Audience publique du mercredi 1 octobre 2014
N° de pourvoi: 13-21801
Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, courant novembre 2008, l’association union A… a assigné la mutuelle B… pour faire juger illicites et abusives vingt-trois clauses du contrat de résident proposé par celle-ci aux résidents de l’EHPAD « Les Solambris », faire condamner celle-ci à les supprimer de ses contrats et obtenir réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs par l’utilisation de ces clauses, qu’un jugement du 11 octobre 2010, assorti de l’exécution provisoire, a déclaré illicites ou abusives onze clauses, les a réputées non écrites, ordonné leur suppression sous astreinte et la publication du jugement, et condamné la mutuelle B… à verser à l’association union A… la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, que, courant avril 2011, la mutuelle B… a communiqué à l’association union A… une version modifiée de son contrat type dont le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Grenoble a, par jugement du 27 avril 2012, constaté qu’il conservait quatre clauses illicites et abusives, et liquidé l’astreinte, que l’association union A… a interjeté appel du jugement du 11 octobre 2010 du chef des six clauses que celui-ci n’avait pas estimées abusives ou illicites ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article L. 421-6 du code de la consommation ;

Attendu que, pour débouter l’association union A… de sa demande en suppression de « six autres clauses de l’ancien contrat de séjour », l’arrêt constate qu’elle ne conclut pas sur les dispositions de ce nouveau contrat et que la cour d’appel n’est donc pas saisie d’une demande de suppression des clauses qu’il contient ;

Qu’en statuant ainsi, alors, d’une part, que l’association union A… avait, dans le dispositif de ses conclusions d’appel, sollicité la suppression de clauses illicites ou abusives sans limiter sa demande à l’ancien contrat, d’autre part, que le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen emporte cassation par voie de conséquence du deuxième moyen dès lors que le préjudice collectif subi par l’association union A… dépend du nombre de clauses abusives figurant dans les contrats proposés aux consommateurs ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen qui n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare sans objet la demande d’interdiction de l’usage à l’avenir des clauses contenues dans le contrat de séjour proposé jusqu’au 19 avril 2011 par la mutuelle B… gestionnaire de l’EHPAD en l’état de son nouveau contrat de séjour et de son nouveau règlement de fonctionnement, et en ce qu’il déboute l’association union A… de sa demande en suppression de « six autres clauses de l’ancien contrat de séjour de l’EHPAD », l’arrêt rendu le 7 mai 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne la mutuelle B… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l’association union A… la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.

Audience publique du mercredi 1 octobre 2014
N° de pourvoi: 12-27214
Non publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
Me Haas, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article 2 du code civil, ensemble l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte notarié du 18 février 1989, M. X… a contracté un prêt immobilier auprès de la société A…, aux droits de laquelle vient la société B… (la banque) ; qu’aux termes du même acte, l’emprunteur a adhéré à l’assurance de groupe souscrite par le prêteur auprès de la société C… (l’assureur) couvrant les risques décès, incapacité de travail et perte d’emploi ; que la garantie relative à ce dernier risque prévoyait le « report en fin de prêt des mensualités venant à échéance pendant la période de chômage » ; que certaines mensualités ont été reportées en fin de prêt suite au chômage de l’emprunteur, auquel la banque a demandé, au terme convenu du prêt, de payer la somme correspondant au montant des mensualités reportées ; que M. X… a assigné la banque et l’assureur afin que soit déclarée abusive la clause de report stipulée au contrat ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que la clause litigieuse n’apparaît pas abusive en l’absence de déséquilibre significatif avéré entre les droits et obligations des parties, après avoir énoncé qu’il résultait des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a soumis le contrat litigieux à une disposition qui n’existait pas au moment de sa conclusion, violant, par refus d’application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi principal ni sur le pourvoi incident éventuel :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 août 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Limoges ;

Condamne la société B… et la société C… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société B… et la société C…, condamne celles-ci à payer chacune la somme de 1 500 euros à M. X… ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 septembre 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives – Contrat de crédit à la consommation – Article 1er, paragraphe 2 – Clause reflétant une disposition législative impérative – Champ d’application de la directive – Articles 3, paragraphe 1, 4, 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1 – Garantie de la créance par une sûreté sur un bien immobilier – Possibilité de réaliser cette sûreté au moyen d’une vente aux enchères – Contrôle juridictionnel»

Dans l’affaire C‑34/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský súd v Prešove (Slovaquie), par décision du 20 décembre 2012, parvenue à la Cour le 23 janvier 2013, dans la procédure

Monika Kušionová

contre

A Capital a.s,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 juin 2014,

considérant les observations présentées:

– pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. A. Tokár et M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des directives 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), et 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (JO L 149, p. 22), à la lumière de l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») ainsi que de l’arrêt Simmenthal (106/77, EU:C:1978:49).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme B… à A Capital a.s (ci-après société A…) au sujet des modalités de réalisation d’une sûreté constituée en garantie d’un contrat de prêt hypothécaire et de la licéité des clauses figurant dans ce contrat.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 7 de la Charte prévoit que «[t]oute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications».

4 L’article 38 de la Charte dispose qu’un niveau élevé de protection des consommateurs est assuré dans les politiques de l’Union européenne.

5 L’article 47 de la Charte énonce à son premier alinéa:

«Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.»

6 Les douzième à quatorzième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13 sont libellés comme suit:

«considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du [traité CE], d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive;

considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives; que, par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives […]; que, à cet égard, l’expression ‘dispositions législatives ou réglementaires impératives’ figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu;

considérant, toutefois, que les États membres doivent veiller à ce que des clauses abusives n’y figurent pas […]

[…]

considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs».

7 L’article 1er de la directive 93/13 prévoit:

«1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2. Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives […] ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive.»

8 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

9 L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive dispose: «(l)es États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux […]».

10 L’article 7, paragraphe 1, de la même directive énonce:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

Le droit slovaque

11 Aux termes de l’article 151j, paragraphe 1, du code civil:

«Si une créance garantie par une sûreté n’est pas honorée de manière régulière et dans le respect des délais, le créancier garanti peut entamer l’exécution de la sûreté. Dans le cadre de l’exécution de la sûreté, le créancier garanti peut être désintéressé de la manière spécifiée dans le contrat ou au moyen d’une vente aux enchères de la sûreté conformément à une loi particulière […] ou revendiquer le désintéressement par la vente de la sûreté conformément aux dispositions légales particulières […], sous réserve des dispositions contraires de la présente loi ou d’une loi particulière.»

12 La juridiction de renvoi indique que ledit paragraphe 1 comporte une première note en bas de page, insérée après les termes «conformément à une loi particulière», qui renvoie à la loi n° 527/2002, relative aux ventes aux enchères volontaires, complétant la loi du Conseil national slovaque n° 323/1992, relative aux notaires et à l’activité notariale (code des notaires), telle que modifiée (ci-après la «loi relative aux ventes aux enchères volontaires»), et une seconde note, figurant après les termes «dispositions légales particulières», laquelle renvoie au code de procédure civile et au code des voies d’exécution.

13 L’article 151m du code civil prévoit:

«1) Le créancier garanti peut vendre la sûreté de la manière spécifiée dans le contrat de sûreté ou au moyen d’une vente aux enchères au plus tôt 30 jours après la date de notification de l’exécution de la sûreté au garant et au débiteur, si la personne du débiteur n’est pas identique à la personne du garant, sauf mention contraire dans une loi spécifique […]

2) Le garant et le créancier garanti peuvent, après la notification de l’exécution de la sûreté, convenir que le créancier garanti est en droit de vendre la sûreté de la manière spécifiée dans le contrat de sûreté ou au moyen d’une vente aux enchères même avant l’expiration du délai prévu au paragraphe 1.

3) Le créancier garanti qui a engagé l’exécution de la sûreté dans l’objectif de satisfaire sa créance de la manière précisée dans le contrat de sûreté peut à tout moment lors de l’exécution de la sûreté changer le mode d’exécution et mettre la sûreté en vente aux enchères ou exiger d’être désintéressé par la vente de la sûreté conformément à des dispositions légales particulières. Le créancier garanti est tenu d’informer le garant du changement de mode d’exécution de la sûreté.»

14 En vertu de l’article 74, paragraphe 1, du code de procédure civile, le juge peut ordonner des mesures provisoires s’il est nécessaire de régler temporairement les rapports entre les parties ou s’il existe un risque que l’exécution de la décision de justice soit compromise. Conformément à l’article 76, paragraphe 1, de ce code, le juge peut imposer à une partie des mesures provisoires, notamment «afin qu’elle effectue quelque chose, afin qu’elle s’abstienne de faire quelque chose ou qu’elle tolère quelque chose».

15 La loi relative aux ventes aux enchères volontaires définit, à son article 6, le commissaire-priseur comme étant «la personne qui organise la vente aux enchères et qui remplit les conditions fixées par la présente loi particulière, l’autorisant à exercer l’activité en cause», et à son article 7, paragraphe 1, le demandeur de la vente aux enchères, comme étant le propriétaire de l’objet de la vente, le créancier garanti, ou toute autre personne qui est autorisée à proposer l’exécution d’une vente aux enchères en vertu d’une loi particulière.

16 Concernant plus spécifiquement le créancier garanti, l’article 7, paragraphe 2, de la même loi énonce qu’il est tenu de déclarer par écrit, non seulement que l’objet de la vente peut être vendu aux enchères, mais également la réalité, le montant et l’échéance de la créance pour laquelle est proposée l’exécution du droit de sûreté en application de cette loi.

17 Selon l’article 16, paragraphe 1, de ladite loi, une mise en vente aux enchères ne peut être réalisée que sur la base d’une convention signée entre la personne ayant proposé la vente et l’adjudicateur.

18 En vertu de l’article 17 de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, l’adjudicateur est tenu d’annoncer par un avis la mise en vente aux enchères. Si l’objet de la vente est un appartement, une maison, un autre immeuble, une entreprise ou l’une de ses divisions, ou si l’enchère la plus basse est supérieure à 16 550 euros, l’adjudicateur publie l’avis au registre des ventes publiques au moins 30 jours avant le début de la vente aux enchères, et transmet également, sans retard indu, l’avis de vente aux enchères au ministère pour publication au Journal officiel du commerce. L’avis de vente aux enchères est également transmis à la personne ayant proposé la vente aux enchères, au débiteur du créancier garanti, au propriétaire du bien mis en vente aux enchères, si celui-ci n’est pas le débiteur.

19 Dans l’hypothèse où l’objet de la vente aux enchères est un appartement, une maison, un autre immeuble, l’article 20, paragraphe 13 de ladite loi dispose que le déroulement de cette vente doit être consigné dans un acte notarié, dans lequel le notaire signale également l’obligation qui incombe au propriétaire précédent conformément à l’article 29, paragraphe 2, première phrase, de cette loi.

20 L’article 21, paragraphe 2, de la même loi prévoit que, en cas d’infraction aux dispositions de celle-ci, la personne s’estimant lésée peut demander au juge de déclarer la nullité de la vente aux enchères. Le droit de saisir le juge d’une demande d’annulation s’éteint toutefois s’il n’est pas exercé dans les trois mois suivant l’adjudication, sauf si les motifs de l’annulation sont liés à la commission d’un délit pénal et que la vente concerne une maison ou un appartement dans lequel le propriétaire précédent était officiellement domicilié.

21 L’article 21, paragraphe 4, de la loi susmentionnée précise que les parties à la procédure visant à l’annulation d’une vente aux enchères en vertu du paragraphe 2 de cet article sont la personne ayant proposé la vente, l’adjudicateur, l’adjudicataire, le propriétaire précédent et la personne alléguant une violation de ses droits conformément à ce même paragraphe 2.

22 En cas de défaillance de l’adjudicataire ou si le juge déclare la vente nulle, le paragraphe 5 dudit article 21 prévoit que l’adjudication est réputée sans effet à compter du jour où elle a été prononcée.

23 En cas de vente aux enchères d’un bien en vertu de l’article 20, paragraphe 13, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, l’article 29, paragraphe 2, de celle-ci dispose, tout d’abord, que le propriétaire précédent est tenu de remettre, sans retard indu, l’objet de la vente aux enchères, sur présentation de la copie certifiée conforme de l’acte notarié et justification de l’identité de l’adjudicataire conformément aux conditions mentionnées dans l’avis de vente publique. Ensuite, l’adjudicateur est tenu de dresser sur place un procès-verbal de remise du bien vendu. Enfin, ce procès-verbal comporte notamment une description détaillée de l’état du bien et des circonstances dans lesquelles les droits et obligations attachés à l’objet de la vente et, le cas échéant, à ses accessoires ont été transférés.

