CJUE, 8 mai 2025, aff. C-6/24 – Abanca Corporacion bancaria, SA contre WE et VX

Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Contrats de crédit à la consommation – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 3, paragraphe 1 – Clause de déchéance du terme – Contrôle juridictionnel – Absence de règlementation nationale régissant la clause de déchéance du terme – Critères d’appréciation du caractère abusif »  

 

 EXTRAIT   

« {…} Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, aux fins de l’appréciation de l’éventuel caractère abusif d’une clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de prêt personnel, il peut être tenu compte de ce que cette clause permet au consommateur d’éviter l’exigibilité́ anticipée du prêt ou de remédier aux effets de celle-ci, sans que cette possibilité́ doive être prévue par une règle de droit national spécifiquement applicable aux contrats de prêt personnel.   »  

  

ANALYSE   

La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’une question préliminaire concernant l’interprétation du paragraphe 1 de l’article 3 de la directive 93/13/CEE dans le cadre de contrats de crédit personnel signés entre la banque espagnole Abanca et des consommateurs. 

En l’espèce, les contrats incluaient une clause de déchéance du terme qui s’appliquait en cas de non-paiement (un minimum de 3 ou 7 % du montant emprunté) et rendaient immédiatement exigibles les sommes dues. La clause donnait cependant au consommateur l’opportunité d’éviter l’exigibilité anticipée en régularisant sa situation dans un délai d’un mois après la mise en demeure. La cour de renvoi se posait des questions sur le caractère potentielement abusif de la clause, étant donné qu’il n’existe pas de règle particulière dans le droit espagnol pour les crédits personnels. 

La Cour de justice de l’Union européenne souligne que l’article 3, §1, exige d’évaluer si une clause engendre, malgré la bonne foi, un déséquilibre notable entre les droits et obligations des parties. Elle précise que cette évaluation doit prendre en considération toutes les circonstances liées à la conclusion du contrat, y compris l’existence de moyens contractuels efficaces au profit du consommateur. 

La Cour conclut que le fait que le moyen de régularisation figure dans la clause elle-même, et non dans une disposition nationale, ne suffit pas à rendre cette clause abusive. Ce qui compte, c’est l’existence effective d’un mécanisme permettant au consommateur d’éviter les effets de la déchéance du terme. 

Ainsi, une clause de déchéance du terme n’est pas abusive si elle offre un délai raisonnable de régularisation, même en l’absence de disposition nationale équivalente, tant que le juge national peut apprécier que les critères généraux de la directive soient respectés. 

 

CA Metz, 13 mars 2025, RG n°23/01447

– contrat de prêt – clause de déchéance du terme – clause abusive – exigibilité immédiate – préavis raisonnable – office du juge – imprescriptibilité –  

 

EXTRAITS

« Cette clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat sans mise en demeure préalable de régler les échéances impayées ni préavis d’une durée raisonnable crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement. Il s’agit d’une clause abusive, et il importe peu à cet égard que la jurisprudence antérieure ait été différente.»  

 

ANALYSE

En 2007, la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a consenti plusieurs prêts hypothécaires à un emprunteur pour l’acquisition d’une résidence principale. L’un des contrats, conclus entre un professionnel et un consommateur, renvoyait à des conditions générales prévoyant qu’en cas de déchéance du terme, notamment en cas de non-paiement d’une ou plusieurs échéances, le prêteur pouvait se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance par simple lettre recommandée. 

 

La Cour d’appel de Metz applique l’article L.132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au moment de la conclusion des prêts, et constate que la clause litigieuse entraîne un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. En effet, elle permet une résiliation de plein droit du contrat de prêt sans préavis d’une durée raisonnable, ce qui expose l’emprunteur « à une aggravation soudaine des conditions de remboursement ». Elle en déduit que cette clause est abusive et réputée non écrite. 

 

La Cour précise qu’il importe peu que la jurisprudence antérieure ait été différente, puisque, dès lors que le texte législatif est clair, la clause abusive doit être écartée. 

