CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.
Contrat conclu entre un avocat et un consommateur – Honoraires – Révision du prix – Contrat sans prix – Réputé non écrit – Disposition supplétive
EXTRAIT
« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83, doivent être interprétés en ce sens que : lorsqu’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause déclarée abusive qui fixe le prix des services selon le principe du tarif horaire et que ces services ont été fournis, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national rétablisse la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de cette clause, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. Dans l’hypothèse où l’invalidation du contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que le juge national remédie à la nullité de ladite clause en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties audit contrat. En revanche, ces dispositions s’opposent à ce que le juge national substitue à la clause abusive annulée une estimation judiciaire du niveau de la rémunération due pour lesdits services.»
ANALYSE
La cour commence par rappeler qu’en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, il incombe au juge national d’écarter l’application des clauses abusives sauf si le consommateur s’y oppose. Cependant, le contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C-269/19, EU:C:2020:954, point 29 et jurisprudence citée).
Lorsqu’un contrat ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, l’article mentionné ci-dessus ne s’oppose pas à ce qu’une disposition de droit national à caractère supplétif ne remplace la clause afin d’éviter pour le consommateur les conséquences dommageables qui résulteraient de l’annulation du contrat dans son ensemble (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C-269/19, EU:C:2020:954, point 32 et jurisprudence citée). Elle précise que cette solution rendue à l’égard de contrats de prêts vaut pour l’annulation d’un contrat portant sur la prestation de services juridiques qui ont déjà été fournis, puisse mettre le consommateur dans une situation d’insécurité juridique, notamment dans l’hypothèse où le droit national permettrait au professionnel de réclamer une rémunération de ces services sur un fondement différent de celui du contrat annulé. En outre, l’invalidité du contrat pourrait éventuellement avoir une incidence sur la validité et l’efficacité des actes accomplis en fonction du droit national applicable (pt 62).
S’agissant des clauses relatives au prix, la Cour estime, que dans le cas où un nuge national estimerait que les contrats ne pourraient pas subsister après la suppression de la clause relative au prix, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose pas à l’invalidation de ceux-ci, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services.
En ce qui concerne la clause abusive fixant les honoraires d’avocat, la Cour considère que « le rétablissement de la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de cette clause se traduit en principe, y compris dans le cas où les services ont été fournis, par son exonération de l’obligation de payer les honoraires établis sur la base de ladite clause « (pt 58).
La Cour précise que les choses changent seulement dans l’hypothèse où l’invalidation des contrats dans leur ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de telle sorte que ce dernier en serait pénalisé. La juridiction de renvoi dispose alors de la possibilité exceptionnelle de substituer à une clause abusive annulée une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties au contrat en cause.
Il importe, cependant, qu’une telle disposition ait vocation à s’appliquer spécifiquement aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur et n’ait pas une portée à ce point générale que son application reviendrait à permettre, en substance, au juge national de fixer sur le fondement de sa propre estimation la rémunération due pour les services fournis (voir, en ce sens, , arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises étrangères), C-80/21 à C-82/21, EU:C:2022:646, points 76et 77ainsi que jurisprudence citée). En effet une telle solution irait à l’encontre du principe selon lequel un juge national ne peut réviser le contenu des clauses abusives. La révision des clauses est en effet contraire à l’effet dissuasif du caractère non contraignant de la clause puisque les professionnels demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, le contrat pourrait subsister en étant corrigé (arrêt du 18 novembre 2021, A. S.A., C-212/20, EU:C:2021:934, point 69ainsi que jurisprudence citée).
Elle conclut donc que s’il existe en droit national un texte supplétif permettant de fixer le prix des services de l’avocat,celui-ci peut être appliqué par le juge. En revanche, tout estimation judicaiire étant exclue, à défaut de texte, le juge national doit rétablir la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de la clause absuive, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services.
Voir également :
- La clause de tarif horaire des honoraires d’avocat relève de l’objet principal du contrat
- La clause qui se limite à fixer un tarif horaire de l’avocat n’est pas compréhensible pour le consommateur
- Le déséquilibre significatif ne peut en principe être caractérisé du seul fait du défaut de transparence