CJUE, 16 mars 2023, aff. C-565/21 – Caixabank SA c/ X 

  

– Contrat de crédit – Commission d’ouverture – Déséquilibre significatif – 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que : il ne s’oppose pas à une jurisprudence nationale qui considère qu’une clause contractuelle prévoyant, conformément à la réglementation nationale pertinente, le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture destinée à rémunérer les services liés à l’examen, à la constitution et au traitement personnalisé d’une demande de prêt ou de crédit hypothécaire, peut, le cas échéant, ne pas créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, à condition que l’existence éventuelle d’un tel déséquilibre fasse l’objet d’un contrôle effectif de la part du juge compétent, conformément aux critères issus de la jurisprudence de la Cour. » 

 

 

ANALYSE   

  

En vertu de l’article 3 § 1 de la directive 93/13, « une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ». 

Or, la règle susvisée permet-elle à une jurisprudence nationale de considérer qu’une clause prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture ne crée pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ? Telle est l’une des questions posées à la Cour dans cette affaire, qui a également tranché le point de savoir si la commmission d’ouverture porte sur l’objet principal du contrat (La clause prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture dans un contrat de crédit ne relève pas de l’objet principal du contrat) une fois qu’elle sera en ligne) et comment doit s’apprécier le défaut de clarté d’une prestation accessoire (Le caractère compréhensible d’une clause de commission d’ouverture suppose que l’emprunteur soit mis en mesure d’en évaluer les conséquences économiques).  

La Cour rappelle que l’existence d’un déséquilibre significatif ne s’apprécie pas uniquement du point de vue économique, par une comparaison entre le montant total de l’opération contractuelle et les coûts pesant sur le consommateur du fait de la clause litigieuse. Le déséquilibre peut résulter aussi d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique du consommateur (voir en ce sens arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, point 51).  

Le contrôle du juge en la matière doit être concret : il doit tenir compte par exemple de la nature des biens ou services relevant de l’objet du contrat et de toutes les circonstances entourant sa conclusion (voir en ce sens arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19, point 76). La Cour ajoute que ce contrôle concret du juge national doit s’appliquer également à la clause du contrat de crédit prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture, pour savoir si elle entraîne ou pas un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Au regard des documents contractuels remis au consommateur, le juge national doit vérifier notamment si les services fournis en contrepartie du paiement de cette commission relèvent réellement de l’examen, de la constitution et du traitement personnalisé de la demande de crédit ; il doit également vérifier s’il y a ou pas une disproportion entre la commission payée par le consommateur et le montant total de l’emprunt souscrit (voir en ce sens le point 59).  

C’est seulement après cette évaluation préalable que la jurisprudence nationale peut considérer qu’une clause prévoyant une commission d’ouverture ne crée pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur, et donc qu’elle n’est pas abusive. N’est pas admissible une jurisprudence nationale énonçant qu’une telle clause est insusceptible d’être abusive du seul fait qu’elle a pour objet des services inhérents à l’activité du prêteur, sans appréciation concrète.  

La jurisprudence nationale peut donc considérer qu’une clause d’un contrat de crédit prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture n’est pas abusive, à condition d’avoir effectué au préalable une évaluation concrète de cette clause.   

 

 

Voir également :  

CJUE, 16 mars 2023, C-565/21 – Caixabank  

Prêts hypothécaires – Commission d’ouverture du prêt – Caractère clair et compréhensible – Prestations accessoires 

EXTRAITS : 

« L’article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que aux fins de l’appréciation du caractère clair et compréhensible d’une clause contractuelle prévoyant le paiement par l’emprunteur d’une commission d’ouverture, le juge compétent est tenu de vérifier, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, que l’emprunteur a bien été mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques qui en découlent pour lui, de comprendre la nature des services fournis en contrepartie des frais prévus par ladite clause et de vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais prévus par le contrat ou entre les services que ces derniers rémunèrent. » 

 

 

ANALYSE : 

Par le présent arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser les différents éléments que les juges nationaux doivent vérifier pour apprécier le caractère clair et compréhensible d’une clause de commission d’ouverture contenue dans un contrat de crédit hypothécaire.  

