Cass. civ.1ère, 14 février 2024, n°22-21.135 

 

Contrat de prêt immobilier – Taux révisable – Clause de remboursement – Nullité des prêts – Transparence des clauses – Obligations d’information – Devise étrangère. 

 

EXTRAITS : 

«  Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :  

  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 

  

  1. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19, BNP Paribas Personal Finance), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, § 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. 
  2. Pour rejeter la demande tendant à faire déclarer abusives les clauses critiquées, l’arrêt retient, d’une part, que ces clauses définissent l’objet principal des contrats de prêt, qu’elles sont parfaitement claires et compréhensibles, en ce qu’elles prévoient que la monnaie de compte est le franc suisse, que le remboursement se fait en euros et que les emprunteurs sont soumis au risque du taux de change, d’autre part, que les clauses du prêt sont peu lisibles, particulièrement complexes et qu’elles ne permettent pas de réaliser de façon claire et transparente que le capital restant dû à l’issue de la durée initiale allongée de cinq ans peut être bien supérieur à celui initialement prévu et que les simulations ne permettaient pas de comprendre les conséquences économiques des crédits, de sorte que la banque a manqué à son obligation d’information transparente sur les conséquences économiques des prêts ».

 

ANALYSE : 

En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance a accordé deux prêts immobiliers en francs suisses à un couple de consommateurs le 1er avril 2009, avec des taux révisables tous les trois ans. Ces derniers ont poursuivi la banque en justice, alléguant l’abus de la clause de remboursement et réclamant des dommages-intérêts pour défaut d’information et de mise en garde. La Cour de cassation, se fondant sur l’article L. 132-1 du code de la consommation et conformément à l’arrêt BNP Paribas Personal Finance (CJUE, arrêt du 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C782/19), a jugé que les clauses du contrat étaient peu lisibles, particulièrement complexes et ne permettaient pas une compréhension claire des conséquences économiques des prêts pour les emprunteurs, constituant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. En conséquence, la Cour a cassé l’arrêt attaqué, confirmant ainsi sa jurisprudence antérieure mettant en œuvre la jurisprudence de la CJUE précitée. 

Voir également : 

CJUE, 10 juin 2021, BNP Parisbas Personal Finance, C-776/19 à C782/19

Cass. civ 1, 29 novembre 2023, n° 22-19.688 

Contrat de prêt — Crédit libellé en devise étrangère — Directive 93/13— Transparence —Déséquilibre significatif 

EXTRAITS : 

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 :  

  1. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible. 
  2. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat
  3. Pour rejeter la demande tendant à voir réputer non écrite les clauses 4.3 et 9.5 du contrat de prêt, l’arrêt retient, d’une part, qu’elles définissent l’objet principal du contrat, et, d’autre part, après en avoir rappelé les termes, que même si les documents contractuels ne contenaient pas d’éléments simulant concrètement une variation du cours de change à la hausse ou à la baisse et les effets sur le montant d’une mensualité qui serait payée en euros, du capital qui serait remboursé par anticipation en euros ou du montant des sommes restant dues en cas de conversion du prêt en euros, les emprunteurs ont signé, le 9 novembre 2015, une attestation par laquelle ils déclarent notamment avoir pris connaissance des risques de change liés au cours du franc suisse, de sorte que ces clauses, rédigées en des termes clairs et compréhensibles, au demeurant éclairées par l’information spécialement et distinctement fournie sur le risque de change lié au cours du franc suisse qu’ils ont reconnu avoir reçue en signant l’attestation précitée avant de souscrire l’offre de prêt, était suffisamment claire et compréhensible pour permettre aux emprunteurs, dont le caractère de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé sera retenu, en l’absence de toute preuve contraire, de comprendre la portée concrète du fonctionnement du prêt et du risque. 
  4. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

ANALYSE : 

Un couple de consommateurs avait eu recours à un contrat de prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros via un taux d’intérêt variable indexé sur le Libor. Les consommateurs assignent la banque et contestent l’application des clauses relatives au risque de change en affirmant que ces dernières sont abusives. Les juges du fond rejettent la qualification desdites clauses comme abusives au motif que celles-ci portent sur l’objet principal du contrat et que les consommateurs avaient signé une attestation par laquelle ils affirmaient avoir pris connaissance des risques de change liés à l’indexation du prêt au cours du franc suisse, rendant ainsi l’information suffisamment claire et compréhensible.  

La Première Chambre Civile censure le raisonnement des juges du fond en affirmant que la banque n’avait pas fourni les informations suffisantes et exactes pour permettre aux consommateurs de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme et les risques économiques qui en découlaient pour le couple de consommateurs. Ainsi, la banque n’avait pas communiqué aux consommateurs une information suffisamment claire et compréhensible. Les juges du fond auraient dû apprécier le caractère abusif desdites clauses découlant de l’absence de transparence dans les informations fournies. L’arrêt est une application de la jurisprudence dite BNP Paribas (CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C/782/19) à laquelle la Cour de cassation est désormais familière. 

Voir également : 

-  CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C/782/19 

CJUE 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance SA