CA DE TOULOUSE, 10 décembre 2024, RG n° 22/01875 

Contrat de prêt immobilier – clause abusive – exigibilité immédiate sans préavis raisonnable – mise en demeure – clause réputée non écrite.   

EXTRAITS 

«Dès lors, le paragraphe 4 de la clause 3 des conditions générales applicables engendre bien un déséquilibre significatif au détriment des emprunteurs, consommateurs, et sera reconnu abusif et partant non-écrit. Le reste du contrat subsiste. 

Le fait que la banque ait bien délivré des mises en demeure préalables en l’espèce, lesquelles n’ont par ailleurs pas laissé un délai raisonnable aux emprunteurs pour régulariser les impayés, n’a pas eu pour effet de rétablir l’équilibre initial des parties dans leur relation contractuelle de sorte qu’il doit être reconnu que la déchéance du terme du prêt, prononcée par la Casden en application d’un paragraphe réputé non-écrit du contrat initial, n’a pu être valablement acquise.» 

ANALYSE 

La Cour d’appel de Toulouse a été saisie d’un litige opposant une banque et deux emprunteurs dans le cadre d’un contrat de prêt immobilier conclu le 2 septembre 2013. 

 

Le contrat de prêt contenait une clause de déchéance du terme. Les échéances de remboursement n’ayant pas été honorées, après une mise en demeure restée infructueuse, la banque a prononcé la déchéance du terme le 10 février 2021. La banque a ainsi assigné les emprunteurs devant le tribunal judiciaire de Toulouse en paiement des sommes dues.  

 

Condamnées solidairement par le tribunal judiciaire de Toulouse, les emprunteurs ont interjeté appel de ce jugement aux fins de le voir réformé en intégralité.   

Les appelants demandent à la cour d’appel d’examiner le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme prévoyant une exigibilité immédiate des sommes dues sans préavis d’une durée raisonnable. Les intimés considèrent que la clause n’est pas abusive puisqu’elle octroyait un délai raisonnable aux emprunteurs pour s’exécuter.   

Se fondant sur l’article L.241-1 du Code de la consommation, la cour d’appel a admis que le fait d’insérer dans un contrat entre un consommateur et un professionnel cette clause créait un déséquilibre significatif.  

Elle a rappelé à cet égard que : « Les clauses des contrats de prêts prévoyant la résiliation de plein droit […] sans préavis d’une durée raisonnable, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, et que de telles clauses doivent être reconnues comme abusives. » 

En effet, la clause litigieuse figurait dans les conditions générales du contrat et prévoyait qu’« en cas de défaillance de l’emprunteur, la totalité des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires au titre du prêt deviendra de plein droit immédiatement exigible sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure préalable ». 

Cette disposition permettait à la banque de réclamer la totalité des sommes dues sans accorder aux emprunteurs un délai raisonnable pour remédier à leur situation, ce qui constituait un déséquilibre significatif en faveur de la banque.  

Or, en vertu de l’article L.132-1 du Code de la consommation, sont abusives les clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.  

La Cour d’appel de Toulouse a donc jugé que cette clause, en autorisant une exigibilité immédiate sans préavis d’une durée raisonnable, constituait une telle atteinte aux droits des consommateurs. Ce déséquilibre étant contraire à la protection renforcée accordée aux consommateurs, la clause devrait être réputée non écrite. 

La cour d’appel énonce que “la première mise en demeure adressée par la banque le 23 octobre 2020 a laissé aux emprunteurs un délai de 9 jours pour régulariser la somme de 2 895,54 euros sous sanction de déchéance du terme tandis que celle du 13 janvier 2021 leur a laissé un délai de 8 jours pour régulariser la somme de 3 993,36 euros.”.  

Elle considère qu’au regard des sommes exigibles, le délai accordé n’est pas raisonnable. C’est pour cette raison qu’elle va également admettre que la déchéance du terme n’a pas été valablement acquise.  

La décision est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 29 mai 2024, n°23-12.904, Publié au bulletin),  rendue dans le prolongement de la décision Banco Primus (CJUE, 8 décembre 2022, C-600/21). 