24 L’article 32, paragraphe 1, de ladite loi, prévoit que, sauf dispositions contraires, les bénéfices de la vente aux enchères, après remboursement des frais, désintéressement du créancier garanti et paiement de la somme résultant des enchères, sont versés sans retard indu par l’adjudicateur au propriétaire précédent.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25 Le 26 février 2009, Mme B… a conclu avec société A…l un contrat de crédit à la consommation portant sur un montant de 10 000 euros. À titre de garantie de la créance, une sûreté immobilière a été constituée sur la maison familiale dans laquelle réside la requérante au principal.

26 Cette dernière a saisi l’Okresný súd Humenné (tribunal d’arrondissement d’Humenné) d’un recours en annulation du contrat de crédit et du contrat constitutif de sûreté, dirigé contre société A…l, en invoquant le caractère abusif des clauses contractuelles la liant à cette entreprise. Cette juridiction de première instance a annulé en partie le contrat de crédit, en constatant que certaines clauses contractuelles étaient abusives. Le contrat constitutif de sûreté a, quant à lui, été annulé dans son intégralité. Les deux parties ont interjeté appel de ce jugement devant le Krajský súd v Prešove (cour régionale de Prešov).

27 La juridiction de renvoi cherche à déterminer si l’une des clauses du contrat constitutif de sûreté, à savoir celle relative à la réalisation extrajudiciaire de la sûreté grevant le bien immobilier donné en garantie par le consommateur, présente un caractère abusif et rappelle que ladite clause permet au créancier de réaliser la sûreté constituée sans qu’intervienne un contrôle juridictionnel.

28 Dans le cadre de cette appréciation, le juge de renvoi a cependant relevé une difficulté supplémentaire dans la mesure où la clause concernée découle d’une norme légale, à savoir l’article 151j du code civil.

29 Les clauses contractuelles dont la juridiction de renvoi doit assurer le contrôle étant susceptibles d’être qualifiées d’abusives au sens de la directive 93/13 et l’une de ces clauses étant d’origine légale, cette juridiction considère que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation du droit de l’Union.

30 C’est dans ces conditions que le Krajský súd v Prešove a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) À la lumière de l’article 38 de la [Charte], doit-on interpréter la [directive 93/13] et la [directive 2005/29] en ce sens qu’est contraire à ces directives une réglementation d’un État membre, tel l’article 151j, paragraphe 1, du code civil, combiné à d’autres dispositions de la réglementation applicable en l’espèce, qui permet au créancier de recouvrer des sommes découlant de clauses abusives par l’exécution d’une sûreté immobilière grevant les biens immobiliers du consommateur sans appréciation des clauses contractuelles par une juridiction, en dépit de l’existence d’un litige portant sur la question de savoir s’il s’agit d’une clause abusive?

2) Les dispositions légales de l’Union européenne citées [dans la première question] s’opposent-elles à l’application d’une règle interne, tel l’article 151j, paragraphe 1, du code civil, combiné à d’autres dispositions de la réglementation applicable en l’espèce, qui permet au créancier de recouvrer des sommes découlant de clauses abusives par l’exécution d’une sûreté immobilière grevant le bien immobilier du consommateur sans appréciation des clauses contractuelles par une juridiction, en dépit de l’existence d’un litige portant sur la question de savoir s’il s’agit d’une clause abusive?

3) L’arrêt de la Cour [Simmenthal, EU:C:1978:49], doit-il être interprété en ce sens que, aux fins des objectifs des directives citées [dans la première question] et à la lumière de l’article 38 de la [Charte], la juridiction nationale n’applique pas des dispositions internes, tel l’article 151j, paragraphe 1, du code civil, combiné à d’autres dispositions de la réglementation applicable en l’espèce, qui permet au créancier de recouvrer des sommes découlant de clauses abusives par l’exécution d’une sûreté immobilière grevant les biens immobiliers du consommateur sans appréciation des clauses contractuelles par une juridiction, et qui lui permet aussi d’éviter le contrôle juridictionnel d’office des clauses contractuelles en dépit de l’existence d’un litige?

4) L’article 4 de la [directive 93/13] doit-il être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu avec un consommateur sans que ce dernier ait été représenté par un avocat, qui permet au créancier d’exécuter, par voie extrajudiciaire, une sûreté immobilière sans contrôle juridictionnel contourne le principe important du droit de l’Union consistant en un contrôle juridictionnel d’office des clauses contractuelles et est, de ce fait, abusive même lorsque le texte d’une telle clause contractuelle découle d’une disposition interne?»

Les développements intervenus postérieurement à l’introduction de la demande de décision préjudicielle

31 Lors de l’audience de plaidoiries du 5 juin 2014, le gouvernement slovaque a informé la Cour que, en raison de l’adoption de la loi n° 106/2014 Z.z., du 1er avril 2014, applicable à tous les contrats en cours d’exécution à partir du 1er juin 2014, les règles procédurales concernant la réalisation des sûretés ont été modifiées.

32 En particulier, l’article V, paragraphe 7, de cette loi aurait complété l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires de sorte que cette disposition serait désormais rédigée comme suit:

«En cas de contestation de la validité du contrat constitutif de sûreté ou d’infraction aux dispositions de la présente loi, la personne alléguant une violation de ses droits du fait de cette infraction peut demander au juge de déclarer la nullité de la vente […]»

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

33 Le gouvernement allemand considère, à titre principal, que les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi à titre préjudiciel sont irrecevables.

34 La juridiction de renvoi ne fournirait, tout d’abord, ni les éléments de fait ni les éléments de droit nécessaires pour que la Cour puisse répondre de façon utile auxdites questions. D’une part, la possible réalisation d’une sûreté sans l’intervention d’un contrôle juridictionnel ne constituerait pas une question portant sur une pratique commerciale déloyale. D’autre part, la juridiction de renvoi ne ferait aucune référence concrète aux dispositions de la directive 2005/29.

35 Ensuite, ces questions constitueraient des questions théoriques dont la réponse ne relèverait pas de la compétence de la Cour. En effet, la sûreté n’ayant pas encore été mise en œuvre par société A…l, la situation décrite par la juridiction de renvoi n’existerait pas.

36 Enfin, la procédure au principal porterait sur la nullité du contrat de prêt et de la convention constitutive de la sûreté. Or, la juridiction de renvoi souhaiterait plutôt obtenir, au moyen de ses deux premières questions, une appréciation de la conformité de dispositions procédurales nationales avec la directive 93/13. Celle-ci ayant pour objet de rapprocher les législations des États membres relatives aux clauses abusives, elle ne viserait donc que les clauses stipulées dans des contrats et non pas les conditions de la réalisation d’une telle sûreté prévues par le droit national.

37 Tout en reconnaissant que la demande de décision préjudicielle comporte certaines lacunes, le gouvernement slovaque estime toutefois que les deux premières questions posées par la juridiction de renvoi sont recevables. Quant à la Commission européenne, elle a fait valoir, lors de l’audience, que les conditions d’irrecevabilité telles que définies par la Cour dans l’ordonnance SKP (C‑433/11, EU:C:2012:702) ne sont pas réunies dans la présente affaire et elle considère, par voie de conséquence, que ces deux questions sont recevables.

38 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, point 27 et jurisprudence citée).

39 En premier lieu, il convient de relever que la première question préjudicielle vise en effet, outre la directive 93/13, la directive 2005/29. Toutefois, comme l’a fait valoir à juste titre le gouvernement allemand, la juridiction de renvoi se contente de citer cette dernière directive sans indiquer la raison pour laquelle son interprétation est nécessaire à la solution du litige au principal. De surcroît, elle ne précise pas non plus dans quelle mesure la procédure de réalisation de la sûreté contestée par la requérante au principal serait susceptible de constituer une pratique commerciale déloyale.

40 S’agissant encore de l’objet de la présente demande de décision préjudicielle, celle-ci concerne la portée des articles 1er, paragraphe 2, 3, paragraphe 1, 4, 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, dispositions en vertu desquelles le législateur de l’Union a, respectivement, prévu une exception au champ d’application de cette directive, défini ce qui constitue une clause abusive, énoncé la règle selon laquelle une clause abusive ne lie pas les consommateurs et précisé que les États membres veillent à ce que des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives.

41 Partant, il sera répondu aux questions posées par la juridiction de renvoi au regard des seules dispositions de la directive 93/13.

42 En second lieu, le fait que la sûreté n’a pas encore été complètement réalisée ne signifie pas que lesdites questions ont un caractère hypothétique. D’une part, la juridiction de renvoi souligne que société A…l a réellement effectué, à l’égard du consommateur, des démarches en vue de procéder à la vente du bien immobilier constitutif de la sûreté. D’autre part, quand bien même la réalisation de la sûreté ne serait pas arrivée à son terme, les questions posées consistent moins à savoir si la vente a été achevée qu’à déterminer si le créancier peut de jure procéder à une telle vente et si le débiteur dispose de voies juridictionnelles afin d’en contester la réalisation.

43 En ce sens, les questions préjudicielles ne sont pas de nature hypothétique et l’interprétation sollicitée des dispositions de la directive 93/13 est nécessaire à la solution du litige au principal.

44 Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de déclarer recevable la demande de décision préjudicielle.

Sur le fond

Sur les première à troisième questions

45 Il importe de préciser que, si la première question ne mentionne que le seul article 38 de la Charte, la présente demande de décision préjudicielle se réfère, en substance, et cite, notamment, au nombre des éléments pertinents du droit de l’Union, l’article 47 de la Charte. Étant donné que les trois premières questions posées par la juridiction de renvoi visent à déterminer le niveau de protection dont bénéficient les consommateurs ainsi que les voies de recours juridictionnel dont ces derniers disposent, il convient d’intégrer cet article parmi les instruments du droit de l’Union dont la juridiction de renvoi demande à la Cour de lui fournir une interprétation.

46 Par ses trois premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, à la lumière des articles 38 et 47 de la Charte, les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet le recouvrement d’une créance, fondée sur des clauses contractuelles éventuellement abusives, par la réalisation extrajudiciaire d’une sûreté grevant le bien immobilier donné en garantie par le consommateur. Dans l’affirmative, cette juridiction cherche à savoir si, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt Simmenthal (EU:C:1978:49), ces dispositions internes doivent être écartées.

47 Il convient, d’une part, de rappeler que l’article 38 de la Charte dispose qu’un niveau élevé de protection des consommateurs est assuré dans les politiques de l’Union. L’article 47 de la Charte concerne le droit à un recours juridictionnel effectif. Ces impératifs valent pour la mise en œuvre de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt Pohotovosť, EU:C:2014:101, point 52).

48 D’autre part, dans sa jurisprudence, la Cour a déjà jugé que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts Pohotovosť, EU:C:2014:101, point 39 et jurisprudence citée; Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 39 et jurisprudence citée ainsi que Sánchez Morcillo et Abril García, C‑169/14, EU:C:2014:2099, point 22).

49 En ce qui concerne l’exécution de garanties accompagnant les contrats de prêt conclus par les consommateurs, force est de constater que la directive 93/13 ne contient aucune indication relative à la réalisation des sûretés.

50 Toutefois, il est de jurisprudence constante que, en l’absence dans le droit de l’Union d’une harmonisation des mécanismes nationaux d’exécution forcée, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre d’établir de telles règles, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 50 et jurisprudence citée, ainsi que Pohotovosť, EU:C:2014:101, point 46).

51 S’agissant du principe d’équivalence, il y a lieu de relever que la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité avec celui-ci de la réglementation en cause dans l’affaire au principal.

52 En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que chaque situation dans laquelle se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysée en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales (arrêt Asociación de Consumidores Independientes de Castilla y León, C‑413/12, EU:C:2013:800, point 34 et jurisprudence citée).

53 En outre, les caractéristiques spécifiques des procédures qui se déroulent dans le cadre national entre les professionnels et les consommateurs ne sauraient constituer un élément susceptible d’affecter la protection juridique dont doivent bénéficier ces derniers en vertu des dispositions de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêts Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que Aziz, EU:C:2013:164, point 62).

54 Il importe donc de déterminer, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans quelle mesure il serait pratiquement impossible ou excessivement difficile d’appliquer la protection conférée par ladite directive.

