La commission des clauses abusives

Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services;

Vu le code civil;

Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques.

Les représentants des clubs de sport à caractère lucratif entendus;

Considérant que la pratique du sport n’a cessé de se développer en France depuis une décennie; que le développement de la pratique sportive a ouvert un marché lucratif; que la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, notamment en ses articles 37, 43 et suivants, institue une obligation d’assurance couvrant la responsabilité civile de l’exploitant, des enseignants et de ses préposés ainsi que celle de toute personne admise dans l’établissement, et réglemente les conditions d’ouverture des établissements sportifs; que l’entrée en vigueur de ces dispositions dépend pour l’essentiel de dispositions réglementaires (décrets et arrêtés) en cours d’élaboration;

Considérant que les contrats proposés par les clubs de sport à but lucratif sont élaborés par les seuls professionnels, et imposés par eux, à l’adhésion des consommateurs; que les clauses insérées par les exploitants des clubs de sports à but lucratif entrent donc bien dans le champ d’application de la loi du 10 janvier 1978;

I. — Considérant qu’il résulte de l’enquête des services extérieurs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes que de nombreux établissements ne soumettent à la signature des consommateurs aucun contrat écrit; que les engagements pris à l’égard des consommateurs ne résultent que d’une carte nominative remise au consommateur lors du paiement du prix; que les obligations du consommateur font l’objet de l’affichage d’un règlement intérieur élaboré par le seul professionnel;

Considérant qu’aux termes des contrats habituellement proposés aux consommateurs, les clubs de sport à but lucratif s’engagent à mettre à la disposition de leur clientèle leurs installations; que les prestations offertes, abondamment décrites dans les documents publicitaires, ne figurent pas dans les contrats proposés à la signature des consommateurs; qu’il ne saurait être valablement objecté par les professionnels que la diversité des activités proposées s’oppose à ce qu’elles soient mentionnées dans le contrat soumis à la signature du consommateur;

Considérant que de nombreux contrats prévoient l’apposition de la signature du consommateur au recto du document contractuel alors que les clauses figurent à son verso; que de tels documents ne garantissent pas que le consommateur a pu prendre effectivement connaissance des clauses insérées au verso du document et qu’il y ait valablement souscrit;

Considérant que certains contrats sont imprimés avec des caractères dont la hauteur est inférieure au corps 8; que de ce fait ces contrats manquent de clarté et de lisibilité;

Considérant que de nombreux établissements proposent aux consommateurs des contrats d’une durée supérieure à trois mois; qu’en pareil cas le paiement du prix convenu est fréquemment échelonné ou différé; qu’il apparaît que les obligations qui incombent au professionnel en vertu de la loi n° 78-22 relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit sont totalement méconnues; que les quelques entreprises qui proposent à leur clientèle une offre préalable de crédit ne respectent pas les dispositions réglementaires les obligeant à reproduire certaines clauses figurant dans des modèles types approuvés par décret; que sont notamment omises les mentions relatives à l’acceptation de l’offre préalable et à la rétractation de l’acceptation;

II. — Considérant que la plupart des clubs de sport à but lucratif proposent à leur clientèle des contrats d’une durée de plusieurs mois voire de plusieurs années; que le consommateur peut, pour des causes indépendantes de sa volonté, notamment pour des raisons de santé ou professionnelles, être provisoirement ou définitivement empêché de bénéficier des prestations de service du club;

Que les contrats lui refusent un droit de résiliation unilatérale et, au contraire, stipulent que l’intégralité du prix convenu reste due; que les professionnels font valoir que les contrats de longue durée sont consentis à des tarifs préférentiels et que, dans les cas où ils sont convaincus de la bonne foi du consommateur, ils n’hésitent pas à délier leur client de ses engagements; que certains clubs font souscrire à leur clientèle une assurance contre un tel risque; que néanmoins, lorsque la bonne foi du consommateur est établie, il apparaît abusif de lui dénier tout droit à une prorogation de son contrat en cas d’empêchement temporaire ou à résilier son contrat en cas d’empêchement définitif;

III. — Considérant qu’un certain nombre de clauses habituellement insérées dans les contrats par les professionnels sont manifestement abusives au sens de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978;

Considérant qu’aux termes de nombreux contrats proposés au consommateur, ce dernier est invité à souscrire à un règlement intérieur dont il est censé avoir pris connaissance; que le consommateur doit avoir connaissance des obligations qu’il souscrit; que la référence à un règlement intérieur que les clubs de sport à but lucratif se réservent le droit de modifier unilatéralement ne saurait engager valablement le consommateur; que, toutefois, les prescriptions techniques tendant à garantir la sécurité et l’hygiène dans l’établissement, qu’elles procèdent de la loi ou des règlements administratifs ou qu’elles soient prises à l’initiative du professionnel, peuvent être imposées au consommateur par voie de règlement intérieur ou d’affichage;

