Conseil d’Etat 24 mars 2021

Autorité de  régulation des jeux en ligne –  – paris en ligne – jeux en ligne – contrats d’adhésion – professionnel – consommateur – code de la consommation

EXTRAIT :

« L’association française du jeu en ligne n’est pas fondée à demander l’annulation de la délibération du 18 avril 2019 [par laquelle le Collège de l’Autorité nationale des jeux a indiqué que certaines dispositions du code de la consommation, relatives notamment aux clauses abusives des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, ou aux pratiques commerciales déloyales, étaient susceptibles de s’appliquer à ces opérateurs et que, en cas de méconnaissance de ces dispositions, le collège pourrait poursuivre l’opérateur en question devant la commission des sanctions] qu’elle attaque (…). »

ANALYSE :

Le Conseil d’État estime que l’Autorité nationale des jeux est compétente lorsqu’elle indique qu’elle entend attraire devant la commission des sanctions les opérateurs agrées de jeux et paris en ligne qui auraient commis des manquements « au regard d’obligations résultant du code de la consommation qui leur seraient applicables », ceux-ci « [méconnaissant] les objectifs que l’Autorité nationale des jeux a légalement pour mission de garantir » (7).

En effet, comme le souligne le Conseil d’État, « il appartient au collège de l’Autorité nationale des jeux de poursuivre (…) devant la commission des sanctions de cette autorité les opérateurs de jeux ou de paris en ligne dont les comportements sont susceptibles de constituer des manquements aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à leur activité » (2).

Ainsi, pour parvenir à la conclusion selon laquelle les dispositions législatives et réglementaires du Code de la consommation sont applicables à l’activité de l’Autorité nationale des jeux, le Conseil d’État confirme la délibération litigieuse en ce qu’elle estime que les conditions requises pour leur application sont satisfaites :

–  En ce qui concerne, en premier lieu, la qualité des parties, au sens de l’article liminaire du Code de la consommation, d’une part est susceptible de revêtir la qualité de professionnel « toute personne qui, de manière habituelle, propose au public des services de jeux ou de paris en ligne comportant des enjeux en valeur monétaire et dont les modalités sont définies par un règlement constitutif d’un contrat d’adhésion au jeu soumis à l’acceptation des joueurs» (8). D’autre part, peut être considéré comme un consommateur « toute personne qui accepte un contrat d’adhésion au jeu proposé par un opérateur de jeux ou de paris en ligne » (9) ;

–  En ce qui concerne, en second lieu, la notion de contrat de consommation, les contrats de jeux ou de paris en ligne « [étant] susceptibles de comporter des services les faisant entrer dans la catégorie des contrats de services», il en résulte qu’ils sont « soumis (…) aux dispositions du code de la consommation relatives aux pratiques commerciales déloyales et clauses abusives » (10).

Consulter l’arrêt du Conseil (fichier PDF, 191 Ko)

Numéro : ce060116.pdf

 

ANALYSE 1

Titre : Commission des clauses abusives, recommandations, décision administrative susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, exclusion.

Résumé : Il résulte des articles L 132-1 et L 132-4 du code de la consommation que la commission des clauses abusives, lorsqu’elle émet des recommandations, n’édicte pas des règles qui s’imposeraient aux particuliers ou aux autorités publiques, mais se borne à inviter les professionnels concernés à supprimer ou modifier les clauses dont elle estime qu’elles présentent un caractère abusif ; il n’appartient qu’au juge compétent, en cas de litige, de prononcer la nullité de telles clauses ; par suite, les recommandations émises par la commission ne constituent pas des décisions administratives susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

 

ANALYSE 2

Titre : Commission des clauses abusives, recommandations, recours contre la décision ministérielle de publication, portée.

Résumé : La décision par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie décide de publier une recommandation de la commission des clauses abusives est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif, qui peut vérifier qu’elle n’est pas entachée d’illégalité externe, d’erreur de fait, d’erreur de droit ou de détournement de pouvoir ; toutefois, il ne lui appartient pas de se prononcer sur des moyens par lesquels serait mis en cause le contenu de la recommandation et, notamment, sa légalité ; sous réserve de la condition posée par l’article L. 132-4 du code de la consommation et relative au risque d’identification de situations individuelles, l’appréciation à laquelle se livre le ministre pour décider une telle publication n’est pas davantage susceptible d’être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir.

 

Voir également :

Recommandation n° 04-03 : crédit immobilier

ce050706.htm

Conseil d’État statuant au contentieux N° 261991
Publié au Recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
Mme Laurence Marion, Rapporteur
M. Donnat, Commissaire du gouvernement
M. Stirn, Président

SCP Thomas-Raquin, Benabent ; Le Prado

Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée par la société D…, et la société D… & B…, dont le siège social est … ; la société D… et la société D… & B… demandent au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir le refus du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, exprimé par une lettre du 22 septembre 2003, d’abroger les articles 14 et 15 du décret du 14 mai 1988 et les articles 21 et 22 du décret du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 82-1153 modifiée, d’orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Laurence Marion, Auditeur,

– les observations de la SCP Thomas-Raquin, Bénabent, avocat de la société Chronopost et de Me Le Prado, avocat de la fédération des entreprises de transport et de logistique de France,

– les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société D… et la  société D… & B… demandent l’annulation pour excès de pouvoir du refus du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, exprimé par une lettre du 22 septembre 2003, d’abroger les articles 14 et 15 du décret du 4 mai 1988 et les articles 21 et 22 du décret du 6 avril 1999 ;

Sur les interventions de la société Chronopost et de la fédération des entreprises de transport et logistique de France :

Considérant que la société Chronopost et la fédération des entreprises de transport et logistique de France ont intérêt au maintien de la décision attaquée ; que par suite leurs interventions sont recevables ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre du 22 septembre 2003 en tant qu’elle concerne les articles 14 et 15 du décret du 4 mai 1988 :

Considérant que dans sa lettre du 22 septembre 2003, le ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, s’est borné à informer les sociétés requérantes que le décret du 4 mai 1988 dont elles demandent l’abrogation avait été abrogé par le décret du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existait pas de contrat type spécifique ; que par suite la lettre du 22 septembre 2003, en tant qu’elle concerne le décret du 4 mai 1988, n’a pas le caractère d’une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir ; qu’ainsi les conclusions des sociétés D… et D… & B… sont irrecevables en tant qu’elles portent sur les articles 14 et 15 du décret du 4 mai 1988 ;