Ce litige illustre l’importance pour les parties d’invoquer le caractère abusif des clauses, même si le juge est obligé de relever d’office le caractère abusif d’une clause depuis l’arrêt Pannon du 4 juin 2009 de la Cour de justice de l’union européenne.(CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08  

 

 

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Numéro : cat980922.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, assurance liée à un crédit, clause définissant la perte d’emploi.

Résumé : La clause d’un contrat d’assurance lié à un crédit qui stipule que « la perte d’emploi suppose un licenciement, c’est-à-dire une rupture du contrat de travail à durée indéterminée, à l’initiative de l’employeur et imputable à celui-ci, faisant l’objet pendant plus de 90 jours consécutifs : -soit d’allocations uniques dégressives d’une caisse ASSEDIC, -soit de prestations chômage versées par l’État, les collectivités locales ou les établissements publics, administratifs à ses agents civils non fonctionnaires ou non titulaires, -soit d’allocations de formation lorsque l’assuré est admis dans un Centre de formation professionnelle agréé » n’est pas abusive dès lors qu’elle se justifie par la nécessité d’éliminer de la garantie les situations d’inactivité résultant de la seule volonté de l’assuré, ce qui aurait pour effet de faire disparaître le caractère aléatoire du contrat d’assurance.

 

Voir également :

Recommandation n° 90-01 :assurance complémentaires à un contrat de crédit à la consommation ou immobilier ou à un contrat de location avec option d’achat

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Numéro : cat970114.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, location de matériel de sécurité, clause de non garantie.

Résumé : La clause d’un contrat de location de matériel de sécurité qui stipule l’exclusion de responsabilité du bailleur en cas de mauvais fonctionnement du dispositif n’est pas abusive dès lors que le locataire est subrogé dans les droits de garantie du bailleur et se trouve investi de ce fait des mêmes moyens d’action que ce dernier contre le fournisseur.

 

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Numéro : cat951206.pdf

 

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, installation de cuisine, clause relative au caractère ferme de la commande, portée.

Résumé : La clause qui stipule que toute commande ne devient définitive qu’après confirmation par la direction est abusive en ce que la conclusion du contrat dépend de la seule volonté du vendeur qui se trouve pourtant en état de pollicitation permanente.

 

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, installation de cuisine, clause relative aux délais de livraison, portée.

Résumé : La clause qui stipule qu’un retard de livraison ne peut constituer une cause de résiliation de la commande, ni donner droit à dommages et intérêts, est abusive en ce qu’elle aboutit à supprimer tout droit à réparation en cas de manquement du professionnel à son obligation de délivrance.

 

ANALYSE 3

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, installation de cuisine, clause attibutive de compétence, portée.

Résumé : La clause attributive de compétence au Tribunal de commerce, généralement illégale, est en même temps abusive en ce qu’elle apporte une dérogation aux règles normales de compétence dont le consommateur peut sous-estimer l’importance, et en ce qu’elle apporte un avantage excessif au professionnel, lequel vise à dissuader le consommateur d’agir devant le juge civil, puisqu’ il ne s’adresse presque exclusivement qu’à des particuliers.

 

Voir également :

Recommandation n° 82-03 : installation de cuisine

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Numéro : cat950606.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, vente de meuble, délai de livraison, portée.

Résumé : La clause d’un contrat de vente de meuble qui stipule que « les dates de livraison que nous nous efforçons toujours de respecter, ne sont données, toutefois qu’à titre indicatif, et il est bien évident qu’un retard dans la livraison ne peut constituer une cause de résiliation de la présente commande, ni ouvrir droit à des dommages et intérêts. Toutefois l’acheteur pourra demander l’annulation de la commande et la restitution, sans intérêts autres que ceux prévus par la loi, des sommes versées, si la marchandise n’est pas livrée dans les quatre vingt dix jours d’une mise en demeure restée sans effet, étant entendu que cette mise en demeure ne pourra être faite qu’après la date de livraison prévue à titre indicatif. (Le vendeur) s’engage à donner un délai ferme dès l’expiration du temps nécessaire pour s’informer, une quinzaine de jours environ sauf causes fortuites ou cas de force majeure. Cette confirmation est donnée à l’acheteur sur demande expresse de sa part » est abusive dès lors qu’elle laisse au vendeur l’appréciation du délai de livraison et réduit les droits à réparation que l’acquéreur tient des articles 1610 et suivants en cas de manquement par le vendeur de son obligation essentielle de délivrance dans le temps convenu.