Chambre civile 1
Audience publique du 13 novembre 1996
Rejet.
N° de pourvoi : 94-17369
Publié au bulletin
Président : M. Lemontey .
Rapporteur : M. Aubert.
Avocat général : M. Roehrich.
Avocats : la SCP Vier et Barthélemy, la SCP Monod.

Sur le moyen unique, pris en ses huit branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société F. a commercialisé une carte téléphonique dénommée « Pastel », qui permet à ses utilisateurs de téléphoner de tout poste public ou privé situé en France ou à l’étranger sans avoir à payer le prix de la communication, dont le montant est débité directement sur le compte du titulaire de la carte auquel une facturation détaillée est ensuite adressée ; que cette carte comporte un numéro gravé sur l’une de ses faces et un numéro de code secret qui est attribué à chaque titulaire ; que, lorsque l’abonné téléphone sur le réseau automatique, il compose successivement le numéro qui lui permet d’entrer dans le service, celui qui figure sur sa carte, son code secret et enfin le numéro de téléphone de son correspondant et, lorsqu’il téléphone en France depuis l’étranger, sans que la communication soit automatique, il donne à l’opérateur de F. le numéro de sa carte, celui de son code et celui du correspondant qu’il veut atteindre ; que le contrat d’accès à ce service stipule, dans son article 6, que, “ […] Pour les communications passées depuis l’étranger par l’intermédiaire d’un opérateur de ce pays, le code ne doit pas être communiqué. Dans le cas contraire, F. dégage toute responsabilité “ ; qu’estimant que le fait de donner son numéro de code confidentiel à un opérateur qui n’est pas étranger présente des risques pour l’abonné, l’association U. a assigné F. pour le faire constater et faire déclarer abusifs et réputés non écrits les articles 6 et 10 du contrat stipulant, notamment, que “ l’usager est seul responsable de l’utilisation et de la conservation de sa carte “ et que F. ne peut être déclaré responsable des “ conséquences de l’impossibilité pour l’abonné d’utiliser sa carte par suite de son altération, ou du fonctionnement défectueux des matériels de F., de leur non-fonctionnement ou de leur mauvaise utilisation… “ ; que l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 10 mai 1994) a débouté l’U. de ses demandes ;

Attendu que l’U. reproche à l’arrêt de s’être prononcé ainsi, alors que, d’une part, en refusant de supprimer comme abusives les clauses qui imposent le secret, lequel ne peut être entièrement respecté par l’utilisateur, la cour d’appel aurait violé, par refus d’application, l’article L. 132-1 du Code de la consommation ; que, de deuxième part, en refusant de supprimer l’article 6 comme abusif, en dépit du déséquilibre significatif créé entre l’obligation au secret imposée au titulaire de la carte et le droit de celui-ci de communiquer son code prétendument confidentiel à tout opérateur français, la cour d’appel aurait violé l’article 1134 du Code civil dont il résulte qu’une clause qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle doit être supprimée lorsque, malgré les exigences de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, de troisième part, en refusant d’annuler la clause de l’article 10 du contrat selon laquelle l’abonné est seul responsable de l’utilisation et de la conservation de sa carte, qui aboutit à supprimer la responsabilité découlant de la violation par F. d’une obligation essentielle, à savoir l’obligation de garantie, et procure un avantage excessif à F. qui, du fait de sa position économique, se trouve en mesure de l’imposer à sa clientèle, et caractérise ainsi l’abus, la cour d’appel aurait violé par refus d’application l’article L. 132-1 du Code de la consommation ; alors que, de quatrième part, en refusant d’annuler les stipulations de l’article 10, alinéa 3, qui font peser sur le consommateur toutes les conséquences du dysfonctionnement d’un matériel auquel il n’a pas accès et dont F. a la maîtrise exclusive, la cour d’appel aurait encore violé l’article L. 132-1 du Code de la consommation ; que, de cinquième part, en refusant d’annuler cette même clause bien qu’elle supprime tout droit à réparation du consommateur en cas de manquement de F. à ses obligations, la cour d’appel aurait violé par refus d’application l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ; que, de sixième part, en refusant de supprimer l’article 10 en dépit du déséquilibre créé entre la responsabilité exclusive de l’abonné, résultant du premier alinéa, et l’irresponsabilité totale de F. résultant de l’alinéa 3, la cour d’appel aurait méconnu l’article 1134 du Code civil ; que, de septième part, en refusant d’éliminer une clause ayant pour effet de conférer à l’usage de la carte avec le code confidentiel une valeur probante que le titulaire de la carte ne peut combattre, la cour d’appel aurait violé la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 94-02 du 27 septembre 1994 ; qu’enfin, en refusant de supprimer les clauses 6 et 10 du contrat carte Pastel, manifestement contraires aux dispositions des articles 4, 12 et 15 de la recommandation de synthèse n° 91-2 de la Commission des clauses abusives, la cour d’appel aurait violé ces mêmes dispositions ;

