CA de Colmar, 11 décembre 2023, RG n°23/00903 

– contrat de prêt – clause abusive – déchéance du terme – exigibilité immédiate de la dette – 

 

EXTRAITS  

« Cette clause, qui autorise l’organisme prêteur à exiger immédiatement la totalité́ des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une seule échéance à sa date et qui ne prévoit ni mise en demeure ou sommation préalable, ni préavis d’une durée raisonnable, est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment de l’emprunteur.  

La clause 2.4 B du contrat de prêt doit en conséquence être déclarée abusive, au regard de la législation applicable à la date du contrat. ».  

 

ANALYSE :  

 

En l’espèce, en 2000, la banque Le Crédit Lyonnais consent un prêt à un emprunteur. La banque assigne en justice l’emprunteur après un défaut de paiement d’une échéance.  

Le jugement de première instance, réputé contradictoire, condamne l’emprunteur au paiement de la dette. Par la suite, la créance de la banque envers l’emprunteur est cédée au Fonds Commun de titrisation Credinvest, représenté par la société de gestion SA Eurotitrisation. Le nouveau créancier fait signifier à l’emprunteur le commandement de payer, prononcé lors du jugement de première instance.  

L’emprunteur assigne le créancier devant le juge de l’exécution afin d’obtenir l’annulation du commandement de payer, une répétition de l’indu ainsi que des dommages et intérêts, en se fondant sur le fait que les créances qui lui sont opposées se basent sur des pratiques commerciales déloyales. L’emprunteur se verra débouté de ses demandes et interjettera appel. 

 

La Cour d’appel de Colmar a relevé d’office, sur le fondement de l’ancien article L.132-1 du code de la consommation, devenu l’article L212-1 al.1er du code de la consommation, le caractère abusif de la clause numérotée 2.4 B qui énonce que « le prêteur peut dénoncer le contrat, sur simple avis et sans autre formalité, avec déchéance du terme entraînant l’exigibilité immédiate de toutes sommes dues : -en cas de dépassement du découvert maximum autorisé, -de défaut de règlement de l’une quelconque des sommes dues au titre du contrat ou de tout autre crédit consenti par le prêteur. ». 

 

Cette appréciation est conforme à la jurisprudence européenne (CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21) également mise en œuvre par la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476). 

La Cour d’appel a constaté que le contrat de crédit stipulait au bénéfice du prêteur le droit d’exiger immédiatement l’intégralité de la somme due au titre du prêt, en cas de défaut de paiement d’une seule échéance et ne prévoyant aucune mise en demeure ou sommation préalable, ni de préavis d’une durée raisonnable. Elle a observé que cette clause était de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment de l’emprunteur.  
De plus, elle a observé que la banque avait mis en œuvre cette clause car le défaut de paiement étant survenu pour l’échéance du 29 février 2003, le solde étant devenu exigible le 6 novembre 2003, et la lettre de mise en demeure ayant été envoyée le 26 août 2004, l’exigibilité de la dette est intervenue antérieurement à la mise en demeure et n’a donc laissé aucun délai raisonnable au débiteur pour s’acquitter des impayés avant déchéance du terme du capital non échu.  

   

La Cour d’appel déclare « La clause abusive, mise en œuvre par le prêteur, est réputée non écrite. La société le Crédit Lyonnais ne pouvait en conséquence exiger immédiatement le paiement des sommes restant dues au titre de l’ouverture de crédit. ». De ce fait, le commandement de payer issu de l’arrêt de première instance, dont se prévaut l’intimé, est infirmé.  

 

Voir également : 

CJUE, 8 décembre 2022, aff. C-600/21 

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n° 21-16.476

Cour d’appel de Colmar, 27 avril 2022, n° RG 20/00594 

Clauses abusives – banque – change – prêt en devise – suisse – prêt – risque – déséquilibre significatif – recevabilité – prescription 

 

EXTRAITS : 

 

– Sur la prescription de l’action :  

(…) 

Il est de jurisprudence constante que la demande tendant à voir réputer non écrites certaines clauses d’un contrat de prêt ne s’analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu’elle n’est pas soumise à la prescription quinquennale ni à aucun délai de prescription, qu’ainsi la demande des consorts [M]-[T] tendant à faire reconnaître le caractère abusif des clauses litigieuses des contrats de prêts conclus avec la Banque CIC-EST n’est pas prescrite.  