 

Elle rappelle également que le droit du consommateur à invoquer le caractère abusif d’une clause est imprescriptible et que le juge a l’obligation de le soulever d’office. 

 

Enfin, les juges du fond écartent pour les mêmes motifs une clause similaire d’un « contrat de prêts hypothécaires », également conclu entre un professionnel et des consommateurs et contenu dans un autre acte notarié . Cette clause permet au prêteur de se prévaloir de l’exigibilité immédiate des sommes prêtées en cas de non-paiement d’une seule échéance malgré mise en demeure de régulariser restée sans effet pendant 15 jours. Ce délai ne constitue pas un préavis raisonnable, et la Cour a déterminé que cette clause doit être jugée abusive et réputée non écrite. 

 

En conséquence, la banque n’est pas fondée à se prévaloir de la déchéance du terme, même si elle avait procédé à plusieurs mises en demeure.
 

Voir égal. 

CA Aix-en-Provence, 26 septembre 2024 n°24/01435 

 

contrat de prêt immobilier accessoire à une vente – déchéance du terme – résiliation sans préavis d’une durée raisonnable – mise en demeure – clause abusive – relevé d’office – réputé non-écrit – office du juge de première instance – règles supplétives – arrêt avant dire droit – principe du contradictoire  

 

EXTRAITS  

« Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), la CJUE a dit pour droit que la directive s’opposait à ce que les parties à un contrat de prêt y insèrent une clause qui prévoit, de manière expresse et non équivoque, que la déchéance du terme de ce contrat peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance dépassant un certain délai, dans la mesure où cette clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle et crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat. 

Par arrêt du 22 mars 2023 n° 21-16.476, la Cour de cassation, en application de l’article L.132-1 ancien du Code de la consommation et sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE, a retenu que doit être considérée comme abusive, la clause d’un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure ou sommation préalable de l’emprunteur ni préavis d’une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date ; 

Il en a été jugé ainsi d’une clause d’un contrat de prêt prévoyant la résiliation de plein droit du contrat après une mise demeure de régler restée infructueuse pendant quinze jours. (Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904) 

Au vu des développements qui précèdent et du moyen de droit soulevé d’office, il convient de surseoir sur l’ensemble des contestations et demandes et de rouvrir les débats pour permettre aux parties de formuler leurs observations sur le point précité et ses éventuelles conséquences sur les caractères liquide et exigible de la créance poursuivie ; ». 

 

 

ANALYSE   

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a été saisie par un emprunteur qui avait conclu un contrat de prêt avec une banque. Le contrat de prêt, annexé à un acte authentique de vente, contenait une clause de déchéance du terme. L’acte authentique de vente reprenait ladite clause. À la suite d’échéances impayées, la banque a fait signifier un commandement de payer valant saisie immobilière pour le recouvrement des sommes restant dues. Toutefois, le commandement de payer est resté sans effet. En application de la clause de déchéance du terme, la banque a assigné l’emprunteur à une audience d’orientation devant le juge de l’exécution, propre à la procédure de saisie immobilière.  

 

L’emprunteur a soulevé l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme du contrat de prêt. Le juge de l’exécution a constaté la réunion des conditions de la saisie immobilière, arrêté le montant de la créance liquide et exigible, et ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers saisis. L’emprunteur a interjeté appel de cette décision. 

Selon l’emprunteur, la clause de déchéance du terme est une clause abusive puisqu’elle dispense la banque d’avoir à justifier une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme.   

 

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle que la clause de déchéance stipule l’exigibilité immédiate du solde du compte sous quinze jours à compter de la mise en demeure envoyée par lettre recommandée avec avis de réception. Sur le fondement de l’article L212-1 du Code de la consommation, la question du caractère abusif de la clause qui ne laisse qu’un délai de quinze jours à l’emprunteur pour régulariser les échéances impayées se pose. Les juges du fond procèdent d’office à l’examen du caractère abusif de la clause dès lors qu’ils disposent des moyens de fait et de droit nécessaires (CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08 ; Civ. 2°, 14 octobre 2021 n°19-11.758 ; Com., 8 février 2023 n° 21-17.763). L’examen du caractère abusif de la clause peut être réalisé en cause d’appel, bien qu’il n’ait pas été accompli en première instance. L’article R.132-2 ancien du Code de la consommation énonce que : « dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l’article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : […] 