Sur les conclusions dirigées contre le refus d’abroger les articles 21 et 22 du décret du 6 avril 1999 :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la fédération des entreprises de transport et logistique de France ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation : Dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat…  Les clauses abusives sont réputées non écrites. ;

Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la loi d’orientation sur les transports intérieurs du 30 décembre 1982 : Tout contrat de transport public de marchandises ou tout contrat relatif au déménagement doit comporter des clauses précisant la nature et l’objet du transport ou du déménagement, les modalités d’exécution du service en ce qui concerne le transport proprement dit et les conditions d’enlèvement et de livraison des objets transportés, les obligations respectives de l’expéditeur, du commissionnaire, du transporteur, du déménageur et du destinataire, et le prix du transport ou du déménagement ainsi que celui des prestations accessoires prévues. De même, le contrat de commission de transport doit faire l’objet de dispositions identiques. Sans préjudice de dispositions législatives en matière de contrat et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées à l’alinéa précédent, les clauses de contrats types s’appliquent de plein droit. Ces contrats types sont établis par décret, après avis des organismes professionnels concernés et du conseil national des transports. ;

Considérant que le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique a été approuvé, en application de ces dispositions législatives, par le décret du 6 avril 1999 ; que les règles applicables en cas de pertes et avaries sont fixées par l’article 21 de ce contrat type et les règles relatives au délai d’acheminement et à l’indemnisation pour retard à la livraison par l’article 22 ; que le troisième alinéa de cet article 22 dispose que : En cas de préjudice prouvé résultant d’un retard à la livraison du fait du transporteur, celui-ci est tenu de verser une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport (droits, taxes et frais divers). Le donneur d’ordre a toujours la faculté de faire une déclaration d’intérêt spécial à la livraison qui a pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l’indemnité fixé à l’alinéa précédent ; que les sociétés requérantes soutiennent que ces dispositions présenteraient un caractère abusif au sens des dispositions précitées de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Mais considérant que les dispositions contestées ne s’appliquent qu’à défaut de convention écrite particulière entre les parties ; qu’elles ménagent en outre au donneur d’ordre la possibilité de faire à la livraison une déclaration d’intérêt spécial qui a pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond d’indemnisation qu’elles prévoient ; qu’au surplus l’application de ce plafond est en toute hypothèse écartée en cas de faute lourde du transporteur ; que, dans ces conditions, les clauses du contrat type approuvées par le décret dont l’abrogation a été demandée par les sociétés requérantes ne présentent pas un caractère abusif au sens des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par le décret du 6 avril 1999 doit, par suite, être écarté ;

Considérant que l’article 5 de la loi du 30 décembre 1982 dispose que : Sont considérés comme des transports publics tous les transports de personnes ou de marchandises, à l’exception des transports qu’organisent pour leur propre compte des personnes publiques ou privées ; que le décret du 6 avril 1999 s’applique aux transports publics ainsi définis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique ne seraient applicables qu’aux entreprises du secteur public et introduiraient en conséquence une distorsion de concurrence à leur profit manque en fait ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation du refus du ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer d’abroger les articles 21 et 22 du contrat type annexé au décret du 6 avril 1999 ;

Sur les conclusions de la société Chronopost tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que la société Chronopost, intervenante en défense, n’est pas partie à la présente instance au sens des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par suite, ces dispositions font obstacle à ce que ce que soit mis à la charge de l’État la somme que la société Chronopost demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
Article 1er : Les interventions de la société Chronopost et de la fédération des entreprises de transport et logistique de France sont admises.

Article 2 : La requête de la société D… et de la société D… & B… est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Chronopost tendant à l’application de l’article L. 761-1 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société D… , à la société D… & B… , à la société Chronopost, à la fédération des entreprises de transport et logistique de France, au Premier ministre et au ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.

Consulter l’arrêt du Conseil

Numéro : ce050706.htm

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises, clause relative aux avaries.

Résumé : La clause du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises, approuvé par le décret du 6 avril 1999, qui stipule, qu’en cas de préjudice prouvé résultant d’un retard à la livraison du fait du transporteur, celui-ci est tenu de verser une indemnité qui ne peut excéder le prix du transport (droits, taxes et frais divers) et que le donneur d’ordre a toujours la faculté de faire une déclaration d’intérêt spécial à la livraison qui a pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l’indemnité forfaitaire n’est pas abusive en ce qu’elle ne s’applique qu’à défaut de convention écrite particulière entre les parties, en ce qu’elle ménage en outre au donneur d’ordre la possibilité de faire à la livraison une déclaration d’intérêt spécial qui a pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond d’indemnisation qu’elles prévoient et en ce qu’au surplus l’application de ce plafond est en toute hypothèse écartée en cas de faute lourde du transporteur.

 

7ème et 2ème sous-sections réunies

M. Jean-Pierre Jouguelet, Rapporteur M. Casas, Commissaire du gouvernement

M. Stirn, Président SCP BOUTET

Vu 1°) sous le n° 264712, la requête, enregistrée le 18 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour l’ASSOCIATION POUR LA T…, dont le siège est à la mairie, rue … représentée par son président en exercice ; l’ASSOCIATION POUR LA T… demande au Conseil d’État d’annuler les articles 10, 30, 3-5°, 22 V, 25 alinéa 7 du code des marchés publics annexé au décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 ;

Vu 2°) sous le n° 265248, la requête, enregistrée le 5 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour LA SOCIETE L…, dont le siège est … ; la SOCIETE L… demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler l’article 30 du code des marchés publics annexé au décret 2004-15 du 7 janvier 2004 ;

2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 3°) sous le n° 265281, la requête, enregistrée le 5 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée pour l’ASSOCIATION I…, dont le siège est …, représentée par son président en exercice, l’UNION N…, dont le siège est …, représentée par son président en exercice, le COMITE N…, dont le siège est …, représenté par son président en exercice, la FEDERATION F…, dont le siège est …, représentée par son président en exercice ; l’ASSOCIATION I… et autres demandent au Conseil d’État d’annuler les alinéas 2 et 3 de l’article 15 du code des marchés publics annexé au décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics ;

