Cass. civ 1ère, 20 avril 2022, 20-16.316, 19-11.599, n° 19-11600 

Prêt libellé en devise étrangère – Obligation d’information de la banque – Fonctionnement concret du mécanisme financier – Evaluation des conséquences économiques –Transparence matérielle – Déséquilibre significatif 

EXTRAITS : 

« Viole l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, la cour d’appel qui écarte l’existence d’un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur créé par une clause autorisant le tirage d’un prêt dans une devise étrangère, après avoir retenu que les documents remis au consommateur ne lui permettaient pas d’évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de la clause, sur ses obligations financières, en l’absence de tout exemple chiffré, de toute simulation et de toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale, ce dont il résultait que la banque n’avait pas satisfait à l’exigence de transparence à l’égard du consommateur » 

ANALYSE : 

Un prêt multi-devises a été consenti par une banque à un emprunteur pour un montant de 1 500 000 € ou « l’équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l’une des principales devises européennes … ». Le montant du prêt a été tiré en Francs suisses mais la banque a procédé à la conversion en euros, justifiant l’assignation de l’emprunteur pour irrégularité d’une telle conversion et pour manquement du banquier à son devoir d’information et de conseil.  

L’emprunteur forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon en date du 20 février 2020, rendu sur renvoi après Cassation (Cass. civ. 1ère, 10 avr. 2019 n° 17-20.722). En effet, la Cour d’appel a jugé que le « le fait que l’emprunteur supporte le risque de variation du taux de change ne crée pas un déséquilibre entre les droits et obligations respectifs des parties pour la raison que la variation du taux de change ne dépend pas de leurs volontés et en particulier de celle de la banque » et que « l’emprunteur était maître du choix de la devise ».  

Le moyen de pourvoi formé par l’emprunteur se fonde sur le fait qu’il « appartenait [à la Cour d’appel] de rechercher si la clause de monnaie de compte, analysée comme une clause d’indexation, ne faisait pas peser le risque de change exclusivement sur l’emprunteur ». 

Au visa de l’ancien article L.132-1 du code de la consommation (nouveau L.212-1 du même code) suivant lequel « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible », la Cour rappelle qu’il convient au juge national d’examiner d’office le caractère abusif des clauses insérées dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur au regard des critères posés par la Cour de justice de l’Union européenne.  

La Cour précise ensuite les critères d’appréciation du déséquilibre significatif au regard de la directive 93/13 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, tels qu’interprétés par deux arrêts C-776/19 et C-782/19 BNP Paribas en date du 10 juin 2021 rendus par la Cour de justice de l’Union.  

Dans ces décisions, la CJUE avait jugé que dans le contrat de prêt libellé en devise étrangère, la clarté d’une clause selon laquelle « la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur » nécessite une information suffisante et exacte permettant au consommateur moyen de comprendre le fonctionnement du mécanisme financier et d’évaluer les conséquences potentiellement négatives pour lui de cette clause.  

Elle avait également jugé qu’une clause selon laquelle « la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur sans qu’il soit plafonné » peut être considérée comme abusive en raison du déséquilibre significatif créé puisque le professionnel ne peut s’attendre à ce que le consommateur accepte, dans une négociation individuelle, le risque de disproportion de change qui découle de cette clause.  

La décision de la Cour d’appel de renvoi est ainsi cassée au motif que les documents remis à l’emprunteur ne lui permettaient pas d’apprécier les conséquences économiques de la clause attaquée ni d’évaluer ses obligations financières par des exemples chiffrés ou des explications sur la distinction entre monnaie de compte et devise initiale.  

Pour conclure, en application de la jurisprudence BNP Paribas de la CJUE, la Cour de cassation considère que le non-respect de l’obligation de transparence du professionnel permet de considérer de telles clauses comme étant abusives, opérant ainsi une assimilation entre ces deux critères. La Cour procède donc à un revirement de jurisprudence par rapport à sa solution rendue le 10 avr. 2019 (pourvoi n° 17-20.722). 