 

Pour ce faire, la Cour commence par rappeler que l’article 5 de la directive 93/13 pose une exigence générale de transparence selon laquelle les clauses contractuelles doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible (pt.28). Elle énonce qu’il s’agit de la même exigence de transparence que celle visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13. Les deux exigences ayant la même « portée », il en résulte que l’interprétation extensive du principe de transparence des clauses s’applique de la même façon aux clauses portant sur l’objet principal du contrat (art. 4, paragraphe 2 de la dorective93/13) et à aux autres clauses (art. 5 de la directive 93/13). 

 

Par conséquent, en application de cette interprétation extensive du principe de transparence, une clause de commission d’ouverture ne peut être considérée comme claire et compréhensible si elle ne l’est que d’un point de vue grammatical et formel (pt.30) (CJUE, 16 juillet 2020, C-224/19 et C-259/19, Caixabank et Banco Bilbao Vizacaya Argentaria).  

 

La Cour considère ainsi que pour satisfaire à l’exigence de transparence susmentionnée, une clause de commission d’ouverture doit être intelligible pour le consommateur d’un point de vue grammatical mais il faut aussi que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère ladite clause ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses. Il faut ainsi vérifier que le consommateur a bien été mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques découlant d’une clause de commission d’ouverture (pt. 31) (CJUE, 16 juillet 2020, C-224/19 et C-259/19, Caixabank et Banco Bilbao Vizacaya Argentaria).  

 

La Cour appuie notamment sa position en rappelant sa jurisprudence selon laquelle il importe que la nature des services fournis puisse être raisonnablement compris ou déduite à partir du contrat considéré dans sa globalité et que le consommateur puisse vérifier qu’il n’existe pas de chevauchement entre les différents frais ou entre les services que ces derniers rémunèrent (pt. 32) (CJUE, 3 octobre 2019, C-621/17, Kiss et CIB Bank).  

 

La Cour conclut en précisant que pour apprécier la clarté et la compréhensibilité d’une clause de commission d’ouverture, telles que définies ci-dessus, les juges nationaux doivent se fonder sur des éléments de fait pertinents. La Cour précise que peuvent ainsi constituer des éléments de faits pertinents la publicité (pt. 43) et les informations que l’établissement financier est légalement tenu de fournir à l’emprunteur (pt. 42), le niveau d’attention attendu d’un consommateur moyen vis-à-vis d’une telle clause (pt. 44) ainsi que l’emplacement et la structure d’une telle clause (pt. 46). La Cour retient néanmoins que la notoriété d’une clause de commission d’ouverture ne saurait constituer un élément de fait pertinent dans le cadre de l’appréciation de son caractère clair et compréhensible (pt. 42).  

Voir également :

CJUE, 16 mars 2023, aff. C-565/21 – Caixabank SA c/ X 

  

– Contrat de crédit – Commission d’ouverture – Objet principal – 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que : il s’oppose à une jurisprudence nationale qui, eu égard à une réglementation nationale prévoyant que la commission d’ouverture rémunère les services liés à l’examen, à l’octroi ou au traitement du prêt ou du crédit hypothécaire ou d’autres services similaires, considère que la clause établissant une telle commission relève de l’« objet principal du contrat », au sens de cette disposition, au motif qu’elle représente l’une des composantes principales du prix. »  

  

ANALYSE   

  

En vertu de l’article 4 § 2 de la directive 93/13 sur les clauses abusives, l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation entre le prix ou la rémunération et les biens ou services fournis, pour autant que ces clauses soient rédigées de manière claire et compréhensible. 

La question en l’espèce est de savoir si une clause d’un contrat de crédit prévoyant le paiement d’une commission d’ouverture par l’emprunteur relève ou non de l’objet principal de ce contrat, cette clause étant une composante du prix de ce contrat.  

La Cour commence par rappeler le principe selon lequel les clauses relevant de l’objet principal d’un contrat sont celles qui fixent les prestations essentielles d’un contrat, qui définissent son essence même (voir en ce sens arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16).  

La Cour rappelle également que l’article 4 § 2 de la directive 93/13 encadrant les clauses relevant de l’objet principal du contrat constitue une exception, qui doit être interprétée strictement afin de garantir une protection optimale des consommateurs contre les clauses abusives. Dans un contrat de crédit, l’objet principal consiste en la mise à disposition par le prêteur d’une certaine somme d’argent au profit de l’emprunteur, tenu à son tour de rembourser ladite somme (voir en ce sens  arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C-782/19, point 57). L’objet principal d’un contrat de crédit n’inclut donc pas les prestations simplement accessoires à la mise à disposition et au remboursement.  

