consommateurs ou cause un préjudice important, une action en défense de la collectivité des consommateurs concernés ou en réparation dudit préjudice. Cette action peut être intentée quand bien même l’identité des consommateurs lésés ne peut pas être établie.

[…]»

16      Aux termes de l’article 132 de la loi n° C de 2003 sur les communications électroniques:

«1.      Les règles relatives à la conclusion du contrat d’abonnement s’appliquent à la modification de chaque contrat d’abonnement. Les conditions générales contractuelles peuvent permettre que la modification de chaque contrat d’abonnement s’opère conformément aux dispositions du paragraphe 2.

2.      Le prestataire de service ne peut modifier unilatéralement le contrat d’abonnement que dans les cas suivants:

a)      en cas de réunion des conditions prévues par chaque contrat d’abonnement ou dans les conditions générales contractuelles, sous réserve que la modification n’implique aucune modification substantielle des conditions du contrat, dans la mesure où la législation ou les règles relatives aux communications électroniques n’en disposent pas autrement;

b)      si une modification de la législation ou une décision des autorités le justifie,

ou

c)      si un changement substantiel des circonstances le justifie.

3.      Constitue une modification substantielle un changement relatif aux conditions nécessaires pour bénéficier du service ou aux indicateurs correspondant à un objectif de qualité.

4.      Si le prestataire de service est autorisé à modifier unilatéralement les conditions générales contractuelles dans les cas déterminés par celles-ci, il est tenu d’en informer les abonnés, dans les conditions prévues par la présente loi, en respectant un préavis d’au moins trente jours avant la prise d’effet de ladite modification; il est également tenu d’informer les abonnés des conditions applicables à la faculté de résiliation qui en découle. Dans un tel cas, l’abonné bénéficie du droit de résilier avec effet immédiat le contrat dans les huit jours qui suivent l’envoi de la notification de modification.

5.      Lorsque la modification comporte des stipulations défavorables à l’abonné, ce dernier bénéficie du droit de résilier le contrat d’abonnement, sans autres conséquences juridiques, dans les quinze jours à compter de ladite notification. L’abonné ne peut toutefois pas résilier le contrat d’abonnement lorsqu’il s’est engagé à bénéficier du service pour une durée déterminée, dès lors qu’il a conclu le contrat en considération des avantages qui en découlent et que la modification n’a pas d’incidence sur les avantages obtenus. Lorsque la modification a une incidence sur les avantages obtenus et que l’abonné résilie le contrat d’abonnement, le prestataire de service ne peut pas réclamer à l’abonné le montant de l’avantage au titre de la période postérieure à la résiliation du contrat.

[…]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      Le NFH conteste, dans le cadre d’un recours d’intérêt public, la pratique d’I… consistant à exiger, dans le cadre des contrats à durée déterminée dits «contrats de fidélité» et postérieurement à la conclusion de ces contrats, que le consommateur prenne en charge des frais qui n’avaient pas été initialement convenus par les parties.

18      Ainsi qu’il ressort du dossier, I…, en sa qualité d’opérateur de téléphonie fixe, a introduit dans les conditions générales des contrats (ci-après les «CG»), en vigueur à partir du 1er janvier 2008, une clause prévoyant des «frais de mandat», à savoir des coûts appliqués en cas de paiement des factures par mandat postal. Conformément à ladite clause, «si l’abonné règle le montant de la facture au moyen d’un mandat postal, le prestataire de service est en droit de facturer les frais supplémentaires qui en résultent (tels que les frais postaux)». En outre, les CG ne contenaient aucune disposition précisant le mode de calcul de ces frais de mandat.

19      Le NFH a été saisi d’un grand nombre de plaintes de consommateurs, sur la base desquelles il a estimé que la clause figurant dans les CG visée au point précédent était abusive au sens de l’article 209 du code civil. I… ayant refusé de modifier cette clause, le NFH a saisi le Pest Megyei Bíróság en vue d’obtenir une déclaration de nullité de la clause contestée en tant que clause abusive ainsi que le remboursement automatique et rétroactif des abonnés concernant les sommes indûment perçues et facturées au titre des «frais de mandat». Cette juridiction a toutefois estimé que la solution du litige dépendait de l’interprétation de dispositions du droit de l’Union.

20      Dans ces conditions, le Pest Megyei Bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive […] peut-il être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle abusive ne lie aucun consommateur lorsqu’un organisme désigné par la loi et dûment habilité sollicite au nom des consommateurs, dans le cadre d’un recours d’intérêt public (action de groupe), la constatation de la nullité de ladite clause abusive figurant dans un contrat de consommation?

Lorsqu’un recours d’intérêt public a été intenté et qu’il tend au prononcé d’une condamnation au bénéfice de consommateurs qui ne sont pas parties au litige ou d’une interdiction de l’utilisation d’une condition générale contractuelle abusive, l’article 6, paragraphe 1, de la directive […] peut-il être interprété en ce sens que ladite clause abusive figurant dans des contrats de consommation ne lie aucun des consommateurs concernés ni aucun autre consommateur dans le futur, de sorte que la juridiction est tenue d’appliquer d’office les conséquences juridiques qui en découlent?

2)      Compte tenu des points 1, sous j), et 2, sous d), de l’annexe de la directive applicable selon l’article 3, paragraphe 3, de la directive […], l’article 3, paragraphe 1, de cette même directive peut-il être interprété en ce sens que, lorsque le professionnel prévoit une modification unilatérale des conditions contractuelles sans décrire clairement le mode de variation du prix ni spécifier de raison valable dans le contrat, ladite clause est abusive de plein droit?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la seconde question

21      Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, à la lumière des points 1, sous j), et 2, sous d), de l’annexe de la directive, l’article 3, paragraphes 1 et 3, de celle-ci doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un professionnel prévoit, dans une clause figurant dans les CG des contrats de consommation, une modification unilatérale des frais liés au service à fournir, sans pour autant décrire clairement le mode de fixation desdits frais ni spécifier de raison valable de cette modification, ladite clause est abusive.

22      À cet égard, il importe de rappeler que la compétence de la Cour porte sur l’interprétation de la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte desdits critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce (arrêt du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C-137/08, non encore publié au Recueil, point 44). Il en ressort que la Cour doit se limiter, dans sa réponse, à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée.

23      Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la directive, l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Cette exclusion ne saurait, cependant, s’appliquer à une clause portant sur un mécanisme de modification des frais des services à fournir au consommateur.

24      S’agissant d’une clause contractuelle prévoyant une modification du coût total du service à fournir au consommateur, il y a lieu de relever que, au regard des points 1, sous j) et l), ainsi que 2, sous b) et d), de l’annexe de la directive, devrait notamment être exposé le motif ou le mode de variation dudit coût, le consommateur disposant du droit de mettre fin au contrat.

25      Ladite annexe, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive, ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives (voir arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM, C 243/08, Rec. p. I 4713, points 37 et 38; VB Pénzügyi Lízing, précité, point 42, ainsi que ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovost, C 76/10, non encore publiée au Recueil, points 56 et 58).

