CJUE, 17 mai 2022, C-600/19 – Ibercaja Banco  

Procédure de saisie exécution hypothécaire – Caractère abusif d’une clause du contrat de prêt – Autorité de la chose jugée et forclusion – Perte de la possibilité d’invoquer le caractère abusif d’une clause du contrat devant une juridiction – Pouvoir de contrôle d’office du juge national  

EXTRAITS : 

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui, en raison de l’effet de l’autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au juge d’examiner d’office le caractère abusif de clauses contractuelles dans le cadre d’une procédure d’exécution hypothécaire ni au consommateur, après l’expiration du délai pour former opposition, d’invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente, lorsque lesdites clauses ont déjà fait l’objet, lors de l’ouverture de la procédure d’exécution hypothécaire, d’un examen d’office par le juge de leur caractère éventuellement abusif, mais que la décision juridictionnelle autorisant l’exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l’existence de cet examen ni n’indique que l’appréciation portée par ce juge à l’issue dudit examen ne pourra plus être remise en cause en l’absence d’opposition formée dans ledit délai. » 

ANALYSE : 

Dans le cadre d’un litige relatif à l’exécution d’un prêt hypothécaire, un consommateur a demandé la suspension de la procédure d’exécution en invoquant le caractère abusif de la clause relative aux intérêts moratoires et de la clause plancher figurant dans le contrat.  

Toutefois selon la juridiction nationale, le caractère abusif des clauses du contrat de prêt ne pouvait plus être recherché, le contrat ayant déjà produit ses effets, la garantie hypothécaire ayant déjà été exécutée et l’examen d’office par le juge du caractère abusif des clauses ayant déjà été réalisé.  

La Cour, après avoir énoncé que la directive 93/13/CEE protège les consommateurs en situation d’infériorité et que l’article 6 de ladite directive est une disposition impérative, rappelle que le juge est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause. Cependant, la protection du consommateur n’est pas absolue et la Cour soulève l’importance que revêt le principe de l’autorité de la chose jugée. 

La Cour constate que, lors de l’ouverture de la procédure d’exécution, le tribunal compétent a examiné d’office la question de savoir si l’une des clauses du contrat en cause pouvait être qualifiée d’abusive. Toutefois la décision par laquelle le tribunal a ordonné l’ouverture de la procédure d’exécution hypothécaire ne comportait aucune mention attestant de l’existence d’un contrôle du caractère abusif des clauses du titre à l’origine de cette procédure. Aussi, le consommateur n’a pas été informé de l’existence de ce contrôle ni, au moins sommairement, des motifs sur la base desquels le tribunal a estimé que les clauses en cause étaient dépourvues de caractère abusif.

C’est pour cette raison que la Cour déclare que les articles 6 et 7 de la directive s’opposent à une législation qui interdit au consommateur d’invoquer une clause abusive ou au juge d’examiner d’office le caractère abusif de la clause à la suite d’une décision autorisant l’exécution hypothécaire alors que ladite décision ne fait mention d’aucun examen d’office du caractère abusif des clauses. 

CJUE, 7 avril 2022, C-385-20 – Caixabank 

Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Principe d’effectivité – Pouvoir de contrôle d’office de la juridiction nationale – Procédure nationale de taxation des dépens 

EXTRAITS : 

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale selon laquelle la valeur du litige, qui constitue la base de calcul des dépens récupérables par le consommateur ayant eu gain de cause dans le cadre d’un recours relatif à une clause contractuelle abusive, doit être déterminée dans la requête ou, à défaut, est fixée par cette réglementation, sans que cette donnée puisse être modifiée par la suite, à condition que le juge chargé, in fine, de la taxation des dépens reste libre de déterminer la valeur réelle du litige pour le consommateur en lui assurant de bénéficier du droit au remboursement d’un montant raisonnable et proportionné par rapport aux frais qu’il a dû objectivement exposer pour intenter un tel recours. » 

ANALYSE : 

Il revenait à la Cour de déterminer si l’article 6 paragraphe 1 et l’article 7 paragraphe 1 de la directive 93/13/CEE s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle la valeur du litige doit être soit déterminé dans la requête ou à défaut fixé par la réglementation, sans que par la suite le montant déterminé ne puisse être modifié.  