4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable  ;   » 

 

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il incombe au juge national d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt, en application d’une clause de déchéance du terme, dépendait de l’inexécution suffisamment grave de l’obligation essentielle du contrat par le consommateur, au regard de la durée et du montant du prêt. De plus, il incombe au juge national d’examiner si cette faculté déroge aux règles supplétives de droit des contrats, et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur de remédier aux effets de l’exigibilité du prêt en application de la clause de déchéance du terme (CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C-421-14). Ces trois critères permettent au juge national d’examiner l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat. Ils ne sont ni cumulatifs, ni alternatifs (CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest”, C-600/21).  

 

De plus, la directive s’oppose à l’insertion d’une clause qui stipule expressément et sans équivoque, que la déchéance du terme peut être prononcée de plein droit en cas de retard de paiement d’une échéance après un certain délai car une telle clause, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation , crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest”, C-600/21, précité). Ainsi, la clause d’un contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans mise en demeure préalable, ni préavis d’une durée raisonnable, la totalité des sommes dues en cas de défaut de paiement d’une échéance est abusive (Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476). En ce sens, une clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat, quinze jours après une mise en demeure restée sans effet, ne respecte pas l’exigence de préavis d’une durée raisonnable. Une telle clause est abusive. (Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904)   

 

Par conséquent, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence surseoit à statuer sur l’ensemble des contestations et demandes. La réouverture des débats est ordonnée à l’audience du 15 janvier 2025, afin de permettre aux parties de formuler leurs observations sur le moyen de droit relevé d’office, relatif au caractère abusif de la clause de déchéance du terme. 

 

 

Voir également :  

 

CJUE, 8 décembre 2022, “Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest” C-600/21 

 

Cour de justice de l’Union européenne  : L’appréciation du caractère abusif d’une clause de déchéance du terme tient compte de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat de prêt – Commission des clauses abusives (CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21) 

 

Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476  

 

La clause de déchéance du terme est abusive lorsqu’elle est invoquée sans un préavis d’une durée raisonnable – Commission des clauses abusives (Civ. 1°, 22 mars 2023 n°21-16.476)  

 

Civ. 1°, 29 mai 2024 n° 23-12.904  

 

CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C421-14 

 

Contrat de prêt hypothécaire-Procédure de saisie d’un bien hypothéqué-Délai de forclusion-office du juge – Commission des clauses abusives (CJUE, 26 janvier 2017, “Banco Primus”, C-421/14)  

 

CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08  

 

Office du juge – Commission des clauses abusives (CJCE, 4 juin 2009, “Pannon”, C-243/08)   

 

Civ. 2°, 14 octobre 2021 n°19-11.758  

 

Le juge doit rechercher d’office si la clause qui définit l’objet principal dans un contrat d’assurance vie est claire et compréhensible – Commission des clauses abusives (Civ. 2°, 14 octobre 2021 n° 19-11.758)   

 

Com., 8 février 2023 n° 21-17.763 

 

En dépit de l’autorité de la chose jugée, le juge de l’exécution est tenu d’apprécier le caractère abusif des clauses qui servent de fondement aux poursuites – Commission des clauses abusives (Com., 8 février 2023 n°21-17.763)   

 

CJUE, 9 novembre 2023, aff. C-598/21- Všeobecná úverová banka 

 

Contrat de crédit à la consommation – Clause de déchéance du terme – Contrôle juridictionnel – Proportionnalité au regard des manquements contractuels du consommateur – Contrat garanti par une sûreté immobilière – Vente extrajudiciaire du logement du consommateur 

 

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, l’article 4, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière des articles 7 et 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que :  