26      Si le contenu de l’annexe en cause n’est pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif d’une clause litigieuse, il constitue, cependant, un élément essentiel sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif de cette clause. En l’occurrence, la lecture des dispositions de l’annexe de la directive, visées au point 24 du présent arrêt, permet de constater que, aux fins de l’appréciation du caractère abusif d’une clause telle que celle en cause dans l’affaire au principal, est pertinente, notamment, la question de savoir si les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir étaient spécifiés et si les consommateurs disposaient d’un droit de mettre fin au contrat.

27      En outre, d’une part, ainsi qu’il ressort du vingtième considérant de ladite directive, le consommateur doit avoir effectivement l’opportunité de prendre connaissance de toutes les clauses figurant dans les CG et des conséquences desdites clauses. D’autre part, l’obligation de formuler les clauses d’une façon claire et compréhensible est énoncée à l’article 5 de la directive.

28      Par conséquent, dans le contexte de l’appréciation du caractère «abusif» au sens de l’article 3 de la directive, revêt une importance essentielle la possibilité, pour un consommateur, de prévoir, sur la base de critères clairs et compréhensibles, les modifications, par un professionnel, des CG en ce qui concerne les frais liés au service à fournir.

29      Lorsque certains aspects du mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés par les dispositions législatives où réglementaires impératives au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive, ou que lesdites dispositions prévoient, pour un consommateur, le droit de mettre fin au contrat, il est essentiel que ledit consommateur soit informé par le professionnel desdites dispositions.

30      Il appartient à la juridiction nationale statuant dans la procédure en cessation, initiée dans l’intérêt public, au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, d’apprécier, au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive, le caractère abusif d’une clause telle que celle en cause dans l’affaire au principal. Dans le cadre de cette appréciation, ladite juridiction devra vérifier notamment si, à la lumière de toutes les clauses figurant dans les CG des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie, ainsi que de la législation nationale prévoyant les droits et les obligations qui pourraient s’ajouter à ceux prévus par les CG en cause, les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés d’une façon claire et compréhensible et, le cas échéant, si les consommateurs disposent d’un droit de mettre fin au contrat.

31      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question qu’il appartient à la juridiction nationale statuant dans la procédure en cessation, initiée dans l’intérêt public, au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, d’apprécier, au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive, le caractère abusif d’une clause figurant dans les CG des contrats de consommation par laquelle un professionnel prévoit une modification unilatérale des frais liés au service à fournir, sans pour autant décrire clairement le mode de fixation desdits frais ni spécifier de raison valable de cette modification. Dans le cadre de cette appréciation, ladite juridiction devra vérifier notamment si, à la lumière de toutes les clauses figurant dans les CG des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie, ainsi que de la législation nationale prévoyant les droits et les obligations qui pourraient s’ajouter à ceux prévus par les CG en cause, les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés d’une manière claire et compréhensible et si, le cas échéant, les consommateurs disposent d’un droit de mettre fin au contrat.

Sur la première question

32      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, d’une part, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la constatation de nullité d’une clause abusive faisant partie de CG des contrats de consommation dans le cadre d’une action en cessation, visée à l’article 7 de ladite directive, intentée à l’encontre d’un professionnel dans l’intérêt public et au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, produise, conformément à ladite législation, des effets à l’égard de tous les consommateurs ayant conclu un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG, y compris à l’égard de ceux qui n’étaient pas parties à la procédure en cessation, et, d’autre part, si les juridictions nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national.

33      Afin de répondre à la première partie de cette question, il importe, à titre liminaire, de rappeler que le système de protection mis en œuvre par la directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêt du 15 mars 2012, Perenicová et Perenic, C 453/10, non encore publié au Recueil, point 27 et jurisprudence citée).

34      S’agissant des actions impliquant un consommateur individuel, la Cour a jugé que, eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de la directive oblige les États membres à prévoir que les clauses abusives «ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux». Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 28 et jurisprudence citée).

35      En ce qui concerne des actions en cessation initiées dans l’intérêt public, telles que celle en cause dans l’affaire au principal, il convient de relever que, si la directive ne vise pas à harmoniser les sanctions applicables dans l’hypothèse d’une reconnaissance du caractère abusif d’une clause dans le cadre desdites actions, l’article 7, paragraphe 1, de la directive oblige néanmoins les États membres à veiller à ce que des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

36      Ainsi qu’il ressort du paragraphe 2 de cette disposition, les moyens susmentionnés comprennent la possibilité pour des personnes ou des organisations ayant un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir les tribunaux afin de faire déterminer si des clauses rédigées en vue d’une utilisation généralisée présentent un caractère abusif et d’obtenir, le cas échéant, leur interdiction (voir arrêt du 24 janvier 2002, Commission/Italie, C 372/99, Rec. p. I 819, point 14).

37      À cet égard, il importe d’ajouter que la nature préventive et l’objectif dissuasif des actions en cessation, ainsi que leur indépendance à l’égard de tout conflit individuel concret, impliquent que de telles actions puissent être exercées alors même que les clauses dont l’interdiction est réclamée n’auraient pas été utilisées dans des contrats déterminés (voir arrêt Commission/Italie, précité, point 15).

38      La mise en œuvre effective dudit objectif exige, ainsi que l’a relevé en substance Mme l’avocat général au point 51 de ses conclusions, que les clauses des CG des contrats de consommation déclarées abusives dans le cadre d’une action en cessation dirigée contre le professionnel concerné, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, ne lient ni les consommateurs qui sont parties à la procédure en cessation ni ceux qui ont conclu avec ce professionnel un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG.

39      Dans l’affaire au principal, la législation nationale prévoit que la déclaration, par une juridiction, de nullité d’une clause abusive figurant dans les CG des contrats de consommation s’applique à tout consommateur ayant conclu un contrat avec un professionnel utilisant cette clause. Ainsi qu’il ressort des éléments du dossier dans l’affaire au principal, l’objet du litige concerne l’utilisation par le professionnel concerné des conditions générales contenant la clause contestée dans des contrats conclus avec plusieurs consommateurs. À cet égard, il importe de constater que, comme l’a relevé Mme l’avocat général aux points 57 à 61 de ses conclusions, une législation nationale telle que celle visée au présent point satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive.

40      En effet, l’application d’une sanction de nullité d’une clause abusive à l’égard de tous les consommateurs qui ont conclu un contrat de consommation auquel s’appliquent les mêmes CG garantit que ces consommateurs ne sont pas liés par ladite clause, sans pour autant exclure d’autres types de sanctions adéquates et efficaces prévues par les législations nationales.