Mais attendu, d’abord, que la clause de confidentialité du code d’utilisation de la carte, loin de constituer une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire pour la sauvegarde des intérêts des abonnés, de la commodité d’utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé ; que c’est donc à bon droit que la cour d’appel, qui a souligné que F. demeurait responsable de ses propres opérateurs, a dit que la demande d’annulation de cette clause n’était pas justifiée, que ce soit au regard de l’article L. 132-1 du Code de la consommation ou en vertu de l’article 1134 du Code civil auquel le pourvoi prête une portée dont ce texte est dépourvu ; qu’ensuite la clause stipulant que la responsabilité de l’utilisation et de la conservation de la carte incombe à son titulaire, qui n’emporte aucune dispense de l’obligation de garantie au bénéfice de F., dont, par motif expressément adopté, les juges du fond ont relevé qu’il s’obligeait à remplacer les cartes défectueuses, n’est pas davantage entachée d’abus ; que c’est donc à juste titre, également, que la cour d’appel, qui relève que la clause n’est pas en contradiction avec les principes qui régissent la responsabilité civile, énonce qu’elle n’a aucun caractère abusif ; qu’ensuite encore la clause stipulant que F. ne saurait être tenue pour responsable des conséquences résultant pour l’abonné de l’altération et du fonctionnement défectueux de son matériel ou de la mauvaise utilisation de celui-ci ne relève pas de l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, qui ne concerne que la vente ; que cette clause, qui ne tend, dans le cadre du service spécifique convenu, lequel vise à donner, avec un service de facturation, un mode d’accès facilité aux réseaux téléphoniques interne et international, qu’à interdire à l’abonné d’invoquer les dysfonctionnements propres à ces réseaux, et dont la cour d’appel a relevé que, pas plus que la précédente, elle ne conférait à F. un avantage excessif, n’est pas abusive ; qu’enfin les recommandations de la Commission des clauses abusives ne sont pas génératrices de règles dont la méconnaissance ouvre la voie de la cassation ; qu’il suit de là que le moyen, qui n’est pas fondé en ses six premières branches, est inopérant en ses deux dernières ;

Et attendu que le pourvoi est abusif ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Consulter l’arrêt de la Cour 

Numéro : ccass961113.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, portée des recommandations de la Commission.

Résumé : Les recommandations de la Commission des clauses abusives ne sont pas génératrices de règles dont la méconnaissance ouvre la voie de la cassation.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, cartetéléphonique permettant à ses utilisateurs de téléphoner de tout poste public ou privé situé en France ou à l’étranger sans avoir à payer le prix de la communication, clause de confidentialité du code d’utilisation.

Résumé : La clause de confidentialité du code d’utilisation de la carte, loin de constituer une clause abusive, apparaît comme la contrepartie, nécessaire pour la sauvegarde des intérêts des abonnés, de la commodité d’utilisation du réseau téléphonique aménagée par le service proposé, le professionnel restant responsable de ses opérateurs.

ANALYSE 3

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, cartetéléphonique permettant à ses utilisateurs de téléphoner de tout poste public ou privé situé en France ou à l’étranger sans avoir à payer le prix de la communication, clause stipulant que la responsabilité de l’utilisation et de la conservation de la carte incombe à son titulaire.