Considérant que dans de nombreux contrats, les clubs de sport à but lucratif se réservent le droit de modifier unilatéralement la portée et le contenu de leurs obligations envers le consommateur; que les exploitants se reconnaissent ainsi le droit discrétionnaire de changer les heures et jours d’ouverture de leur établissement ou même de supprimer certaines activités sans la moindre contrepartie pour le consommateur; que les professionnels objectent que leur activité est soumise à des phénomènes de mode qui les obligent, pour satisfaire le plus grand nombre de clients, à cesser certaines activités au profit de nouvelles pratiques sportives; que, bien que de telles dispositions soient purement potestatives, ces considérations peuvent être prises en compte pour autant que le consommateur puisse, en pareil cas, mettre un terme à son contrat et obtenir, éventuellement, le remboursement prorata temporis du prix payé;

Considérant que certains contrats prévoient au profit du club de sport un droit de résiliation discrétionnaire pour quelque cause que ce soit « la cotisation restant acquise »; que les professionnels se reconnaissent en fait un véritable droit disciplinaire envers leurs clients; que si, la nécessité de faire respecter des règles de comportement afin de préserver les droits des autres consommateurs ne peut être contestée, il apparaît cependant abusif que les exploitants s’accordent un droit de résiliation discrétionnaire;

Considérant que dans de nombreux contrats sont insérées des clauses limitant ou excluant la responsabilité des clubs de sport à but lucratif pour les accidents pouvant survenir lors de l’utilisation des installations mises à la disposition de la clientèle; que ces contrats contiennent également des clauses excluant toute responsabilité de l’exploitant en cas d’inaptitude physique du consommateur; que de telles clauses sont d’autant plus abusives que le consommateur est très généralement encadré et conseillé par des professionnels du sport;

Considérant que certains contrats contiennent des clauses excluant toute responsabilité de l’exploitant en cas de vol commis dans l’établissement; que de telles clauses sont particulièrement abusives lorsque le dépôt des effets personnels dans un endroit déterminé est imposé par le club,

Recommande:

I. — Que la présentation matérielle des contrats proposés par les clubs de sport à but lucratif obéisse aux règles suivantes:

1° Que soit remis au consommateur, au moment de l’adhésion au club, un document écrit unique et personnalisé, signé par les deux parties, constatant le contrat et décrivant les obligations de chacune des parties, sauf si le contrat ne porte que sur une prestation dont l’exécution est immédiate;

2° Que soit énoncé l’ensemble des activités sportives auxquelles donne droit le contrat;

3° Que les documents contractuels soient imprimés avec des caractères dont la hauteur ne saurait être inférieure au corps 8;

4° Que l’ensemble des clauses contractuelles précède les signatures des parties;

5° Que soit remise une offre préalable de crédit conforme aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur dès lors que le paiement du prix a lieu au moyen d’un crédit ou lorsqu’il est échelonné ou différé, pour une durée totale supérieure à trois mois.

II. — Que les contrats proposés par les clubs de sport à but lucratif comportent des clauses ayant pour objet ou pour effet:

1° De permettre au consommateur, dans les contrats de longue durée (égale ou supérieure à six mois), de résilier unilatéralement le contrat lorsque pour des causes de santé ou professionnelles il est définitivement empêché de bénéficier des prestations de service du club de sport;

2° De permettre une prolongation de la durée du contrat sans complément de prix pour le consommateur momentanément empêché de bénéficier des prestations du club de sport pour des causes tenant à son état de santé ou à ses activités professionnelles.

III. — Que soient éliminées des contrats proposés par les clubs de sport à but lucratif les clauses suivantes ayant pour objet ou pour effet:

1° D’imposer au consommateur des obligations qui ne seraient pas mentionnées dans le contrat signé des deux parties, à l’exception de celles tendant à garantir la sécurité et l’hygiène dans l’établissement;

2° D’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement la portée et le contenu de ses obligations, notamment en changeant les heures et jours d’ouverture, ou en supprimant une des activités offertes, sans permettre au consommateur de résilier le contrat et d’obtenir le remboursement du prix payé prorata temporis;

3° De reconnaître au professionnel un droit de résiliation discrétionnaire du contrat;

4° De limiter ou d’exclure la responsabilité du professionnel en cas d’accident survenu ou de maladie contractée à l’occasion de la fréquentation de l’établissement;

5° D’exclure la responsabilité du professionnel pour les vols commis à l’intérieur de l’établissement.

(Texte adopté le 26 juin 1987 sur le rapport de M. Didier Berges.)