41      En ce qui concerne la seconde partie de la première question portant sur les conséquences que les juridictions nationales sont tenues de tirer d’une constatation, dans le cadre d’une action en cessation, du caractère abusif d’une clause faisant partie des CG des contrats de consommation, il convient d’emblée de rappeler que la faculté pour le juge national d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle constitue un moyen propre à contribuer à la réalisation de l’objectif visé à son article 7 (voir arrêt du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C 168/05, Rec. p. I 10421, point 27 et jurisprudence citée). La nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection que la directive assure aux consommateurs justifient, en outre, que ledit juge soit tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle (voir arrêt Mostaza Claro, précité, point 38).

42      Les juridictions nationales qui constatent le caractère abusif d’une clause des CG sont tenues, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive, de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national, afin que les consommateurs ne soient pas liés par ladite clause (voir arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

43      Il en ressort que, lorsque le caractère abusif d’une clause faisant partie des CG des contrats de consommation a été reconnu dans le cadre d’une action en cessation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, les juridiction nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG.

44      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens que:

–        il ne s’oppose pas à ce que la constatation de nullité d’une clause abusive faisant partie des CG des contrats de consommation dans le cadre d’une action en cessation, visée à l’article 7 de ladite directive, intentée à l’encontre d’un professionnel dans l’intérêt public et au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, produise, conformément à ladite législation, des effets à l’égard de tous les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG, y compris à l’égard des consommateurs qui n’étaient pas parties à la procédure en cessation;

–        lorsque le caractère abusif d’une clause des CG a été reconnu dans le cadre d’une telle procédure, les juridictions nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national, afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes CG.

Sur les dépens

45      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      Il appartient à la juridiction de renvoi statuant dans la procédure en cessation, initiée dans l’intérêt public, au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, d’apprécier, au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, le caractère abusif d’une clause figurant dans les conditions générales des contrats de consommation par laquelle un professionnel prévoit une modification unilatérale des frais liés au service à fournir, sans pour autant décrire clairement le mode de fixation desdits frais ni spécifier de raison valable de cette modification. Dans le cadre de cette appréciation, ladite juridiction devra vérifier notamment si, à la lumière de toutes les clauses figurant dans les conditions générales des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie, ainsi que de la législation nationale prévoyant les droits et les obligations qui pourraient s’ajouter à ceux prévus par les conditions générales en cause, les raisons ou le mode de variation des frais liés au service à fournir sont spécifiés d’une manière claire et compréhensible et si, le cas échéant, les consommateurs disposent d’un droit de mettre fin au contrat.

2)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphes 1 et 2, de cette directive, doit être interprété en ce sens que:

–        il ne s’oppose pas à ce que la constatation de nullité d’une clause abusive faisant partie des conditions générales des contrats de consommation dans le cadre d’une action en cessation, visée à l’article 7 de ladite directive, intentée à l’encontre d’un professionnel dans l’intérêt public et au nom des consommateurs, par un organisme désigné par la législation nationale, produise, conformément à ladite législation, des effets à l’égard de tous les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes conditions générales, y compris à l’égard des consommateurs qui n’étaient pas parties à la procédure en cessation;

–        lorsque le caractère abusif d’une clause des conditions générales des contrats a été reconnu dans le cadre d’une telle procédure, les juridictions nationales sont tenues, également dans le futur, d’en tirer d’office toutes les conséquences qui sont prévues par le droit national, afin que ladite clause ne lie pas les consommateurs ayant conclu avec le professionnel concerné un contrat auquel s’appliquent les mêmes conditions générales.

Signatures

Dans l’affaire C‑453/10,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Okresný súd Prešov (Slovaquie), par décision du 31 août 2010, parvenue à la Cour le 16 septembre 2010, dans la procédure

X…, Y…

contre

S…,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Safjan (rapporteur), A. Borg Barthet, E. Levits et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 septembre 2011,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme Pereničová et M. Perenič, par Mes I. Šafranko et A. Motyka, advokáti,

–        pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. F. Díez Moreno, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Rozet, A. Tokár et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), et des dispositions de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149, p. 22), ainsi que sur l’incidence que l’application de la directive 2005/29 pourrait avoir sur la directive 93/13.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme X… et M. Y… à S…, établissement non bancaire accordant des crédits à la consommation, au sujet d’un contrat de crédit conclu entre les intéressés et cette société.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

La directive 93/13

3        Les septième, seizième, vingtième ainsi que vingt et unième considérants de la directive 93/13 prévoient respectivement:

«considérant que les vendeurs de biens et les prestataires de services seront, de cette façon, aidés dans leur activité de vente de biens et des prestations de services, à la fois dans leur propre pays et dans le marché intérieur; que la concurrence sera ainsi stimulée, contribuant de la sorte à accroître le choix des citoyens de la Communauté, en tant que consommateurs;

[…]

considérant […] que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes;

[…]

considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses […];

considérant que les États membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel; que, si malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas le consommateur, et le contrat continuera à lier les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives».

4        Aux termes de l’article 3 de la directive 93/13:

«1.      Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[…]

3.      L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

5        L’article 4 de cette directive prévoit:

«1.      […] [L]e caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

6        L’article 5 de ladite directive dispose:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. […]»

7        Aux termes de l’article 6 de la même directive:

«1.      Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.

[…]»

8        L’article 8 de la directive 93/13 énonce:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.»

9        L’annexe de la directive 93/13 énumère les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de cette dernière:

«1.      Clauses ayant pour objet ou pour effet:

[…]

i)      [de] constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat;

[…]»

La directive 2005/29

10      L’article 2 de la directive 2005/29 est rédigé dans les termes suivants:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

c)      ‘produit’: tout bien ou service, y compris les biens immobiliers, les droits et les obligations;

d)      ‘pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs’ (ci-après également dénommées ‘pratiques commerciales’): toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs;

e)      ‘altération substantielle du comportement économique des consommateurs’: l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement;

[…]

k)      ‘décision commerciale’: toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire d’un produit ou d’exercer un droit contractuel en rapport avec le produit; une telle décision peut amener le consommateur, soit à agir, soit à s’abstenir d’agir;

[…]»

11      L’article 3 de cette directive énonce:

«1.      La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.

2.      La présente directive s’applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats.

[…]

4.      En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques.

5.      Pendant une période de six ans à compter du 12 juin 2007, les États membres ont la faculté de continuer à appliquer des dispositions nationales dont la présente directive opère le rapprochement, plus restrictives ou plus rigoureuses que la présente directive et qui mettent en œuvre des directives incluant des clauses d’harmonisation minimale. Ces mesures doivent être essentielles pour garantir que les consommateurs soient protégés de manière adéquate contre les pratiques commerciales déloyales et doivent être proportionnées à cet objectif à atteindre. […]

[…]»

12      L’article 5 de ladite directive prévoit:

«1.      Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2.      Une pratique commerciale est déloyale si:

a)      elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b)      elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

3.      Les pratiques commerciales qui sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique d’un groupe clairement identifiable de consommateurs parce que ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la pratique utilisée ou au produit qu’elle concerne en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, alors que l’on pourrait raisonnablement attendre du professionnel qu’il prévoie cette conséquence, sont évaluées du point de vue du membre moyen de ce groupe. […]

4.      En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont:

a)      trompeuses au sens des articles 6 et 7,

ou

b)      agressives au sens des articles 8 et 9.