La Cour avait déjà énoncé qu’une commission d’ouverture ne saurait être considérée comme étant une prestation essentielle d’un contrat de crédit du seul fait qu’elle était comprise dans le coût total de ce contrat (voir en ce sens Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria C-224/19 et C-259/19, point 64).  

Dans cette continuité, la présente décision énonce que la clause prévoyant une commission d’ouverture ne relève pas de l’objet principal du contrat et peut donc être contrôlée par le juge au titre des clauses abusives, peu importe le fait qu’elle soit claire et compréhensible ou pas. En effet, cette clause est accessoire aux prestations essentielles du contrat de crédit, que sont la mise à disposition d’une somme d’argent et le remboursement de ladite somme.  

 

Voir également :  

  

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat conclu entre un avocat et un consommateur – Honoraires – Révision du prix – Contrat sans prix – Réputé non écrit – Disposition supplétive 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, telle que modifiée par la directive 2011/83, doivent être interprétés en ce sens que : lorsqu’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause déclarée abusive qui fixe le prix des services selon le principe du tarif horaire et que ces services ont été fournis, ils ne s’opposent pas à ce que le juge national rétablisse la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de cette clause, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. Dans l’hypothèse où l’invalidation du contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que le juge national remédie à la nullité de ladite clause en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties audit contrat. En revanche, ces dispositions s’opposent à ce que le juge national substitue à la clause abusive annulée une estimation judiciaire du niveau de la rémunération due pour lesdits services.»  

  

ANALYSE   

 

La cour commence par rappeler qu’en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, il incombe au juge national d’écarter l’application des clauses abusives sauf si le consommateur s’y oppose. Cependant, le contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C-269/19, EU:C:2020:954, point 29 et jurisprudence citée). 

 

Lorsqu’un contrat ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, l’article mentionné ci-dessus ne s’oppose pas à ce qu’une disposition de droit national à caractère supplétif ne remplace la clause afin d’éviter pour le consommateur les conséquences dommageables qui résulteraient de l’annulation du contrat dans son ensemble (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C-269/19, EU:C:2020:954, point 32 et jurisprudence citée). Elle précise que cette solution rendue à l’égard de contrats de prêts vaut pour l’annulation d’un contrat portant sur la prestation de services juridiques qui ont déjà été fournis, puisse mettre le consommateur dans une situation d’insécurité juridique, notamment dans l’hypothèse où le droit national permettrait au professionnel de réclamer une rémunération de ces services sur un fondement différent de celui du contrat annulé. En outre, l’invalidité du contrat pourrait éventuellement avoir une incidence sur la validité et l’efficacité des actes accomplis en fonction du droit national applicable (pt 62). 

 

S’agissant des clauses relatives au prix, la Cour estime, que dans le cas où un nuge national estimerait que les contrats ne pourraient pas subsister après la suppression de la clause relative au prix, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose pas à l’invalidation de ceux-ci, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. 

 

En ce qui concerne la clause abusive fixant les honoraires d’avocat, la Cour considère que « le rétablissement de la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de cette clause se traduit en principe, y compris dans le cas où les services ont été fournis, par son exonération de l’obligation de payer les honoraires établis sur la base de ladite clause «  (pt 58). 

 

 

La Cour précise que les choses changent seulement dans l’hypothèse où l’invalidation des contrats dans leur ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de telle sorte que ce dernier en serait pénalisé. La juridiction de renvoi dispose alors de la possibilité exceptionnelle de substituer à une clause abusive annulée une disposition de droit national à caractère supplétif ou applicable en cas d’accord des parties au contrat en cause.  

