Cass. civ. 1ère, 2 juin 2021 n°19-22.455 

 Causes partiellement abusives— Divisibilité de la clause de déchéance du terme d’un contrat de prêt – Effets – Détermination – Portée – Réputé non écrit partiel 

EXTRAITS : 

« 6. Peut être maintenue en partie une clause de déchéance du terme dont seules certaines des causes sont abusives, dès lors qu’en raison de sa divisibilité, la suppression des éléments qui la rendent abusive n’affecte pas sa substance ».   

ANALYSE : 

La première chambre civile de la Cour de cassation rappelle la décision de la CJUE du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria SA, C-70/17 et Bankia SA, C-179/17 aux termes de laquelle la directive 93/13 s’oppose à ce qu’une clause de déchéance du terme d’un contrat de prêt jugée abusive soit maintenue en partie, moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive, lorsqu’une telle suppression reviendrait à réviser le contenu de ladite clause en affectant sa substance. De cette décision, il était possible d’en inférer qu’une suppression partielle est possible lorsqu’elle n’affecte pas la substance de la clause. 

C’est ce qu’admet la Cour de cassation lorsqu’elle énonce qu’une clause de déchéance du terme qui ne comprend que quelques causes considérées comme abusives peut être maintenue dans le seul cas ou la divisibilité de la clause avec les causes abusives n’affecte pas sa substance.   

Elle approuve donc la cour d’appel d’avoir jugé que si une clause d’un contrat de prêt comportait un élément abusif, en l’occurrence la déchéance du terme pour une cause extérieure au contrat (sur ce caractère abusif, v. Recommandation de la Commission des clauses abusives n°21-01 pt 10, seul cet élément devait être jugé non écrit, dès lors que cette suppression n’affectait pas la substance de la clause. La Cour d’appel avait en effet jugé que les autres causes de déchéance du terme stipulées dans la même disposition étaient valables. 

Ce faisant, la Cour de cassation admet le “réputé non écrit partiel”. 

Voir également : 

-  CJUE 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria SA, C-70/17 et Bankia SA, C-179/17.  

Cass. Com. du 8 avril 2021 n°19-17997 

Contrat de prêt — Clause d’indemnité de remboursement anticipé — Clause « réputée non écrite » — Délai de prescription

EXTRAITS :

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction abrogée par la loi n° 2016-301 du 14 mars 2016, et les articles 1304 et 2224 du code civil, le premier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :

27- La demande tendant à voir une clause abusive réputée non écrite, qui ne s’analyse pas en une demande d’annulation, n’est pas soumise à la prescription. »

ANALYSE :

La chambre commerciale de la Cour de cassation rejoint la solution adoptée par la première chambre civile (arrêt du 13 mars 2019, 17-23.169 — Cour de cassation — Première chambre civile), et juge que la demande qui tend à voir une clause abusive réputée non écrite ne s’analyse pas en une demande de nullité.

Cependant, alors que la première chambre civile avait énoncé que la demande n’était pas soumise à la prescription quinquennale, la chambre commerciale ne se réfère pas au délai de prescription de l’action en nullité. Le caractère imprescriptible de la demande qui tend à voir réputer non écrite une clause abusive semble donc acquis. La solution ne devrait pas se cantonner aux clauses abusives mais concerner tous les cas de réputé non écrit.

Voir également :

–  Site de la CCA : CJUE, 9 juillet 2020, C-698-18-Raiffeisen Bank :

http://www.clauses-abusives.fr/jurisprudence/reglementation-nationale-soumettre-a-delai-de-prescription-laction-restitution-consecutive-a-action-constatation-caractere-abusif-dune-clause/

 

Cass. civ.1ère, 20 janv. 2021, 18-24.297

Appréciation du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Crédit immobilier  Clause de déchéance du terme – Fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l’emprunteur  Absence de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement du prêt  Absence de préavis – Résiliation du contrat non souscrit de bonne foi 

EXTRAIT : 

« La cour d’appel, qui a implicitement mais nécessairement retenu que la résiliation prononcée ne dérogeait pas aux règles de droit commun et que l’emprunteur pouvait remédier à ses effets en recourant au juge, a déduit, à bon droit, que, nonobstant son application en l’absence de préavis et de défaillance dans le remboursement du prêt, la clause litigieuse, dépourvue d’ambiguïté et donnant au prêteur la possibilité, sous certaines conditions, de résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ne créait pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ». 

 ANALYSE :    

La première chambre civile de la Cour de cassation juge que la clause de déchéance du terme applicable en cas de fourniture par l’emprunteur de renseignements inexacts sur sa situation, alors que ces renseignements sont nécessaires à la prise de décision du prêteur, ne crée pas un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau). 

Selon la Cour de cassation, cette clause bien que ne prévoyant pas de formalité judiciaire à la charge du prêteur, ne créé pas de déséquilibre significatif en ce qu’elle ne prive pas l’emprunteur de sa faculté de recourir à un juge pour contester son application. 