[…]»

13      Aux termes de l’article 6 de la même directive:

«1.      Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement:

[…]

d)      le prix ou le mode de calcul du prix, ou l’existence d’un avantage spécifique quant au prix;

[…]»

14      L’article 7 de la directive 2005/29 énonce:

«1.      Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

2.      Une pratique commerciale est également considérée comme une omission trompeuse lorsqu’un professionnel, compte tenu des aspects mentionnés au paragraphe 1, dissimule une information substantielle visée audit paragraphe ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou lorsqu’il n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l’un ou l’autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

[…]»

15      L’article 11 de cette directive dispose:

«1.      Les États membres veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions de la présente directive dans l’intérêt des consommateurs.

[…]»

16      Aux termes de l’article 13 de ladite directive:

«Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en œuvre pour en assurer l’exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.»

La réglementation nationale

17      L’article 52 du code civil slovaque énonce:

«1)      Il convient d’entendre par ‘contrat conclu avec un consommateur’ tout contrat, quelle qu’en soit la forme juridique, conclu entre un fournisseur et un consommateur.

2)      Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur ainsi que toute autre disposition régissant une relation juridique dans laquelle un consommateur s’est engagé s’appliquent toujours dans un sens favorable au consommateur partie au contrat. Les conventions ou accords contractuels distincts dont le contenu ou la finalité visent à tourner ces dispositions sont dénuées de validité.

[…]

4)      Il convient d’entendre par ‘consommateur’ toute personne physique qui, pour la conclusion et l’exécution d’un contrat de consommation, n’agit pas dans le cadre de son activité commerciale ou d’une autre activité économique.»

18      L’article 53 de ce code prévoit:

«1)      Un contrat conclu avec un consommateur ne doit pas contenir de dispositions créant, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties contractantes (clause abusive). N’est pas considérée comme abusive une clause contractuelle relative à l’objet principal de l’exécution et à l’adéquation du prix, si cette clause est formulée de façon précise, claire et compréhensible, ou si la clause abusive a fait l’objet d’une négociation individuelle.

[…]

4)      Sont considérées comme des clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur notamment les dispositions qui:

[…]

k)      imposent, à titre de pénalité, au consommateur qui n’a pas satisfait à ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé,

[…]

5)      Les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur sont dénuées de validité.»

19      L’article 4 de la loi n° 258/2001 relative aux crédits à la consommation dispose:

«1)      Le contrat de crédit à la consommation doit être établi par écrit, sous peine d’invalidité, et le consommateur en reçoit un exemplaire.

2)      Le contrat de crédit à la consommation doit contenir, outre des éléments généraux,

[…]

j)      le taux annuel effectif global [ci-après le ‘TAEG’] et le total des frais associés au crédit à la charge du consommateur, calculés sur la base de données valables au moment de la conclusion du contrat,

[…]

Si le contrat de crédit à la consommation ne contient pas les éléments indiqués au paragraphe 2, [sous] j), le crédit consenti est réputé exempt d’intérêts et de frais.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      Par leur recours, les requérants au principal demandent à la juridiction de renvoi de constater la nullité du contrat de crédit qu’ils ont conclu avec S…, établissement non bancaire accordant des crédits de consommation sur la base de contrats standardisés. Il ressort de la décision de renvoi que le crédit en cause au principal a été accordé aux requérants au principal le 12 mars 2008.

21      En vertu de ce contrat, S… a accordé aux requérants au principal un crédit de 150 000 SKK (4 979 euros) devant être remboursé en 32 versements mensuels de 6 000 SKK (199 euros) auxquels s’ajoute un trente-troisième versement égal au montant du crédit octroyé. Les requérants au principal sont ainsi tenus de rembourser un montant de 342 000 SKK (11 352 euros).

22      Le TAEG a été fixé dans ledit contrat à 48,63 %, alors que, conformément au calcul effectué par la juridiction de renvoi, il est, en réalité, de 58,76 %, S… n’ayant pas inclus dans son calcul des frais afférents au crédit accordé.

23      En outre, il ressort de la décision de renvoi que le contrat en cause au principal contient plusieurs clauses défavorables aux requérants au principal.

24      La juridiction de renvoi relève qu’une déclaration de nullité de ce contrat de crédit à court terme dans son ensemble, prononcée en raison du caractère abusif de certaines de ses clauses, serait plus avantageuse pour les requérants au principal que le maintien de la validité des clauses non abusives dudit contrat. En effet, dans le premier cas, les consommateurs concernés seraient contraints de payer uniquement les intérêts de retard, au taux de 9 %, et non pas l’ensemble des frais afférents au crédit accordé, qui seraient beaucoup plus élevés que ces intérêts.

25      Estimant que la solution du litige dépend de l’interprétation des dispositions pertinentes du droit de l’Union, l’Okresný súd Prešov (tribunal d’arrondissement de Prešov) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le cadre de protection des consommateurs instauré à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 […] autorise-t-il à décider, dans le cas où il existe des clauses abusives dans un contrat conclu avec un consommateur, que le contrat dans son ensemble ne lie pas le consommateur lorsque cela est plus avantageux pour celui-ci?

2)      Les éléments qui caractérisent la pratique commerciale déloyale selon la directive 2005/29 […] permettent-ils de décider que, lorsque l’entrepreneur indique dans le contrat un [TAEG] inférieur à la réalité, ce procédé de l’entrepreneur vis-à-vis du consommateur peut être considéré comme une pratique commerciale déloyale? La directive 2005/29 […] admet-elle, en présence d’une pratique commerciale déloyale constatée, une quelconque incidence sur la validité du contrat de crédit et sur la réalisation de l’objectif des articles 4, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, si l’invalidité du contrat est plus avantageuse pour le consommateur?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il permet aux juridictions nationales de décider, dans le cas où elles constatent l’existence de clauses abusives dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, que ledit contrat dans son ensemble ne lie pas le consommateur au motif que cela est plus avantageux pour ce dernier.

27      Afin de répondre à cette question, il importe à titre liminaire de rappeler que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C‑168/05, Rec. p. I‑10421, point 25; du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, Rec. p. I‑4713, point 22, et du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, Rec. p. I‑9579, point 29).

28      Eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 oblige les États membres à prévoir que les clauses abusives «ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux». Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (voir arrêts Mostaza Claro, précité, point 36; Asturcom Telecomunicaciones, précité, point 30, et du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C‑137/08, non encore publié au Recueil, point 47).

29      En ce qui concerne l’incidence d’une constatation du caractère abusif des clauses contractuelles sur la validité du contrat concerné, il importe de souligner que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, in fine, de la directive 93/13, ledit «contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives».