55 En l’occurrence, il ressort du dossier que l’article 151m, paragraphe 1, du code civil, lu en combinaison avec l’article 17, paragraphe 3, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, prévoit, d’une part, qu’une vente aux enchères peut être contestée dans un délai de 30 jours après la notification de l’exécution de la sûreté et, d’autre part, que la personne qui conteste les modalités de cette vente dispose, en vertu de l’article 21, paragraphe 2, de la même loi, d’un délai de 3 mois, suivant l’adjudication, pour agir.

56 Or, si la directive 93/13 impose, dans les litiges mettant en cause un professionnel et un consommateur, une intervention positive, extérieure aux parties au contrat, du juge national saisi de tels litiges (arrêts Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 39 et jurisprudence citée, ainsi que Pohotovosť, EU:C:2014:101, point 40 et jurisprudence citée), le respect du principe d’effectivité ne saurait aller jusqu’à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (voir, en ce sens, arrêt Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, EU:C:2009:615, point 47).

57 Sous réserve de vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, la combinaison des délais prévus par la législation nationale en cause au principal, tels que rappelés au point 55 du présent arrêt, n’est comparable ni avec le délai de 20 jours en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Banco Español de Crédito (EU:C:2012:349) ni avec les circonstances de l’affaire ayant abouti à l’arrêt Aziz (EU:C:2013:164, points 57 à 59) dans lesquelles le recours du consommateur contre de telles mesures était voué à l’échec.

58 Par ailleurs, afin de préserver les droits que les consommateurs tirent de la directive 93/13, les États membres sont tenus, notamment, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de cette directive, d’adopter des modalités protectrices de manière à faire cesser l’utilisation de clauses qualifiées d’abusives. Cela est d’ailleurs corroboré par le vingt-quatrième considérant de cette directive qui précise qu’à cet effet les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces.

59 Plus particulièrement, selon la jurisprudence constante de la Cour relative au principe de coopération loyale, désormais consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, tout en conservant le choix des sanctions applicables aux violations du droit de l’Union, les États membres doivent notamment veiller à ce que celles-ci aient un caractère effectif, proportionné et dissuasif (voir, en ce sens, arrêt LCL Le Crédit Lyonnais, C‑565/12, EU:C:2014:190, point 44 et jurisprudence citée).

60 En ce qui concerne le caractère effectif et dissuasif, d’une part, les observations écrites soumises à la Cour par le gouvernement slovaque précisent que, au cours d’une telle procédure de réalisation extrajudiciaire d’une sûreté, le juge national compétent pourrait, en vertu des articles 74, paragraphe 1, et 76, paragraphe 1, du code de procédure civile, adopter toute mesure provisoire interdisant la poursuite de l’exécution d’une telle vente.

61 D’autre part, comme il a été rappelé aux points 31 et 32 du présent arrêt, il semble que la loi n° 106/2014, du 1er avril 2014, entrée en vigueur le 1er juin 2014 et applicable à tous les contrats constitutifs de sûreté en cours d’exécution à cette date, ait modifié les règles procédurales applicables à une clause telle que celle en cause au principal. En particulier, l’article 21, paragraphe 2, de la loi relative aux ventes aux enchères volontaires, dans sa rédaction en vigueur, permettrait au juge, en cas de contestation de la validité de la clause de sûreté, de déclarer la nullité de la vente, ce qui, rétrospectivement, placerait le consommateur dans une situation quasiment analogue à sa situation initiale et ne limiterait donc pas la réparation de son préjudice, en cas d’illicéité de la vente, à une simple compensation financière.

62 En ce qui concerne le caractère proportionné de la sanction, il convient d’accorder une attention particulière à la circonstance que le bien concerné par la procédure de réalisation extrajudiciaire de la sûreté en cause au principal est le bien immobilier constituant le logement familial du consommateur.

63 En effet, la perte du logement familial est non seulement de nature à porter gravement atteinte au droit des consommateurs (arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 61), mais elle place également la famille du consommateur concerné dans une situation particulièrement fragile (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour Sánchez Morcillo et Abril García, EU:C:2014:1388, point 11).

64 À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré, d’une part, que la perte d’un logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile et, d’autre part, que toute personne qui risque d’en être victime doit en principe pouvoir faire examiner la proportionnalité de cette mesure (voir arrêts Cour EDH, McCann c. Royaume-Uni, n° 19009/04, § 50, CEDH 2008, et Rousk c. Suède, n° 27183/04, § 137).

65 Dans le droit de l’Union, le droit au logement est un droit fondamental garanti par l’article 7 de la Charte que la juridiction de renvoi doit prendre en considération dans la mise en œuvre de la directive 93/13.

66 S’agissant plus particulièrement des conséquences qu’emporte l’éviction du consommateur et de sa famille du logement constituant leur résidence principale, la Cour a déjà souligné l’importance, pour le juge national compétent, de disposer de mesures provisoires permettant de suspendre une procédure illicite de saisie hypothécaire ou d’y faire échec lorsque l’octroi de telles mesures s’avère nécessaire pour garantir l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 59).

67 En l’espèce, la possibilité pour le juge national compétent d’adopter toute mesure provisoire, telle que celle décrite au point 60 du présent arrêt, semble être en mesure de constituer un moyen adéquat et efficace de faire cesser l’application de clauses abusives, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

68 Il résulte des considérations qui précèdent que les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet le recouvrement d’une créance, fondée sur des clauses contractuelles éventuellement abusives, par la réalisation extrajudiciaire d’une sûreté grevant le bien immobilier donné en garantie par le consommateur, dans la mesure où cette réglementation ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile la sauvegarde des droits que cette directive confère au consommateur, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

69 Au vu de la réponse apportée à la première partie des trois premières questions, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde partie de celles-ci, relative à l’incidence de la jurisprudence issue de l’arrêt Simmenthal (EU:C:1978:49) sur une réglementation nationale permettant la réalisation d’une sûreté par voie extrajudiciaire.

Sur la quatrième question

70 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, alors même que le contenu de cette clause découle d’une disposition législative.

71 À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que la circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt Vicoplus e.a., C‑307/09 à C‑309/09, EU:C:2011:64, point 22 et jurisprudence citée).

72 Ensuite, dans la mesure où la juridiction de renvoi se réfère amplement à l’exclusion du champ d’application de la directive 93/13 des clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives de droit interne, il importe de considérer que, quand bien même il n’est pas fait référence à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive dans la demande de décision préjudicielle, cette disposition est implicitement mais nécessairement visée par la quatrième question préjudicielle. Par conséquent, la présente demande de décision préjudicielle doit être regardée comme visant l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci.

73 Enfin, il est de jurisprudence constante que la Cour peut, dans le cadre de l’exercice de sa compétence en matière d’interprétation du droit de l’Union qui lui est conférée par l’article 267 TFUE, interpréter les critères généraux utilisés par le législateur de l’Union pour définir la notion de clause abusive (voir, en ce sens, ordonnance Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 60 et jurisprudence citée). Cependant, c’est à la juridiction de renvoi qu’il revient de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en découle que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêts Aziz, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée; Kásler et Káslerné Rábai, EU:C:2014:282, point 45 ainsi que ordonnance Sebestyén, C‑342/13, EU:C:2014:1857, point 25).

74 Si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/13 définit le champ d’application de cette directive, le paragraphe 2 du même article prévoit une exclusion pour les clauses reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives.

75 À cet égard, les gouvernements slovaque et allemand suggèrent à la Cour de répondre que la clause contractuelle en cause au principal, à savoir la vente aux enchères volontaire, relève de ladite exclusion. Inversement, la Commission estime que l’effet utile des dispositions de la directive 93/13 serait compromis si une hypothèse, telle que celle en cause au principal, était couverte par une telle exclusion.

76 La Cour a déjà eu l’occasion de rappeler que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 institue une exclusion au champ d’application de celle-ci qui vise les clauses reflétant les dispositions législatives ou réglementaires impératives (voir, en ce sens, arrêt RWE Vertrieb, C‑92/11, EU:C:2013:180, point 25).

77 Comme toute exception, il convient de rappeler, eu égard à l’objectif de ladite directive, à savoir la protection des consommateurs contre les clauses abusives insérées dans les contrats conclus avec ces derniers par les professionnels, qu’elle est d’interprétation stricte.

78 En l’occurrence, il ressort de l’arrêt RWE Vertrieb (EU:C:2013:180) que cette exclusion suppose la réunion de deux conditions. D’une part, la clause contractuelle doit refléter une disposition législative ou réglementaire et, d’autre part, cette disposition doit être impérative.

79 À cet égard, il convient de relever que, aux fins d’établir si une clause contractuelle est exclue du champ d’application de la directive 93/13, il incombe au juge national de vérifier si cette clause reflète les dispositions du droit national qui s’appliquent entre les parties contractantes indépendamment de leur choix ou celles qui sont applicables par défaut, c’est-à-dire en l’absence d’un arrangement différent entre les parties à cet égard (voir, en ce sens, arrêt RWE Vertrieb, EU:C:2013:180, point 26).

80 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, est exclue du champ d’application de cette directive uniquement si ladite clause contractuelle reflète le contenu d’une disposition législative ou réglementaire impérative, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur l’effet du présent arrêt dans le temps

81 Dans l’hypothèse où la Cour parviendrait à la conclusion que les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens que la réalisation par voie extrajudiciaire d’une sûreté, telle que celle en cause au principal, doit obligatoirement être précédée d’un contrôle juridictionnel, le gouvernement slovaque demande à la Cour de limiter dans le temps les effets de cet arrêt.

82 Eu égard à la réponse apportée aux trois premières questions, il n’y a pas lieu de répondre à cette demande du gouvernement slovaque.

Sur les dépens

83 Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux des parties au principal, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1) Les dispositions de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet le recouvrement d’une créance, fondée sur des clauses contractuelles éventuellement abusives, par la réalisation extrajudiciaire d’une sûreté grevant le bien immobilier donné en garantie par le consommateur, dans la mesure où cette réglementation ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile la sauvegarde des droits que cette directive confère au consommateur, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

2) L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle, figurant dans un contrat conclu par un professionnel avec un consommateur, est exclue du champ d’application de cette directive uniquement si ladite clause contractuelle reflète le contenu d’une disposition législative ou réglementaire impérative, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 10 septembre 2014
N° de pourvoi: 12-20931
Non publié au bulletin Rejet

M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président), président
Me Blondel, SCP Ghestin, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 mars 2012), que, victime d’un accident du travail le 20 mai 2007, Mme X… a demandé à la Compagnie Y…… (la société), en exécution du contrat d’assurance de groupe auquel elle avait adhéré, de prendre en charge les mensualités d’un prêt immobilier souscrit auprès de la caisse de Crédit Z… ; que la société a tout d’abord accordé sa garantie, avant de la refuser à compter du 27 novembre 2007 ; que Mme X… a assigné la société afin d’obtenir le rétablissement de la couverture du risque ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen, que dans son rapport d’expertise médicale du 27 novembre 2007, M. Y…, médecin-conseil de la société d’assurance, n’a nullement écrit que Mme X… était capable d’exercer une activité professionnelle autre que celle qui était la sienne au jour du sinistre ; que très loin de prendre parti quant à ce, il s’est borné à conclure son rapport en énonçant que « Mlle X… est en arrêt de travail depuis le 21 mai 2007 suite à un accident survenu dans la nuit du 20 au 21 mai 2007 ayant entraîné une lésion au niveau du tendon extenseur du troisième doigt de la main droite » ; qu’en prétendant tirer de ce rapport une conclusion qui n’y figure absolument pas, la cour d’appel statue au prix d’une dénaturation par adjonction, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de preuve qui lui sont soumis ;