 

Voir également :

Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur des clubs de sport

La Commission des clauses abusives,

Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services;

Vu le code civil;

Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs;

Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 dite loi montagne;

Vu la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal;

Vu le décret n° 730 du 22 mars 1942 modifié portant règlement d’administration publique sur la police, la sûreté et l’exploitation des voies ferrées d’intérêt général et local;

Les représentants des exploitants de remontées mécaniques entendus;

Considérant que les contrats de remontées mécaniques concernent chaque année plusieurs millions d’usagers qui fréquentent les stations de sports d’hiver pour s’y adonner à la pratique du ski; que si certaines dispositions régissant la conclusion et l’exécution de ces contrats sont imposées par la loi ou des règlements pris par l’autorité publique, il en est d’autres qui sont élaborées par les seuls professionnels et imposées par eux à l’adhésion des consommateurs et usagers; que les clauses insérées par les exploitants de remontées mécaniques entrent donc bien dans le champ d’application de la loi du 10 janvier 1978;

Considérant que les exploitants d’installations de remontées mécaniques ont eu comme principal souci dans le libellé des contrats proposés à l’adhésion des usagers de se prémunir contre d’éventuelles fraudes; que les dispositions de la loi du 9 janvier 1985, de celle du 30 décembre 1985 et du décret du 22 mars 1942 modifié comblent un vide juridique et permettent aux professionnels de lutter efficacement contre la fraude sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter par voie conventionnelle;

Considérant qu’un certain nombre de clauses habituellement insérées dans les contrats par les professionnels sont manifestement abusives au sens de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978;

Considérant que la clause interdisant à l’usager de céder le titre lui donnant droit à l’usage des remontées mécaniques ne peut trouver sa justification que dans la remise quantitative ou le prix préférentiel consenti par l’exploitant; que par contre, il est abusif d’interdire la cession du titre d’accès aux installations lorsque sa validité est limitée à la journée de sa délivrance; qu’une telle clause ne perd son caractère abusif que si l’exploitant délivre par ailleurs des titres d’accès soit pour chaque utilisation des installations, soit pour une durée inférieure à la journée;

Considérant qu’hormis les cas où les titres d’accès aux remontées mécaniques sont anonymes, il est abusif de stipuler qu’aucun duplicata ne sera délivré en cas de perte, destruction ou soustraction frauduleuse d’un titre d’accès;

Considérant que les clauses par lesquelles les exploitants de remontées mécaniques excluent tout dédommagement et tout remboursement total ou partiel du titre d’accès aux installations sont manifestement abusives; qu’il en est notamment ainsi lorsque l’interruption du service de tout ou partie des installations est le fait de l’exploitant; que même dans des cas de force majeure tels que l’interruption des fournitures d’électricité par E.D.F. ou des circonstances atmosphériques exceptionnelles l’exploitant devrait être tenu au remboursement du prix payé par le consommateur;

Considérant que les cas exceptionnels où les contrats de remontées mécaniques prévoient une indemnisation de l’usager en cas d’interruption de service, les modalités imposées à l’usager consistant le plus souvent en une prolongation de la durée de validité du titre d’accès sont manifestement abusives en ce qu’elles supposent que le consommateur pourra prolonger son séjour dans la station;

Considérant qu’en vertu des dispositions légales et réglementaires en vigueur, l’autorité préfectorale doit, par arrêté, approuver un règlement de police et un règlement d’exploitation; que ces règlements sont, en général, conformes à des règlements types élaborés par le ministre chargé des transports; que la méconnaissance par les usagers des règles ainsi prescrites les expose à des sanctions pénales prévues et réprimées par l’article R. 26-15 du code pénal. Que ces mêmes règlements prévoient que l’exploitant ou ses préposés peuvent à titre conservatoire et uniquement pour des raisons liées à la sécurité s’opposer à ce que le contrevenant accède aux installations; que le décret du 22 mars 1942 modifié qui entrera en vigueur le 1er octobre 1986 aggrave la répression des infractions commises au préjudice des exploitants et en facilite la poursuite;

Considérant que la plupart des contrats examinés donnent à l’exploitant des remontées mécaniques le pouvoir de retirer le titre d’accès acquis par l’usager lorsque celui-ci enfreint les règlements de police ou d’exploitation édictés par l’autorité administrative; que cette faculté, qui ajoute aux dispositions de ces règlements, attribue un pouvoir discrétionnaire de résolution des contrats à l’une des deux parties, sans contrôle juridictionnel ou même administratif; que de telles clauses sont manifestement abusives.

Recommande:

Que soient éliminées des contrats les clauses qui ont pour objet ou pour effet :

D’interdire la libre cession des forfaits journaliers :

  • lorsqu’il n’est pas proposé de forfaits de durée plus brève ou de tickets à l’unité;
  • ou lorsque le titulaire du forfait n’a pas bénéficié d’un avantage tarifaire lié à son appartenance à une catégorie particulière.

D’exclure la délivrance d’un duplicata d’un titre d’accès aux remontées mécaniques en cas de perte, destruction ou soustraction lorsque ledit titre est nominatif.

De supprimer ou de limiter la responsabilité de l’exploitant en cas d’interruption de service de son fait et ce sauf cas de force majeure.

D’exonérer, lors de l’interruption partielle ou totale du service pour cas de force majeure, l’exploitant de son obligation de rembourser le prix ou la fraction de prix correspondant à la durée de l’interruption.

D’imposer à l’usager, à titre de dédommagement ou de remboursement, une compensation sous la forme d’une prolongation de la validité du titre d’accès aux installations.

De permettre à l’exploitant de décider unilatéralement de la résolution du contrat par le retrait du titre d’accès.

(Texte adopté le 19 septembre 1986 sur le rapport de M. Didier Berges.)