30      Dans ce contexte, les juridictions nationales qui constatent le caractère abusif des clauses contractuelles sont tenues, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, d’une part, de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national, afin que le consommateur ne soit pas lié par lesdites clauses (voir arrêt Asturcom Telecomunicaciones, précité, points 58 et 59, ainsi que ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, non encore publiée au Recueil, point 62), et, d’autre part, d’apprécier si le contrat concerné peut subsister sans ces clauses abusives (voir ordonnance Pohotovosť, précitée, point 61).

31      En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 28 du présent arrêt et que l’a relevé Mme l’avocat général au point 63 de ses conclusions, l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 93/13 consiste à rétablir l’équilibre entre les parties, tout en maintenant, en principe, la validité de l’ensemble d’un contrat, et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives.

32      S’agissant des critères qui permettent d’apprécier si un contrat peut effectivement subsister sans les clauses abusives, il y a lieu de relever que tant le libellé de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 que les exigences relatives à la sécurité juridique des activités économiques militent en faveur d’une approche objective lors de l’interprétation de cette disposition de sorte que, comme l’a relevé Mme l’avocat général au points 66 à 68 de ses conclusions, la situation de l’une des parties au contrat, en l’occurrence le consommateur, ne saurait être considérée comme le critère déterminant réglant le sort futur du contrat.

33      Par conséquent, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne saurait être interprété en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi puisse se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux, pour le consommateur, de l’annulation dudit contrat dans son ensemble.

34      Cela étant établi, il importe néanmoins de relever que la directive 93/13 n’a procédé qu’à une harmonisation partielle et minimale des législations nationales relatives aux clauses abusives, tout en reconnaissant aux États membres la possibilité d’assurer au consommateur un niveau de protection plus élevé que celui qu’elle prévoit. Ainsi, l’article 8 de ladite directive prévoit expressément la possibilité pour les États membres d’«adopter ou [de] maintenir, dans le domaine régi par la […] directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur» (voir arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, Rec. p. I‑4785, points 28 et 29).

35      Par conséquent, la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce qu’un État membre prévoie, dans le respect du droit de l’Union, une réglementation nationale permettant de déclarer nul dans son ensemble un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur et contenant une ou plusieurs clauses abusives lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur.

36      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi ne saurait se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux pour l’une des parties, en l’occurrence le consommateur, de l’annulation du contrat concerné dans son ensemble. Ladite directive ne s’oppose pas, cependant, à ce qu’un État membre prévoie, dans le respect du droit de l’Union, qu’un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives est nul dans son ensemble lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur.

Sur la seconde question

37      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’indication dans un contrat de crédit à la consommation d’un TAEG inférieur à la réalité est susceptible d’être considérée comme une pratique commerciale déloyale, au sens de la directive 2005/29. En cas de réponse positive à cette question, la Cour est interrogée sur les conséquences qu’il convient de tirer d’une telle constatation aux fins d’apprécier le caractère abusif des clauses de ce contrat, au regard de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, ainsi que la validité dudit contrat dans son ensemble, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de cette dernière directive.

38      Afin de répondre à cette question, il convient, tout d’abord, de rappeler que l’article 2, sous d), de la directive 2005/29 définit, en utilisant une formulation particulièrement large, la notion de «pratique commerciale» comme «toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs» (arrêts du 14 janvier 2010, Plus Warenhandelsgesellschaft, C-304/08, Rec. p. I-217, point 36, et du 9 novembre 2010, Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag, C‑540/08, non encore publié au Recueil, point 17).

39      Ensuite, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2005/29, lu en combinaison avec l’article 2, sous c), de celle-ci, cette directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs avant, pendant ou après une transaction commerciale portant sur tout bien ou service. Conformément à l’article 5, paragraphe 4, de ladite directive, sont déloyales, en particulier, les pratiques trompeuses.

40      Enfin, ainsi qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29, une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects énumérés à cet article 6, point 1, et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Parmi les aspects qui sont visés par cette disposition figure, notamment, le prix ou le mode de calcul du prix.

41      Or, une pratique commerciale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consistant à indiquer dans un contrat de crédit un TAEG inférieur à la réalité constitue une information fausse quant au coût total du crédit et, partant, au prix visé à l’article 6, paragraphe 1, sous d), de la directive 2005/29. Dès lors que l’indication d’un tel TAEG amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, ce qu’il appartient au juge national de vérifier, cette information fausse doit être qualifiée de pratique commerciale «trompeuse», au titre de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive.

42      S’agissant de l’incidence de cette constatation sur l’appréciation du caractère abusif des clauses dudit contrat, au regard de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, il y a lieu de relever que cette disposition définit de façon particulièrement large les critères permettant d’effectuer une telle appréciation, en englobant expressément «toutes les circonstances» qui entourent la conclusion du contrat concerné.

43      Dans ces conditions, ainsi que l’a relevé en substance Mme l’avocat général au point 125 de ses conclusions, la constatation du caractère déloyal d’une pratique commerciale constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif des clauses d’un contrat en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13.

44      Cet élément n’est cependant pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif des clauses litigieuses. En effet, il appartient à la juridiction de renvoi de se prononcer sur l’application des critères généraux énoncés aux articles 3 et 4 de la directive 93/13 à une clause particulière qui doit être examinée en fonction de toutes les circonstances propres au cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten, C-237/02, Rec. p. I-3403, points 19 à 22; Pannon GSM, précité, points 37 à 43; VB Pénzügyi Lízing, précité, points 42 et 43, ainsi que ordonnance Pohotovosť, précitée, points 56 à 60).

45      En ce qui concerne les conséquences à tirer de la constatation selon laquelle l’indication erronée du TAEG constitue une pratique commerciale déloyale aux fins de l’appréciation, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de la validité du contrat concerné dans son ensemble, il suffit de relever que la directive 2005/29 s’applique sans préjudice, conformément à son article 3, paragraphe 2, du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats.

46      Par conséquent, la constatation du caractère déloyal d’une pratique commerciale n’a pas d’incidences directes sur la question de savoir si le contrat est valide au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13.

47      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question qu’une pratique commerciale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consistant à indiquer dans un contrat de crédit un TAEG inférieur à la réalité doit être qualifiée de «trompeuse», au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29, pour autant qu’elle amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Il appartient au juge national de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal. La constatation du caractère déloyal d’une telle pratique commerciale constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, son appréciation du caractère abusif des clauses du contrat relatives au coût du prêt accordé au consommateur. Une telle constatation n’a cependant pas d’incidences directes sur l’appréciation, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de la validité du contrat de crédit conclu. Sur les dépens

48      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi ne saurait se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux pour l’une des parties, en l’occurrence le consommateur, de l’annulation du contrat concerné dans son ensemble. Ladite directive ne s’oppose pas, cependant, à ce qu’un État membre prévoie, dans le respect du droit de l’Union, qu’un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives est nul dans son ensemble lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur.