Résumé : La clause qui stipule que la responsabilité de l’utilisation et de la conservation de la carte incombe à son titulaire, n’emporte aucune dispense de l’obligation de garantie incombant au professionnel ; cette clause n’est pas en contradiction avec les principes qui régissent la responsabilité civile et n’a aucun caractère abusif .

ANALYSE 4

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, cartetéléphonique permettant à ses utilisateurs de téléphoner de tout poste public ou privé situé en France ou à l’étranger sans avoir à payer le prix de la communication, clause stipulant que le professionnel ne saurait être tenu pour responsable des conséquences résultant pour l’abonné de l’altération et du fonctionnement défectueux de son matériel ou de la mauvaise utilisation de celui ci.

Résumé : La clause qui stipule que le professionnel ne saurait être tenu pour responsable des conséquences résultant pour l’abonné de l’altération et du fonctionnement défectueux de son matériel ou de la mauvaise utilisation de celui-ci  ne tend, dans le cadre du service qui vise à donner, avec un service de facturation, un mode d’accès facilité aux réseaux téléphoniques interne et international, qu’à interdire à l’abonné d’invoquer les dysfonctionnements propres à ces réseaux, ne confère pas au professionnel un avantage excessif ; une telle clause n’est pas abusive .

Chambre civile 1
Audience publique du 5 novembre 1996
Cassation.
N° de pourvoi : 94-18667
Publié au bulletin 1996 I N° 377 p. 264
Président : M. Lemontey .
Rapporteur : M. Chartier.
Avocat général : Mme Le Foyer de Costil.
Avocats : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP de Chaisemartin et Courjon.

Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par un contrat du 9 mars 1987, la société C. a loué à la société E. B., du matériel téléphonique pour une durée de quinze années ; que, par une lettre du 13 juin 1989, la société E. B. a résilié le contrat ; que la société C. a demandé l’application de la clause 8 du contrat prévoyant, dans certains cas de résiliation, le paiement d’une indemnité égale aux trois quarts des annuités restant à courir ;

Attendu que pour dire la clause nulle, en même temps que la clause de l’article 3, alinéa 5, refusant ce droit de résiliation au locataire, l’arrêt retient qu’elles sont abusives, dès lors que la société E. B., fabricant de bracelets de cuir sans compétence particulière en matière d’électronique et de téléphone, doit être considérée comme un consommateur ayant contracté avec un professionnel ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’objet du contrat avait un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par la société E. B., de sorte que le contrat ne relevait pas de la législation sur les clauses abusives, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 juin 1994, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon.
Décision attaquée :Cour d’appel de Besançon, 1994-06-10

 Consulter l’arrêt de la Cour 

Numéro : ccass961105.htm

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, contrat de location de matériel téléphonique souscrit par une société fabricant de bracelets de cuir, objet du contrat ayant un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant.

Résumé : Le contrat de location de matériel téléphonique ayant unrapport direct avec l’activité professionnelle exercée par un fabricant de bracelets de cuir, la législation sur les clauses abusives ne lui est pas applicable.

Consulter le jugement du tribunal (fichier PDF image, 313 Ko)

Numéro : tgip961030.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, séjour linguistique, clause permettant de modifier le lieu de séjour, portée.

Résumé : La clause d’un contrat de séjour linguistique qui stipule que « le fait pour l’organisation de changer, dans un même pays, le lieu de séjour choisi par l’adhérent ne peut être considéré comme un élément: modifiant la définition du séjour et susceptible de ce fait d’engendrer le droit à annulation ou à un dédommagement quelconque » est abusive dès lors que, quand bien même l’objet principal du contrat est l’apprentissage d’une langue, le lieu de résidence constitue un des éléments déterminants de la signature du contrat, la résidence, le climat -s’agissant de séjours pendant une période de vacances- et, le cas échéant, l’accent pratiqué, étant de nature à influer directement sur le choix de l’organisateur de séjour.

 

Voir également :

Recommandation n° 94-03 : séjours linguistiques

Consulter le jugement du tribunal (fichier PDF image, 313 Ko)

Numéro : tgip961008.pdf

 

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, location saisonnière, clause permettant au professionnel de modifier le séjour réservé par le consommateur, portée.