Vu 4°) sous le n° 265343, la requête, enregistrée le 8 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentée par M. Patrice X, demeurant … ; M. X demande au Conseil d’État :

1°) à titre principal l’annulation du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics, ensemble la circulaire d’application du même jour, à titre subsidiaire l’annulation des articles 8, 9, 12-11°, 20, 22, 27, 28, 29-6°, 32, 36, 40, 45, 54, 66, 67, 70 et 74 du code des marchés publics annexé au décret du 7 janvier 2004 ;

2°) la mise à la charge de l’État de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 février 2005, présentée par l’ASSOCIATION I…, l’UNION N…, le COMITE N… et la FEDERATION F… ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 février 2005, présentée par M. X ;

Vu le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la directive n° 92/50/CEE du conseil des Communautés européennes du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services modifiée par la directive n° 97/52/CEE ;

Vu la directive n° 89/665/CEE du 21 décembre 1989 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de la consommation ;

Vu la loi du 5 octobre 1938 tendant à accorder au gouvernement les pouvoirs pour réaliser le redressement immédiat de la situation économique et financière du pays ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Vu la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 ;

Vu le décret du 12 novembre 1938 portant extension de la réglementation en vigueur pour les marchés de l’État aux marchés des collectivités locales et des établissements publics ;

Vu le décret n° 66-887 du 28 novembre 1966, notamment son article 2 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Pierre Jouguelet, Conseiller d’État,

– les observations de la SCP Boutet, avocat de l’ASSOCIATION POUR LA T…,

– les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Sur la jonction ;

Considérant que les requêtes présentées par l’ASSOCIATION I… et autres, l’ASSOCIATION POUR LA T…, la SOCIETE L… et M. X sont dirigées contre un même décret ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Sur la recevabilité de la requête de M. X :

Considérant que M. X ne justifie pas, en sa qualité d’avocat ayant vocation à passer des marchés de prestations de service avec des collectivités territoriales ou de conseil de ces mêmes collectivités, d’un intérêt suffisamment direct et certain lui donnant qualité pour demander l’annulation du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics et de la circulaire du même jour portant manuel d’application de ce code ; qu’il ne justifie pas davantage à ce titre d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation des articles 8, 9, 12-11°, 20, 22, 27, 28, 29-6°, 32, 36, 54, 66, 67, 69, 70 et 74 du code des marchés publics annexé au décret du 7 janvier 2004, ces dispositions ne concernant pas les marchés de prestations de service qu’il est susceptible de passer avec des collectivités territoriales ; qu’en revanche il justifie, en sa qualité d’avocat, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’article 30 relatif notamment aux contrats ayant pour objet la représentation d’une personne publique en vue du règlement d’un litige et la fourniture de prestations de conseil juridique, du I de l’article 40 en tant qu’il exonère les marchés de l’article 30 de toute mesure de publicité et de l’article 45 ; que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est dès lors seulement fondé à soutenir que les conclusions présentées par M. X tendant à l’annulation du décret du 7 janvier 2004, de la circulaire du même jour et des articles 8, 9, 12-11°, 20, 22, 27, 28, 29-6°, 32, 36, 54, 66, 67,69, 70 et 74 du code des marchés publics sont irrecevables ;

Sur l’intervention de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains :

Considérant que la Fédération nationale des élus socialistes et républicains n’a pas, compte tenu de l’objet de ses statuts, un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de l’ASSOCIATION POUR LA T… ; que son intervention n’est, dès lors, pas recevable ;

Sur le moyen tiré de l’incompétence du Premier ministre pour édicter des règles pour les marchés des collectivités locales :

Considérant qu’aux termes de l’article unique de la loi du 5 octobre 1938 : Le gouvernement est autorisé, jusqu’au 15 novembre 1938, à prendre, par décrets délibérés et approuvés en conseil des ministres, les mesures destinées à réaliser le redressement immédiat de la situation économique et financière du pays. Ces décrets, qui auront force de loi, seront soumis à la ratification des Chambres avant le 1er janvier 1939 ; qu’aux termes de l’article 1er du décret du 12 novembre 1938, pris sur le fondement de cette habilitation et avant sa date d’expiration : Les dispositions des textes législatifs et réglementaires relatives à la passation et à l’exécution des marchés de l’État peuvent être étendues, par règlements d’administration publique, contresignés par les ministres intéressés et le ministre des finances, et sous réserve des ajustements nécessaires, aux départements, aux communes et aux établissements publics relevant de l’État, des départements et des communes ; que, par ce décret, le gouvernement a pu légalement renvoyer à des règlements d’administration publique à intervenir, y compris après la date d’expiration de l’habilitation qu’il tenait de cette loi, le soin d’édicter les mesures d’application de la règle, fixée par lui en vertu de cette habilitation, d’extension aux marchés des collectivités locales, sous réserve des ajustements nécessaires, des dispositions applicables aux marchés de l’État ; que, par suite, le Premier ministre tenait des dispositions du décret du 12 novembre 1938, qui n’a été légalement abrogé ni par le décret du 28 novembre 1966 ni par la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit, compétence pour étendre aux collectivités locales, y compris les régions et les établissements publics de coopération intercommunale, les règles nouvelles qu’il édictait pour les marchés publics de l’État ;

Sur les conclusions dirigées contre l’article 3-5 ° du code des marchés publics :

Considérant qu’aux termes de l’article 3 du code annexé au décret attaqué : Les dispositions du présent code ne sont pas applicables : (…) 5º Aux contrats qui ont pour objet des emprunts ou des engagements financiers, qu’ils soient destinés à la couverture d’un besoin de financement ou de trésorerie, des services relatifs à l’émission, à l’achat, à la vente ou au transfert de titres et instruments financiers, ou encore des services fournis par les banques centrales ;

Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la directive 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services Les marchés qui ont pour objet des services figurant à l’annexe I A sont passés conformément aux dispositions des titres III à VI ; qu’en vertu du point 6 de l’annexe I A, sont soumis à ces dispositions les services financiers dont les services bancaires, à l’exclusion des marchés des services financiers relatifs à l’émission, à l’achat, à la vente et au transfert de titres ou d’autres instruments financiers, ainsi que des services exercés par des banques centrales ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que peut ne pas être précédée d’une procédure de publicité et de mise en concurrence la passation des marchés portant sur l’émission, l’achat, la vente et le transfert d’instruments financiers qui, prenant ou non la forme d’un titre, sont négociables sur un marché financier ; qu’en revanche les contrats par lesquels une des personnes mentionnées à l’article 2 du code a recours à un emprunt ou se fait ouvrir une ligne de trésorerie auprès d’un établissement financier, ne sont pas négociables sur un tel marché et n’entrent dès lors pas dans le champ de l’exception définie par les dispositions précitées de la directive ; que, par suite, ces contrats, lorsque leur montant égale ou dépasse le seuil fixé par l’article 7 de cette même directive, sont soumis pour leur passation aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu’elle édicte ; que, par ailleurs, le ministre ne saurait utilement invoquer les dispositions de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services qui n’était pas en vigueur à la date de publication du décret attaqué ; qu’ainsi, le 5° de l’article 3 ne pouvait, sans méconnaître les objectifs de la directive 92/50/CEE du 18 juin 1992, soustraire lesdits contrats à l’application des dispositions du code des marchés publics prises pour assurer la transposition des dispositions de cette directive ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ASSOCIATION POUR LA T… est fondée à demander l’annulation de l’article 3 du code annexé au décret attaqué en tant que, dans son 5°, il comporte les mots : des emprunts ou des engagements financiers, qu’ils soient destinés à la couverture d’un besoin de financement ou de trésorerie ;

Sur les conclusions dirigées contre l’article 10 :

Considérant qu’aux termes de l’article 10 du code annexé au décret attaqué : Des travaux, des fournitures ou des prestations de services peuvent donner lieu à un marché unique ou à un marché alloti. Dans le cas où plusieurs lots sont attribués à un même titulaire, il est possible de signer avec ce titulaire un seul marché regroupant tous ces lots.

La personne responsable du marché choisit entre ces deux modalités en fonction des avantages économiques, financiers ou techniques qu’elles procurent.

Les offres sont examinées lot par lot. Les candidats ne peuvent pas présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus.

Pour les marchés ayant à la fois pour objet la construction et l’exploitation ou la maintenance d’un ouvrage, si l’acheteur public choisit de recourir à un marché alloti, la construction fait obligatoirement l’objet d’un lot séparé. S’il choisit de recourir à un marché global, celui-ci fait obligatoirement apparaître, de manière séparée, les prix respectifs de la construction et de l’exploitation ou de la maintenance. La rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance ne peut en aucun cas contribuer au paiement de la construction ;

Considérant, d’une part, que les dispositions du quatrième alinéa de cet article, en tant qu’elles autorisent l’acheteur public à recourir à un marché global pour des marchés ayant à la fois pour objet la construction et l’exploitation ou la maintenance d’un ouvrage ne portent pas atteinte, par elles-mêmes, au principe d’égalité d’accès à la commande publique ; qu’en outre les petites et moyennes entreprises peuvent toujours, en application de l’article 51, se grouper pour présenter une candidature ou une offre communes pour un marché ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte à l’égalité d’accès des entreprises à la commande publique ne peut qu’être écarté ;

Considérant, d’autre part, que si le quatrième alinéa de l’article 10 du code des marchés publics relatif aux marchés ayant pour objet, d’une part, la construction, et, d’autre part, l’exploitation ou la maintenance d’un ouvrage permet aux acheteurs publics de recourir à la formule du marché global, ce qui suppose en effet que ces différentes prestations puissent être confiées à un même cocontractant, il résulte des mêmes dispositions qu’il demeure possible à l’acheteur public de recourir, pour ces marchés, à la formule de l’allotissement ; qu’ainsi, les dispositions du 4ème alinéa de l’article 10 qui ne généralisent pas la dérogation qui est faite à la règle faisant obligation de confier à des personnes distinctes la conception, la réalisation, la transformation, l’exploitation et le financement d’équipements publics, ne méconnaissent pas les exigences inhérentes à l’égalité d’accès la commande publique ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions de la SOCIETE L… tendant à l’annulation de cet article doivent être rejetées ;

Sur les conclusions dirigées contre l’article 15 :

Considérant qu’aux termes de l’article 15 du code annexé au décret attaqué : Sans préjudice des dispositions des articles 35, 68 et 71 définissant la durée maximale pour certains marchés, la durée d’un marché est fixée en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrence périodique.

Un marché peut prévoir une ou plusieurs reconductions à condition que ses caractéristiques restent inchangées et que la mise en concurrence ait été réalisée en prenant en compte la durée totale du marché, période de reconduction comprise. / Le nombre des reconductions doit être indiqué dans le marché. Il est fixé en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrence périodique. La personne responsable du marché prend par écrit la décision de reconduire ou non le marché. Le titulaire du marché ne peut refuser sa reconduction sauf stipulation contraire dans le marché. ;

Considérant en premier lieu qu’il résulte de ces dispositions que la durée d’un marché doit être fixée compte tenu de la nature des prestations, et que la passation d’un marché prévoyant une ou plusieurs reconductions n’est possible que si la mise en concurrence a porté sur la durée totale d’exécution du marché, si ses caractéristiques restent inchangées et si le nombre de reconductions a été indiqué dans le marché initial ; qu’ainsi, en décidant de ne pas reconduire un marché après l’une des dates fixées par les stipulations du contrat, la personne responsable du marché met fin à son exécution avant le terme de la période totale d’exécution ; qu’en revanche, lorsqu’elle reconduit ce marché, elle prend simplement la décision de poursuivre son exécution qui ne fait pas naître, contrairement à ce que soutient l’association requérante, un nouveau marché par application d’une clause de reconduction ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la passation de ce prétendu nouveau contrat porterait atteinte à la liberté de consentement du contractant de l’administration et méconnaîtrait les obligations de publicité qui découlent des règles du droit communautaire sont inopérants ;