Voir également : 

- CJUE 10 juin 2021 C-776/19 – BNP Paribas Personal Finance
CJUE 10 Juin 2021 C-782/19 

Cass. civ. 1ère, 20 avril 2022, n° 20-16.942 

Contrat de prêt libellé en devises étrangères — Obligation d’information de la banque — Exigence de transparence de la banque — Évaluation des conséquences économiques — Déséquilibre significatif 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016- 301 du 14 mars 2016 :  

En statuant ainsi, alors qu’il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le contrat litigieux, toute dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse avait pour conséquence d’augmenter le montant du capital restant dû et, ainsi, la durée d’amortissement du prêt d’un délai maximal de cinq ans, de sorte qu’il lui incombait, à supposer que les stipulations litigieuses ne définissent pas l’objet principal du contrat ou, dans le cas contraire, qu’elle ne soit pas rédigée de façon claire et compréhensible, de rechercher d’office si la banque avait satisfait à son exigence de transparence à l’égard du consommateur en lui fournissant des informations suffisantes et exactes lui permettant d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte et qu’il avait été averti du contexte économique susceptible d’avoir des répercussions sur la variations des taux de change, et si, en conséquence, ladite clause n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». 

ANALYSE : 

Une banque consent un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros (crédit « Helvet Immo ») destiné à l’acquisition d’un appartement en l’état futur d’achèvement par un consommateur. L’emprunteur agit en justice contre la banque invoquant un manquement de celle-ci à son devoir d’information et de mise en garde s’agissant des clauses prévoyant une évolution de l’amortissement du capital en fonction des variations du taux de change ainsi que l’irrégularité du taux effectif global.  

La Cour d’appel refuse de faire droit à la demande tendant à déclarer abusives de telles clauses retenant que celle-ci est présentée pour la première fois en appel. L’emprunteur forme un pourvoi en cassation invoquant l’obligation pour le juge national de relever d’office les clauses abusives. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel. 

La Première chambre civile vise tout d’abord l’article L132-1 du code de la consommation (devenu l’article L212-1 du code de la consommation) selon lequel « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». La Cour de cassation rappelle par la suite que « le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose » conformément à l’arrêt Pannon (CJCE, arrêt du 4 juin 2019, Pannon, C-243/08).  

Ensuite, la Cour de cassation retient que le juge doit rechercher d’office si la banque a satisfait à son exigence de transparence à l’égard du consommateur en lui fournissant des informations suffisantes et exactes lui permettant d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives de clauses portant sur des obligations financières pendant toute la durée du contrat. 

En effet, la transparence, suppose qu’un « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret de cette clause et d’évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières » (arrêt CJUE, 3 mars 2020, Gomez del Moral Guasch, C-125/18, point 51 repris dans l’arrêt CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à 782-19, point 64). En l’espèce, il revenait à la banque, en application de son obligation de transparence, de fournir au consommateur des informations suffisantes et exactes lui permettant d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, des obligations financières pendant toute la durée du contrat. De plus, il convenait d’avertir le consommateur sur le contexte économique susceptible d’avoir des répercussions sur la variation des taux de change.  

En outre, le juge devait rechercher d’office si une telle clause n’avait pas pour effet ou pour objet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur. En effet, le consommateur faisait valoir que selon le contrat litigieux, les mensualités étaient susceptibles d’augmenter, sans plafond, lors des cinq dernières années. La Cour de cassation confirme ainsi la solution rendue dans d’autres décisions du même jour tenant à ce que le non-respect du professionnel de son obligation de transparence peut avoir pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur.

Voir également : 

-  CJCE, 4 juin 2019, Pannon, C-243/08 

– CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à 782-19 

– Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 avril 2022, n°19-11.599 ; 19-11.600  

Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-20.717 

Prêt libellé en devise étrangère — Obligation d’information de la banque — Fonctionnement concret du mécanisme financier — Évaluation des conséquences économiques — 

EXTRAITS : 

« Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :  

En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas donné́ de base légale à sa décision. » 

ANALYSE : 

Invitée à statuer dans le contentieux Helvet Immo à la suite d’un pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 avril 2019 rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1ère, 16 mai 2018, n°17-11.337) la première chambre civile de la Cour de cassation énonce pour la première fois, sous le visa de l’ancien article 1147 du Code civil (d’où elle déduit depuis une jurisprudence ancienne le devoir de mise en garde du banquier), que lorsqu’elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l’Etat où celui-ci est domicilié et d’une hausse du taux d’intêrêt étranger ».  

Elle casse l’arrêt d’appel de la Cour d’appel de Paris pour n’avoir pas procédé à cette recherche.  

Dans l’espèce qui lui était soumise, la Cour de cassation, qui a également statué sur la prescription de l’action en réputé non écrit  n’était pas invitée à se prononcer sur le caractère abusif de la clause. Cependant, elle s’inspire du principe de transparence matérielle posée par la Cour de justice de l’Union européenne en matière de clause abusive pour procéder à un revirement de jurisprudence sur le devoir d’information du banquier. 

