Cour de cassation
Le juge doit rechercher d’office si la clause qui définit l’objet principal dans un contrat d’assurance vie est claire et compréhensible

Cass. Civ.2ème, 14 octobre 2021, 19-11.758

Cass. Civ.2ème, 14 octobre 2021, 19-11.758  

Contrat d’assurance vie — Clause renvoyant pour la liquidation de la rente au tarif en vigueur —— Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties — Objet principal du contrat — Office du juge

EXTRAIT : 

« Vu l’article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation en vertu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; 

En statuant ainsi, alors qu’il résultait d’une part, que la clause X définissait l’objet principal du contrat, en ce qu’elle prévoyait les modalités de la transformation en rente de l’épargne constituée par l’adhérent, d’autre part, qu’elle renvoyait, sans autre précision, au « tarif en vigueur », de sorte qu’il lui incombait d’examiner d’office la conformité de cette clause aux dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives en recherchant si elle était rédigée de façon claire et compréhensible et permettait à l’adhérent d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui, et, dans le cas contraire, si elle n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel ou consommateur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». 

ANALYSE : 

Dans un contrat d’assurance vie, la clause permettant la transformation de la rente en capital par l’application d’une table de mortalité « selon le tarif en vigueur » correspond à l’objet du contrat, en ce qu’elle détermine la prestation de l’assureur en contrepartie du versement des primes par l’assuré, adhérent à un contrat de groupe.  

S’agissant de l’objet principal du contrat, cette clause ne peut être déclarée abusive que si elle n’est pas  claire et compréhensible  (C. consom., art. L. 212-1, al. 3). 

La Cour de cassation rappelle l’obligation pour le juge d’écarter d’office une clause abusive s’il « dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet. Lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose » suivant l’arrêt Pannon (CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08). 

La deuxième chambre civile considère dans cette décision qu’entre dans cet office du juge l’obligation de rechercher le caractère clair et compréhensible d’une clause définissant l’objet principal du contrat (en l’espèce d’un contrat d’assurance vie) afin de vérifier si, en cas de défaut de clarté, la clause a pour effet de créér un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ou du non-professionnel. Or, s’agissant du défaut de clarté, la Cour de cassation fait application pour la première fois de la jurisprudence Van Hove (CJUE 23 avril 2015 aff. C-96/14) selon laquelle : 

« L’exigence de transparence des clauses contractuelles, posée par la directive 93/13, ne saurait être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci. Au contraire, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive » (cons. 40).  

Ainsi, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que « ladite clause est rédigée de manière claire et compréhensible, c’est-à-dire qu’elle est non seulement intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui » (cons. 50). 

Il en résulte que le juge doit d’office rechercher si la clause permettant la transformation de la rente en capital par l’application d’une table de mortalité « selon le tarif en vigueur » permettait à « l’adhérent d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui ». Si le juge du fond devait estimer que cette clause n’est pas claire, il pourrait éventuellement juger cette clause abusive si elle crée un déséquilibre significatif.  

Voir également : 

–  Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 mai 2016, 14-24.698, Publié au bulletin 

–  Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mars 2017, 16-13.050, Publié au bulletin 

https://www.inc-conso.fr/content/les-juges-doivent-soulever-doffice-une-clause-susceptible-detre-consideree-comme-abusive