Résumé : La clause d’un contrat de location saisonnière qui stipule que « dans le cas où un séjour réservé par le client devrait être modifié par le prestataire du fait de circonstances extérieures, ce dernier s’efforcera de proposer au client un séjour de remplacement présentant les caractéristiques les plus semblables possibles au séjour initialement prévu » et que le client peut en ce cas annuler sa réservation dans le délai de sept jours est abusive dès lors qu’elle autorise le loueur à modifier unilatéralement l’objet même du contrat au détriment du locataire.

 

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, location saisonnière, clause qui limite à 24 H la possibilité pour le consommateur de dénoncer les anomalies constatées, portée.

Résumé : La clause d’un contrat de location saisonnière qui limite à 24 H la possibilité pour le consommateur de dénoncer les anomalies constatées est abusive, même au regard de la briéveté du séjour, dès lors qu’elle rend plus difficile pour le locataire la mise en oeuvre des garanties dont est tenu le loueur:

 

ANALYSE 3

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, location saisonnière, clause stipulant que tout retard après 18 H 30 aurait pour conséquence le report de la prise de possession au prochain jour ouvrable à 9 H et qu’en cas d’arrivée tardive acceptée par le responsable de l’accueil, une facturation horaire serait à acquitter pour le locataire, portée.

Résumé : La clause stipulant que tout retard après 18 H 30 aurait pour conséquence le report de la prise de possession au prochain jour ouvrable à 9 H et qu’en cas d’arrivée tardive acceptée par le responsable de l’accueil, une facturation horaire de 180 F par heure de retard serait à acquitter pour le locataire est abusive dès lors qu’elle est incompatible avec les aléas du voyage auxquels est immanquablement soumis le vacancier, notamment en période hivernale, et dont il ne peut deviner les effets 48 heures à l’avance et qu’elle peut l’exposer à des graves diffic:ultés qui excèdent manifestement les aménagements ponctuels et saisonniers que le loueur peut être tenu d’apporter dans l’organisation de son établissement.

 

Mots clés :

Bail, location, immobilier

Voir également :

Recommandation n° 94-04 : locations saisonnières

Arrêt de la Cour d’appel : consulter l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 mai 1998

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 223 Ko)

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 208 Ko)

Numéro : car961002_427.pdf & car961002_428.pdf

 

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, notion de non professionnel, caution associée de la société débiteur principal.

Résumé : La stipulation de solidarité d’un engagement de caution ne peut être examinée à la lumière de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 (codifié à l’article L 132-1 du code de la consommation) dans la mesure où les cautions ne peuvent être tenues pour des « consommateurs » ou des non professionnels, alors qu’elles sont associées de la société débitrice principale et qu’elles ont agi dans le cadre de leur activité professionnelle pour assurer le fonctionnement de la société dans laquelle elles avaient leurs intérêts.

Consulter le jugement du tribunal (fichier PDF image, 246 Ko)

Numéro : tin960807.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, teinturerie, clause limitative de responsabilité, portée.

Résumé :  Le plafonnement du remboursement prévu par les conditions générales affichées dans le magasin en cas de dommage causé aux vêtements déposés pour nettoyage est abusive en ce qu’elle limite de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis d’un professionnel en cas d’exécution défectueuse par celui-ci d’une quelconque de ses obligations contractuelles.

 

Mots clés :

Teinturerie, pressing.

Consulter le jugement du tribunal (fichier PDF image, 40 Ko)

Numéro : tia960724.pdf

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, mandat de vente de véhicule automobile, indemnité en cas de résiliation, portée.

Résumé : Est abusive en ce qu’elle permet au professionnel de percevoir une indemnité si le consommateur renonce à exécuter le contrat sans prévoir le droit pour le consommateur à une indemnité d’un montant équivalent en cas de renonciation de la part du professionnel, la clause d’un mandat de vente de véhicule automobile qui stipule qu’en cas de résiliation du contrat du fait du mandant, une indemnité de 6 000 F restera acquise au mandataire, alors qu’en cas de résiliation du fait du mandataire, le mandant consent spontanément à participer aux frais de recherche engagés par le mandataire à hauteur de 1 500 F.