Mais attendu que la cour d’appel s’est manifestement référée à l’examen de contrôle médical du 27 novembre 2007, cité dans le bordereau des pièces communiquées par la société ; qu’aux termes de cet examen, Mme X… est « reconnue totalement capable d’exercer une autre activité professionnelle que celle exercée au jour du sinistre » ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que Mme X… fait encore grief à l’arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’est abusive et doit comme telle être réputée non écrite, la clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui, s’agissant du risque d’incapacité temporaire totale, subordonne la mise en oeuvre et le maintien de la garantie à l’incapacité de l’adhérent « d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non », une définition aussi restrictive du risque d’incapacité temporaire totale revenant à vider de sa substance la garantie qui constitue la contrepartie des primes et/ou à conférer à l’assureur le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser sa garantie selon le contenu qu’il entend conférer à la notion « d’activité quelconque non professionnelle » ; qu’en validant néanmoins cette clause, la cour d’appel viole l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu qu’en vertu de l’article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, selon l’alinéa 7 du même article, l’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu’en l’espèce, la clause relative à la garantie de l’incapacité temporaire totale de travail prévoit que l’assuré bénéficie d’une telle garantie lorsqu’il se trouve, à la suite d’un accident ou d’une maladie dans l’incapacité, reconnue médicalement, d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel; que cette clause, rédigée de façon claire et compréhensible, définit l’objet principal du contrat ; qu’il en résulte que, par application du septième alinéa du texte précité, le grief est inopérant ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que Mme X… fait de nouveau grief à l’arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’est abusive et doit comme telle être réputée non écrite, la clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui subordonne l’octroi ou le maintien des prestations versées en exécution de la garantie incapacité temporaire totale au résultat d’un contrôle médical diligenté par l’assureur, sans que le consommateur ne soit informé de la faculté de se faire assister du médecin de son choix lors de cet examen et d’opposer, le cas échéant, les conclusions de son propre médecin traitant ; qu’en décidant le contraire, au motif impropre qu’aucune disposition légale n’oblige l’assureur à délivrer cette information à l’assuré, la cour d’appel viole de nouveau l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu qu’ayant relevé que l’article 6-4 des conditions générales du contrat d’assurance de groupe souscrit par Mme X… lui offrait la possibilité de solliciter la mise en oeuvre d’une procédure de conciliation et de tierce expertise au cours de laquelle le médecin de son choix pouvait intervenir, la cour d’appel, tenant compte de toutes les autres clauses du contrat, en a exactement déduit que la clause litigieuse ne créait aucun déséquilibre significatif au détriment de l’assuré ; que le grief n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme X…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Mlle Françoise X… de sa demande tendant à ce que la compagnie Y… soit condamnée à reprendre le versement des échéances mensuelles du prêt immobilier contracté par Mlle X… auprès du Crédit Z… à compter du 27 novembre 2007, et ce jusqu’au 6 mars 2011 ;

AUX MOTIFS QUE l’article 4-3-1 des conditions générales du contrat définit l’incapacité temporaire totale comme étant « l’incapacité reconnue médicalement d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non, même à temps partiel » ; que la définition contractuelle de l’incapacité temporaire totale repose sur des critères purement médicaux et ne fait nullement référence aux dispositions du Code du travail ou du code de la sécurité sociale ; que l’article 4-3-3 des conditions générales rappelle que l’assureur n’est pas tenu de suivre les décisions de la sécurité sociale ou d’un organisme assimilé ; que l’utilisation des termes « activité quelconque, professionnelle ou non » démontre clairement que l’assureur n’entendait pas garantir la seule incapacité d’exercer l’activité professionnelle qui était celle de l’assurée au moment de son accident ; qu’en se fondant sur les dispositions de l’article 1226-7 du Code du travail, le tribunal a dénaturé les termes du contrat ; que la société CNP Assurances était donc en droit de mettre un terme au règlement des échéances du prêt en se fondant sur les conclusions de son médecin-conseil, qui avait estimé que Mlle X… était capable d’exercer une autre activité professionnelle que celle qui était la sienne au jour du sinistre ; que dès lors, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS ENCORE QUE les certificats médicaux que Mlle X… produit rappellent qu’elle était en arrêt de travail jusqu’au 6 mars 2011, mais ne remettent pas en cause l’avis du Dr Y… selon lequel elle était capable d’exercer une autre activité professionnelle que la sienne à compter du 27 novembre 2007 ; qu’aucun élément ne justifie donc la désignation d’un expert judiciaire ; que dans la mesure où l’assureur a respecté les dispositions du contrat et a suivi l’avis de son médecin-conseil, aucune faute ne peut lui être reprochée ;

ALORS QUE, dans son rapport d’expertise médicale du 27 novembre 2007, le Dr Y…, médecin-conseil de la compagnie Y…, n’a nullement écrit que Mme X… était capable d’exercer une activité professionnelle autre que celle qui était la sienne au jour du sinistre ; que très loin de prendre parti quant à ce, il s’est borné à conclure son rapport en énonçant que « Mlle X… est en arrêt de travail depuis le 21 mai 2007 suite à un accident survenu dans la nuit du 20 au 21 mai 2007 ayant entraîné une lésion au niveau du tendon extenseur du troisième doigt de la main droite » ; qu’en prétendant tirer de ce rapport une conclusion qui n’y figure absolument pas, la cour statue au prix d’une dénaturation par adjonction, en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de preuve qui lui sont soumis.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Mlle Françoise X… de sa demande tendant à ce que la compagnie Y… soit condamnée à reprendre le versement des échéances mensuelles du prêt immobilier contracté par Mlle X… auprès du Crédit Z… à compter du 27 novembre 2007, et ce jusqu’au 6 mars 2011, ensemble de sa demande en paiement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE l’article 4-3-3 des conditions générales du contrat prévoit notamment que le versement des prestations et subordonné à la présentation des justificatifs et au résultat du contrôle médical initié par l’assureur ; que ce texte ajoute que l’assureur est susceptible d’effectuer des contrôles médicaux pendant toute la durée de l’incapacité, dont la conséquence peut être la poursuite ou l’arrêt de l’indemnisation ; que Mlle X… soutient que cette clause serait abusive, au sens de l’article L.132-1 du code de la consommation, au motif qu’elle n’indique pas qu’il lui était possible de se faire assister du médecin de son choix ou de produire les conclusions de son médecin traitant lors de l’examen par le médecin-conseil de l’assureur ; que toutefois, aucune disposition légale n’oblige l’assureur à délivrer cette information à l’assuré ; qu’en outre, l’article 6-4 des conditions générales offre la possibilité à l’assuré de solliciter la mise en oeuvre d’une procédure de conciliation et de tierce expertise au cours de laquelle son médecin traitant peut intervenir ; que les dispositions de l’article 4-3-3 n’ont donc aucun caractère abusif ; que l’article 4-3-4 des conditions générales prévoit notamment que la prise en charge cesse à partir du moment où, après contrôle médical initié par l’assureur, l’assuré est reconnu capable d’exercer une activité professionnelle ou non professionnelle même partielle ; que Mlle X… soutient que cette clause est rédigée de manière très vague et exclut toute hypothèse de prise en charge dès lors que l’assuré est reconnu apte à exercer une activité quelconque, rémunérée ou non ; que cette clause est la conséquence logique de la définition de l’incapacité temporaire totale qui figure dans l’article 4-3-1 des conditions générales ; que ses termes sont parfaitement clairs ; qu’elle n’a pas un caractère général dès lors qu’elle repose sur des critères médicaux ; que l’intimée ne peut d’ailleurs soutenir qu’elle viderait le contrat de sa substance cependant qu’elle a bénéficié de la prise en charge des échéances du prêt du 20 mai au 26 novembre 2007 ; que les dispositions de l’article 4-3-4 n’ont donc aucun caractère abusif ;

ALORS QUE, D’UNE PART, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’est abusive et doit comme telle être réputée non écrite, la clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui, s’agissant du risque d’incapacité temporaire totale (ITT), subordonne la mise en oeuvre et le maintien de la garantie à l’incapacité de l’adhérent « d’exercer une activité quelconque, professionnelle ou non », une définition aussi restrictive du risque d’ITT revenant à vider de sa substance la garantie qui constitue la contrepartie des primes et/ou à conférer à l’assureur le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser sa garantie selon le contenu qu’il entend conférer à la notion « d’activité quelconque non professionnelle » ; qu’en validant néanmoins cette clause, la cour viole l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

ALORS QUE, D’AUTRE PART, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu’est abusive et doit comme telle être réputée non écrite, la clause d’un contrat d’assurance groupe adossée à un emprunt immobilier qui subordonne l’octroi ou le maintien des prestations versées en exécution de la garantie incapacité temporaire totale (ITT) au résultat d’un contrôle médical diligenté par l’assureur, sans que le consommateur ne soit informé de la faculté de se faire assister du médecin de son choix lors de cet examen et d’opposer, le cas échéant, les conclusions de son propre médecin traitant ; qu’en décidant le contraire, au motif impropre qu’aucune disposition légale n’oblige l’assureur à délivrer cette information à l’assuré, la cour viole de nouveau l’article L. 132-1 du code de la consommation.

N° de pourvoi: 13-14717
Publié au bulletin Cassation

M. Charruault (président), président
Me Balat, SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat(s)

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche : 
Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 10 juillet 2008, M. X… a loué à la société Y. location de voitures (la société) un véhicule automobile, une garantie de rachat partiel de la franchise en cas de vol étant souscrite ; que le 15 juillet 2008, il a déclaré aux services de police le vol avec violences du véhicule ; que le 2 mars 2009, la société l’a assigné en paiement d’une somme correspondant au montant de la franchise après déchéance de la garantie souscrite en raison de la non-restitution des clefs et des documents du véhicule dans les 48 heures du vol ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que la clause de déchéance invoquée par la société doit être réputée non écrite dès lors qu’elle attache des conséquencesabusives à la non-restitution des clés et de la carte grise du véhicule dans le délai convenu, en privant le preneur non fautif, victime d’un vol avec violences sans témoin, du bénéfice de la garantie souscrite ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse réservait au preneur, qui invoquait l’impossibilité d’assurer les restitutions requises dans le délai convenu, la faculté d’opposer la force majeure pour échapper au paiement de la franchise, la cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ; 
Condamne M. X… aux dépens ; 
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quatorze.

N° de pourvoi: 13-13779 13-14203
Publié au bulletin Cassation sans renvoi

M. Charruault (président), président
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 13-13.779 et H 13-14.203 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 2 mars 2007, l’association U… a assigné la société F…, aujourd’hui dénommée société F…, en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans le contrat de syndic, version 2006, proposé par celle-ci aux syndicats de copropriétaires, la F… étant intervenue volontairement à l’instance ; 

Sur le premier moyen du pourvoi de la société F…, pris en sa première branche : 
Vu l’article L. 421-6 du code de la consommation ;

Attendu que pour déclarer recevable l’action de l’U…, l’arrêt retient que dès lors que le non-professionnel est assimilé à un consommateur par l’article L. 132-1 du code de la consommation, les associations habilitées peuvent, en vertu de l’article L. 421-6 du même code, engager une action préventive en suppression des clauses abusives ou illicites contenues dans un contrat proposé par un professionnel à un non-professionnel, lequel peut être une personne morale, tel un syndicat de copropriétaires ; 

Qu’en statuant ainsi, quand l’action en suppression des clauses illicites ou abusives des associations visées à l’article L. 421-1 du code de la consommation est limitée aux contrats destinés ou proposés aux seuls consommateurs, la cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ; 
Sur le pourvoi de l’U… :

Attendu que la cassation prononcée sur le pourvoi de la société F… rend sans objet celui formé par l’U… ; 

Vu l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi de la société F… :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 décembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; 

Dit n’y avoir lieu à renvoi ; 
Déclare irrecevable l’action de l’U… en suppression de clauses illicites ou abusives ; 
Dit n’y avoir lieu de statuer sur le pourvoi n° W 13-13.779 ; 

Condamne l’U… aux dépens incluant ceux afférents aux instances devant les juridictions du fond ; 
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quatorze.

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

Dans l’affaire C-26/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Hongrie), par décision du 15 janvier 2013, parvenue à la Cour le 21 janvier 2013, dans la procédure

K…,

contre

O…,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, M. J. Malenovský, Mme A. Prechal (rapporteur), M. F. Biltgen et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 décembre 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour O… J… Zrt, par Me G. Gadó, ügyvéd,

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó et M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par Mme S. Šindelková et M. M. Smolek, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par Mme J. Kemper et M. T. Henze, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes G. Alexaki et L. Pnevmatikou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme K. Talabér-Ritz et M. M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 février 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 2, et 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. K… et Mme K… R… (ci-après, ensemble, les «emprunteurs») à O… (ci-après «J…») au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle relative au cours de change applicable aux remboursements d’un prêt libellé en devise étrangère.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        Les douzième, treizième, dix-neuvième, vingtième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13 énoncent:

«considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité [CEE], d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive;

considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives; […] que, à cet égard, l’expression ‘dispositions législatives ou réglementaires impératives’ figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu;

[…]

considérant que, pour les besoins de la présente directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses; […]

considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, […]

[…]

considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs».

4        L’article 1er de cette directive prévoit:

«1.      La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2.      Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive.»