En outre, la clause, bien qu’applicable en l’absence de défaillance dans le remboursement du prêt, ne créé pas de déséquilibre significatif dès lors qu’elle vise à sanctionner un manquement par l’emprunteur à son obligation de contracter de bonne foi lors de la souscription du contrat de crédit 

Cette décision doit être rapprochée de Civ. 1re, 10 oct. 2018, n° 17-20441, de Civ. 1re, 28 nov. 2018, n° 17-21625et de Cass. civ. 1ère, 9 janv. 2019, n°17- 22581. 

 

Cass. Civ. 1, 30 septembre 2020, n°18-19.241 

Clause compromissoire – Clause d’arbitrage – Contrat de consommation international – Caractère abusif – Office du juge national  

EXTRAITS : 

« La cour d’appel qui, après en avoir examiné l’applicabilité, en tenant compte de tous les éléments de droit et de fait nécessaires dont elle disposait, a écarté la clause compromissoire en raison de son caractère abusif, a, sans méconnaître les dispositions de l’article 1448 du code de procédure civile, accompli son office de juge étatique auquel il incombe d’assurer la pleine efficacité du droit communautaire de protection du consommateur » .

ANALYSE : 

La première chambre civile de la Cour de cassation rappelle la jurisprudence communautaire en ce qui concerne la portée de l’article 7, §1, de la directive 93/13. Ainsi, cette disposition impose aux États membres « de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives » (arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, point 78) parmi lesquels figure « la possibilité d’introduire un recours ou de former opposition dans des conditions procédurales raisonnables » sans condition de délais ou de frais (arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C-377/14, point 46) (points 9 et 10). Alors, en l’absence de règlementation communautaire en la matière, ces modalités procédurales « relèvent de l’ordre juridique interne de chaque État membre en vertu du principe d’autonomie procédurale des États membres », à la condition qu’elles respectent les principes d’équivalence et d’effectivité (CJCE, 26 octobre 2006, N…  E…, C-168/05, et 19 septembre 2006, Germany et Arcor, C-392/04 et C-422/04, point 57) (point 11).  

En l’espèce, la Cour de cassation relève que, aux termes de l’article 1448 du Code de procédure civile, applicable à l’arbitrage international en vertu de l’article 1506 du même Code, « que lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’État, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable » (point 12). La Cour conclut alors que cette « règle procédurale de priorité (…) ne peut avoir pour effet de rendre impossible, ou excessivement difficile, l’exercice des droits conférés au consommateur par le droit communautaire que les juridictions nationales ont l’obligation de sauvegarder » (point 13). 

Elle approuve par conséquent les juges du fond d’avoir jugé la clause compromissoire « manifestement abusive » (CA Versailles, 14ème ch., 15 fev. 2018, n°17/03779) au motif que cette appréciation devait relever du juge, garant de l’effectivité des droits que le consommateur tire de la directive sur les clauses abusives. 

La Cour de cassation procède donc à un revirement de sa jurisprudence Jaguar (Cass. civ. 1ère, 21 mai 1997, n°95-11.427) puisqu’auparavant l’appréciation de validité de la clause compromissoire dans un contrat international relevait de l’arbitre conformément à l’effet négatif du principe « compétence-compétence » (C.P.C., art. 1448). 

Cass. Civ.1-9 sept 2020-n°19-14934

Contrat de prêt – Prêt immobilier – Clause de calcul des intérêts conventionnels – Appréciation du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Eléments pris en considération – Effets de la clause  

 EXTRAIT :  

« Il en résulte {L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016} quil incombe aux juges du fond, examinant le caractère abusif d’une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d’une année de trois cent soixante jours, d’un semestre de cent quatre-vingts jours, d’un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d’un mois de trente jours, d’apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit, afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. » 

 ANALYSE :  

 La première chambre civile de la cour de cassation, en se fondant sur lancien article L.132-1 du code de la consommation(nouvel article L.212-1 issu de la recodification du code de la consommation par une ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016), décide quune clause de calcul des intérêts conventionnels portéà 360 jours au lieu de 365 jours, dite « clause lombarde » nest pas abusive par principe.  

 L’arrêt d’appel qui avait jugé que la stipulation présente un caractère abusif, quelle que soit l’importance de son impact réel est cassé. La Cour de cassation fait donc droit au pourvoi qui, se fondant implicitement sur les critères posés par la CJUE (CJUE, 16 janvier 2014, Constructora Principadoaff. C‑226/12)avait énoncé que le déséquilibre significatif doit s’apprécier en comparant la situation juridique du consommateur telle qu’elle résulte de la clause critiquée avec celle qui résulterait de la loi si cette clause n’avait pas été stipulée et n’est caractérisé qu’en cas d’atteinte suffisamment grave aux droits que le consommateur tire ainsi de la loi.  