La Cour rappelle que la protection tirée de la directive 93/13 est appréciée au regard du principe d’effectivité (v. point 48) dont le respect est notamment analysé en considération du principe de sécurité juridique. 

La Cour poursuit en énonçant que la détermination de la valeur du litige dès le dépôt de la requête introductive d’instance apparaît conforme au principe de sécurité, puisque cela permet aux parties de connaître dès l’engagement le coût économique potentiel du litige. 

Par ailleurs, la Cour ajoute que s’agissant du montant des dépens dont le consommateur peut demander le remboursement au titre des honoraires d’avocat exposés, à la partie ayant succombé, il n’apparaît pas contraire au principe d’effectivité que, en vertu du principe de sécurité juridique, la réglementation nationale prévoie que la valeur du litige ne puisse pas être modifiée au cours de la procédure juridictionnelle, dès lors que c’est à la fin de la procédure qu’il convient de s’assurer du remboursement effectif des frais engagés par le consommateur en prenant en considération le montant des honoraires dont il peut, compte tenu de la valeur attribuée au litige, demander le remboursement au professionnel condamné aux dépens. 

La Cour poursuit en précisant que l’effectivité de la protection voulue par la directive 93/13 doit être assurée par la garantie, pour les consommateurs, d’être remboursés des frais qu’ils ont exposés à hauteur d’un montant raisonnable et proportionné au coût des honoraires d’avocat dans une procédure juridictionnelle en constatation du caractère abusif d’une clause contractuelle. Le tout ayant déjà été énoncé aux points 62 et 64 de l’arrêt. Ainsi, il incombe au juge national de s’assurer que le consommateur puisse bénéficier de la protection issue de la directive 93/13, les règles nationales ne devant pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice de ces droits. En l’espèce la Cour énonce que c’est au juge national compétent in fine pour procéder à la taxation des dépens, de s’assurer, lors de ses calculs, que les dépens qui doivent être effectivement remboursés compte tenu de ce plafonnement légal correspondent à un montant raisonnable et proportionné par rapport aux frais d’avocat que le consommateur a dû objectivement exposer pour intenter le recours en cause. 

CJUE, 7 avril 2022, C-385/20 – Caixabank 

Principe d’effectivité – Procédure juridictionnelle visant à la constatation du caractère abusif d’une clause contractuelle – Procédure nationale de taxation des dépens – Dépens remboursables au titre d’honoraires d’avocat 

EXTRAITS : 

«  L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit, dans le cadre de la taxation des dépens liés à un recours relatif au caractère abusif d’une clause contractuelle, un plafond applicable aux honoraires d’avocat récupérables, par le consommateur ayant eu gain de cause sur le fond, auprès du professionnel condamné aux dépens, à condition que ce plafond permette au premier d’obtenir, à ce titre, le remboursement d’un montant raisonnable et proportionné par rapport aux frais qu’il a dû objectivement exposer pour intenter un tel recours. » 

ANALYSE : 

Par le présent arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser dans quelle mesure une disposition nationale peut prévoir, dans le cadre de la répartition des dépens liés à un recours fondé sur le caractère abusif d’une clause, un plafond applicable aux honoraires d’avocat devant être remboursés au consommateur, ayant eu gain de cause sur le fond, par le professionnel. 

Pour ce faire, la Cour commence par souligner que la taxation des dépens d’une procédure juridictionnelle devant les juridictions nationales constitue une règle de procédure relevant de l’autonomie procédurale des Etats membres. La Cour rappelle alors que ce principe d’autonomie procédurale des Etats membres ne doit toutefois pas méconnaître les principes d’effectivité et d’équivalence du Droit de l’Union Européenne (CJUE-16 juillet 2020-C-224/19-Caixabank). Dans la présente affaire, seul est visé le principe d’effectivité, qui implique que les modalités procédurales mises en œuvre par les Etats membres ne rendent pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13 