Considérant en deuxième lieu qu’il résulte des termes mêmes de l’article 15 que la durée totale du marché ainsi que le nombre de reconductions doivent être arrêtés, avant le lancement de la procédure de consultation, en fonction de la nature des prestations à fournir ; que ces prestations doivent rester inchangées pendant la durée d’exécution du marché ; qu’ainsi le respect de ces exigences impose au préalable la détermination par la personne publique de la nature et de l’étendue de ses besoins à satisfaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’article 15 méconnaîtrait l’obligation posée par l’article 5 de définition préalable des besoins ne peut qu’être écarté ;

Considérant en troisième lieu que les associations requérantes invoquent les dispositions des articles 1170 et 1174 du code civil prohibant l’insertion dans les contrats d’une condition potestative ; que, toutefois, en application de l’article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ; que les dispositions du code civil ne font pas obstacle à ce que soient introduites dans les contrats administratifs des clauses exorbitantes du droit commun, qui confèrent à l’administration un pouvoir de décider seule, dans l’intérêt général, de l’interruption ou de la poursuite de leur exécution ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l’article 15 du code méconnaîtrait les dispositions du code civil ne peut qu’être écarté ;

Considérant en quatrième lieu qu’aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation : Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que les dispositions du code des marchés publics régissent la passation et l’exécution de marchés passés par les personnes publiques mentionnées à son article 2 avec des professionnels pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ; que, par suite, les organismes requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions précitées de l’article L. 132-1 du code de la consommation qui ne s’appliquent qu’aux relations entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur ;

Considérant en cinquième lieu que les mêmes dispositions du code des marchés publics n’ont ni pour objet ni pour effet de placer ces personnes publiques dans une position dominante ; qu’ainsi l’insertion d’une stipulation prévoyant sa reconduction dans un marché passé par l’une de ces personnes ne saurait être constitutive d’un abus de position dominante ; que le moyen tiré de ce que les alinéas 2 et 3 de l’article 15 méconnaîtraient les dispositions des articles L. 420-2 et L. 420-3 du code de commerce qui ont codifié les articles 8 et 9 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 doit, par suite, être écarté ;

Considérant enfin que les dispositions de l’article 15 du code annexé au décret attaqué ne portent pas atteinte, par elles-mêmes, au principe d’égalité d’accès à la commande publique ; qu’en outre les petites et moyennes entreprises peuvent toujours, en application de l’article 51, se grouper pour présenter une candidature ou une offre communes pour un marché prévoyant une ou plusieurs reconductions ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte à l’égalité d’accès des entreprises à la commande publique ne peut qu’être écarté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que L’ASSOCIATION I…, L’UNION N…, LE COMITÉ N… et LA FEDERATION F… ne sont pas fondées à demander l’annulation des alinéas 2 et 3 de l’article 15 du code des marchés publics annexés au décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 ;

Sur les conclusions dirigées contre articles 22 V et 25 alinéa 8 :

Considérant qu’aux termes du V de l’article 22 : Lorsqu’ils y sont invités par le président de la commission d’appel d’offres, le comptable public et un représentant du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent participer, avec voix consultative, aux réunions de la commission d’appel d’offres. Leurs observations sont consignées au procès-verbal ; qu’en vertu de l’alinéa 8 de l’article 25, un représentant du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peut participer, lorsqu’il est invité par le président du jury, aux jurys des collectivités territoriales ; que ces dispositions qui sont relatives à la composition de la commission d’appel d’offres et du jury de concours des collectivités territoriales et ne font pas obstacle à la présence du représentant du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, sont par elles mêmes sans incidence sur l’exercice par les autorités compétentes de leurs pouvoirs en matière de prévention et de répression des infractions pénales qui peuvent être commises à l’occasion de la passation des marchés soumis au code des marchés publics ; que, par suite, l’ASSOCIATION POUR LA T… n’est en tout état de cause pas fondée à soutenir que ces dispositions méconnaissent les obligations de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions, nécessaires à la sauvegarde de règles et de principes de valeur constitutionnelle ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles 30 et 40 du code des marchés publics :

Considérant qu’aux termes de l’article 30 du code annexé au décret attaqué : Quel que soit leur montant, les marchés publics de services qui ont pour objet des prestations de services ne figurant pas à l’article 29 sont soumis, en ce qui concerne leur passation, aux seules obligations relatives à la définition des prestations par référence à des normes, lorsqu’elles existent, ainsi qu’à l’envoi d’un avis d’attribution lorsque leur montant atteint 230 000 euros HT./ Ces marchés sont soumis aux règles prévues par le titre Ier, les chapitres Ier et II du titre II, le présent article et les titres IV à VI./ Les contrats ayant pour objet la représentation d’une personne publique en vue du règlement d’un litige sont soumis aux dispositions du titre Ier, des chapitres Ier et II du titre II et du présent article./ Lorsqu’un marché public a pour objet à la fois des services mentionnés à l’article 29 et des services mentionnés à l’article 30 du présent code, il est passé conformément aux dispositions de l’article 29 si la valeur des services mentionnés à l’article 29 dépasse la valeur des services mentionnés à l’article 30 ; qu’aux termes de l’article 40 : I. – En dehors des cas prévus à l’article 30 et aux II et III de l’article 35, tout marché doit être précédé d’une publicité suffisante permettant une mise en concurrence effective (…) ;

En ce qui concerne le premier alinéa de l’article 30 et le I de l’article 40 :

Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l’exigence d’égal accès à la commande publique et qui sont rappelés par le deuxième alinéa du I de l’article 1er de ce code, selon lequel : Quel que soit leur montant, les marchés publics respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ils exigent une définition préalable des besoins de l’acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ;

Considérant que, si certains marchés publics de service ayant pour objet des prestations ne figurant pas à l’article 29 du même code, peuvent être passés sans publicité préalable et même, éventuellement, sans mise en concurrence, en raison de leur objet ou de situations répondant à des motifs d’intérêt général, il ne saurait en résulter que tous ces marchés puissent être conclus sans respecter les principes rappelés par l’article 1er du code ; que, dès lors, le premier alinéa de l’article 30 ne pouvait, sans méconnaître les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, dispenser de façon générale la passation de tous ces contrats d’une procédure adéquate de publicité et de mise en concurrence ; que, par suite, l’ASSOCIATION POUR LA T…, la SOCIETE L… et M. X sont fondés à demander l’annulation du premier alinéa de l’article 30, ainsi que par voie de conséquence l’annulation du I de l’article 40 en tant qu’il comporte les mots à l’article 30 ;

