Cour de justice de l'Union européenne
La clause qui se limite à fixer un tarif horaire de l’avocat n’est pas compréhensible pour le consommateur

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat conclu entre un avocat et un consommateur – Clause de tarif horaire – Clause claire et compréhensible – Informations précontractuelles. 

 

EXTRAIT   

  

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du conseil, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que ne répond pas à l’exigence de rédaction claire et compréhensible, au sens de cette disposition, une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix de ces services selon le principe du tarif horaire sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion du contrat, des informations qui lui permettent de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance des conséquences économiques qu’entraîne la conclusion de ce contrat.»  

  

ANALYSE   

  

La Cour commence par rappeler que l’exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses contractuelles et, partant, de transparence, posée par la même directive, doit être entendue de manière extensive (voir en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, points 46 et 50 ainsi que jurisprudence citée). 

 

La Cour poursuit en rappelant que cette exigence impose que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, point 45 ainsi que du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19, EU:C:2020:578, point 67 ainsi que jurisprudence citée).  

 

Ainsi, seul le juge national est compétent pour déterminer si une clause est « claire et compréhensible » au sens de la directive clauses abusives. Le juge devra alors effectuer son contrôle au regard des faits d’espèce pertinents, en tenant compte des circonstance entourant la conclusion du contrat notamment s’il a été communiqué au consommateur l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement, lui permettant d’évaluer les conséquences financières de celui-ci (voir en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 52et jurisprudence citée). 

 

Ensuite, la Cour rappelle que le moment de la fourniture de l’information relative aux conditions contractuelles est d’une importance capitale pour le consommateur, puisque c’est sur le fondement de cette information qu’il décide s’il souhaite être lié par les conditions rédigées par le professionnel (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C-452/18, EU:C:2020:536, point 47 et jurisprudence citée). 

 

Ainsi, pour la Cour une clause qui se limite à indiquer le taux horaire des honoraires à percevoir par le professionnel, ne permet pas, en l’absence de toute autre information apportée par le professionnel, à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, d’évaluer les conséquences financières qui découlent de cette clause, à savoir le montant total à payer pour ces services. 

 

La Cour précise que compte tenu de la nature des services fournis lors d’un contrat de prestation de service juridique, qu’il est difficile voire impossible dans ces cas de déterminer avec exactitude le nombre d’heures nécessaires au professionnel afin de fournir de tels services et, par voie de conséquence, le coût total effectif de ceux-ci. Néanmoins la Cour rappelle à ce sujet que le respect par un professionnel de l’exigence de transparence, visée à l’article 4, paragraphe 2, et à l’article 5 de la directive 93/13, doit être apprécié par rapport aux éléments dont ce professionnel disposait au moment de la conclusion du contrat avec le consommateur (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C-452/18, EU:C:2020:536, point 49). 

 

La Cour ajoute que s’il ne peut pas être exigé d’un professionnel qu’il informe le consommateur sur les conséquences financières finales de son engagement, qui dépendent d’évènements futurs, imprévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel, il n’en reste pas moins que les informations qu’il est tenu de communiquer avant la conclusion du contrat doivent permettre au consommateur de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance, d’une part, de la possibilité que de tels évènements surviennent et, d’autre part, des conséquences qu’ils sont susceptibles d’entraîner concernant la durée de la prestation de services juridiques concernée.  

 

Enfin, la Cour précise que si les informations peuvent varier, elles doivent permettre au consommateur d’apprécier le coût total approximatif des services proposés par l’avocat. Tels seraient le cas d’une estimation du nombre prévisible ou minimal d’heures nécessaires pour fournir un certain service ou un engagement d’envoyer, à intervalles raisonnables, des factures ou des rapports périodiques indiquant le nombre d’heures de travail accomplies, autant d’éléments qu’il appartient au juge national d’évaluer.  

 

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