Le principe de transparence matérielle résulte de l’interprétation de l’article 4.2 de la directive selon lequel « l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible » (C. consom., art. ‘L. 212-1, al. 3). La Cour de justice a en effet affirmé que « l’exigence de rédaction claire et compréhensible des clauses […] posée par la directive doit être entendue de manière extensive » afin de satisfaire à l’information du consommateur (CJUE 30 avr. 2014, Kásler et Káslerné Rábai, aff. C-26/13). Concrètement, l’exigence de transparence des clauses ne se réduit pas au caractère compréhensible de celles-ci sur un plan formel et grammatical. Elle suppose de vérifier que le professionnel a, en outre, fourni une information précontractuelle « permettant à un consommateur moyen […] de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat » (CJUE, gr. ch., 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, aff. C-125/18, pt. 49).  

Or, la Cour de cassation dans les affaires Hevet Immo considérait qu’il suffisait que les variations du mécanisme de change aient été exposées au consommateur (Civ. 1re, 20 févr. 2019, nos 17-31067et 17-31.065) pour considérer que les clauses portant sur l’objet principal du contrat étaint claires et compréhensibles, et par conséquent exemptes du contrôle de l’abus. Cependant, cette jurisprudence semblait condamnée par l’arrêt BNP Paribas dans lequel la CJUE a énoncé que « L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat » (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 – BNP Paribas Personal Finance). Hormis la référence à la directive 93/13, qui n’était pas applicable à la question du devoir d’information du banquier, la solution de la CJUE est explicitement reprise par la Cour de cassation pour fonder sa cassation. Elle induit donc du principe de transparence matérielle des clauses un devoir d’information du banquier sur le risque des conséquences économiques négatives.  

Aussi, bien que ne portant pas sur le caractère abusif de la clause, cet arrêt trouve toute sa place sur le site de la Commission des clauses abusives, en ce qu’il se fonde sur un principe de transparence matérielle dégagé sur le fondement de la directive 93/13 sur les clauses abusives. 

Voir également : 

CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 – BNP Paribas Personal Finance

Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 20-717 

Prêt libellé en devise étrangère — Clause « réputée non écrite » — Prescription quinquennale 

EXTRAITS : 

 « Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale.

Pour déclarer les demandes irrecevables, comme prescrites, l’arrêt retient que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives, qui relève du droit commun des contrats, est soumise à la prescription quinquennale et que celles-ci ont été formées plus de cinq ans après l’acceptation des offres de prêt.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». 

ANALYSE : 

Invitée à statuer dans le contentieux Helvet Immo à la suite d’un pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 avril 2019, lui même rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1re, 16 mai 2018, n°17-11.337), la première chambre civile de la Cour de cassation juge, dans la lignée de solutions adoptées antérieurement, que la demande qui tend à voir une clause abusive réputée non écrite n’est pas soumise à la prescription quinquennale. 

Ce faisant, elle casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives dans des contrats de crédits immobiliers était irrecevable car formée plus de cinq ans après l’acceptation des offres de prêts. 

L’arrêt de la première chambre civile est rendu sous le visa du texte posant la prescription quinquennale des obligations entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants (C.cCom., art. L. 110-4) et sous le visa du texte relatif à la définition des clauses abusives (C. consom., art. L. 132-1 dans sa rédaction antérieure  à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; voir nouvel art. L. 212-1).  

A l’appui de sa décision, la Cour de cassation se fonde sur l’arrêt BNP Paribas Personal Finance du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) par lequel la CJUE considère qu’en vertu du principe d’effectivité, il est contraire à l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/ du 5 avril 1993 sur les clauses abusives de soumettre la demande qui tend à réputer non écrite une clause abusive à un délai de prescription.  

Donc en l’espèce, la Cour de cassation retient que la prescription quinquennale prévue par l’article L110-4 du code de commerce ne s’applique pas à la demande de réputer non écrite une clause abusive. Plus largement, et ainsi que l’avait jugé la Cour de cassation, la demande tendant à réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible. 

L’arrêt se prononce également sur le devoir d’information du banquier.