La Cour poursuit en rappelant que le principe d’effectivité ne s’oppose pas à ce qu’un consommateur supporte certains frais de justice lorsqu’il intente un recours visant à faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle (pt. 51). Elle retient ainsi qu’il n’est pas contraire au principe d’effectivité que le consommateur ayant eu gain de cause sur ce fondement ne soit pas remboursé par le professionnel, partie perdante au procès, de l’intégralité des honoraires d’avocat dont il s’est acquitté (pt. 52). Toujours selon la Cour, cette solution se justifierait notamment par le fait que lesdits honoraires soient convenus entre le consommateur et son avocat, et qu’il pourrait s’agir d’honoraires inhabituellement élevés (pt. 53). 

La Cour précise toutefois que des modalités procédurales, qui entraîneraient des coûts trop élevés pour le consommateur, seraient de nature à dissuader ce dernier d’agir en justice, dès lors qu’une telle action mettrait à sa charge des frais d’un montant supérieur à la dette contestée (CJUE, 13 septembre 2018, C-176/17 – Profi Credit Polska) (pt.54). La Cour en retient ainsi que le montant des frais de justice devant être remboursés au consommateur doit être suffisant par rapport au coût total de la procédure juridictionnelle.  

Ainsi, la Cour en conclut que des dispositions nationales peuvent prévoir un plafond applicable aux honoraires d’avocat récupérables par le consommateur, sous réserve que ce plafond lui assure d’être remboursé des honoraires d’avocat engagés à hauteur d’un montant raisonnable et proportionné au regard des frais de justice qu’il a exposés pour voir constater le caractère abusif d’une clause le liant à un professionnel.  

CJUE, 31 mars 2022 , C-472/20 – Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt. 

Prêt libellé en devise remboursable en monnaie nationale – Caractère abusif d’une clause se rapportant à l’objet principal du contrat – Effets d’une clause abusive – Nullité du contrat – Préjudice grave pour le consommateur – Impossibilité de rétablir les parties dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu – Obligation du juge de veiller à ce que le consommateur se trouve dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé – Droit à restitution des avantages indûment acquis par le professionnel

EXTRAIT : 

« La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que le juge national compétent décide de rétablir les parties à un contrat de prêt dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu au motif qu’une clause dudit contrat se rapportant à son objet principal doit être déclarée abusive en vertu de cette directive, étant entendu que, si ce rétablissement s’avère impossible, il lui appartient de veiller à ce que le consommateur se trouve en définitive dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé. »

ANALYSE : 

La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé (point 50). 

En outre, la constatation de son caractère abusif doit avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de la clause abusive (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15, EU:C:2016:980, point 61), et ce, en fondant notamment un droit à restitution des avantages indûment acquis, à son détriment, par le professionnel sur le fondement de ladite clause (arrêt du 31 mai 2018, Sziber, C-483/16, EU:C:2018:367, point 34 et jurisprudence citée) (points 50 et 55). 

Cependant, elle rappelle également que le contrat devra rester contraignant pour les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives (arrêts du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C-453/10, EU:C:2012:144, point 29, et du 29 avril 2021, Bank BPH, C-19/20, EU:C:2021:341, point 53) (point 52). 

La Cour en conclut que les juridictions nationales qui constatent le caractère abusif des clauses contractuelles sont tenues cumulativement, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 : 

Par ailleurs, lorsque le juge national estime que le contrat de prêt en cause ne peut juridiquement subsister après la suppression des clauses abusives concernées et lorsqu’il n’existe aucune disposition de droit national à caractère supplétif ou de disposition applicable en cas d’accord des parties au contrat susceptible de se substituer auxdites clauses, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où le consommateur n’a pas exprimé son souhait de maintenir les clauses abusives et où l’annulation du contrat exposerait ce consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, le juge doit prendre, en tenant compte de l’ensemble de son droit interne, toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation du contrat de prêt en cause pourrait provoquer, notamment du fait de l’exigibilité immédiate de la créance du professionnel à l’égard de celui-ci (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C-269/19, EU:C:2020:954, point 41) (point 56). 