 

Il importe, cependant, qu’une telle disposition ait vocation à s’appliquer spécifiquement aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur et n’ait pas une portée à ce point générale que son application reviendrait à permettre, en substance, au juge national de fixer sur le fondement de sa propre estimation la rémunération due pour les services fournis (voir, en ce sens, ,  arrêt du 8 septembre 2022, D.B.P. e.a. (Crédit hypothécaire libellé en devises étrangères), C-80/21 à C-82/21, EU:C:2022:646, points 76et 77ainsi que jurisprudence citée). En effet une telle solution irait à l’encontre du principe selon lequel un juge national ne peut réviser le contenu des clauses abusives. La révision des clauses est en effet contraire à l’effet dissuasif du caractère non contraignant de la clause puisque les professionnels demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, le contrat pourrait subsister en étant corrigé (arrêt du 18 novembre 2021, A. S.A., C-212/20, EU:C:2021:934, point 69ainsi que jurisprudence citée). 

 

Elle conclut donc que s’il existe en droit national un texte supplétif permettant de fixer le prix des services de l’avocat,celui-ci peut être appliqué par le juge. En revanche, tout estimation judicaiire étant exclue, à défaut de texte, le juge national doit rétablir la situation dans laquelle se serait trouvé le consommateur en l’absence de la clause absuive, même si cela conduit à ce que le professionnel ne perçoive aucune rémunération pour ses services. 

 

 

Voir également :  

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat conclu entre un avocat et un consommateur – tarif horaire – Transparence – déséquilibre significatif.  

  

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du conseil, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur, fixant, selon le principe du tarif horaire, le prix de ces services et relevant, dès lors, de l’objet principal de ce contrat, ne doit pas être réputée abusive en raison du seul fait qu’elle ne répond pas à l’exigence de transparence prévue à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, telle que modifiée, sauf si l’État membre dont le droit national s’applique au contrat en cause a, conformément à l’article 8 de ladite directive, telle que modifiée, expressément prévu que la qualification de clause abusive découle de ce seul fait. »  

  

ANALYSE   

  

La Cour commence par rappeler que s’agissant de l’article 5 de la directive 93/13, le caractère transparent d’une clause contractuelle constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère abusif de cette clause qu’il appartient au juge national d’effectuer en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive. Dans le cadre de cette appréciation, il incombe au juge d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, dans un premier temps, le possible non-respect de l’exigence de bonne foi et, dans un second temps, l’existence d’un éventuel déséquilibre significatif au détriment du consommateur, au sens de cette dernière disposition (arrêt du 3 octobre 2019, Kiss et CIB Bank, C-621/17, EU:C:2019:820, point 49 ainsi que jurisprudence citée). 

 

Par ailleurs, en vertu des articles 4 paragraphe 2 et 5 de la directive 93/13, l’exigence de transparence ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur le plan formel et grammatical et doit être entendue de manière extensive (point 36 de l’arrêt et voir en ce sens arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, point 69). Partant, il n’y a pas lieu de traiter différemment les conséquences du défaut de transparence d’une clause contractuelle selon qu’elle concerne l’objet principal du contrat ou un autre aspect de celui-ci.  

 

De plus, si l’appréciation du caractère abusif d’une clause repose, en principe, sur une évaluation globale qui ne tient pas uniquement compte de l’éventuel défaut de transparence de cette clause (arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282), les Etats conservent la possibilité d’apporter un niveau de protection plus élevé aux consommateurs.  

 

En effet, la Cour précise que dans la mesure où les États membres demeurent libres de prévoir, dans leur droit interne, un tel niveau de protection, la directive 93/13, sans exiger que le défaut de transparence d’une clause d’un contrat conclu avec un consommateur entraîne de manière automatique la constatation de son caractère abusif, ne s’oppose pas à ce qu’une telle conséquence découle du droit national, en l’occurrence le droit lituanien. 

 

On observera que, s’agissant du défaut de clarté et de compréhensibilité, le droit français a transposé fidèlement la directive sans se montrer plus protecteur. Il faut donc en déduire qu’en principe la clause fixant l’objet principal de ce contrat ne doit pas être réputée abusive du seul fait qu’elle ne répond pas à l’exigence de transparence.  

 

Voir également :  

 

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat conclu entre un avocat et un consommateur – Clause de tarif horaire – Clause claire et compréhensible – Informations précontractuelles. 

 

EXTRAIT   

  

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du conseil, telle que modifiée par la directive 2011/83, doit être interprété en ce sens que ne répond pas à l’exigence de rédaction claire et compréhensible, au sens de cette disposition, une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix de ces services selon le principe du tarif horaire sans que soient communiquées au consommateur, avant la conclusion du contrat, des informations qui lui permettent de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance des conséquences économiques qu’entraîne la conclusion de ce contrat.»  