Voir également : 

-  CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19 

– Cass. com. 8 avril 2021, n°19-17997 

-Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, 17-23.169 

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 6, 30 mars 2022, JOUVE, RG 20/02033 

– prescription de l’action en reconnaissance du caractère abusif d’une clause – clause non abusive – clause abusive – clause réputée non écrite – coût du crédit – variation du taux d’intérêt – conversion du prêt – remboursement du prêt – changement de parité entre devise – clause constituant l’élément essentiel du contrat – clause d’indexation – 

ANALYSE :

Sur une action en cessation intentée par Monsieur JOUVE, la Cour d’appel de Paris se prononce quant à la prescription de l’action en reconnaissance du caractère abusif des clauses du contrat de prêt (1), la prescription de l’action en restitution de sommes indues (2), écarte le caractère abusif de certaines clauses (2), juge d’autres clauses abusives au sens de l’article L212-1 du code de la consommation (3) et enfin, statue sur les conséquences du caractère abusif des clauses constituant l’objet principal du contrat (4). 

  1. L’absence de prescription de l’action en reconnaissance du caractère abusif des clauses du contrat de prêt

Extraits : « La Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit, dans un arrêt du 10 juin 2021, notamment, d’une part, que la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 sur les clauses abusives doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription et, d’autre part, que, s’agissant d’une action aux fins de restitution de sommes indûment versées, elle s’oppose à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l’ensemble de ses droits découlant de cette directive.  

Il en résulte que si l’action en restitution peut être soumise par le droit national à une prescription, en l’espèce quinquennale, de l’article L 110-4 du code commerce, ce qui correspond à un impératif de sécurité juridique, et ce, sans contrevenir à l’effectivité des droits garantis par la directive pour autant qu’elle ne court pas à compter de l’offre de prêt elle-même ou qu’elle prive le consommateur, éventuellement alors dans l’ignorance des vices dénoncés, de son action, tel n’est pas le cas d’une action en reconnaissance du caractère abusif d’une clause.  

En conséquence, l’action en reconnaissance du caractère abusif de toutes les clauses n’est pas prescrite.  

  1. La prescription de l’action en restitution de sommes indues

Extraits : « Mais, il doit être rappelé que le terme du contrat est échu depuis le 31 juillet 2014, date à laquelle l’emprunteur a nécessairement été en mesure de connaître le déséquilibre constitutif d’un abus issu de l’application d’une clause conventionnelle puisque le contrat a épuisé tous ses effets.  

En conséquence, l’action en restitution de sommes indues, en ce qu’elle est fondée sur le caractère abusif des clauses 5.2 et 6 relatives à l’indexation serait irrecevable comme prescrite puisqu’il s’est écoulé un délai de plus de cinq ans entre le terme du contrat du 31 juillet 2014 et la demande relative à ces clauses, formée pour la première fois, en cause d’appel, par conclusions du 18 octobre 2019.  

En revanche, l’action en restitution, en ce qu’elle est fondée sur le caractère abusif des clauses 5.3, 10.5 et 10.3, formée dès l’introduction de l’instance le 6 novembre 2014, n’est pas prescrite dès lors qu’elles sont respectivement relatives au remboursement du crédit, à la faculté de conversion du prêt en euros et aux conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l’euro dont les effets se manifestent essentiellement lors du remboursement du capital s’agissant d’un prêt in fine. » 

  1. Les clauses jugées non abusives

CLAUSES RELATIVES À L’INDEXATION – CLAUSE RELATIVE AU COÛT DU CRÉDIT – CLAUSE DE VARIATION DU TAUX D’INTÉRÊT

L’article 5.2 relatif au coût du crédit et l’article 6 relatif à la variation du taux d’intérêt du contrat de prêt, et qui sont tous les deux relatifs à l’indexation sont ainsi libellés : 

Contenu de l’article 5.2 : « l’intérêt, initial nominal de 3,500 % est indexé que « L’index retenu est l’index LIBOR 3 mois. La définition de l’index est précisé au point « Définition des taux d’intérêts » La valeur de l’index à la date du 30.06.1999 est de 1,050 % » 

Contenu de l’article 6 : « Le taux d’intérêt du prêt varier a à la hausse comme à la baisse en fonction de l’évolution de la moyenne arithmétique trimestrielle du taux interbancaire offert à Londres (LIBOR ou London Interbank Offered rate) à trois mois, de la devise empruntée. Le taux du LIBOR est publié par l’Association des banques britanniques.  

La valeur de l’index est établie chaque année, le premier jour du mois civil (étant désigné par après sous l’appellation « mois anniversaire ») au cours duquel survient l’anniversaire de l’ouverture du prêt. La date d’ouverture du prêt s’entend comme étant la date à laquelle le compte de prêt est ouvert informatiquement dans la comptabilité du prêteur et figure au paragraphe « CONDITIONS FINANCIERES » du contrat.
La nouvelle valeur de l’index est déterminée en prenant en compte la moyenne du LIBOR à trois mois de la devise empruntée du dernier trimestre civil précédant le mois anniversaire. Annuellement, à chaque mois anniversaire, la variation de la valeur de l’index par rapport à la valeur de l’index arrêtée à la date d’ouverture du prêt est répercutée à due concurrence sur le taux du prêt, le taux initial servant de base pour le calcul de la variation.  