Dans une situation telle que celle en cause au principal, où le juge national estime qu’il n’est pas possible de rétablir les parties dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu et qu’il lui appartient donc de veiller à ce que le consommateur se trouve en définitive dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé, les intérêts du consommateur pourraient être ainsi sauvegardés au moyen, notamment, d’un remboursement en sa faveur des sommes indûment perçues par le prêteur sur le fondement de la clause jugée abusive, un tel remboursement intervenant au titre de l’enrichissement sans cause (points 57 et 58). 

En l’occurrence, la juridiction de première instance a requalifié le contrat de prêt en cause de contrat de prêt libellé en forints hongrois, puis a déterminé le taux d’intérêt applicable et a obligé Lombard à rembourser le montant correspondant à un tel enrichissement sans cause (point 58). 

Toutefois, la Cour insiste sur le fait que les pouvoirs du juge ne sauraient s’étendre au-delà de ce qui est strictement nécessaire afin de rétablir l’équilibre contractuel entre les parties au contrat et ainsi de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation du contrat de prêt en cause pourrait provoquer (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 44) (point 59). 

CJUE, 31 mars 2022 , C-472/20 – Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt. 

Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives – Effets –Nullité du contrat – Préjudice grave pour le consommateur – Effet utile de la directive 93/13 – Avis non contraignant de la juridiction suprême – disposition de droit national à caractère supplétif 

EXTRAIT : 

« La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que l’effet utile des dispositions de celle-ci ne peut, en l’absence d’une règle de droit national à caractère supplétif régissant une telle situation, être assuré uniquement par un avis non contraignant de la juridiction suprême de l’État membre concerné indiquant aux juridictions inférieures l’approche à suivre pour déclarer un contrat comme étant valide ou comme ayant sorti ses effets entre parties lorsque ce contrat ne peut subsister en raison du caractère abusif d’une clause se rapportant à son objet principal. » 

ANALYSE : 

L’effet utile d’une directive consiste à en assurer la mise en œuvre (arrêt van Duyn du 4 décembre 1974). S’agissant de la directive 93/13/CEE, les États membres ont ainsi l’obligation de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, point 68).  

Une difficulté se pose lorsque la suppression d’une clause contractuelle abusive conduirait à la nullité du contrat de consommation. La CJUE estime que le juge national peut alors substituer à la clause abusive une disposition de droit national à caractère supplétif dès lors que la nullité exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, point 61). 

Suivant cette logique, la cour suprême de la Hongrie (la Kúria) avait émis un avis détaillant la marche à suivre par les juridictions inférieures confrontées à cette situation. Cet avis expliquait ainsi comment conserver la validité d’un contrat entaché d’une clause abusive en l’adaptant à la suite de la suppression de cette dernière. 

La CJUE avait déjà estimé qu’une juridiction suprême d’un État membre peut adopter des décisions contraignantes au sujet des modalités de la mise en œuvre de la directive (voir, en ce sens, arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C‑96/16 et C‑94/17, point 68). Toutefois elle considère qu’au contraire un avis non contraignant d’une juridiction suprême d’un État membre, tel que l’avis de la Kúria, ne saurait être assimilé à une disposition de droit national à caractère supplétif appelée à se substituer à une clause abusive. 

En définitive, l’effet utile de la directive peut être garanti par la loi nationale ou par un arrêt de la juridiction suprême nationale, mais pas par un simple avis de cette dernière qui ne fait qu’instaurer une pratique non-contraignante. 

CJUE, 21 décembre 2021, C-243/20, Trapeza Peiraios  

Adoption ou maintien de dispositions nationales assurant un niveau de protection plus élevé au consommateur – Clauses contractuelles reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Exclusion du champ d’application de cette directive – Article 1er, paragraphe 2 – Article 8 – Interaction entre ces diverses dispositions de la directive 93/13 

EXTRAITS : 

« L’article 8 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’adoption ou au maintien de dispositions de droit interne ayant pour effet d’appliquer le système de protection des consommateurs prévu par cette directive à des clauses qui sont visées à l’article 1er, paragraphe 2, de celle-ci. » 

ANALYSE : 

Par le présent arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser que des dispositions de droit interne peuvent étendre l’application du système de protection prévu par directive 93/13 à des clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives.  