5        Aux termes de l’article 3 de ladite directive:

«1.      Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[…]

3.      L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

6        L’article 4 de la directive 93/13 est rédigé comme suit:

«1.      Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

7        L’article 5 de cette directive dispose:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. […]»

8        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

9        L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

10      Aux termes de l’article 8 de cette directive:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.»

11      L’annexe de la directive 93/13, relative aux clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci, contient, à son point 1, une liste non limitative des clauses qui peuvent être considérées comme étant abusives. À ce point 1, sous j), figurent les clauses ayant pour objet ou pour effet «d’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat». Audit point 1, sous l), figurent celles qui ont pour objet ou pour effet «d’accorder […] au fournisseur de services le droit d’augmenter [ses] prix, sans que […] le consommateur ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat».

12      Le point 2 de cette annexe est relatif à la portée des points g), j), et l). Ce point 2, sous b), indique notamment que «[l]e point j) ne fait pas obstacle à des clauses selon lesquelles le fournisseur de services financiers se réserve le droit de modifier le taux d’intérêt dû par le consommateur ou dû à celui-ci, ou le montant de toutes autres charges afférentes à des services financiers, sans aucun préavis en cas de raison valable, pourvu que soit mise à la charge du professionnel l’obligation d’en informer la ou les autres parties contractantes dans les meilleurs délais et que celles-ci soient libres de résilier immédiatement le contrat». Ledit point 2, sous d), énonce que «[l]e point l) ne fait pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit».

Le droit hongrois

13      L’article 209 du code civil, dans sa version applicable lors de la conclusion du contrat de prêt en cause dans l’affaire au principal (ci-après le «code civil»), disposait:

«1.      Une clause contractuelle générale, ou une clause contractuelle non individuellement négociée d’un contrat de consommation, est abusive si, au mépris des exigences de bonne foi et d’équité, elle détermine, unilatéralement et sans justification, les droits et obligations des parties découlant du contrat de façon à désavantager le cocontractant de celui qui impose la clause contractuelle en question.

[…]

4.      Les dispositions relatives aux clauses contractuelles abusives ne sont applicables ni aux clauses contractuelles qui définissent l’objet principal du contrat ni à celles qui déterminent l’équilibre entre la prestation et la contre-prestation.

[…]»

14      Avec effet au 22 mai 2009, les paragraphes 4 et 5 de cette disposition ont été modifiés comme suit:

«4.      Une clause contractuelle générale, ou une clause contractuelle non individuellement négociée d’un contrat de consommation, est également abusive du seul fait qu’elle n’est pas rédigée de manière claire ou compréhensible.

5.      Les dispositions relatives aux clauses contractuelles abusives ne sont applicables ni aux clauses contractuelles qui définissent l’objet principal du contrat ni à celles qui déterminent l’équilibre entre la prestation et la contre-prestation, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

15      L’article 231 de ce code dispose:

«1.      Sauf disposition contraire, une créance de sommes d’argent doit être payée dans la devise ayant cours légal au lieu de l’exécution.

2.      Une créance exprimée dans une autre devise ou en or doit être convertie sur base du cours faisant foi au lieu et au moment du paiement.»

16      Aux termes de l’article 237 dudit code:

«1.      En cas de contrat dépourvu de validité, il convient de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la conclusion dudit contrat.

2.      S’il n’est pas possible de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la conclusion du contrat, le juge peut déclarer le contrat applicable jusqu’à ce qu’il ait statué. Il est possible de déclarer valable un contrat dépourvu de validité s’il est possible de faire cesser la cause d’invalidité, en particulier en cas de disproportion des prestations des parties dans un contrat usuraire par la suppression de l’avantage disproportionné. Dans de tels cas, il convient d’ordonner la restitution de la prestation restant due, le cas échéant, sans contre-prestation.»

17      L’article 239 du code civil prévoit:

«1.      En cas d’absence partielle de validité d’un contrat, le contrat n’est vicié dans son ensemble que dans les cas où, sans la partie dépourvue de validité, les parties ne l’auraient pas conclu. Des dispositions légales peuvent déroger à la présente disposition.

2.      En cas d’absence partielle de validité d’un contrat de consommation, le contrat n’est vicié dans son ensemble que s’il ne peut être exécuté en l’absence de la partie dépourvue de validité.»

18      Aux termes de l’article 239/A, paragraphe 1, de ce code:

«La partie peut demander au juge de constater l’absence de validité du contrat ou de certaines stipulations du contrat (défaut partiel de validité), alors même qu’elle ne sollicite pas également l’application des conséquences attachées à ladite absence de validité.»

19      L’article 523 du code civil se lit comme suit:

«1.      En vertu d’un contrat de prêt, l’établissement de crédit ou un autre prêteur est tenu de mettre à la disposition du débiteur le montant convenu; le débiteur est, pour sa part, tenu de rembourser ledit montant conformément au contrat.

2.      Si le prêteur est un établissement de crédit, le débiteur est tenu de payer des intérêts, sous réserve de disposition contraire (prêt bancaire).»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      Le 29 mai 2008, les emprunteurs ont conclu avec J… un contrat dénommé «prêt hypothécaire libellé en devise garanti par une hypothèque» (ci-après le «contrat de prêt»).

21      Conformément au point I/1 de ce contrat, J… a accordé aux emprunteurs un prêt d’un montant de 14 400 000 forints hongrois (HUF), étant précisé que «la fixation du montant en devise du prêt s’opère selon le cours d’achat de la devise appliqué par la banque le jour du déblocage des fonds». Aux termes de ce point I/1, «après le déblocage des fonds, le montant du prêt, des intérêts y afférents et des frais de gestion, ainsi que le montant des intérêts moratoires et des autres frais seront fixés en devise».

22      Fondé sur le cours d’achat du franc suisse (CHF) appliqué par J… lors du déblocage des fonds, le montant du prêt a été fixé à 94 240,84 CHF. Les emprunteurs étaient tenus de rembourser cette somme sur une période de 25 ans, chaque mensualité étant exigible le quatrième jour de chaque mois.

23      En vertu du point II dudit contrat, ce prêt a été assorti d’un taux d’intérêt nominal de 5,2 %, lequel, augmenté de frais de gestion de l’ordre de 2,04 %, correspondait à un taux annuel effectif global (TAEG) de 7,43 % à la date de conclusion du contrat de prêt.

24      Aux termes du point III/2 de ce contrat (ci-après la «clause III/2»), «le prêteur détermine le montant en forints hongrois de chaque mensualité à verser sur le fondement du cours appliqué par la banque à la vente de la devise [étrangère] le jour précédant la date d’exigibilité».

25      Les emprunteurs ont introduit un recours contre J… en faisant valoir le caractère abusif de la clause III/2. Ils ont soutenu que cette clause, en ce qu’elle permet à J… de calculer les mensualités de remboursement exigibles sur le fondement du cours de vente de la devise étrangère appliqué par J…, alors que le montant du prêt débloqué est fixé par cette dernière sur la base du cours d’achat qu’elle applique pour cette devise, confère à J… un avantage unilatéral et injustifié au sens de l’article 209 du code civil.

26      La juridiction de première instance a fait droit à ce recours. Ce jugement a ensuite été confirmé en appel. Dans son arrêt, la juridiction d’appel a notamment considéré que, dans le cadre d’une opération de prêt telle que celle en cause dans le litige qui lui était soumis, J… ne mettait pas à la disposition de ses clients des devises étrangères. En revanche, elle a constaté que J… faisait dépendre le montant de la mensualité, exprimé en forints hongrois, du cours actuel du franc suisse, aux fins de l’indexation du montant des remboursements du prêt débloqué en forints hongrois. J… ne fournirait aux emprunteurs aucun service financier relatif à l’achat ou à la vente de devises étrangères, de sorte qu’elle ne saurait appliquer un cours de change aux fins de l’amortissement du prêt différent de celui qui a été utilisé lors du déblocage de ce prêt, à titre de contrepartie d’une prestation de service virtuelle. Cette juridiction a également estimé que la clause III/2 n’était ni claire ni compréhensible, car elle ne permettait pas de savoir ce qui justifiait la différence de mode de décompte du prêt, selon qu’il s’agit de son déblocage ou de son amortissement.

27      J… a alors formé un pourvoi devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt rendu en appel. Elle a fait valoir, notamment, que la clause III/2, en ce qu’elle lui permet de percevoir une recette représentant la contrepartie à payer du prêt en devise étrangère dont bénéficient les emprunteurs et sert à couvrir les frais liés aux opérations de l’établissement de crédit sur le marché en vue de l’achat de devises, relève du champ d’application de l’exception prévue à l’article 209, paragraphe 4, du code civil, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à un examen du caractère prétendument abusif de cette clause au titre de l’article 209, paragraphe 1, dudit code.

28      Les emprunteurs ont fait valoir qu’un tel examen s’impose. Ils ont, à cet égard, soutenu que J… ne saurait invoquer à leur encontre les particularités du fonctionnement des banques et mettre à leur charge les frais qui en résultent, conduisant à confondre les recettes de la banque et le prêt consenti. En concluant le contrat de prêt, les emprunteurs auraient marqué leur accord pour le déblocage d’un montant en devises nationales, à savoir le forint hongrois. La clause III/2 ne serait, par ailleurs, pas claire.

29      La juridiction de renvoi considère que se pose d’abord la question de savoir si la notion de clause définissant «l’objet principal du contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, englobe chaque élément de la contrepartie à verser en numéraire par l’emprunteur, y compris les sommes résultant de l’écart entre les taux de change applicables au déblocage et au remboursement du prêt, ou si seul le versement du taux d’intérêt nominal, outre l’octroi du crédit, relève de cette notion.

30      Si l’interprétation plus étroite de cette première exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 devait être retenue, il devrait ensuite être examiné si l’obligation de paiement découlant de l’écart des taux de change peut être considérée comme portant sur l’adéquation entre le service et sa rémunération ou son prix, et donc comme faisant partie de la «rémunération», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et de la seconde exception y prévue.

31      Dans ce cadre, se poserait également la question de savoir si, dans l’hypothèse où la rémunération constitue la contrepartie d’un service composé de plusieurs prestations, cette seconde exception, pour qu’elle s’applique, nécessite qu’il soit vérifié que la rémunération en cause, en l’occurrence le paiement dû en raison de l’écart des taux de change, corresponde à une prestation effective qui est directement fournie par la banque au consommateur.

32      S’agissant, en outre, de l’exigence selon laquelle seules les clauses rédigées «de manière claire et compréhensible» sont susceptibles de relever de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, la juridiction de renvoi estime qu’il lui incombe d’interpréter le droit national conformément aux objectifs de cette directive et d’apprécier le caractère abusif de clauses contractuelles qui ne satisfont pas à cette exigence, alors même que ladite exigence n’avait pas encore été transposée en droit interne lors de la conclusion du contrat de prêt.

33      Toutefois, la portée exacte de cette exigence demeurerait incertaine. Celle-ci pourrait être comprise en ce sens que toute clause contractuelle doit être compréhensible sur les plans linguistique et grammatical. Toutefois, elle pourrait également signifier, de manière plus large, que les raisons économiques qui sous-tendent l’application d’une clause spécifique ou l’articulation de ladite clause avec d’autres clauses du contrat doivent être claires et compréhensibles.

34      Enfin, dans l’hypothèse où le caractère abusif de la clause III/2 a été constaté, se poserait encore la question de savoir si le principe découlant de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et consacré au point 73 de l’arrêt Banco Español de Crédito (C-618/10, EU:C:2012:349) s’applique également lorsque, comme dans l’affaire au principal, le contrat de prêt ne peut pas subsister après la suppression de ladite clause. Si tel devait être le cas, la Kúria demande si ce principe s’oppose à ce que le juge national modifie cette clause afin d’éliminer son caractère abusif, en particulier en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif, à l’instar de la juridiction d’appel.

35      Dans ces conditions, la Kúria a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 2, de la directive [93/13] en ce sens que, en cas d’emprunt libellé en devise étrangère, mais débloqué en devise nationale et à rembourser par le consommateur exclusivement en devise nationale, la clause contractuelle déterminant les taux de change, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, relève de la notion de ‘définition de l’objet principal du contrat’?

Si tel n’est pas le cas, convient-il de considérer, sur le fondement de la seconde expression visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive [93/13], l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat [de la devise] comme une rémunération dont l’adéquation au service ne saurait être examinée aux fins d’apprécier son caractère abusif? À cet égard, la réalisation effective d’une opération de change entre l’établissement financier et le consommateur est-elle, ou non, déterminante?