Toutefois, les variations de l’index entraînant une modification du taux du prêt inférieure à 25 centièmes par rapport au taux en vigueur ne sont pas répercutées. (…)  

La répercussion de la variation de l’index sur le terme de remboursement a lieu à compter de la prochaine échéance prélevée postérieurement au changement de taux.  

La variation du taux d’intérêt se traduira par une variation du montant des échéances de remboursement. » 

Analyse de l’article 5.6 relatif au coût du crédit et de l’article 6 relatif à la variation du taux d’intérêt du contrat de prêt : « Ainsi qu’il sera vu ci-après, au contraire des clauses de paiement et des opérations de change, l’article 6 intitulé “définition de l’index Libor 3 M” décrit ainsi avec précision les modalités pratiques d’indexation, la date et les valeurs de l’index prise en compte.  

L’index choisi, à l’instar de très nombreux contrats de prêt, était publié par l’association des banques britanniques, ce qui constituait une référence objective, ne dépendant pas, dans sa variabilité, de la volonté de la banque et est dénué de tout arbitraire à l’égard de l’emprunteur de sorte que cette indexation ne revêtait pas de caractère abusif comme créant un déséquilibre au détriment du consommateur, la circonstance que les effets de son évolution n’était pas limités ne confère pas à la clause un caractère déséquilibré.  

Au demeurant, pas plus que la banque, M. Jouve ne produit d’élément sur les modalités de l’exécution du prêt et sur l’évolution de l’index qui mettrait la cour à même d’apprécier le caractère déséquilibré des effets de cette indexation à son détriment.  

En conséquence, M. Olivier Jouve doit être débouté de sa demande tendant à voir réputées non écrites les clauses 5.2 et 6 du contrat. » 

CLAUSE DE CONVERSION DU PRÊT  

La clause 10.3 du contrat de prêt relatif à la conversion du prêt est ainsi libellé : 

Contenu de la clause 10.3 : « Le prêt est réputé convertible en francs français ou en euros. L’emprunteur pourra demander au prêteur la conversion du prêt en francs français ou en euros sous préavis de 30 jours minimum. La conversion ne pourra intervenir qu’à une date d’échéance. Les caractéristiques du taux d’intérêt seront négociées entre les parties à ce moment-là, étant précisé qu’à défaut d’accord, l’emprunteur devra à son choix poursuivre le prêt en devises ou le rembourser par anticipation » 

Analyse de la clause 10.3 : « Il doit d’abord être précisé qu’il ne peut être tiré aucune conclusion utile à la solution du litige du caractère abusif allégué de la dernière clause 10.3 relative à la faculté de conversion du prêt en euros alors que ce dernier est désormais échu sans avoir été converti et que M. Jouve ne soutient pas même avoir jamais envisagé de solliciter cette conversion au cours de son exécution. » 

  1. Les clauses jugées abusives au sens de l’article L212-1 du code de la consommation

CLAUSE DE REMBOURSEMENT DU PRÊT – CONSÉQUENCES DU CHANGEMENT DE PARITÉ ENTRE DEVISE 

La clause 5.3 du contrat de prêt relatif au « remboursement du crédit » et la clause 10.5 relative aux conséquences du changement de parité sont ainsi libellées :  

Contenu de la clause 5.3 : « Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et commissions et cotisations d’assurance auront lieu dans la devise empruntée. Les échéances seront débitées sur tout compte en devise ouvert au nom de l’un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. La monnaie de paiement est le franc français ou l’euro, l’emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en francs français ou en euros les échéances au moment de leur prélèvement. Les échéances seront déboutées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en francs français ou en euros) ouvert au nom de l’un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. Les frais des garanties seront payables en francs ou en euros.  

Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l’échéance le prêteur est en droit de convertir le montant de l’échéance impayée en francs français ou en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en francs français ou en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l’emprunteur ou du coemprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré » 

Contenu de la clause 10.5 : « Il est expressément convenu que l’emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et le franc français ou l’euro, qui pourrait intervenir jusqu’au complet remboursement du prêt » 

Analyse de la clause 5.3 du contrat de prêt relatif au « remboursement du crédit » et de la clause 10.5 relative aux conséquences du changement de parité : « De même, si la clause 10.5 doit être considérée, en vertu du principe énoncé ci- dessus, pour apprécier la portée de la clause de remboursement 5.3, il n’en résulte pas de manière autonome de conséquences particulières en terme de restitution puisque c’est son caractère lacunaire, en lien avec la clause 5.3, qui est susceptible de voir qualifier d’abusif l’ensemble ainsi formé.  