Pour ce faire, la Cour commence par rappeler que la directive 93/13 est une directive d’harmonisation minimale. Dès lors, les Etats membres ont la possibilité d’assurer, dans le respect du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de ladite directive (point 54).  

Plus précisément, la Cour relève que l’article 8 de la directive 93/13, qui offre la faculté aux Etats membres d’adopter ou de maintenir des dispositions nationales plus strictes pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur est applicable au seul domaine régi par la directive, c’est-à-dire aux clauses susceptibles d’être abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur (point 55).Or, la Cour met en avant que l’article 1, paragraphe 2, de la directive 93/13 exclut du champ d’application de la directive les clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives (point 56). Partant, la Cour retient que les clauses visées à l’article 1, paragraphe 2, de la directive 93/13 ne relèvent pas du champ d’application de la directive et ne devraient ainsi pas être concernées par le degré minimal d’harmonisation de (article 8 de la directive).  

Toutefois, la Cour rappelle que les Etats membres peuvent appliquer des dispositions de la directive 93/13 à des situations qui n’entrent pas dans le champ d’application de cette dernière, pour autant que cela soit compatible avec les objectifs poursuivis par celle-ci et avec les traités (CJUE, 2 avril 2020, C-329/19, Condominio di Milano, via Meda). 

CJUE, 21 décembre 2021, C-243/20 – Trapeza Peiraios 

Clauses contractuelles reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Exclusion du champ d’application de la directive 93/13 – Incidence de l’absence de transposition d’une disposition de la directive. 

EXTRAITS : 

« L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses qui sont visées à cet article 1er, paragraphe 2, sont exclues du champ d’application de cette directive, quand bien même ladite disposition n’aurait pas été transposée de manière formelle dans l’ordre juridique d’un État membre, et, dans un tel cas de figure, les juridictions de cet État membre ne sauraient considérer que ledit article 1er, paragraphe 2, a été incorporé de manière indirecte dans le droit national au moyen de la transposition de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive. » 

ANALYSE : 

Dans cet arrêt, la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur la portée à donner à l’absence de transposition par un  législateur national de l’article 1, paragraphe 2 de la directive 93/13. 

La Cour rappelle au point 43 que la directive a vocation à s’appliquer uniquement dans les cas de figure qui ne sont pas écartés de son champ d’application. Parmi les cas en question figurent au titre de l’exclusion de l’article 1er, paragraphe 2, les clauses reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives  

La Cour observe que nonobstant une éventuelle absence de transposition en droit interne de cet article 1er, paragraphe 2, le contrôle des clauses reflétant des dispositions nationales impératives et donc le contrôle indirect de ces dispositions impératives, n’est pas prévu par le droit de l’Union. Par conséquent, la Cour énonce qu’une telle absence de transposition ne saurait modifier le champ d’application de la directive 93/13. 

Dans cette affaire, la juridiction nationale avait considéré que l’exclusion prévue à l’article 1, paragraphe 2 figurait implicitement dans les dispositions nationales ayant transposée l’article 3, paragraphe 1 et l’article 4 de ladite directive. Toutefois, la Cour rappelle que l’article 1er, paragraphe 2, limite le champ d’application du système de protection contre les clauses abusives, tandis que les articles 3 et 4 portent respectivement sur la notion de clause abusive et sur la portée de l’appréciation du caractère abusif. Elle en déduit que les articles n’ayant pas le même objet, la juridiction nationale ne saurait considérer que l’article 1, paragraphe a été indirectement incorporé dans la transposition des articles 3 et 4 de la directive. 

La portée de cette décision est importante pour le droit français dans la mesure où le législateur français n’a pas transposé les dispositions ayant trait aux exclusions du champ d’application de la réglementation relative aux clauses abusives.  

