Cass. civ. 1ère, 19 janvier 2022, n°20-14.717 

Contrat d’enseignement privé — Force majeure — Clause de résiliation — Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties — Durée du contrat 

EXTRAITS : 

« La cour d’appel a relevé, d’une part, que les articles 2, alinéa 2, et 4 alinéa 3, des conditions générales du contrat ne permettaient à l’élève de résilier le contrat qu’en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, alors que la société, pouvait y procéder en cas d’incident suscité par l’étudiant, tel que l’absentéisme et un comportement contraire au règlement intérieur et, mais seulement avant le début des cours, en cas d’effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d’organisation majeure, d’autre part, que l’appréciation du motif de résiliation invoqué par l’étudiant était laissé à la discrétion de l’école.  

La cour d’appel en a exactement déduit que les clauses litigieuses, qui soumettaient la résiliation du contrat à des modalités plus rigoureuses pour l’élève que pour la société créaient un déséquilibre significatif au détriment de l’étudiant et qu’elles devaient en conséquence être déclarées abusives et réputées non écrites.  

Le moyen n’est donc pas fondé ». 

ANALYSE : 

La première chambre civile de la Cour de cassation retient que dans un contrat d’inscription privé, les clauses ayant pour objet de soumettre la résiliation du contrat à des modalités plus rigoureuses pour l’une des parties créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Dès lors, elles doivent être déclarées abusives et réputées non écrites.  

Une clause peut être réputée abusive sur différents fondements. Tout d’abord, il peut s’agir d’une « clause noire » qui est irréfragablement abusive (article R212-1 du Code de la consommation). Ensuite, il peut s’agir d’une « clause grise » qui est présumée abusive sauf preuve contraire (article R212-2 du Code de la consommation). Enfin, l’ancien article L132-1 du Code de la consommation abrogé par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 (applicable au litige) devenu l’article L212-1 du Code de la consommation énonce : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».  

La jurisprudence européenne pose différents critères généraux d’appréciation : « La transparence forme avec la bonne foi, et le déséquilibre, les critères généraux de la clause abusive» (CJUE, 28 juill. 2016, aff. C-191/15, Verein für Konsumenteninformation). Par conséquent, il existe trois critères d’appréciation d’une clause abusive : la bonne foi, l’équilibre et la transparence.  

S’agissant de l’équilibre, la Cour de cassation se fonde parfois, pour le caractériser, sur le défaut de réciprocité entre les droits du professionnel et les obligations du consommateur. C’est le cas en l’espèce puisque l’école pouvait résilier le contrat « en cas d’incident suscité par l’étudiant, tel que l’absentéisme et un comportement contraire au règlement intérieur et, mais seulement avant le début des cours, en cas d’effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d’organisation majeure » alors que l’élève ne pouvait résilier le contrat qu’en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves. 

La Cour de cassation avait eu l’occasion de juger que la stipulation imposant au client d’un établissement d’enseignement le paiement de l’intégralité des frais de scolarité en cas de rupture anticipée du contrat est abusive en ce qu’elle prive de la possibilité de résilier un contrat « pour motif légitime et impérieux », qu’il revient au juge et non au professionnel d’apprécier (Civ. 1re, 12 oct. 2016, no 15-25.468 – Civ. 1re, 13 déc. 2012, no 11-27/766). 

La Cour d’appel de Toulouse avait également jugé que « L’appréciation par le seul établissement d’enseignement de l’opportunité d’indemniser, partiellement seulement, les frais de scolarité réglés par l’étudiant en cas de force majeure crée une condition purement potestative en faveur dudit établissement d’enseignement » (Cour d’appel, Toulouse, 1re chambre, 1re section, 1 Mars 2021 – n° 18/01919).  

Voir également : 

– Cour d’appel, Toulouse, 1re chambre, 1re section, 1 Mars 2021 – n° 18/01919 

– Cass. civ. 1re, 12 oct. 2016, no 15-25.468  

– Cass. civ. 1re, 13 déc. 2012, no 11-27.766

CA Amiens 27 septembre 2018

Contrat de formation dans un établissement d’enseignement – clauses de résiliation – clause abusive (oui)

ANALYSE :

Est abusive la clause d’un contrat d’enseignement qui prévoit qu’à compter du huitième jour de la signature et après la date de la rentrée scolaire tout désistement entraîne le paiement immédiat du solde de la scolarité annuel, aucun remboursement ni réduction des frais de scolarité ne pouvant être consenti en cas de départ volontaire empêchant les parents de se dégager du contrat, même pour un motif légitime et impérieux, alors que le contrat réserve la possibilité pour le professionnel d’annuler le contrat en cas d’effectif insuffisant, sans autre précision ou en cours d’année dans les conditions prévue au règlement intérieur ou en cas de non-respect des échéances tout en mettant à la charge de l’étudiant une partie voire la totalité des frais de scolarité.

CJUE 17 mai 2018 – C-147/16

Titre

« Renvoi préjudiciel – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur – Examen d’office, par le juge national, de la question de savoir si un contrat relève du champ d’application de cette directive – Article 2, sous c) – Notion de « professionnel » – Établissement d’enseignement supérieur dont le financement est assuré, pour l’essentiel, par des fonds publics – Contrat relatif à un plan d’apurement sans intérêts des droits d’inscription et de la participation aux frais d’un voyage d’études »

 

Résumé :

 

  1. La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’un juge national statuant par défaut et ayant le pouvoir, selon les règles de procédures internes, d’examiner d’office la contrariété entre la clause qui sert de base à la demande et les règles nationales d’ordre public, est tenu d’examiner d’office si le contrat contenant cette clause relève du champ d’application de cette directive et, le cas échéant, le caractère éventuellement abusif de ladite clause.
  1. Sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi, l’article 2, sous c), de la direction 93/13 doit être interprété en ce sens qu’un établissement d’enseignement libre, tel que celui en cause au principal, qui, par contrat, est convenu avec l’une de ses étudiantes de facilités de paiement de sommes dues par cette dernière au titre de droits d’inscription et de frais liés à un voyage d’études, doit être considéré, dans le cadre de ce contrat, comme un « professionnel », au sens de cette disposition, de sorte que ledit contrat relève du champ d’application de cette directive.