La clause 5.3, insérée dans un contrat de crédit conclu dans une devise étrangère entre un professionnel et un consommateur sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle, aux termes de laquelle le crédit doit être remboursé dans cette même devise détermine la nature même de l’obligation de remboursement de l’emprunteur et elle porte ainsi sur l’objet principal du contrat de prêt, de sorte qu’il convient d’examiner, en vertu de ce qui précède, si elle est rédigée de manière claire et compréhensible, et ce, en tenant compte des autres clauses en regard desquelles elle doit s’interpréter et, dans l’hypothèse où tel n’est pas le cas si elle créé un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur.  

Cette exigence ne se réduit pas au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical puisque le contrat doit également exposer de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause aux fins que le consommateur soit en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques envisageables qui en découlent pour lui.  

Il y a lieu d’abord d’observer qu’en dépit de ce que la clause affirme que “la monnaie de paiement est le franc français ou l’euro” – pour satisfaire à la prohibition de l’usage d’une monnaie étrangère en tant qu’instrument de paiement et non pas seulement en tant qu’unité de compte – elle prévoit, en contradiction avec cette assertion, à plusieurs reprises que “tous les remboursements” auront lieu “dans la devise empruntée”, que les échéances sont débitées à titre principal “sur tout compte en devises” de l’emprunteur et, seulement subsidiairement, sur un compte en francs ou en euros.  

Il ne peut ensuite qu’être constaté que le contrat de prêt litigieux ne contient aucune information sur la manière dont la clause est mise en oeuvre, sur la manière d’effectuer les remboursements en francs suisses alors même qu’il n’est pas contesté que M. Jouve ne percevait que des revenus en francs français puis en euros, et ce, alors qu’il faut nécessairement que des conversions interviennent et qu’en conséquence un taux de change soit appliqué. La seule mention à la stipulation 10.1 selon laquelle “le présent concours financier sera réalisé conformément à la réglementation des changes en vigueur au jour de la réalisation” est notoirement imprécis et laisse l’emprunteur dans l’expectative quant au taux de change pris en compte non seulement pour le paiement des intérêts mais également pour le capital payable in fine, quant au moment exact de la prise en compte de la variation de ce taux de change pour que soit opérée une conversion et quant aux modalités selon lesquelles il peut en être informé.  

Au-delà du contrat de prêt lui-même, aucune pièce ne permet d’établir que M. Jouve a été destinataire d’information à cet égard et il est singulier que la banque n’ait pas même produit aux débats, au-delà du tableau d’amortissement prévisionnel, les modalités selon lesquelles les intérêts ont été effectivement payés en exécution du prêt et sur quelle base en matière de taux de change, de même que sa réclamation du solde du prêt dans son décompte du 21 novembre 2014 est fondée sur le taux de change audit jour.  

En dehors de la laconique et sommaire stipulation 10.5 du contrat de prêt selon laquelle “il est expressément convenu que l’emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et le franc français ou l’euro, qui pourrait intervenir jusqu’au complet remboursement du prêt”, le Crédit Mutuel ne justifie pas avoir communiqué la moindre information sur les éléments fondamentaux tenant au risque de change, susceptibles d’avoir une incidence sur la portée de l’engagement permettant à l’emprunteur d’évaluer notamment le coût total potentiel de l’emprunt et de prendre conscience des difficultés auxquelles il serait confronté en cas de dévaluation de la monnaie dans laquelle il perçoit ses revenus.  

Aucune information pertinente n’est ainsi communiquée permettant à M. Jouve d’évaluer les conséquences économiques de la clause sur ses obligations financières.  

Il résulte de ce qui précède, d’une part, que la clause de“remboursement du crédit”, même éclairée par les autres stipulations du contrat de prêt, n’est pas rédigée de manière claire et qu’elle n’est pas intelligible en elle-même car lacunaire pour l’emprunteur puisqu’il est vain pour quiconque d’y rechercher avec succès la détermination exacte des opérations de change nécessaires à l’exécution du prêt.  

D’autre part, la stipulation d’une telle clause institue un déséquilibre significatif entre la banque prêteuse et l’emprunteur en ce que ce dernier n’est pas mis en mesure d’envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations et n’a pas été suffisamment informé des mécanismes de change.  