CJUE, 21 décembre 2021, C-243/20 – Trapeza Peiraios  

Clause contractuelle reflétant des dispositions législatives ou réglementaires impératives – Clause reflétant une disposition nationale de nature supplétive – Exclusion du champ d’application de la directive 93/13 – Prêt remboursable en devise étrangère 

EXTRAITS : 

« L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il exclut du champ d’application de cette directive une clause insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui reflète une disposition législative ou réglementaire nationale de nature supplétive, c’est-à-dire s’appliquant par défaut en l’absence d’un arrangement différent entre les parties, même si ladite clause n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle. » 

ANALYSE : 

La Cour rappelle que les clauses reflétant des « dispositions législatives ou réglementaires impératives » sont exclues du champ d’application de la directive 93/13/CEE (article 1er, paragraphe 2). Elle confirme que l’exclusion vise aussi les clauses reflétant des dispositions nationales supplétives, c’est-à-dire des règles s’appliquant à défaut d’arrangement conventionnel des parties. La Cour rappelle que le fait que ces clauses n’aient pas fait l’objet de négociations individuelles n’a pas d’incidence sur leur exclusion du champ d’application de la directive (voir arrêt 9 juill 2020-C-81/19-Banca Transilvania). 

La Cour rappelle ensuite, au point 37, qu’il appartient au juge national d’apprécier si la clause litigieuse reflète bien une disposition nationale. Pour cela elle précise les critères d’appréciation qu’elle a déjà fournis : la nature, l’économie générale et les stipulations des contrats de prêt concernés ainsi que le contexte juridique et factuel dans lequel ces derniers s’inscrivent. S’agissant d’une exception à la protection conférée aux consommateurs, l’appréciation doit se faire selon une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., C‑186/16, EU:C:2017:703, points 30 et 31). 

CJUE, 24 octobre, C-211/17 – Topaz 

Sanction des clauses abusives – Substitution à une clause abusive  

EXTRAIT : 

« L’article 6 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale contenues dans un contrat de promesse et d’achat conclu entre un consommateur et un professionnel sont jugées abusives, le juge national ne peut pas remédier à la nullité de telles clauses abusives en y substituant sa propre décision sauf si ce contrat ne peut subsister en cas de suppression de ces clauses abusives et que l’annulation dudit contrat dans son ensemble expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice rappelle, d’abord, le principe selon lequel le juge national ne peut réviser le contenu d’une clause  (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 53 ainsi que jurisprudence citée) dès lors que cette possibilité reviendrait « à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives ». En effet, « ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels » (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 54 ainsi que jurisprudence citée). 

Ensuite, la Cour rappelle également qu’une exception existe lorsque le contrat en cause « ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive ». En pareille hypothèse, le juge national serait en mesure, en application de principes du droit des contrats, de « substitu[er] une disposition de droit national à caractère supplétif dans des situations dans lesquelles l’invalidation de la clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant par là le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que ce dernier en serait pénalisé » (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 56 ainsi que jurisprudence citée) (point 71). Cette substitution est alors conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, « dès lors que cette disposition tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives» (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 57 ainsi que jurisprudence citée) (point 72). 

En l’espèce, la Cour relève que « le contrat en cause est un contrat de promesse de vente et d’achat d’immeuble, qui est résolu de plein droit si le promettant-acquéreur se trouve en retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel versement », ce qui a pour conséquence que « la clause résolutoire expresse et la clause pénale contenues dans le contrat en cause permettent au promettant-vendeur de conserver de plein droit les sommes déjà versées par le promettant-acquéreur, auxquelles vient s’ajouter une pénalité fixée à 30 % du prix de vente. » Elle conclut alors que c’est à la juridiction nationale de vérifier « si la suppression de cette clause aurait pour conséquence que le contrat en cause ne pourrait plus subsister » (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 60) (point 75).  

Ainsi, si l’annulation du contrat litigieux expose les consommateurs à des conséquences particulièrement préjudiciables, la Cour rappelle que « le juge national pourrait décider de substituer aux clauses litigieuses une disposition de droit national à caractère supplétif » (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, points 83 et 84, ainsi que du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, points 61 ainsi que 62) (point 76). À l’inverse, si le contrat peut subsister sans les clauses, alors que le juge national les considèrerait comme abusives, il devrait se contenter « d’écarter l’application de ces clauses, sauf si le consommateur s’y oppose ».