 

ils s’opposent à une règlementation nationale en vertu de laquelle le contrôle juridictionnel du caractère abusif d’une clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de crédit à̀ la consommation ne tient pas compte du caractère proportionné de la faculté́ laissée au professionnel d’exercer le droit qu’il tire de cette clause, au regard de critères liés notamment à̀ l’importance du manquement du consommateur à ses obligations contractuelles, tels que le montant des échéances qui n’ont pas été honorées par rapport au montant total du crédit et à la durée du contrat, ainsi qu’à la possibilité́ que la mise en œuvre de cette clause conduise à̀ ce que le professionnel puisse procéder au recouvrement des sommes dues au titre de ladite clause par la vente, en dehors de tout processus judiciaire, du logement familial du consommateur. »  

  

ANALYSE   

  

Un litige naît de l’impossibilité pour deux consommateurs de rembourser leurs dettes tirées d’un contrat de crédit à la consommation conclu pour vingt ans auprès d’un établissement de crédit slovaque. Ledit contrat était par ailleurs garanti par une sûreté immobilière grevant le logement familial des débiteurs.  

Par la suite, la banque déclare la déchéance du terme et exige alors le remboursement de la totalité des sommes dues trois mois après le défaut de paiement des débiteurs en invoquant une clause de déchéance du terme insérée dans le contrat. Ceux-ci ne s’étant pas exécutés, elle décide de réaliser sa sûreté par la vente aux enchères dite « volontaire » de l’immeuble donné en garantie. Cette procédure extrajudiciaire prévue en droit slovaque est réalisée sans examen du bien-fondé du montant de la créance ni du caractère proportionné de celle-ci par rapport à la vente. Or, il s’avère que la valeur du bien grevé vendu était trente fois supérieure à la somme exigée par la banque. Les débiteurs saisissent le tribunal slovaque d’une demande de suspension de la vente aux enchères.   

 

Plusieurs questions préjudicielles ont été posées mais seule la première sera analysée, la seconde, relative à l’interprétation de la directive 2005/29, ayant été jugée sans objet. 

La Cour de justice a donc été saisie sur la question de savoir « si le juge doit examiner le caractère proportionné de la faculté́ que la clause de déchéance du terme offre au créancier, en l’absence d’une obligation en ce sens imposée par la règlementation ou la jurisprudence nationale. »  

En l’espèce, la Cour souligne le fait que la clause litigieuse est soumise aux dispositions de la directive puisqu’elle reprend des dispositions nationales qui ne sont pas impératives. Ainsi, après avoir vérifié que la clause de déchéance du terme relevait bien du champ d’application de la directive 93/13, les juges luxembourgeois commencent par rappeler le paysage dans lequel s’inscrit la lutte contre les clauses abusives. Elle insiste sur « la situation d’infériorité dans laquelle le consommateur [qui ne peut être lié par les clauses abusives] se trouve à l’égard du professionnel » et sur le niveau élevé de protection du consommateur énoncé à l’article 38 de la Charte des droits fondamentaux qu’il convient d’assurer, tout en rappelant sa jurisprudence antérieure.  

En effet, le contrôle juridictionnel au centre de cet arrêt est celui de la proportionnalité de la faculté offerte au créancier de déclarer exigible la totalité du prêt en vertu d’une clause de déchéance du terme.  

À cet égard, la Cour affirme que lorsque le juge national apprécie le caractère abusif de la clause, il doit opérer ce contrôle et ce, même en l’absence d’une obligation imposée dans la réglementation ou la jurisprudence nationale.  

De plus, la CJUE avait déjà statué au sujet d’une même clause de déchéance du terme d’un crédit hypothécaire (en ce sens, Banco Primus du 26 janvier 2017, C-421/14).  

Ainsi, dans ce nouvel arrêt, la Cour confirme, que le caractère proportionné est examiné à la lumière d’une liste non exhaustive de critères (CJUE; 8 décembre 2022, aff. C-600/21) et indique que parmi eux figurent notamment : “l’éventuel déséquilibre contractuel créé par ladite clause, et la circonstance que la mise en œuvre de celle-ci peut, le cas échéant, entraîner le recouvrement par le créancier des sommes dues au titre de la même clause par la vente de ce logement en dehors de tout processus judiciaire”. 