En ce qui concerne le deuxième alinéa de l’article 30 :

Considérant en premier lieu qu’en vertu des dispositions des articles L. 2131-2, L. 3131-2 et L. 4141-2 du code général des collectivités territoriales, les conventions relatives aux marchés des collectivités territoriales, à l’exception des marchés passés, en raison de leur montant, sans formalité préalable au sens de la loi nº 2001-1168 du 11 décembre 2001, sont soumises à l’obligation de transmission au représentant de l’Etat dans le département ou dans la région ; que selon les dispositions des articles L. 1231-1, L. 3131-1 et L. 4141-1 du même code, les actes pris par les autorités des collectivités territoriales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’État dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement ; que l’article 75 du code des marchés publics a prévu pour certains marchés, à l’exception notamment de ceux mentionnés à l’article 30 , l’obligation pour la personne responsable du marché d’établir, en plus des pièces constitutives du marché énumérées par l’article 12, un rapport de présentation et de le transmettre aux instances chargées du contrôle des marchés ; que l’article 78 du code des marchés publics, compris dans le chapitre VI Achèvement des procédures, selon lequel après transmission au représentant de l’État des pièces nécessaires à l’exercice de son contrôle, s’agissant des collectivités territoriales, (…) le marché est notifié au titulaire par la personne responsable du marché a pour seul objet de préciser à quel moment de la procédure le marché doit être notifié à son titulaire ; que par suite, le deuxième alinéa de l’article 30 en tant qu’il ne procède pas au renvoi aux articles 75 et 78, n’a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de dispenser de l’obligation de transmission au contrôle de légalité les marchés de service qui y sont soumis en application des articles susmentionnés L. 2131-2, L. 3131-2 et L. 4141-2 du code général des collectivités territoriales, ni de reconnaître aux conventions relatives à ces marchés un caractère exécutoire avant l’accomplissement de cette formalité ; que, par suite, la SOCIETE L… n’est pas fondée à soutenir qu’en ne renvoyant pas à ces articles, le deuxième alinéa a méconnu lesdites dispositions du code général des collectivités territoriales ;

Considérant en second lieu que le deuxième alinéa de l’article 30 du code annexé au décret attaqué, en ce qu’il ne renvoie pas aux dispositions de l’article 76 faisant obligation à la personne responsable du marché d’aviser de son choix les candidats à l’attribution du marché, ne fait obstacle ni à l’exercice par les candidats susceptibles d’être évincés du recours devant le juge du référé pré-contractuel prévu par les dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, lequel recours peut être exercé à tout moment de la procédure de passation du marché, ni à l’exercice par toute personne intéressée des recours juridictionnels ouverts en matière de passation des marchés ; que, par suite, la SOCIETE L… n’est pas fondée à soutenir que cet alinéa méconnaîtrait les objectifs de la directive n° 89/665/CEE du 21 décembre 1989 ou porterait atteinte au droit au recours ouvert par les dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative ou au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction protégé par la Constitution et rappelé par les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions dirigées contre l’article 45 :

Considérant qu’aux termes de l’article 45 du code annexé au décret attaqué : A l’appui des candidatures, il ne peut être exigé que :

1º Des renseignements permettant d’évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat et des documents relatifs aux pouvoirs de la personne habilitée pour l’engager et, en ce qui concerne les marchés passés pour les besoins de la défense, à sa nationalité. Au titre de ces capacités professionnelles, peuvent figurer des renseignements sur le savoir-faire des candidats en matière de protection de l’environnement ;

Considérant qu’aucune disposition du code des marchés publics ne rend ces dispositions applicables à la passation des contrats ayant pour objet la représentation d’une personne publique en vue du règlement d’un litige et de ceux qui portent sur des prestations de conseil juridique ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cet article méconnaîtrait les règles déontologiques de la profession d’avocat manque en fait ; que, par suite, les conclusions de M. X tendant à l’annulation de cet article ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d’État limite dans le temps les effets des annulations prononcées par la présente décision :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de limiter dans le temps les effets des annulations prononcées par la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE L… et de M. YX une somme au titre des frais exposés par l’État et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu sur le fondement de ces mêmes dispositions de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros à payer à la SOCIETE L… et la somme de 2 000 euros à payer à M. X au titre des frais qu’ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L’intervention de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains n’est pas admise.

Article 2 : Sont annulés – l’article 3 du code des marchés publics annexé au décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 en tant que, dans son 5°, il comporte les mots des emprunts ou des engagements financiers qu’ils soient destinés à la couverture d’un besoin de financement ou de trésorerie. – le premier alinéa de l’article 30 de ce code et le I de l’article 40 en tant qu’il comporte les mots à l’article 30.

Article 3 : L’Etat versera à la SOCIETE L… une somme de 2 500 euros et à M. X une somme de 2 000 euros.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes et les conclusions du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie tendant d’une part à la limitation dans le temps des effets des annulations prononcées par la présente décision, d’autre part, à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE L…, à l’ASSOCIATION POUR LA T…, à l’ASSOCIATION I…, à L’UNION N…, au COMITE N…, à LA FEDERATION F…, à M. X, au Premier ministre et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Consulter l’arrêt du Conseil

Numéro : ce050223.htm

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, marché public, entreprise soumissionnaire.

Résumé : Dans la mesure où les dispositions du code des marchés publics régissent la passation et l’exécution de marchés passés par les personnes publiques avec des professionnels pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, les entreprises soumissionnaires ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l’article L 132-1 du code de la consommation qui ne s’appliquent qu’aux relations entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur.