En conséquence, la clause de remboursement du crédit 5.3 rapportée ci-dessus et la clause en lien avec celle-ci 10.5 doivent être déclarées non écrites. » 

  1. Conséquences du caractère abusif des clauses constituant l’objet principal du contrat

CLAUSE CONSTITUANT L’ÉLÉMENT ESSENTIEL DU CONTRAT RÉPUTÉE NON ÉCRITE 

Extraits : «  Les alinéas 6 et 8 de l’article L 132-1 ancien du code de la consommation disposent que :“Les clauses abusives sont réputées non écrites” et que “le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses”.  

En l’espèce, il a été déterminé ci-dessus que les clauses réputées non écrites constituent l’objet principal du contrat de sorte que ce dernier n’a pu subsister sans elles et que si l’indexation en elle-même du taux nominal initial ne revêt pas un caractère abusif, l’index choisi étant le Libor 3 mois “de la devise empruntée”, il est lui-même atteint par les effets du caractère non écrit des clauses.  

En conséquence, ni le remboursement en devise ni l’intérêt stipulé ne peuvent subsister. »  

> Voir également : CJUE, 10 juin 2021

Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996, n° 19-20 717, n° 19-18997, n°19-12947 ; Cass. civ. 20 avril 2022, n° 20-16941 

Prêt libellé en devise étrangère — Clause « réputée non écrite » — Prescription quinquennale 

EXTRAITS : 

 « Vu les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale.

Pour déclarer les demandes irrecevables, comme prescrites, l’arrêt retient que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives, qui relève du droit commun des contrats, est soumise à la prescription quinquennale et que celles-ci ont été formées plus de cinq ans après l’acceptation des offres de prêt.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés »  

ANALYSE : 

Invitée à statuer dans le contentieux Helvet Immo à la suite d’un pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 avril 2019, lui même rendu sur renvoi après cassation (Cass. civ. 1re, 16 mai 2018, n° 17-11.337), la première chambre civile de la Cour de cassation juge, dans la lignée de solutions adoptées antérieurement, que la demande qui tend à voir une clause abusive réputée non écrite n’est pas soumise à la prescription quinquennale. 

Ce faisant, elle casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que l’action engagée par les emprunteurs pour voir déclarer non écrites des clauses qualifiées d’abusives dans des contrats de crédits immobiliers était irrecevable car formée plus de cinq ans après l’acceptation des offres de prêts. 

L’arrêt de la première chambre civile est rendu sous le visa du texte posant la prescription quinquennale des obligations entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants (C.cCom., art. L. 110-4) et sous le visa du texte relatif à la définition des clauses abusives (C. consom., art. L. 132-1 dans sa rédaction antérieure  à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; voir nouvel art. L. 212-1).  

A l’appui de sa décision, la Cour de cassation se fonde sur l’arrêt BNP Paribas Personal Finance du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) par lequel la CJUE considère qu’en vertu du principe d’effectivité, il est contraire à l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/ du 5 avril 1993 sur les clauses abusives de soumettre la demande qui tend à réputer non écrite une clause abusive à un délai de prescription.  

Donc en l’espèce, la Cour de cassation retient que la prescription quinquennale prévue par l’article L110-4 du code de commerce ne s’applique pas à la demande de réputer non écrite une clause abusive. Plus largement, et ainsi que l’avait jugé la Cour de cassation, la demande tendant à réputer non écrite une clause abusive est imprescriptible. 

L’arrêt se prononce également sur le devoir d’information du banquier : renvoi à la fiche 2) Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-17.996 

Voir également : 

-  CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19
–  Cass. com. 8 avril 2021, n°19-17997
Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, 17-23.169 

Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-23.627 

Contrat de prêt – Déséquilibre significatif – Sanction – Clause « réputée non-écrite » – Résolution du contrat (non) 

EXTRAITS : 

« Le moyen, qui soutient que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat sont abusives et réputées non écrites, est incompatible avec la thèse défendue devant la cour d’appel par l’emprunteur, qui soutenait qu’un tel déséquilibre avait pour effet d’entraîner la résolution du contrat ».  

ANALYSE : 

Devant les juges du fond, un emprunteur avait soutenu que le contrat litigieux, en stipulant que « le risque de change sera supporté en totalité par l’emprunteur », était porteur d’un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation (voir nouvel article L. 212-1). Il en déduisait que les juges du fond devaient prononcer la résolution du contrat de prêt.  