2)      S’il convient d’interpréter l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 en ce sens que le juge national peut, indépendamment des dispositions de droit national, aussi examiner le caractère abusif de telles clauses contractuelles, si celles-ci ne sont pas claires et compréhensibles, cette dernière exigence doit-elle s’entendre comme imposant que la clause en question soit en elle-même grammaticalement claire et compréhensible pour le consommateur, ou impose-t-elle en sus que les raisons économiques qui sous-tendent l’application de la clause contractuelle ainsi que la relation de ladite clause avec d’autres clauses du contrat soient claires et compréhensibles pour ce même consommateur?

3)      Convient-il d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et le point 73 de l’arrêt [Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349] en ce sens que le juge national ne peut pas non plus remédier au défaut de validité, à l’égard du consommateur, d’une disposition abusive d’une clause contractuelle générale utilisée dans un contrat de prêt conclu avec un consommateur en modifiant ou en complétant la clause contractuelle en question, si le contrat ne peut subsister sur la base des autres clauses contractuelles après la suppression de la clause abusive? À cet égard, importe-t-il que le droit national comprenne une disposition à caractère supplétif qui régit la question juridique en cause en l’absence de la stipulation dépourvue de validité?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

36      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les termes «objet principal du contrat» et «adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part» recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de crédit libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s’applique aux fins du calcul des remboursements du prêt.

37      Selon une jurisprudence constante, il découle tant des exigences de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêt Fish Legal et Shirley, C-279/12, EU:C:2013:853, point 42).

38      Il en va ainsi des termes figurant à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, cette disposition ne comportant aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée.

39      En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (voir, notamment, arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C-484/08, EU:C:2010:309, point 27 et jurisprudence citée).

40      Eu égard à une telle situation d’infériorité, la directive 93/13 oblige les États membres à prévoir un mécanisme assurant que toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlée afin d’apprécier son caractère éventuellement abusif. Dans ce cadre, il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés aux articles 3, paragraphe 1, et 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive (voir, en ce sens, arrêts Invitel, C-472/10, EU:C:2012:242, point 22, et RWE Vertrieb, C-92/11, EU:C:2013:180, points 42 à 48).

41      Toutefois, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 8 de celle-ci, permet aux États membres de prévoir, dans la législation transposant cette directive, que l’«appréciation du caractère abusif» ne porte pas sur les clauses visées à cette disposition, pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible. Il découle de ladite disposition que les clauses qu’elle vise ne font pas l’objet d’une appréciation de leur éventuel caractère abusif, mais, ainsi que la Cour l’a précisé, relèvent du domaine régi par cette directive (voir, en ce sens, arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, EU:C:2010:309, points 31, 35 et 40).

42      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 édictant ainsi une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives tel que prévu dans le cadre du système de protection des consommateurs mis en œuvre par cette directive, il convient de donner une interprétation stricte à cette disposition.

43      Celle-ci vise, en premier lieu, les clauses qui portent sur l’«objet principal du contrat».

44      Dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si la clause III/2, en ce qu’elle prévoit que le cours de vente d’une devise étrangère s’applique aux fins du calcul des remboursements d’un prêt libellé dans cette devise, relève de «l’objet principal du contrat» de prêt, au sens de cette disposition.

45      À cet égard, s’il incombe à la seule juridiction de renvoi de se prononcer sur la qualification de cette clause en fonction des circonstances propres au cas d’espèce, il n’en demeure pas moins que la Cour est compétente pour dégager des dispositions de la directive 93/13, en l’occurrence celles de l’article 4, paragraphe 2, les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard de celles-ci (voir en ce sens, notamment, arrêt RWE Vertrieb, EU:C:2013:180, point 48 et jurisprudence citée).

46      Or, la Cour a déjà jugé que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 vise uniquement à établir les modalités et l’étendue du contrôle de fond des clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui décrivent les prestations essentielles des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur (arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, EU:C:2010:309, point 34).

47      La circonstance qu’une clause ait été négociée par les parties cocontractantes, dans le cadre de leur autonomie contractuelle et des conditions du marché, ne saurait constituer un critère permettant d’apprécier si cette clause relève de l’«objet principal du contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

48      En effet, ainsi que cela ressort de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive et du douzième considérant de celle-ci, les clauses ayant fait l’objet d’une négociation individuelle ne relèvent pas, par principe, du champ d’application de cette directive. Partant, la question de leur éventuelle exclusion du champ d’application dudit article 4, paragraphe 2, ne saurait se poser.

49      En revanche, compte tenu également du caractère dérogatoire de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et de l’exigence d’une interprétation stricte de cette disposition qui en découle, les clauses du contrat qui relèvent de la notion d’«objet principal du contrat», au sens de cette disposition, doivent s’entendre comme étant celles qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci.

50      Par contre, les clauses qui revêtent un caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel ne sauraient relever de la notion d’«objet principal de contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

51      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations du contrat de prêt ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, si la clause déterminant le taux de change des mensualités constitue un élément essentiel de la prestation du débiteur consistant dans le remboursement du montant mis à disposition par le prêteur.

52      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 vise, en second lieu, les clauses qui portent sur l’«adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part» ou, aux termes du dix-neuvième considérant de cette directive, les clauses «décrivant […] le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation».

53      Dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si la clause III/2, en ce qu’elle prévoit que le cours de la vente d’une devise étrangère s’applique aux fins du calcul des remboursements d’un prêt, alors que, selon d’autres clauses du contrat de prêt, le montant du prêt débloqué est converti en devise nationale sur la base du cours d’achat de la devise étrangère, comporte une obligation pécuniaire pour le consommateur, à savoir celle de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, les montants découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise étrangère, qui pourrait être qualifiée de «rémunération» du service fourni dont l’adéquation ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

54      À cet égard, il ressort des termes de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 que cette seconde catégorie de clauses à l’égard desquelles il ne peut être porté d’appréciation sur leur caractère éventuellement abusif a une portée réduite, dès lors que cette exclusion ne porte que sur l’adéquation entre le prix ou la rémunération prévu et les services ou les biens à fournir en contrepartie.

55      Ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 69 de ses conclusions, l’exclusion d’un contrôle des clauses contractuelles quant au rapport qualité/prix d’une fourniture ou d’une prestation s’explique par le fait qu’aucun barème ou critère juridique n’existe pouvant encadrer et guider un tel contrôle.

56      Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que ladite exclusion ne s’applique pas à une clause portant sur un mécanisme de modification des frais des services à fournir au consommateur (arrêt Invitel, EU:C:2012:242, point 23).

57      En l’occurrence, il convient d’indiquer, en outre, que l’exclusion de l’appréciation du caractère abusif d’une clause étant limitée à l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, elle ne saurait s’appliquer en cas de mise en cause d’une asymétrie entre le cours de vente de la devise étrangère, devant être utilisé en application de cette clause pour le calcul des remboursements, et le cours d’achat de cette devise, devant être utilisé en application d’autres clauses du contrat de prêt pour le calcul du montant du prêt débloqué.

58      Au demeurant, cette exclusion ne saurait s’appliquer à des clauses qui, telle la clause III/2, se limitent à déterminer, en vue du calcul des remboursements, le cours de conversion de la devise étrangère dans laquelle le contrat de prêt est libellé, sans toutefois qu’aucun service de change ne soit fourni par le prêteur lors dudit calcul, et ne comportent, dès lors, aucune «rémunération» dont l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

59      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que:

–      les termes «objet principal du contrat» ne recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s’applique aux fins du calcul des remboursements du prêt, que pour autant qu’il est constaté, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations du contrat ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, que ladite clause fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, caractérise celui-ci;

–      une telle clause, en ce qu’elle comporte une obligation pécuniaire pour le consommateur de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, des montants découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise étrangère, ne saurait être considérée comme comportant une «rémunération» dont l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

Sur la deuxième question

60      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit grammaticalement claire et compréhensible pour le consommateur, mais également que les raisons économiques qui sous-tendent l’application de la clause contractuelle ainsi que la relation de ladite clause avec d’autres clauses du contrat soient claires et compréhensibles pour ce même consommateur.

61      Si la juridiction de renvoi devait considérer que, eu égard à la réponse apportée à la première question, la clause III/2 relève de «l’objet principal du contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, cette clause n’est cependant soustraite à l’appréciation de son caractère abusif que si elle est rédigée de manière claire et compréhensible.

62      En effet, afin de garantir concrètement les objectifs de protection des consommateurs poursuivis par la directive 93/13, toute transposition dudit article 4, paragraphe 2, doit être complète, de sorte que l’interdiction d’apprécier le caractère abusif des clauses porte uniquement sur celles qui sont rédigées de façon claire et compréhensible (arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, EU:C:2010:309, point 39).

63      Il ressort toutefois de la décision de renvoi que l’article 209, paragraphe 4, du code civil, disposition visant à transposer l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 en droit interne, ne comportait pas cette exigence de rédaction claire et compréhensible.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions du droit interne, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive applicable en la matière pour aboutir à une solution conforme à l’objectif poursuivi par celle-ci (voir, notamment, arrêt OSA, C-351/12, EU:C:2014:110, point 44).

65      Dans ce contexte, la Cour a également précisé que ce principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et une telle obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (voir, notamment, arrêt OSA, EU:C:2014:110, point 45).

66      Si, compte tenu de ce principe d’interprétation conforme ainsi délimité, la juridiction de renvoi devait considérer que la disposition nationale visant à transposer l’article 4, paragraphe 2, de cette directive peut être comprise en ce sens qu’elle inclut l’exigence de rédaction claire et compréhensible, se poserait ensuite la question de la portée de cette exigence.

67      À cet égard, il y a lieu de constater que cette même exigence figure à l’article 5 de la directive 93/13, qui prévoit que les clauses contractuelles écrites doivent «toujours» être rédigées de façon claire et compréhensible. Le vingtième considérant de la directive 93/13 précise à cet égard que le consommateur doit avoir effectivement l’opportunité de prendre connaissance de toutes les clauses du contrat.

68      Il s’ensuit que cette exigence de rédaction claire et compréhensible s’applique en tout état de cause, y compris lorsqu’une clause relève de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et échappe donc à l’appréciation de son caractère abusif visée à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.

69      Il en découle également que cette exigence telle que figurant à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 a la même portée que celle visée à l’article 5 de cette directive.

70      Or, s’agissant de cet article 5, la Cour a déjà jugé que l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier contractuellement à un professionnel en adhérant aux conditions rédigées préalablement par celui-ci (voir arrêt RWE Vertrieb, EU:C:2013:180, point 44).

71      L’exigence de transparence des clauses contractuelles posée par la directive 93/13 ne saurait donc être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci.

72      Au contraire, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 39 du présent arrêt, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive.

73      S’agissant d’une clause contractuelle, telle que la clause III/2, qui permet au professionnel de calculer le niveau des remboursements mensuels dus par le consommateur en fonction du cours de vente de la devise étrangère appliqué par ce professionnel, laquelle a pour effet que les frais du service financier sont augmentés à la charge du consommateur, apparemment sans limite maximale, il résulte des articles 3 et 5 de la directive 93/13 ainsi que des points 1, sous j) et l), et 2, sous b) et d), de l’annexe de cette directive, que revêt une importance essentielle aux fins du respect de l’exigence de transparence le point de savoir si le contrat de prêt expose de manière transparente le motif et les particularités du mécanisme de conversion de la devise étrangère ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte qu’un consommateur puisse prévoir, sur la base de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (voir, par analogie, arrêt RWE Vertrieb, EU:C:2013:180, point 49).

74      S’agissant des particularités du mécanisme de conversion de la devise étrangère telles que spécifiées par la clause III/2, il appartient au juge de renvoi de déterminer si, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, dont la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation d’un contrat de prêt, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, pouvait non seulement connaître l’existence de la différence, généralement observée sur le marché des valeurs mobilières, entre le taux de change de vente et le taux de change d’achat d’une devise étrangère, mais également évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, pour lui de l’application du taux de change de vente pour le calcul des remboursements dont il sera en définitive redevable et, partant, le coût total de son emprunt.

75      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, s’agissant d’une clause contractuelle telle que celle en cause au principal, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

Sur la troisième question

76      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale permettant au juge national de remédier à la nullité de la clause abusive en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif.

77      À cet égard, la Cour a jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de droit national qui permet au juge national, lorsqu’il constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de compléter ledit contrat en révisant le contenu de cette clause (arrêt Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349, point 73).