La cour de cassation revient donc sur sa position d’impossibilité de recours à l’année lombarde, préconisant un calcul du taux d’intérêt sur la base de l’année civile lorsqu’un crédit est proposé à un consommateur (voir en ce sens,  Cass. Civ.1, 19 juin 2013, n°12-16.651). Désormais, les juges du fond doivent examiner les effets de la clause lombarde sur le coût du crédit pour en déduire ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.  

 Voir CJUE, 16 janv. 2014, Constructora Principadoaff. C-226/12  

Cass. civ. 1, 11 dec.2019, n°18-21164

Contrat de déménagement — Clause de limitation de valeur — Clause présumée abusive de manière irréfragable — Article R.212-1 6° du code de la consommation  

 EXTRAIT :  

 « Qu’en statuant ainsi, alors que la clause ayant pour objet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement du professionnel à l’une de ses obligations est présumée abusive de manière irréfragable, le tribunal d’instance a violé le texte précité. « 

 ANALYSE :  

 La première chambre civile de la cour de cassation, sur le fondement de l’article R. 132-1 6° (nouvel article R.212-1 6° issu de la recodification du code de la consommation par une ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016), énonce qu’une clause fixant le montant d’une indemnité éventuelle à verser par l’entreprise de déménagement au consommateur est présumée abusive de manière irréfragable en ce qu’elle a pour objet de réduire ou supprimer le droit à réparation du préjudice du consommateur en cas de manquement par le professionnel à ses obligations. Elle casse le jugement qui avait écarté le caractère abusif au motif que la clause avait été insérée par le consommateur.  

 Voir en ce sens : Recommandation N°16-01 Contrats de déménagement, garde-meubles et stockage en libre service, point 3. 

Cass. Civ. 1re, 5 juin 2019, n° 16-12.519

Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties – Clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure – Modification substantielle de l’économie du contrat de prêt

EXTRAIT :

«{…} prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat, afférente à l’exécution d’une convention distincte, une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt {…} »

ANALYSE :

Dans le cadre d’un contrat de crédit à la consommation, est abusive la clause qui prévoit la faculté pour l’employeur de résilier le contrat de prêt de plein droit « pour une cause extérieure à ce contrat » en cas  de cessation des fonctions du salarié. En effet, une telle clause expose le consommateur « à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt ».

La première chambre civile de la cour de cassation se fonde sur l’article L.132-1 du code de la consommation (nouvel article L.212-1 du code de la consommation issu de la recodification du code de la consommation par une ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016)  pour dire qu’il y a un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, qui voit les conditions de son remboursement aggravées et l’économie de son contrat de prêt substantiellement modifiée.

Cass. Civ. 1re, 5 juin 2019, n° 16-12.519

Contrat entre professionnel et consommateur – Domaine d’application – Notion de professionnel – Entreprise qui conclut un contrat de crédit avec ses salariés – Notion de consommateur - Salarié

EXTRAIT :

« Est considéré comme un « consommateur », au sens de l’article 2. b) de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 (concernant les clauses abusives dans les contrats de consommation), le salarié d’une entreprise et son conjoint qui concluent avec cette entreprise un contrat de crédit destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier à des fins privées, quand bien même il aurait perdu ultérieurement sa qualité de salarié de l’entreprise ».

 Est considéré comme un « professionnel » au sens de l’article 2. c) de cette même directive, une société qui conclut un contrat de crédit dans le cadre de son activité professionnelle, quand bien même cela ne constituerait pas son activité principale.

 ANALYSE :  

La Cour de cassation applique la solution posée par la CJUE dans son arrêt du 19 mars 2019 (C-590/17 – Pouvin et Dijoux) en réponse à la question préjudicielle qu’elle lui avait posé.   

 

Cass. civ 1ère, 9 mai 2019, n° 18-14.930 

Déséquilibre significatif – clause réputée non-écrite – sanction 

EXTRAITS : 

« Qu’en statuant ainsi, sans constater que le contrat ne pouvait subsister sans cette clause, le tribunal a violé le texte susvisé » 

ANALYSE : 

En l’espèce, un contrat d’enseignement pour un concours prévoyait le paiement intégral de la somme due sans possibilité de remboursement. Le tribunal d’instance a jugé abusive et non écrite la clause prévoyant le « paiement intégral excluant toute résiliation pour un motif légitime et impérieux ». 

Il en avait déduit que l’organisme d’enseignement devait rembourser l’intégralité du prix à la cliente. Pour casser cette décision, la première chambre civile énonce que le juge n’avait pas constaté que « le contrat ne pouvait subsister sans cette clause ». En d’autres termes, en imposant le remboursement du prix, les juges du fond avaient raisonné comme si le contrat devait être annulé en son intégralité. C’était implicitement considérer que le contrat ne pouvait subsister sans la clause, sans pour autant le justifier juridiquement.  

Voir également :
Cass. civ1ère, 12 octobre 2016, n° 15-25.468
Recommandation n° 91-01 établissements d’enseignement 
Cass civ 1ère, 11 janvier 2023, n°21-16.859