Conseil d’État
statuant au contentieux
N° 221458
Publié au Recueil Lebon

M. Peylet, Rapporteur
Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement
M. Labetoulle, Président

Lecture du 11 juillet 2001

Vu l’ordonnance en date du 19 mai 2000, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’État le 25 mai 2000, par laquelle, sur renvoi du président de la cour administrative d’appel de Nancy, le président de la cour administrative d’appel de Douai a transmis au Conseil d’État, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel alors en vigueur, la requête présentée devant la cour administrative d’appel de Nancy par la SOCIETE *** ;

Vu la requête, enregistrée le 10 septembre 1998 au greffe de la cour administrative d’appel de Nancy, présentée par la SOCIETE *** dont le siège est ***, représentée par son président directeur-général ; la SOCIETE *** demande au Conseil d’État :

1°) l’annulation du jugement du 2 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi par les sociétés C*** et D*** agissant en exécution d’un jugement du tribunal d’instance de Lille en date du 12 décembre 1997, a déclaré que le b) de l’article 12 du règlement du service de distribution d’eau dans la communauté urbaine de Lille du 14 juin 1993 est entaché d’illégalité en ce qu’il stipule que la responsabilité du service des eaux, en cas de dommage résultant de l’existence et du fonctionnement de la partie de l’installation située en partie privative en amont du compteur, ne peut être engagée qu’en cas de faute de service ;

2°) qu’il soit déclaré que le b) de l’article 12 du règlement du service de distribution d’eau dans la communauté urbaine de Lille n’est pas entaché d’illégalité ;

3°) la condamnation des sociétés C***et D***à lui payer la somme de 10 000 F en application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la consommation, notamment son article L. 132-1 ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Peylet, Conseiller d’Etat,
– les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de la communauté urbaine de Lille,
– les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement du 12 décembre 1997, le tribunal d’instance de Lille, saisi par les sociétés D***et C***d’une demande de réparation des conséquences dommageables d’un dégât des eaux causé par la rupture du branchement particulier desservant l’immeuble où la première a son siège, a renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif de la question de la légalité de l’article 12 du règlement du service de distribution d’eau dans la communauté urbaine de Lille du 14 juin 1993 et a sursis à statuer jusqu’à la décision du tribunal administratif ; que la SOCIETE *** fait appel du jugement du 2 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Lille a déclaré que le b) de l’article 12 de ce règlement est entaché d’illégalité en ce qu’il prévoit que le client abonné aurait à sa charge toutes les conséquences dommageables pouvant résulter de l’existence et du fonctionnement de la partie du branchement située en dehors du domaine public et en amont du compteur, sauf s’il apparaissait une faute du service des eaux ;

Considérant que la question préjudicielle posée par le tribunal d’instance de Lille portait, de façon générale, sur la légalité des dispositions de l’article 12 du règlement du service de distribution d’eau dans la communauté urbaine de Lille ; qu’ainsi la société requérante n’est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait statué au-delà de la saisine, en ne limitant pas sa réponse à la légalité de la disposition contestée au regard de la seule législation sur les clauses abusives ;

Mais considérant qu’eu égard aux rapports juridiques qui naissent du contrat d’abonnement liant le distributeur d’eau et l’usager, ce dernier ne peut, en cas de dommage subi par lui à l’occasion de la fourniture de l’eau, exercer d’autre action contre son cocontractant que celle qui procède du contrat, alors même que la cause du dommage résiderait dans un vice de conception, de construction, d’entretien ou de fonctionnement de l’ouvrage public qui assure ladite fourniture ; que, par suite, la SOCIETE *** est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Lille s’est fondé sur les règles applicables au régime de responsabilité du fait des dommages subis par les usagers d’ouvrages publics pour déclarer illégal le b) de l’article 12 du règlement de distribution d’eau dans la communauté urbaine de Lille ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’État, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les sociétés D***et C***devant le tribunal administratif de Lille ;

Considérant qu’aux termes des trois premiers alinéas de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 modifiée sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services, dans sa rédaction en vigueur à la date d’édiction du règlement du service des eaux litigieux : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, ou consommateurs, peuvent être interdites, limitées ou réglementées, par des décrets en Conseil d’État pris après avis de la commission instituée par l’article 36, en distinguant éventuellement selon la nature des biens et des services concernés, les clauses relatives au caractère déterminé ou déterminable du prix ainsi qu’à son versement, à la consistance de la chose ou à sa livraison, à la charge des risques, à l’étendue des responsabilités et garanties, aux conditions d’exécution, de résiliation, résolution ou reconduction des conventions, lorsque de telles clauses apparaissent imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l’autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif. / De telles clauses abusives, stipulées en contradiction avec les dispositions qui précèdent, sont réputées non écrites. / Ces dispositions sont applicables aux contrats quels que soient leur forme ou leur support » ; que ces dispositions ont été ultérieurement codifiées à l’article L. 132-1 du code de la consommation, lequel dispose, dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995, que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ( …) / Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat ( …)/ Les clauses abusives sont réputées non écrites. / L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert. / Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses. / Les dispositions du présent article sont d’ordre public » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 12 du règlement du service de distribution d’eau dans la Communauté urbaine de Lille du 14 juin 1993, annexé au contrat de concession conclu entre cette communauté et la SOCIETE *** le 27 septembre 1985 : « Les travaux d’entretien et de renouvellement des branchements sont exécutés exclusivement par le service des eaux, ou sous sa direction par une entreprise agréée par lui depuis la prise sur conduite jusqu’au robinet avant compteur, à l’exclusion du regard ou de la niche abritant le compteur ( …) L’entretien sera assuré dans les conditions suivantes : a) Pour la partie du branchement située entre la conduite de distribution publique et le point d’entrée dans la propriété du client abonné, le service des eaux prendra à sa charge les frais de réparation et les dommages pouvant résulter de l’existence et du fonctionnement de cette partie du branchement ; b) Pour toutes les autres parties du branchement, le service des eaux prendra à sa charge les seuls frais de réparation directe du branchement ; le client abonné aura à sa charge toutes les conséquences dommageables pouvant résulter de l’existence et du fonctionnement de ces parties du branchement, sauf s’il apparaissait une faute du service des eaux ( …) Le client abonné devra prévenir immédiatement le service des eaux de toute fuite et anomalie de fonctionnement qu’il aurait constatée sur le branchement ( …) » ;