De plus, la Cour précise les conséquences de la mise en œuvre d’une clause d’exigibilité anticipée des sommes, insérée dans un contrat de prêt hypothécaire de longue durée négocié unilatéralement par la banque.  

En effet, parmi les conséquences de la mise en œuvre d’une telle clause figurait la vente aux enchères du logement familial garanti et ce, en dehors de toute intervention du juge. À cet égard, la Cour souligne que, lors de son analyse, le juge se doit de tenir compte de « l’éventuel déséquilibre contractuel créé par ladite clause » et lesdites conséquences de la mise en œuvre de celle-ci, notamment lorsqu’elle implique “l’éviction du consommateur et de sa famille du logement constituant leur résidence principale”, laquelle est protégée par le droit fondamental au logement. La CJUE s’appuie ici de nouveau sur la Charte des droits fondamentaux (art. 7). 

Il est donc important que le juge dispose de mesures lui permettant d’empêcher une situation qui entrave l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13 (en ce sens, CJUE,10 septembre 2014, Kušionová, C-34/13).  

 

Ainsi, la Cour affirme que le juge doit examiner le caractère proportionné de la faculté́ que la clause de déchéance du terme offre au créancier, en l’absence d’une obligation en ce sens imposée par la règlementation ou la jurisprudence nationale. Ainsi, par cet arrêt, la Cour renforce d’autant plus la protection du consommateur dans la lutte contre les clauses abusives. 

En droit français, il a été jugé que le juge national doit examiner d’office le caractère abusif de la clause prévoyant la déchéance du terme pour non-paiement d’une échéance (en ce sens, Cass. Civ 1ère, 22 mars 2023, n°21-16.476). Quant à la question de la proportionnalité, l’impératif de proportionnalité au cœur des procédures civiles d’exécution permet de restreindre cette faculté laissée au créancier.  

CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21– Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest   

  

 Contrat de prêt – Clause relative à la déchéance du terme – déséquilibre significatif 

  

EXTRAIT  

  

« L’article 3, paragraphe 1, et l’article 4 de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que : un retard de plus de 30 jours dans le paiement d’une échéance de prêt peut, en principe, au regard de la durée et du montant du prêt, constituer à lui seul une inexécution suffisamment grave du contrat de prêt, au sens de l’arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus(C-421/14, EU:C:2017:60).»  

  

ANALYSE   

  

L’article 3 paragraphe 1 de la directive 93/13 énonce qu’une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.  

Selon l’article 4 de la même directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat, des circonstances entourant la conclusion du contrat, des autres clauses du contrat et d’un autre contrat dont il dépend.  

 

Dans la décision Banco Primus (arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14), la CJUE avait jugé que   pour apprécier le caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombe au juge d’examiner un certain nombre de critères. Parmi ceux-ci figure la question de savoir si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt (pt 66). 

 

La Cour se demande en l’espèce si un retard de plus de trente jours dans le paiement d’une échéance d’un prêt peut constituer à lui seul une inexécution suffisamment grave du contrat de prêt par l’emprunteur, justifiant la déchéance du terme du prêt et l’exigibilité immédiate des sommes dues, au sens de son arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus (C-421/14). 

 

La réponse à cette question est importante pour déterminer si la clause relative à la déchéance du terme du prêt, en raison d’un retard de paiement d’une échéance de plus de trente jours par l’emprunteur, constitue ou non une clause abusive au sens des textes de la directive 93/13 susvisés. 

  

Or, la CJUE énonce qu’un retard supérieur à trente jours dans le paiement d’une seule échéance d’un prêt peut être considéré comme une inexécution suffisamment grave de l’emprunteur par la juridiction nationale. 

 

Donc, la Cour conclut qu’un retard de plus de trente jours dans le paiement d’une échéance de prêt peut, en principe, constituer à lui seul une inexécution suffisamment grave de l’emprunteur, au regard de la durée et du montant du prêt souscrit. Par conséquent, la clause de déchéance du terme du prêt prévoyant l’exigibilité immédiate des sommes dues pour un tel retard de paiement n’est pas abusive a priori.