Cependant, les juges du fond avaient écarté le déséquilibre significatif au motif que le contrat « prévoyait seulement que l’emprunteur assumerait seul ce risque s’il venait à se réaliser en sa défaveur sans pour autant le priver des bénéfices que lui aurait procurés une évolution favorable de l’aléa cambiaire, laissant ainsi l’une et l’autre des parties exposées de façon équilibrée au risque de change, ce qui privait d’application l’article L. 132-1 du code de la consommation ».  

Le pourvoi critique l’arrêt d’appel en soutenant que les juges du fond auraient du réputer la clause non écrite. 

Il est rejeté au motif que l’argument tiré de la sanction du réputé non écrit est incompatible avec la thèse défendue devant la cour d’appel par l’emprunteur, qui soutenait qu’un tel déséquilibre avait pour effet d’entraîner la résolution du contrat. 

CJUE, 24 octobre 2019, C-211/17 – Topaz 

Acceptation de l’ensemble des clauses contractuelles – Obligation de transparence – Présomption de négociation – Signature du contrat par le consommateur 

EXTRAIT : 

« L’article 3, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la simple signature d’un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, stipulant que, par celle-ci, ce consommateur accepte l’ensemble des clauses contractuelles rédigées au préalable par le professionnel, n’entraîne pas un renversement de la présomption selon laquelle de telles clauses n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle. » 

ANALYSE : 

La Cour de justice rappelle la présomption selon laquelle une clause qui a été rédigée préalablement par le professionnel est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet de négociation individuelle (voir, en ce sens, ordonnances du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C-76/10, EU:C:2010:685, point 57, et du 3 avril 2014, Sebestyén, C-342/13, EU:C:2014:1857, points 23 et 24) (point 45). Ainsi, si le professionnel prétend que la clause a fait l’objet d’une négociation individuelle, c’est sur lui que pèse la charge de la preuve (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Constructora Principado, C-226/12, EU:C:2014:10, point 19) (point 46). En outre, la Cour précise qu’il ne faut pas confondre la négociation des termes du contrat et l’information préalable des consommateurs, laquelle « repose sur l’obligation de transparence énoncée à l’article 5 de la directive 93/13 » (point 49). En effet, le seul fait que le contrat ait été transmis au consommateur avant sa conclusion, conformément à cette exigence de transparence, ne suffit pas à « considérer que les clauses contestées par la suite par le consommateur ont fait l’objet d’une négociation individuelle » (point 50).  

En l’espèce, la Cour relève que la seule circonstance que le consommateur ait signé l’intégralité du contrat est insuffisante pour renverser cette présomption, quand bien même l’acte aurait été authentifié par un notaire, dès lors que « la signature de l’ensemble du contrat n’est pas de nature à prouver que les clauses contestées par ledit consommateur ont effectivement fait l’objet d’une telle négociation entre le professionnel et celui-ci » (point 47). La Cour précise alors que, en réalité, la signature du contrat par le consommateur, fusse-t-il authentifié, « prouve uniquement que ce contrat a été conclu et n’établit en aucune façon que les clauses contestées ont fait l’objet d’une négociation individuelle, dans le cadre de laquelle le consommateur a eu la possibilité d’influer sur le contenu desdites clauses » (point 48). 

En droit français, le critère de l’absence de négociation de la clause n’a pas été transposé. 

CA Paris 19 décembre 2018 – n°16-18928

Analyse 1

La représentation d’un syndicat de copropriétaires par un syndic professionnel ne lui fait pas perdre sa qualité de non-professionnel, en sorte qu’il peut bénéficier des dispositions de l’article L. 136-1 du code de la consommation.

 

Analyse 2

La clause qui prévoit, en cas de cessation de fonction du syndic, le paiement  à son profit d’un honoraire complémentaire pour la période d’intérim jusqu’à la désignation de son successeur, n’est pas abusive dans la mesure où sa mise en œuvre  ne dépend pas exclusivement du syndic en exercice puisqu’elle s’applique aussi bien en cas de démission que de cessation à l’initiative du syndicat des copropriétaires, qu’elle n’est pas sans fondement ni contrepartie puisqu’elle tend à rémunérer tant l’intérim assuré par l’ancien syndic jusqu’à la désignation du nouveau syndic que les obligations pesant sur celui-là de rendre les documents et comptes de la copropriété, qu’elle ne rend pas plus difficile une révocation du mandat du syndic à l’initiative du syndicat et ne constitue pas une rémunération particulière de prestations exceptionnelles non définies dans le contrat de syndic.