  

ANALYSE   

  

La Cour commence par rappeler que l’exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses contractuelles et, partant, de transparence, posée par la même directive, doit être entendue de manière extensive (voir en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, points 46 et 50 ainsi que jurisprudence citée). 

 

La Cour poursuit en rappelant que cette exigence impose que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que, le cas échéant, la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, point 45 ainsi que du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19, EU:C:2020:578, point 67 ainsi que jurisprudence citée).  

 

Ainsi, seul le juge national est compétent pour déterminer si une clause est « claire et compréhensible » au sens de la directive clauses abusives. Le juge devra alors effectuer son contrôle au regard des faits d’espèce pertinents, en tenant compte des circonstance entourant la conclusion du contrat notamment s’il a été communiqué au consommateur l’ensemble des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de son engagement, lui permettant d’évaluer les conséquences financières de celui-ci (voir en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C-125/18, EU:C:2020:138, point 52et jurisprudence citée). 

 

Ensuite, la Cour rappelle que le moment de la fourniture de l’information relative aux conditions contractuelles est d’une importance capitale pour le consommateur, puisque c’est sur le fondement de cette information qu’il décide s’il souhaite être lié par les conditions rédigées par le professionnel (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C-452/18, EU:C:2020:536, point 47 et jurisprudence citée). 

 

Ainsi, pour la Cour une clause qui se limite à indiquer le taux horaire des honoraires à percevoir par le professionnel, ne permet pas, en l’absence de toute autre information apportée par le professionnel, à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, d’évaluer les conséquences financières qui découlent de cette clause, à savoir le montant total à payer pour ces services. 

 

La Cour précise que compte tenu de la nature des services fournis lors d’un contrat de prestation de service juridique, qu’il est difficile voire impossible dans ces cas de déterminer avec exactitude le nombre d’heures nécessaires au professionnel afin de fournir de tels services et, par voie de conséquence, le coût total effectif de ceux-ci. Néanmoins la Cour rappelle à ce sujet que le respect par un professionnel de l’exigence de transparence, visée à l’article 4, paragraphe 2, et à l’article 5 de la directive 93/13, doit être apprécié par rapport aux éléments dont ce professionnel disposait au moment de la conclusion du contrat avec le consommateur (arrêt du 9 juillet 2020, Ibercaja Banco, C-452/18, EU:C:2020:536, point 49). 

 

La Cour ajoute que s’il ne peut pas être exigé d’un professionnel qu’il informe le consommateur sur les conséquences financières finales de son engagement, qui dépendent d’évènements futurs, imprévisibles et indépendants de la volonté de ce professionnel, il n’en reste pas moins que les informations qu’il est tenu de communiquer avant la conclusion du contrat doivent permettre au consommateur de prendre sa décision avec prudence et en toute connaissance, d’une part, de la possibilité que de tels évènements surviennent et, d’autre part, des conséquences qu’ils sont susceptibles d’entraîner concernant la durée de la prestation de services juridiques concernée.  

 

Enfin, la Cour précise que si les informations peuvent varier, elles doivent permettre au consommateur d’apprécier le coût total approximatif des services proposés par l’avocat. Tels seraient le cas d’une estimation du nombre prévisible ou minimal d’heures nécessaires pour fournir un certain service ou un engagement d’envoyer, à intervalles raisonnables, des factures ou des rapports périodiques indiquant le nombre d’heures de travail accomplies, autant d’éléments qu’il appartient au juge national d’évaluer.  

 

Voir également :  

 

 

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-395/21 – D. V.   

  

Contrat de prestation de services – Tarif horaire – Objet principal du contrat  

 

EXTRAIT  

 

« L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, telle que modifiée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, doit être interprété en ce sens que relève de cette disposition une clause d’un contrat de prestation de services juridiques conclu entre un avocat et un consommateur qui fixe le prix des services fournis selon le principe du tarif horaire.»  