2)      Une pratique commerciale, telle que celle en cause dans l’affaire au principal, consistant à indiquer dans un contrat de crédit un taux annuel effectif global inférieur à la réalité doit être qualifiée de «trompeuse», au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales»), pour autant qu’elle amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. Il appartient au juge national de vérifier si tel est le cas dans l’affaire au principal. La constatation du caractère déloyal d’une telle pratique commerciale constitue un élément parmi d’autres sur lequel le juge compétent peut fonder, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13, son appréciation du caractère abusif des clauses du contrat relatives au coût du prêt accordé au consommateur. Une telle constatation n’a cependant pas d’incidences directes sur l’appréciation, au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, de la validité du contrat de crédit conclu.

N° de pourvoi: 10-15786
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu que le 28 mai 2008, Mme X… a inscrit sa fille Alicia Y… à l’école technique privée E*** pour l’année scolaire 2008-2009 ; que l’association gérant cet établissement d’enseignement ayant été avisée de l’annulation de l’inscription par lettre reçue le 8 septembre 2008, le père de la jeune fille a demandé le remboursement des sommes versées au titre des frais de préinscription, d’inscription, de dossier, de scolarité et de matériel ; que Mme X… est intervenue à l’instance et a formé cette même demande ; que la juridiction de proximité a déclaré M. Y… irrecevable en son action et a débouté Mme X… de ses prétentions ;

Attendu que pour rejeter la demande de Mme X…, le jugement attaqué retient que celle-ci ne peut soutenir que la clause du contrat faisant obstacle au remboursement sollicité est abusive dès lors qu’elle prévoit la possibilité pour l’élève d’annuler l’inscription avant le 1er septembre, date limite fixée par l’école E*** pour ne pas déséquilibrer ses recettes et dépenses et ne pas désorganiser son fonctionnement car, la rentrée s’effectuant le 18 septembre, elle doit être sûre de ses effectifs pour procéder à l’engagement des professeurs dans le courant de l’été ; que la juridiction de proximité a ajouté que le juste équilibre contractuel apparaissait sauvegardé puisque, selon l’article 3 d), lorsque l’annulation est décidée par l’établissement, l’intégralité des sommes perçues est remboursée si l’effectif minimum de huit élèves n’est pas atteint, les sommes correspondant aux prestations non fournies étant remboursées, « conformément aux articles 1152 et 1231 du code civil », si l’école n’est pas en mesure d’effectuer sa prestation en cours d’année scolaire ;

Qu’en statuant ainsi alors que l’article 3 des conditions générales d’inscription énonçant en son paragraphe e) que l’annulation par l’élève avant le 1er septembre « entraînera la perte totale du montant des frais d’inscription et des frais de dossier sous réserve du délai de sept jours après la remise du contrat  » et qu’à partir du 1er septembre, « toute annulation entraînera la facturation de la totalité du montant annuel de la scolarité » a pour effet de créer, au détriment du cocontractant de l’établissement, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce qu’il impose le paiement de l’ensemble des frais afférents à l’année de scolarité en cas d’annulation, pour quelque cause que ce soit, de l’inscription de la part de l’élève lorsque cette annulation intervient après le 1er septembre, tandis que le paragraphe d) de ce même article ouvre au professionnel la faculté d’annuler l’inscription en cours d’année scolaire en ne remboursant qu’une partie des sommes qu’il a reçues, la juridiction de proximité a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de M. Y… et a constaté l’intervention volontaire de Mme X… à l’instance, le jugement rendu le 26 juin 2009, entre les parties, par la juridiction de proximité de Valence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties concernées dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité de Valence, autrement composée ;

Condamne l’association E*** Valence aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’association E*** Valence ; la condamne à payer à Mme X… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille onze.

Sur le moyen unique pris en ses quatre branches :

Attendu que M. X… a souscrit le 26 mars 2007 une offre « X*** » de dégroupage total sur numéro inactif auprès de la société X*** permettant l’accès à internet ADSL moyennant le paiement de la somme de 29,99 euros par mois ; qu’à la suite du refus de France Telecom de mettre en place les opérations de câblage nécessaires, la société X*** n’a été en mesure de câbler la ligne de M. X… que le 2 août 2007 et la facturation des services a été adressée à l’usager à compter du 27 août 2007, date à laquelle est intervenu un technicien de la société X*** ;

Attendu qu’il est fait grief à la juridiction de proximité, (Marseille, 12 janvier 2009), d’avoir débouté M. X… de ses demandes tendant à la réparation du préjudice résultant de la mauvaise exécution du contrat, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l’article 14.1 des conditions générales de vente, « en cas d’inscription au forfait X*** haut débit « par courrier »», au dégroupage total « total X*** », au dégroupage total « total X*** » sur numéro inactif ou en cas de migration vers le dégroupage total « total X*** » ,le contrat prend effet à compter de l’envoi de la lettre de confirmation par voie postale (validation de la souscription) » ; que la juridiction de proximité, qui a par ailleurs constaté que M. X… avait souscrit à l’option dégroupage total, a énoncé « qu’au visa de l’article 14.1 des conditions générales de vente, le contrat ne prend effet qu’à compter de l’acceptation de l’offre par l’usager, matérialisée par la confirmation de son inscription par voie électronique » quand cette stipulation s’applique en cas d’inscription au forfait X*** haut débit « on line » ; qu’ainsi, la juridiction de proximité a dénaturé les conditions générales de vente et, partant, violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services ; que le fournisseur d’accès à Internet ne peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité qu’en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure ; qu’en décidant qu’il appartenait à M. X… de démontrer la faute de la société X***, la juridiction de proximité a inversé la charge de la preuve, violant ainsi l’article L. 121-20-3 du code de la consommation ;

3°/ que le professionnel ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure ; que pour débouter M. X… de ses demandes, la juridiction de proximité s’est bornée à énoncer que le « refus de France Telecom, de mettre en place les opérations de câblage » a fait que « la requise n’a été en mesure que le 2 août 2007, de câbler la ligne de M. X… en dégroupage total » ; qu’en se déterminant ainsi, sans constater que le fait de France Telecom était imprévisible et insurmontable, la juridiction de proximité a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-20-3 du code de la consommation ;

4°/ qu’est abusive la clause exonérant le fournisseur d’accès à Internet des conséquences de ses propres carences qui, au-delà des cas de force majeure ou de fait du cocontractant, a pour effet de dégager ce fournisseur d’accès à Internet de son obligation essentielle qui est une obligation de résultat, d’assurer effectivement l’accès au service promis ; que pour débouter M. X… de ses demandes, la juridiction de proximité a énoncé que « selon les dispositions de l’article 8 des conditions générales de vente (…) France Telecom se réserve le droit de refuser de procéder à une opération technique » ; que dans ses écritures, M. X… faisait valoir que doit être considérée comme abusive la clause des conditions générales de vente rédigées par un fournisseur d’accès à Internet prévoyant la possibilité pour France Telecom de refuser le dégroupage d’une ligne ; qu’en faisant application d’une clause qui, en raison de son caractère abusif, devait être réputée non écrite, la juridiction de proximité a violé ensemble l’article 1134 du code civil et l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Mais attendu que la juridiction de proximité qui a constaté que le contrat n’avait pu être valablement passé qu’à compter du 27 août 2007, date à laquelle le représentant de X*** a estimé que l’installation était en état de fonctionnement et que la société X*** n’ayant procédé à la facturation de ses services qu’à compter de cette date, aucun préjudice financier n’était établi, n’a fait qu’appliquer sans les dénaturer les dispositions de l’article 14.1 des conditions générales du contrat litigieux selon lesquelles « le contrat prend effet à compter de l’envoi de la lettre de confirmation par voie postale (validation de la souscription) sous réserve de la faisabilité technique et en particulier du raccordement à un équipement haut débit et/ou du dégroupage. On rappellera que l’accès aux services est subordonné à la bonne exécution par France Telecom de la prestation de câblage de la ligne. », stipulations qui en se bornant à retarder la prise d’effet du contrat, ne constituent pas une cause exonératoire de responsabilité et ne présentent pas un caractère abusif ; qu’aucun des griefs n’est fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile et l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de M° Le Prado, avocat de M. X… ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille onze.