78      Étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, qui se trouvent dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de son article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec le vingt-quatrième considérant de celle-ci, de prévoir des moyens adéquats et efficaces «afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel» (voir arrêt Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349, point 68).

79      Or, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans de tels contrats, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. En effet, cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels (arrêt Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349, point 69).

80      Toutefois, il n’en découle pas que, dans une situation telle que celle au principal, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’opposerait à ce que le juge national, en application de principes du droit des contrats, supprime la clause abusive en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif.

81      Au contraire, le fait de substituer à une clause abusive une telle disposition, qui, ainsi qu’il ressort du treizième considérant de la directive 93/13, est censée ne pas contenir de clauses abusives, en ce qu’elle aboutit au résultat que le contrat peut subsister malgré la suppression de la clause III/2 et continue à être contraignant pour les parties, est pleinement justifié au regard de la finalité de la directive 93/13.

82      En effet, la substitution à une clause abusive d’une disposition nationale à caractère supplétif est conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, dès lors que, selon une jurisprudence constante, cette disposition tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives (voir en ce sens, notamment, arrêts Perenicová et Perenic, C-453/10, EU:C:2012:144, point 31, ainsi que Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349, point 40 et jurisprudence citée).

83      En revanche, si, dans une situation telle que celle en cause au principal, il n’était pas permis de substituer à une clause abusive une disposition à caractère supplétif, obligeant le juge à annuler le contrat dans son ensemble, le consommateur pourrait être exposé à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que le caractère dissuasif résultant de l’annulation du contrat risquerait d’être compromis.

84      En effet, une telle annulation a en principe comme conséquence de rendre immédiatement exigible le montant du prêt restant dû dans des proportions risquant d’excéder les capacités financières du consommateur et, de ce fait, tend à pénaliser celui-ci plutôt que le prêteur qui, par voie de conséquence, ne serait pas dissuadé d’insérer de telles clauses dans les contrats qu’il propose.

85      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, cette disposition ne s’oppose pas à une règle de droit national permettant au juge national de remédier à la nullité de cette clause en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif.

Sur les dépens

86      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que:

–        les termes «objet principal du contrat» ne recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s’applique aux fins du calcul des remboursements du prêt, que pour autant qu’il est constaté, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations du contrat ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, que ladite clause fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, caractérise celui-ci;

–        une telle clause, en ce qu’elle comporte une obligation pécuniaire pour le consommateur de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, des montants découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise étrangère, ne saurait être considérée comme comportant une «rémunération» dont l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

2)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, s’agissant d’une clause contractuelle telle que celle en cause au principal, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

3)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, cette disposition ne s’oppose pas à une règle de droit national permettant au juge national de remédier à la nullité de cette clause en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif.

 

N° de pourvoi: 13-13641
Non publié

M. Charruault (président), président
Me Spinosi, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 28 mars 2003, M. X… et Mme Y… ont souscrit un prêt personnel auprès de la société X…, aux droits de laquelle vient la société Y… (la banque) ; qu’estimant abusives et illicites deux clauses du contrat de prêt, les emprunteurs ont assigné la banque en remboursement des intérêts perçus suite à la déchéance du droit aux intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 311-13, L. 311-29, L. 311-32 et L. 311-33 du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X… et de Mme Y…, l’arrêt retient que la clause qui impose à l’emprunteur un préavis de deux mois pour rembourser par anticipation un prêt personnel n’est ni abusive ni illicite ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’emprunteur peut toujours rembourser par anticipation et sans indemnité le crédit consenti, de sorte qu’une telle clause est illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 311-13 et L. 311-33 du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour statuer comme il a été dit, l’arrêt retient que la clause qui permet au prêteur d’exiger un remboursement anticipé en cas d’inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l’emprunteur au prêteur n’est pas abusive ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’offre préalable qui contient une clause permettant au prêteur d’exiger un remboursement anticipé hors l’hypothèse de la défaillance de l’emprunteur ne satisfait pas aux dispositions de l’article L. 311-13 du code de la consommation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action de M. X… et de Mme Y…, l’arrêt rendu le 24 mai 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne la société Y… aux dépens ;

Vu 700 du code de procédure civile, condamne la sociétéY… à payer à Me Spinosi la somme de 3 000 euros ; 
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

Dans l’affaire C 397/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fovárosi Bíróság (Hongrie), par décision du 12 juillet 2011, parvenue à la Cour le 27 juillet 2011, dans la procédure

E*** J***

contre

A***,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešic, E. Levits, M. Safjan et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó et M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Owsiany Hornung ainsi que par MM. M. van Beek et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, en particulier de l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme J*** à A*** (ci-après «A***»), au sujet de sommes dues en exécution d’un contrat de crédit conclu entre ces parties.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 définit la clause abusive en ces termes:

«Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

4        L’article 4, paragraphe 1, de cette directive précise:

«[…] le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

5        En vertu de l’article 5 de ladite directive:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. […]»

6        En ce qui concerne les effets liés à la constatation du caractère abusif d’une clause, l’article 6, paragraphe 1, de la même directive dispose:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

Le droit national

Le droit matériel

7        Aux termes de l’article 209, paragraphe 1, de la loi IV de 1959 portant code civil (a Polgári Törvénykönyvrol szóló 1959. évi IV. törvény, ci-après le «code civil»), en vigueur à la date de la conclusion du contrat de crédit en cause au principal , «est abusive une condition contractuelle générale ou une clause d’un contrat de consommation qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle dès lors que, en violation des obligations de bonne foi et de loyauté, elle fixe les droits et les obligations des parties découlant du contrat de manière unilatérale et non motivée au détriment de la partie contractante qui n’est pas l’auteur de la clause».

8        L’article 209/A, paragraphe 2, du code civil prévoyait que de telles clauses sont nulles.

9        Selon l’article 2, sous d), de l’arrêté gouvernemental 18/1999 (II. 5.), concernant les clauses considérées comme abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (a fogyasztóval kötött szerzodésben tisztességtelennek minosülo feltételekrol szóló 18/1999 (II. 5.) kormányrendelet), du 5 février 1999 (Magyar Közlöny 1999/8), sont en particulier présumées abusives, sauf preuve contraire, les clauses qui permettent au cocontractant d’un consommateur de modifier le contrat de manière unilatérale, sans devoir invoquer de justification et, notamment, d’augmenter la contrepartie financière fixée par le contrat, ou qui permettent à ce cocontractant de modifier le contrat d’une manière unilatérale pour une juste cause définie dans le contrat, si, dans ce cas, le consommateur n’a pas le droit de dénoncer ou de résilier le contrat avec effet immédiat.

Le droit procédural

10      Selon l’article 3, paragraphe 2, de la loi III de 1952 portant code de procédure civile (a polgári perrendtartásról szóló 1952. évi III. törveny, ci-après le «code de procédure civile»), le juge, en l’absence d’une disposition légale contraire, est lié par les conclusions et les arguments juridiques présentés par les parties.

11      Conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous k), du code de procédure civile, les recours qui visent à établir l’invalidité de clauses contractuelles abusives au titre, notamment, de l’article 209/A, paragraphe 2, du code civil relèvent de la compétence des juridictions départementales.

12      L’avis 2/2010/VI.28./PK de la chambre mixte civile de la Legfelsobb Bíróság (Cour suprême de Hongrie), du 28 juin 2010, relatif à certaines questions de procédure concernant les actions en nullité, apporte les précisions suivantes:

«4.      a)     Une juridiction ne doit tenir compte d’office que des cas de nullité manifeste qui peuvent être clairement établis sur la base des éléments de preuve disponibles. […]

b)      La prise en compte d’office d’un cas de nullité en appel est obligatoire si l’existence d’une cause de nullité ressort clairement des éléments de la procédure de première instance. […]

5.      a)     […] Dans une affaire civile, la juridiction est généralement liée par l’exposé des circonstances de fait figurant dans la requête, par l’objet de cette dernière, et donc par le droit que la partie entend exercer. Conformément à l’article 121, paragraphe 1, sous c), du code de procédure civile, la requête doit mentionner le droit invoqué, mais pas un fondement juridique concret. Le fait d’être lié par la requête n’implique donc pas que la juridiction est liée par le fondement juridique invoqué à tort par la partie. Si les faits exposés par la partie donnent à la requête ou à la demande reconventionnelle un autre fondement, la juridiction peut restituer sa véritable qualification au lien de droit.

[…]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Le 4 juillet 2007, Mme J*** a conclu un contrat de crédit avec A***, un établissement financier hongrois, pour une somme d’environ 160 000 francs suisses (CHF), versée en forints hongrois (HUF), dont le terme était fixé au 15 août 2024.

14      Ledit contrat, conclu sur la base d’un formulaire prérédigé par l’établissement financier, prévoyait le paiement d’intérêts, dont le taux était de 4,5 % par an au moment de la conclusion du contrat, et de frais de gestion, dont le taux était de 2,2 % par an à la même date. Une commission d’utilisation égale à 1,5 % du montant total du prêt, avec un minimum de 250 CHF et un maximum de 1 759 CHF, était due à la liquidation. Le taux annuel effectif global du crédit s’élevait ainsi à 7,658 %.

15      La clause 3.2 de la partie générale II du contrat de crédit conclu entre Mme J*** et A*** disposait que le prêteur avait le droit, à la fin de chaque exercice et pour l’exercice suivant, de modifier le montant des frais de gestion d’après un barème et selon les modalités définies par un règlement permanent de cet établissement financier.

16      La clause 8.2 de ce contrat stipulait que le prêteur avait le droit de modifier de manière unilatérale le taux d’intérêt ou le montant des autres frais prévus par ledit contrat, ainsi que d’introduire de nouvelles catégories de commissions et de frais, dans l’hypothèse d’une modification des frais liés au financement de l’opération.

17      La clause 12.2 de ce même contrat prévoyait que si, à la suite de la modification d’une disposition légale ou administrative quelconque ou encore de variations dans l’interprétation de ces dispositions, A*** se trouvait exposé à des frais nouveaux qu’il n’avait pas pu prévoir au moment de signer le contrat, l’emprunteur serait tenu de payer, à la demande de cet établissement, une somme couvrant ces frais ou, alternativement, ledit établissement aurait le droit de modifier de manière unilatérale le taux du prêt ou le montant des commissions.

18      Le contrat de crédit ne prévoyait pas, en cas de modification unilatérale par l’établissement financier, de droit de résiliation avec effet immédiat dans le chef de l’emprunteur.

19      Mme J*** a introduit un recours contre A***, l’établissement prêteur, devant le Pesti Központi kerületi bíróság (tribunal central d’arrondissement du centre de Pest). Elle a fait valoir, dans ce recours, l’invalidité partielle du contrat de crédit, alléguant le caractère usuraire, contraire aux bons usages et fictif des dispositions de celui-ci. Toutefois, elle n’a pas demandé au juge de constater la nullité partielle de ce contrat au titre du caractère abusif de ses dispositions.

20      Le Pesti Központi kerületi bíróság a rejeté le recours de Mme J*** par jugement du 2 décembre 2010. Il ressort des motifs de ce jugement que Mme J*** n’avait pas pu démontrer le caractère usuraire, contraire aux bons usages et fictif des dispositions litigieuses du contrat de crédit.

21      Mme J*** a fait appel de ce jugement devant la Fovárosi Bíróság (devenue le Fovárosi Törvényszék). Elle se prévaut de la nullité des clauses 3.2, 8.1, 8.2 et 12.2 du contrat de crédit, au motif que celles-ci seraient manifestement contraires aux bons usages en ce qu’elles donnent au créancier la faculté de modifier les clauses du contrat de manière unilatérale et qu’elles font supporter au débiteur les conséquences des modifications ultérieures introduites par le créancier, mais sur lesquelles le débiteur n’a aucune influence. Elle fait valoir que, à la suite des modifications intervenues en application de ces clauses, le montant du prêt et la charge de remboursement ont crû dans des proportions telles qu’elle ne peut plus y faire face.

22      C’est dans ces conditions que la Fovárosi Bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Une juridiction nationale agit-elle de manière conforme à l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] si, ayant constaté le caractère abusif d’une condition contractuelle générale visée dans un recours, elle examine la question de la nullité du contrat pour ce motif, sans que les parties le lui aient demandé spécialement?

2)      La juridiction nationale doit-elle, dans un recours engagé par un consommateur, agir comme décrit dans la première question, alors que, en principe, la compétence pour constater la nullité d’un contrat en raison du caractère abusif d’une des conditions contractuelles générales appartient non pas à un tribunal local, mais à une juridiction d’un niveau plus élevé, si la partie lésée introduit un recours à ce titre?