Considérant que le caractère abusif d’une clause s’apprécie non seulement au regard de cette clause elle-même mais aussi compte tenu de l’ensemble des stipulations du contrat et, lorsque celui-ci a pour objet l’exécution d’un service public, des caractéristiques particulières de ce service ;

Considérant que les dispositions précitées du « b » de l’article 12 peuvent conduire à faire supporter par un usager les conséquences de dommages qui ne lui seraient pas imputables sans pour autant qu’il lui soit possible d’établir une faute de l’exploitant ; qu’elles s’insèrent, pour un service assuré en monopole, dans un contrat d’adhésion ; qu’elles ne sont pas justifiées par les caractéristiques particulières de ce service public ; qu’elles présentent ainsi le caractère d’une clause abusive au sens des dispositions précitées de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 ; qu’elles étaient, dès lors, illégales dès leur adoption ; qu’elles ne sont pas davantage conformes aux dispositions précitées de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995, d’ordre public ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE *** n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a déclaré que le b) de l’article 12 du règlement du service de distribution d’eau dans la communauté urbaine de Lille est entaché d’illégalité ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la SOCIETE *** à payer aux sociétés D***et C***la somme qu’elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que les sociétés D***et Commercial Union, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer à la SOCIETE *** et à la communauté urbaine de Lille les sommes qu’elles demandent au même titre ;
DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE *** est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE *** est condamnée à payer aux sociétés D***et C***la somme de 10 000 F en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine de Lille devant le Conseil d’Etat et tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ***, à la SA D***, à la SA C***, à la communauté urbaine de Lille, au tribunal d’instance de Lille et au ministre de l’intérieur.

Consulter l’arrêt du Conseil

Numéro : ce010711.pdf

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d ‘application, règlement du service de distribution d’eau, clause de responsabilité, portée.

Résumé : La clause du règlement du service de distribution d’eau qui stipule qu’en cas de dommage résultant de l’existence et du fonctionnement de la partie de l’installation située en partie privative en amont du compteur, la responsabilité du service ne peut être engagée que par une faute de service, est abusive en ce qu’elle  peut conduire à faire supporter par un usager les conséquences de dommages qui ne lui seraient pas imputables sans pour autant qu’il lui soit possible d’établir une faute de l’exploitant ; une telle clause qui s’insère, pour un service assuré en monopole, dans un contrat d’adhésion  n’est pas justifiée par les caractéristiques particulières de ce service public, elle est abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995.

Voir également :

Recommandation n° 01-01 : distribution d’eau (complémentaire à la n° 85-01 du 19 novembre 1982)
Recommandation n° 85-01 : distribution d’eau 

 

Conseil d’État statuant au contentieux

N° 128313

Inédit au Recueil Lebon

Combrexelle Rapporteur
Toutée C. du G.

Vu, l’ordonnance en date du 29 juillet 1991, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’État le 2 août 1991, par laquelle le président du tribunal administratif de Dijon a transmis au Conseil d’État, en application de l’article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la demande présentée à ce tribunal par M. C… ;

Vu, la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Dijon le 24 juillet 1991 et le mémoire complémentaire enregistré le 16 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’État, présentés par M. Henri C… demeurant … et tendant à ce que le Conseil d’État :

1°) annule le jugement en date du 16 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 4 décembre 1984 du conseil municipal de F… en tant qu’elle approuve le règlement du service des eaux annexé au contrat d’affermage pour l’exploitation du service public de distribution d’eau potable conclu entre la commune et la Société X. ;

2°) annule la délibération du 4 décembre 1984 du conseil municipal de F… en tant qu’elle approuve ce règlement du service des eaux ;

3°) ordonne le remboursement d’une somme de 5 014,72 F qui lui a été facturée par la société de distribution d’eau intercommunale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le décret du 17 mars 1980 portant approbation d’un cahier des charges type pour l’exploitation par affermage d’un service de distribution publique d’eau potable ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Combrexelle, Maître des requêtes,
– les observations de Me Blondel, avocat de la commune de F…,
– les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant au remboursement d’une somme de 5 014,72 F :

Considérant que ces conclusions doivent être regardées comme tendant à ce que la Société de distribution d’eau intercommunale, titulaire d’un contrat d’affermage pour l’exploitation du service de distribution d’eau potable conclu avec la commune de Fontaine-lès-Dijon, soit condamnée à rembourser à M. C… une somme correspondant, selon ce dernier, au prix de l’eau qui lui a été facturé à la suite d’une fuite de la canalisation d’alimentation en eau du pavillon dont il est propriétaire sur le territoire de la commune ; que ces conclusions, qui concernent les rapports de droit privé entre un service public industriel et commercial et son usager, échappent à la compétence de la juridiction administrative ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 4 décembre 1984 du conseil municipal de F… en tant qu’elle approuve le règlement du service des eaux applicable dans cette commune :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de F… :

Considérant que M. C… soutient que la délibération du 4 décembre 1984 est illégale en tant qu’elle approuve un règlement du service des eaux, dont les articles 3 et 4 contiennent des clauses abusives ;

Considérant qu’aux termes de l’article 3 du règlement du service des eaux de la commune de F… : « Le robinet de purge et le robinet après compteur (…) pourront être fournis par le fermier, mais de convention expresse ne font pas partie du branchement. Il en est de même pour les joints et le joint aval du compteur » ; qu’aux termes de l’article 4 du même règlement : « La garde et la surveillance de la partie du branchement située en domaine privé sont à la charge de l’abonné, avec toutes les conséquences que cette notion comporte en matière de responsabilité » ; que ces dispositions n’ont pas pour effet d’exonérer le fermier de la responsabilité qu’il encourt à l’égard des usagers en raison des dommages qui pourraient naître de la pose ou du choix des pièces situées en aval du compteur, pièces qu’il a la faculté de fournir dans les conditions définies par l’article 3 précité du règlement ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, les stipulations précitées ne peuvent, en tout état de cause, constituer des clauses qui seraient de nature à conférer un avantage excessif au fermier et que le conseil municipal n’aurait pu légalement approuver ; que M. C… n’est, dès lors, pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon ait rejeté sa demande d’annulation de la délibération susanalysée du conseil municipal de F… ;
DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée de M. C… est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Henri C…, à la commune de F… et au ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.