N° de pourvoi: 10-14633
Non publié au bulletin
Rejet
M. Loriferne (président), président
SCP Gaschignard, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 5 janvier 2010), que M. et Mme ***, assurés auprès de la société S***, aux droits de laquelle intervient la société Assurances *** IARD (l’assureur), ont passé une annonce afin de vendre un véhicule ; qu’à la suite de l’essai effectué, l’une des deux personnes se disant intéressées s’est réinstallée au volant et a pris la fuite ; que l’assureur a dénié sa garantie invoquant l’exclusion prévue à l’article 4-5 des conditions générales du contrat d’assurance aux termes duquel ne sont pas couverts les dommages résultant “- de vols ou tentatives de vol commis alors que les clés se trouvent sur le contact ou dans ou sur le véhicule, à moins que le vol ne soit commis par effraction ou escalade d’un lieu privatif, tentative de meurtre ou violences corporelles ; – d’un abus de confiance” ; que M. et Mme *** ont assigné l’assureur devant un tribunal de grande instance ;

Attendu que M. et Mme *** font grief à l’arrêt de les débouter de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si l’assureur n’avait pas renoncé à invoquer la clause d’exclusion de garantie litigieuse en offrant à M. et Mme ***, le 8 mars 2005, de les indemniser à hauteur de 7 122 euros, somme représentant la valeur de remplacement à dire d’expert du véhicule assuré, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

2°/ qu’il incombe à l’assureur qui invoque une exclusion de garantie de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion ; qu’en relevant, pour statuer comme elle l’a fait, que M. et Mme *** ne prouvaient pas que le vol avait eu lieu avec violence, après avoir constaté que la garantie du risque de vol était exclue si les clés se trouvaient sur le contact et si le vol avait lieu sans violence, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du code civil ;

3°/ que le juge ne peut se prononcer sur le caractère abusif d’une exclusion de garantie, sans s’expliquer sur les inconvénients subis par l’assuré comparés aux avantages recueillis par l’assureur au regard de l’ensemble des stipulations du contrat ; qu’en se bornant à affirmer que la clause d’exclusion litigieuse n’était pas abusive compte tenu des limitations qui y étaient apportées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu que l’arrêt retient notamment, par motifs propres et adoptés, que la clause d’exclusion litigieuse ne présente pas un caractère abusif, compte tenu des limitations qui y sont apportées ; que M. *** a déclaré aux services de police le 16 novembre 2004 qu’après avoir fait essayer son véhicule, il en était descendu, ainsi que l’acquéreur potentiel, mais qu’il n’avait pas eu le temps de réagir lorsque ce dernier était remonté dans la voiture et avait pris la fuite ; que M. *** a déclaré le vol à son assureur le 17 novembre 2004 ; que ce n’est qu’à 21 heures 45 le même jour, manifestement après avoir pris connaissance de la clause d’exclusion concernant les vols commis alors que les clés se trouvent sur le contact, que M. *** a fait une nouvelle déclaration à la police en spécifiant qu’au moment où il était sorti de son véhicule le conducteur de la Peugeot 406 avait passé ses bras par la fenêtre, et l’avait retenu par le bras afin de faciliter la fuite de son comparse ; que les auteurs du vol ont été arrêtés ; que celui qui était resté dans le véhicule a précisé qu’il n’avait pas retenu M. *** par le bras, mais avait au contraire monté les vitres, de peur que la victime essaye de le retenir ; que les condamnations ont été prononcées par le tribunal correctionnel pour vol sans violence ; que le vol résulte de la présence des clefs sur le contact, laissées par M. ***, que rien ne permet de mettre en doute la relation très détaillée des circonstances du vol qu’il a effectuée spontanément le jour même de ce vol devant les services de police et rien ne permet de penser qu’il aurait omis de déclarer une des circonstances les plus importantes de ce vol ; que par ailleurs, la procédure pénale qui s’en est ensuivie confirme l’absence de violences lors de la réalisation de ce vol ;

Que de ces constatations et énonciations, dont il résulte, d’une part, que l’enquête et le jugement pénal confirment l’absence de violences lors du vol, d’autre part, que la clause litigieuse, qui impose seulement à l’assuré de prendre des précautions élémentaires contre le vol, n’apporte pas de restriction excessive à sa liberté et ne confère pas en conséquence à l’assureur un avantage excessif, la cour d’appel a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que l’assureur était fondé à se prévaloir de l’exclusion de garantie contractuellement prévue ;

Et attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des productions que M. et Mme *** aient soutenu devant les juges du fond que l’assureur aurait renoncé au bénéfice de l’article 4-5 du contrat d’assurance ;

D’où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable en sa première branche, n’est pas fondé en ses deux dernières ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme *** aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille onze.

Publié au bulletin
Cassation partielle
M. Charruault (président), président
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s)

Attendu que l’association l’U*** a assigné l’association C*** afin d’obtenir la suppression de clauses, qu’elle qualifiait d’abusives ou illicites, figurant dans un contrat de location saisonnière proposé par cette association ; que la Fédération nationale des locations de France C*** est intervenue volontairement à l’instance ; que la cour d’appel a ordonné la suppression, dans le contrat de location saisonnière diffusé sous le label “C***”, de la clause tendant à interdire la détention d’animaux familiers dans les locaux donnés en location et a rejeté les autres demandes ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, après avis de la troisième chambre :

Attendu que l’association C*** et la Fédération nationale des locations de France C*** font grief à l’arrêt attaqué d’ordonner la suppression du contrat de location saisonnière diffusé sous le label “C***” de la clause tendant à interdire la détention d’animaux familiers dans les locaux donnés en location, alors, selon le moyen :