3)      En cas de réponse affirmative à la deuxième question, une juridiction nationale, statuant en appel, a-t-elle le droit d’examiner le caractère abusif d’une condition contractuelle générale si ce point n’a pas été soulevé en première instance et alors que, d’après le droit national, il ne peut, en règle générale, être tenu compte en appel de faits nouveaux ou de preuves nouvelles?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la troisième question

23      Par cette question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie en appel d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sur la base d’un formulaire prérédigé par le professionnel, a le droit d’examiner le caractère abusif des clauses litigieuses si cette cause d’invalidité n’a pas été soulevée en première instance, alors que, d’après le droit national, il ne peut, en règle générale, être tenu compte en appel de faits nouveaux ou de preuves nouvelles.

24      À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi que l’a souligné la Commission européenne, la décision de renvoi ne contient aucune indication quant à la production, par les parties au litige au principal, au stade de l’appel, de faits ou d’éléments de preuve nouveaux. Pour autant que la troisième question devrait être interprétée en ce sens qu’elle porte, en partie, sur le point de savoir si une juridiction d’appel, saisie d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, est tenue d’accepter la production de faits ou d’éléments de preuve nouveaux, cette partie de la question serait donc hypothétique et, dans cette mesure, irrecevable (voir notamment, par analogie, arrêt du 29 janvier 2013, Radu, C-396/11, non encore publié au Recueil, point 24).

25      En vue de répondre à la partie recevable de la question, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, selon lequel les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, constitue une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (voir, notamment, arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C-618/10, non encore publié au Recueil, point 40, et du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C-472/11, non encore publié au Recueil, point 20).

26      Afin d’assurer la protection recherchée par la directive 93/13, la Cour a déjà souligné à plusieurs reprises que la situation d’inégalité existant entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat (voir, notamment, arrêts précités Banco Español de Crédito, point 41, et Banif Plus Bank, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

27      C’est en raison de cette considération que la Cour a jugé que le juge national est tenu, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel (voir, notamment, arrêts précités Banco Español de Crédito, points 42 à 44, et Banif Plus Bank, points 22 à 24).

28      Par conséquent, le rôle qui est attribué par le droit de l’Union au juge national dans le domaine considéré ne se limite pas à la simple faculté de se prononcer sur la nature éventuellement abusive d’une clause contractuelle, mais comporte également l’obligation d’examiner d’office cette question, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (voir, notamment, arrêts précités Banco Español de Crédito, point 43, et Banif Plus Bank, point 23).

29      S’agissant de la mise en œuvre de ces obligations par un juge national statuant en appel, il convient de rappeler que, en l’absence de réglementation par le droit de l’Union, les modalités des procédures d’appel destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers. Cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts précités Banco Español de Crédito, point 46, et Banif Plus Bank, point 26).

30      En ce qui concerne le principe d’équivalence, il convient de relever qu’il découle dudit principe que, dès lors que le juge national statuant en appel dispose de la faculté ou a l’obligation d’apprécier d’office la validité d’un acte juridique au regard des règles nationales d’ordre public, alors même que cette contrariété n’a pas été soulevée en première instance, il doit également exercer une telle compétence aux fins d’apprécier d’office, au regard des critères de la directive 93/13, le caractère abusif d’une clause contractuelle entrant dans le champ d’application de cette dernière. Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi établirait que, dans les situations de nature interne, elle dispose de cette compétence, elle serait tenue d’exercer cette compétence dans une situation telle que celle au principal, qui met en cause la sauvegarde des droits que le consommateur tire du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C-40/08, Rec. p. I-9579, points 53 et 54, ainsi que du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C-488/11, non encore publié au Recueil, points 45 et 46).

31      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, sur la base du dossier qui lui a été soumis, la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité avec ledit principe de la réglementation en cause dans l’affaire au principal.

32      En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales (voir arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 49 et jurisprudence citée). Le juge national est tenu d’interpréter et d’appliquer l’ensemble des dispositions nationales en cause dans toute la mesure possible afin d’assurer la mise en œuvre effective des droits garantis par les dispositions du droit de l’Union.

33      En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que, selon le point 4, sous b), de l’avis 2/2010/VI.28./PK de la chambre mixte civile de la Legfelsobb Bíróság, du 28 juin 2010, le juge d’appel doit prendre en compte d’office un cas de nullité si l’existence de la cause de celle-ci ressort clairement des éléments de la procédure de première instance.

34      Cet avis précise également, à son point 5, sous a), que, si les faits exposés par la partie requérante donnent à la requête un autre fondement juridique que celui invoqué par ladite partie, la juridiction saisie peut procéder à la requalification adéquate, en droit, du fondement de la demande qui lui est soumise.

35      Comme l’a fait valoir le gouvernement hongrois dans les observations qu’il a présentées à la Cour, il peut être déduit de cet avis que, dans le système juridictionnel hongrois, le juge statuant en appel est compétent, dès qu’il dispose des éléments de fait et de droit nécessaires à cet effet, pour apprécier, d’office ou en requalifiant le fondement juridique de la demande, l’existence d’une cause de nullité d’une clause contractuelle ressortant de ces éléments, alors même que la partie au litige qui aurait pu s’en prévaloir n’a pas invoqué cette cause de nullité.

36      Ainsi qu’il a été rappelé au point 30 du présent arrêt, dès lors que le juge national statuant en appel dispose de cette compétence dans les situations de nature interne, il doit l’exercer dans une situation telle que celle en cause dans le litige au principal, qui met en cause la sauvegarde des droits que le consommateur tire de la directive 93/13.

37      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les règles nationales de procédure applicables dans le litige au principal n’apparaissent pas, en elles-mêmes, de nature à rendre impossible ou excessivement difficile la sauvegarde des droits que la directive 93/13 confère au consommateur.

38      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que, dès lors qu’une juridiction nationale, saisie en appel d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sur la base d’un formulaire prérédigé par ledit professionnel, a le pouvoir, selon ses règles de procédure internes, d’examiner toute cause de nullité ressortant clairement des éléments présentés en première instance et, le cas échéant, de requalifier, en fonction des faits établis, le fondement juridique invoqué pour établir l’invalidité de ces clauses, elle doit apprécier, d’office ou en requalifiant le fondement juridique de la demande, le caractère abusif desdites clauses au regard des critères de cette directive.

Sur la première question

39      Par cette question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 7 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le juge national qui a constaté le caractère abusif d’une clause contractuelle peut examiner d’office s’il y a lieu d’annuler le contrat pour ce motif, alors que les parties n’ont pas présenté de demande à cet égard.

40      En ce qui concerne les actions impliquant un consommateur individuel, l’article 6, paragraphe 1, premier membre de phrase, de la directive 93/13 oblige les États membres à prévoir que les clauses abusives «ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux».

41      La Cour a interprété cette disposition en ce sens que le juge national doit tirer toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celle-ci (voir, notamment, arrêts précités Banco Español de Crédito, point 63, et Banif Plus Bank, point 27). À cet égard, la Cour a précisé que, lorsque le juge national considère une clause contractuelle comme abusive, il est tenu de ne pas l’appliquer, sauf si le consommateur, après avoir été avisé par ledit juge, s’y oppose (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, Rec. p. I-4713, point 35).

42      Il découle de cette jurisprudence que la pleine efficacité de la protection prévue par la directive 93/13 requiert que le juge national qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause puisse tirer toutes les conséquences de cette constatation, sans attendre que le consommateur, informé de ses droits, présente une déclaration demandant que ladite clause soit annulée (voir, en ce sens, arrêts précités Banif Plus Bank, point 28, ainsi que Asbeek Brusse et de Man Garabito, point 50).

43      Ainsi que la Cour a déjà jugé, une législation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal, prévoyant que les clauses déclarées abusives sont nulles, satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2012, Invitel, C-472/10, non encore publié au Recueil, points 39 et 40).

44      Le juge national doit en outre apprécier l’incidence de la constatation du caractère abusif de la clause en cause sur la validité du contrat concerné et déterminer si ledit contrat peut subsister sans cette clause (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovost’, C-76/10, Rec. p. I-11557, point 61).

45      À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, in fine, de la directive 93/13 indique que «le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives» (arrêt du 15 mars 2012, Perenicová et Perenic, C-453/10, non encore publié au Recueil, point 29).

46      Ainsi que la Cour l’a relevé, l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 93/13 consiste en effet non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives, mais à rétablir l’équilibre entre les parties, tout en maintenant, en principe, la validité de l’ensemble d’un contrat (voir, en ce sens, arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 31).

47      S’agissant des critères qui permettent d’apprécier si un contrat peut effectivement subsister sans les clauses abusives, la Cour a jugé que tant le libellé de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 que les exigences relatives à la sécurité juridique des activités économiques militent en faveur d’une approche objective lors de l’interprétation de cette disposition (arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 32). Toutefois, cette directive n’ayant procédé qu’à une harmonisation partielle et minimale des législations nationales relatives aux clauses abusives, elle ne s’oppose pas à la possibilité, dans le respect du droit de l’Union, de déclarer nul dans son ensemble un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur contenant une ou plusieurs clauses abusives lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur (voir, en ce sens, arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 35).

48      Il y a donc lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le juge national qui constate le caractère abusif d’une clause contractuelle est tenu, d’une part, sans attendre que le consommateur présente une demande à cet effet, de tirer toutes les conséquences qui découlent, selon le droit national, de cette constatation afin de s’assurer que ce consommateur ne soit pas lié par cette clause et, d’autre part, d’apprécier, en principe sur la base de critères objectifs, si le contrat concerné peut subsister sans ladite clause.

Sur la deuxième question

49      Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle peut examiner s’il y a lieu d’annuler le contrat pour ce motif, alors que, selon les règles de procédure internes, les recours visant à établir l’invalidité de clauses contractuelles abusives relèvent de la compétence d’un autre organe juridictionnel.

50      À cet égard, il convient de relever qu’il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de désigner la juridiction compétente pour trancher les litiges qui mettent en cause des droits individuels dérivés de l’ordre juridique de l’Union, étant entendu cependant que les États membres portent la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective à ces droits. Sous cette réserve, il n’appartient pas à la Cour d’intervenir dans la solution des problèmes de compétence que peut soulever, au plan de l’organisation judiciaire nationale, la qualification de certaines situations juridiques fondées sur le droit de l’Union (voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1997, Dorsch Consult, C-54/96, Rec. p. I-4961, point 40, et du 22 mai 2003, Connect Austria, C-462/99, Rec. p. I-5197, point 35).

51      Toutefois, comme il a été rappelé aux points 43 et 44 du présent arrêt, la Cour a interprété l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 en ce sens que le juge national doit tirer toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celle-ci.

52      Dans ces conditions, il découle des exigences d’une interprétation du droit national conforme à la directive 93/13 et d’une protection effective des droits des consommateurs qu’il appartient à la juridiction nationale de faire, dans la mesure du possible, application de ses règles de procédure internes de manière à atteindre le résultat fixé par l’article 6, paragraphe 1, de cette directive.

53      Il convient donc de répondre à la deuxième question que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que la juridiction nationale qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle doit, dans la mesure du possible, faire application de ses règles de procédure internes de manière à ce que soient tirées toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur ne soit pas lié par celle-ci.

Sur les dépens

54      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que, dès lors qu’une juridiction nationale, saisie en appel d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sur la base d’un formulaire prérédigé par ledit professionnel, a le pouvoir, selon ses règles de procédure internes, d’examiner toute cause de nullité ressortant clairement des éléments présentés en première instance et, le cas échéant, de requalifier, en fonction des faits établis, le fondement juridique invoqué pour établir l’invalidité de ces clauses, elle doit apprécier, d’office ou en requalifiant le fondement juridique de la demande, le caractère abusif desdites clauses au regard des critères de cette directive.

2)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le juge national qui constate le caractère abusif d’une clause contractuelle est tenu, d’une part, sans attendre que le consommateur présente une demande à cet effet, de tirer toutes les conséquences qui découlent, selon le droit national, de cette constatation afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par cette clause et, d’autre part, d’apprécier, en principe sur la base de critères objectifs, si le contrat concerné peut subsister sans ladite clause.

3)      La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que la juridiction nationale qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle doit, dans la mesure du possible, faire application de ses règles de procédure internes de manière à ce que soient tirées toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur ne soit pas lié par celle-ci.