  

ANALYSE   

  

La Cour commence par rappeler que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 qui prévoit une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives est d’interprétation stricte. La Cour rappelle également que les termes « objet principal du contrat » doivent normalement trouver une interprétation autonome et uniforme dans toute l’Union européenne, en tenant compte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation (voir en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, point 34 ainsi que jurisprudence citée) 

 

La Cour rappelle également qu’elle a déjà jugé que la notion d’ « objet principal du contrat » au sens de la disposition énoncée ci-dessus doit s’entendre comme étant celles qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci. En revanche, les clauses qui revêtent un caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel ne sauraient relever de cette notion (voir en ce sens les arrêts du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C-186/16, EU:C:2017:703, points 35et 36, ainsi que 22 septembre 2022, Vicente (Action en paiement d’honoraires d’avocat), C-335/21, EU:C:2022:720, du point 78).  

 

Dans cette affaire, la clause relative au prix porte sur la rémunération des services juridiques, établie selon un tarif horaire. Une telle clause, qui détermine l’obligation du mandant de payer les honoraires de l’avocat et indique le tarif de ceux-ci, fait partie des clauses qui définissent l’essence même du rapport contractuel, ce rapport étant précisément caractérisé par la fourniture rémunérée de services juridiques. Elle relève, par conséquent, de l’« objet principal du contrat », au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13. Son appréciation peut, en outre, concerner « l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services […] à fournir en contrepartie, d’autre part », au sens de cette disposition. 

 

Cette interprétation vaut indépendamment du fait, mentionné par la juridiction de renvoi dans sa première question préjudicielle, que ladite clause n’a pas été négociée séparément. En effet, lorsqu’une clause contractuelle fait partie de celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel, il en va ainsi aussi bien dans l’hypothèse où cette clause a fait l’objet d’une négociation individuelle que dans celle où une telle négociation n’a pas eu lieu. 

 

Voir également :

 

CJUE, 27 octobre 2022, aff. C-485/21 – S. V.  

 

Notion de “consommateur” – Notion de “professionnel” – Copropriétaire – Contrat de syndic 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 1er, paragraphe 1, et l’article 2, sous b) et c), de la directive 93/13/CEE du conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique, propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété, doit être considérée comme étant un « consommateur », au sens de cette directive, lorsqu’elle conclut un contrat avec un syndic aux fins de l’administration et de l’entretien des parties communes de cet immeuble, pour autant qu’elle n’utilise pas cet appartement à des fins qui relèvent exclusivement de son activité professionnelle. La circonstance qu’une partie des prestations fournies par ce syndic au titre de ce contrat résulte de la nécessité de respecter des exigences spécifiques en matière de sécurité et d’aménagement du territoire, prévues par la législation nationale, n’est pas de nature à soustraire ledit contrat au champ d’application de ladite directive, […]. »  

  

ANALYSE   

  

La CJUE était saisie de la question de savoir si l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 2, sous b) et c), de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’une personne physique, propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété, doit être considéré comme étant un « consommateur », au sens de cette directive, lorsque cette personne conclut un contrat avec un syndic aux fins de l’administration et de l’entretien des parties communes de cet immeuble, dont certaines dispositions sont régies par la législation nationale […]. 

 

La Cour a répondu comme suit :  

D’après l’article 3, paragraphe 1, la directive 93/13 est applicable aux clauses des « contrats conclus entre un professionnel et un consommateur » dont celles qui n’ont « pas fait l’objet d’une négociation individuelle » (voir, en ce sens, ordonnance du 19 novembre 2015, Tarcău, C-74/15, EU:C:2015:772, point 20 et jurisprudence citée). 

 

Les règles établies par la directive doivent être appliquées à « tout contrat » conclu entre un professionnel et un consommateur, tels que définis à l’article 2, sous b) et c), de ladite directive (voir, en ce sens, ordonnance du 14 septembre 2016, Dumitraș, C-534/15, EU:C:2016:700, points 26 et 27ainsi que jurisprudence citée). 

Ainsi, est un consommateur toute personne physique qui a agi à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. A contrario, est un professionnel toute personne physique ou morale qui agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C-590/17, EU:C:2019:232, point 22). 

La cour est ensuite venue rappeler que c’est par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle que la directive susmentionnée définit les contrats auxquels elle s’applique (arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C-590/17, EU:C:2019:232, point 23ainsi que jurisprudence citée). 