1°/ qu’est irrecevable la demande d’une association de consommateurs contre l’association éditrice d’un modèle de contrat de location saisonnière entre un non professionnel et un particulier comportant une clause prétendument illicite dès lors que cette association ne propose pas elle-même ce contrat aux consommateurs et n’est pas partie à ce contrat de location saisonnière, quand bien même cette clause serait destinée aux consommateurs ; qu’en retenant que l’U*** était recevable à agir à l’encontre de l’association C*** et la Fédération nationale des locations de France C*** en suppression d’une clause illicite contenue dans un contrat de location saisonnière entre un propriétaire non professionnel et un consommateur auquel ces dernières ne sont pas parties du seul fait que cette clause est destinée aux consommateurs, peu important qu’elle soit proposée ou non par le professionnel, la cour d’appel a violé l’article L. 421-6 du code de la consommation ainsi que les articles 1134 et 1165 du code civil ;

2°/ que l’interdiction formulée par l’article 10 de la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970 d’insérer dans un contrat de location toute stipulation tendant à exclure la détention d’un animal familier ne concerne que les locaux d’habitation ; que cette interdiction n’est pas applicable dans le cas d’une location saisonnière à laquelle une location d’habitation ne peut être assimilée ; qu’en décidant que devait être supprimée, comme étant illicite, la clause du contrat permettant au propriétaire d’exclure la détention d’un animal familier dans les locaux loués alors même qu’il s’agissait d’une location saisonnière, la cour d’appel a violé derechef, par fausse application, l’article L. 241-6 du Code de la consommation ainsi que l’article 10 de la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970 ;

Mais attendu, d’abord, que l’action préventive en suppression de clauses illicites ouverte aux associations agréées de défense des consommateurs a vocation à s’appliquer aux modèles types de contrats destinés aux consommateurs et rédigés par des professionnels en vue d’une utilisation généralisée ; qu’ensuite, les dispositions impératives de l’article 10-1 de la loi du 9 juillet 1970 s’appliquent, par la généralité de leurs termes, aux locations saisonnières qui portent sur des locaux d’habitation ; que c’est à juste titre que la cour d’appel a ordonné la suppression du contrat de location saisonnière diffusé sous le label C*** de la clause, contrevenant à ce texte, offrant la faculté d’interdire la détention d’animaux familiers dans les locaux d’habitation donnés en location ; que le moyen n’est fondé en aucun de ses griefs ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu les articles L. 132-1 et L. 421-6 du code de la consommation ;

Attendu que l’action préventive en suppression de clauses abusives ouverte aux associations agréées de défense des consommateurs a vocation à s’appliquer aux modèles types de contrats destinés aux consommateurs et rédigés par des professionnels en vue d’une utilisation généralisée ;

Attendu que pour retenir l’irrecevabilité de l’action en suppression de clauses abusives engagée par l’U*** à l’encontre de l’association C*** et de la Fédération nationale des locations de France C***, l’arrêt relève qu’il n’est pas contesté que ces associations, ayant la qualité de professionnels participant à l’industrie du tourisme et des loisirs, n’effectuent aucune location et n’interviennent pas directement auprès des locataires et ajoute, par motifs adoptés, que l’absence de trace de leur intervention directe aux contrats de location saisonnière ne permet pas d’envisager que les consommateurs soient confrontés à ces associations en tant que victimes d’éventuels abus de leur part, faute de bénéficier de prestations effectives et rémunérées en tant que telles, avant, pendant ou après la location ;

En quoi la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il ordonne la suppression du contrat de location saisonnière diffusé sous le label C*** de la clause illicite tendant à interdire la détention d’animaux familiers dans les locaux donnés en location, en ce qu’il dit n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte et en ce qu’il donne acte à la Fédération nationale des locations de France C*** et à l’association C*** de leur engagement de procéder à diverses modifications des conditions générales du contrat-type de location saisonnière C***, l’arrêt rendu le 15 janvier 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;

Condamne l’association C*** et la Fédération nationale des locations de France C*** aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille onze.

N° de pourvoi: 10-11806
Non publié au bulletin
Rejet
M. Loriferne (président), président
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Ghestin, avocat(s)

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 113- 1du code des assurances ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. *** (l’assuré) a souscrit un contrat d’assurance sur la vie auprès de la société G*** (l’assureur) dont l’objet était de garantir le paiement de prestations en cas d’incapacité, d’invalidité, d’hospitalisation ou de décès ; que le 28 septembre 1990, le contrat initialement souscrit a été transformé en un contrat dénommé G*** S*** ; que M. *** , licencié en 2002 pour inaptitude physique consécutive à un accident du travail, s’est vu reconnaître par la Cotorep un taux d’incapacité de 80 % ; qu’il a sollicité la mise en œuvre de la garantie « invalidité permanente totale » prévue par le contrat G*** S*** ; que le 25 avril 2005, les parties ont signé un avenant, à effet au 28 septembre 1990, aux termes duquel les risques résultant de toute atteinte discale et/ ou vertébrale et ses conséquences ne sont pas garanties ; que par suite du refus de garantie de l’assureur au motif de la fausse déclaration dans le questionnaire de santé du 3 mars 1988 faite par M. *** , l’assuré l’a assigné devant un tribunal de grande instance ;

Attendu que M. *** fait grief à l’arrêt de le débouter de l’intégralité de ses demandes tendant au versement de l’indemnité contractuelle en cas d’invalidité alors selon le moyen, que les exclusions de garantie doivent être formelles et limitées ; qu’il résulte des constatations des juges du fond que l’avenant du 25 avril 2005 excluait de façon générale les risques résultant de toute atteinte discale et/ ou vertébrale et ses conséquences ; qu’en déboutant M. *** de ses demandes à la faveur de cet avenant qui stipulait une exclusion de garantie qui n’était pas formelle et limitée, la cour d’appel a violé l’article L. 131-1, alinéa 1er, du code des assurances ;

Mais attendu que l’arrêt retient notamment, par motifs propres et adoptés, que l’assureur soutient qu’après la découverte des antécédents médicaux de M. *** , il lui a proposé de maintenir les effets du contrat en excluant toute atteinte discale ou vertébrale et leurs conséquences, ce qu’il a accepté en signant l’avenant litigieux le 25 avril 2005 ; qu’il résulte du rapport d’expertise que M. *** , souffrant de hernie discale, a subi des interventions chirurgicales, notamment en 1977 et en 1987 ; que par conséquent, il ne pouvait de bonne foi répondre négativement à la question de savoir s’il avait subi des interventions chirurgicales ; qu’il ne justifie par aucun élément avoir déclaré les deux hospitalisations à son assureur, au moment de la souscription du contrat d’assurance ; qu’en conséquence, l’avenant du 25 avril 2005 n’est pas une clause abusive mais une modification du contrat initial justifiée par la fausse déclaration qui laisse à M. *** la possibilité d’être indemnisé pour toute autre pathologie que celle relative aux atteintes discales et/ ou vertébrales ;

Que de ces constatations et énonciations, dont il ressort que la clause d’exclusion litigieuse était formelle et limitée et qu’elle n’annulait pas les effets de la garantie accordée par le contrat souscrit, la cour d’appel a exactement déduit que cet avenant devait recevoir application ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. *** aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille onze.