Cour de justice de l'Union européenne
Le juge national peut inviter les parties à négocier les modalités de calcul du taux d’intérêt d’un contrat de prêt dont l’annulation, liée au caractère abusif de ces modalités, serait financièrement préjudiciable au consommateur   

CJUE, 25 novembre 2020, C-269-19 - Banca B

CJUE, 25 novembre 2020-C-269-19-Banca B

Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 6 § 1 – Conséquences de la constatation du caractère abusif d’une clause – Substitution de la clause abusive – Modalité de calcul du taux d’intérêt variable – Renvoi des parties aux négociations  Clause relative au taux d’intérêt variable  Pouvoir du juge national

 EXTRAIT : 

« L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13doit être interprété en ce sens que, à la suite de la constatation du caractère abusif des clauses définissant le mécanisme de fixation du taux d’intérêt variable dans un contrat de prêt (…) et lorsque ce contrat ne peut subsister après la suppression des clauses abusives concernées, que l’annulation dudit contrat aurait des conséquences particulièrement préjudiciables pour le consommateur et qu’il n’existe aucune disposition de droit national à caractère supplétif, le juge national doit prendre (…) toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation dudit contrat pourrait provoquer (…)Rien ne s’oppose notamment à ce que le juge national invite les parties à négocier en vue de fixer les modalités de calcul du taux d’intérêt, pourvu qu’il fixe le cadre de ces négociations et que celles-ci visent à établir entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel tenant notamment compte de l’objectif de protection du consommateur sous-tendant la directive 93/13. ». 

ANALYSE : 

La CJUE juge que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens, quele juge national doit prendre, en tenant compte de l’ensemble de son droit interne, toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation d’un contrat de prêt pourrait provoquer, lorsque plusieurs conditions sont réunies : 

– le caractère abusif des clauses définissant le mécanisme de fixation du taux d’intérêt variable dans un contrat de prêt, doit être constaté ;

– ce contrat ne doit pas pouvoir subsister après la suppression des clauses abusives concernées ;

– l’annulation dudit contrat doit avoir des conséquences particulièrement préjudiciables pour le consommateur ;

– et il ne doit exister aucune disposition de droit national à caractère supplétif que le juge pourrait substituer à la clause abusive.

Le juge national peut ainsi inviter les parties à fixer un nouveau taux d’intérêt, dans une perspective qui vise à établir entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel, pour éviter l’annulation du prêt. 

La solution rendue dans cet arrêt rejoint celles rendues dans l’arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, (C-70/17 et C-179/17, EU:C:2019:250, point 58), et du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, (C‑125/18, EU:C:2020:138, point 27) en ce qu’elles conviennent que l’annulation d’un contrat de prêt, qui rend immédiatement exigible le montant du prêt restant dû, tendrait à pénaliser financièrement le consommateur plutôt que le prêteur qui ne serait pas dissuadé d’insérer des clauses abusives dans les contrats qu’il propose (point 34).