 

S’agissant de la notion de « consommateur », il est de jurisprudence constante de la Cour que celle-ci a un caractère objectif. Elle doit être déterminée au regard d’un critère fonctionnel, consistant à apprécier si le rapport contractuel en cause s’inscrit dans le cadre d’activités étrangères à l’exercice d’une profession. Il incombe au juge national d’apprécier au cas par cas si le contractant concerné peut être qualifié de « consommateur » (ordonnance du 14 septembre 2016, Dumitraș, C-534/15, EU:C:2016:700, point 32et jurisprudence citée). 

 

S’agissant de la notion de « professionnel », la Cour rappelle que le législateur européen a entendu consacrer une conception large de cette notion, de telle sorte que chaque personne physique ou morale doit être considérée comme relevant de celle-ci, dès lors qu’elle exerce une activité professionnelle, y compris les missions à caractère public et d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C-147/16, EU:C:2018:320, points 48 à 51et jurisprudence citée). 

 

En l’espèce, une personne physique, propriétaire, est liée par un contrat à un syndic de copropriété ce qui concerne l’administration et l’entretien des parties communes de l’immeuble en copropriété. Si la personne physique n’utilise pas cet appartement à des fins qui relèvent exclusivement de son activité professionnelle, la Cour énonce qu’il y a lieu de considérer que ladite personne agit en qualité de « consommateur ». Même s’il n’est pas contesté que le syndic agit en tant que professionnel et perçoit des charges annuelles pour ses activités, la Cour est venue poser le principe selon lequel la circonstance qu’une partie des activités réalisées par le syndic résultent de la nécessité de respecter des exigences spécifiques en matière de sécurité et d’aménagement du territoire, prévues par la législation nationale applicable, n’est pas de nature à soustraire ces activités au champ de la directive et donc des clauses abusives.  

Par conséquent, la présence d’exigences spécifiques, établies par la législation nationale, en matière de sécurité et d’aménagement du territoire ne justifie pas la présence de clauses abusives. 

 

La Cour précise ensuite que lorsque de telles dispositions législatives sont impératives, les clauses contractuelles reflétant ces dispositions sont exclues du champ d’application de cette directive, une telle exclusion n’implique pas que la validité d’autres clauses, figurant dans le même contrat et ne reflétant pas lesdites dispositions, ne pourrait pas être appréciée par le juge national au regard de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C-243/20, EU:C:2021:1045, point 39 et jurisprudence citée). 

 

Voir également :  

  

Recommandation n° 11-01 relative aux contrats proposés par les syndics de copropriété   

Recommandation n° 96-01 relative aux contrats proposés par les syndics de copropriété  

 

CJUE, 13 octobre 2022  aff. C-405/21  – NOVA KREDITNA BANKA MARIBOR d.d.  

  

Contrat de prêt libellé en devises étrangères – Déséquilibre significatif – Exigence de bonne foi – Critères d’appréciation – Degré d’harmonisation 

 

EXTRAIT 

  

« Larticle 3, paragraphe 1, et larticle 8 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que :  

ils ne sopposent pas à une réglementation nationale qui permet de constater le caractère abusif dune clause contractuelle lorsquelle crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, sans toutefois procéder à lexamen, dans une telle hypothèse, de lexigence de « bonne foi », au sens de cet article 3, paragraphe 1. »  

  

ANALYSE   

  

La CJUE rappelle les trois critères pour apprécier le caractère abusif d’une clause : la bonne foi, l’équilibre et la transparence (pt 18) et elle saisit l’occasion pour rappeler le sens de chacun des  ces crtières (pts 20 à 28).  

S’agissant de la bonne foi, qui fait l’objet de la question préjudicielle, elle rappelle qu’il s’agit d’un « élément qui permet de vérifier si le professionnel a traité de façon loyale et équitable avec le consommateur » (pt 24) et que cette notion « est inhérente à l’examen de la nature abusive d’une clause contractuelle » (pt 25). 

Cependant, elle rappelle qu’à raison du degré d’harmonisation minimal de la directive, est laissée une marge de manœuvre aux Etats membres de protéger davantage les consommateurs. Aussi une législation nationale (en l’espèce la législation slovène) qui permet de constater le caractère abusif dune clause contractuelle lorsque son existence crée, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat sans procéder à lexamen de lexigence de « bonne foi » n’est pas contraire à la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 

 

Le droit français qui ne se réfère pas à la bonne foi pour apprécier le caractère abusif d’une clause (C. consom., art. L. 212-1) n’est donc pas contraire au droit européen.