(…) 

– Sur le caractère abusif des clauses litigieuses :  

(…) 

Force est de constater, qu’il ressort de ces clauses que le montant du prêt est libellé en devise, que le risque de change est totalement à la charge de l’emprunteur et que le bénéfice de change profite à l’emprunteur, qu’ainsi elles ont été rédigées de manière claire et compréhensible. Par ailleurs, il ressort du contrat, des pièces produites versées aux débats et des écritures des consorts [M]-[T] que Monsieur [M] percevait ses revenus en francs suisses et qu’il était salarié en Suisse, qu’ainsi, le contrat de prêt consenti en francs suisses ne pouvait pas créer de déséquilibre significatif mais était au contraire adapté à la situation de Monsieur [M]. Le changement allégué dans la situation personnelle de Monsieur [M] en 2015 ne suffit pas à lui seul à caractériser d’abusives les clauses litigieuses.   

  

Ainsi, il convient de rejeter la demande des consorts [M]-[T] tendant à faire réputer non écrites les clauses afférentes au risque de change et au remboursement des prêts en devises des offres de prêt du 5 mai 2006 et du 29 septembre 2004. 

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, afin de financer l’achat d’un appartement et d’un immeuble, Mme. [T] et M. [M] ont contacté la banque CIC Est. Trois prêts immobiliers ont été contractés : 

  •  Un premier prêt contracté par M. [M] dont le montant est de 92 941 CHF remboursable sur 180 mois dont les échéances sont payables le 05 de chaque mois, consenti à un taux de 1,960 % indexé sur le taux LIBOR 12M MOY/M, en vertu d’une offre de prêt du 29 septembre 2004 ; 
  • Un second prêt contracté par M. [M] et Mme [T] d’un montant de 168 960 CHF remboursable sur une durée de 245 mois dont les échéances sont payables le 05 de chaque mois, consenti à un taux de variable de 2,546 % indexé sur le taux LIBOR 12M MOY/M en vertu d’une offre de prêt du 05 mai 2006 ; 
  • Un troisième prêt contracté par M. [M] et Mme [T] d’un montant de 337 920 CHF remboursable sur une durée de 245 mois dont les échéances sont payables le 05 de chaque mois, consenti à un taux variable de 2,546 % indexé sur le taux LIBOR 12M MOY/M en vertu d’une offre de prêt du 05 mai 2006. 

 

Le 27 juillet 2017, le conseil de Mme [T] et de M. [M] a adressé un courrier de réclamation à la BANQUE relative au non-respect de son devoir de mise en garde vis-à-vis des conséquences et risques liés aux disparités de change de leur prêt en devises. 

Par jugement du 10 décembre 2019, le Tribunal de grande instance de Strasbourg a dit que M. [M] et Mme [T] ont qualité et intérêt à agir, mais a déclaré toutes les demandes des consorts [M]-[T] irrecevables comme étant prescrites. 

Le 29 janvier 2020, les consorts [M]-[T] interjettent appel de cette décision, et le 19 février 2020, la banque CIC Est se constitue intimée. 

Par leurs dernières conclusions du 31 août 2021, les consorts [M]-[T] demandent à la Cour d’infirmer le jugement du 10 décembre 2019 et de statuer à nouveau, afin notamment de dire que leur action est recevable et de juger que les clauses afférentes au risque de change et au remboursement des prêts en devises des offres de prêt du 05 mai 2006 et du 29 septembre 2004 sont abusives et réputées non écrites. 

La Cour d’appel de Colmar se prononce donc, notamment, sur la question relative à la prescription de la demande des consorts [M]-[T], mais également sur celle relative au caractère abusif des clauses litigieuses. 

Sur la question relative à la prescription de la demande, la Cour relève qu’une clause réputée non écrite est non avenue par le seul effet de la loi et qu’il est de jurisprudence constante que la demande tendant à voir réputer non écrites certaines clauses d’un contrat de prêt ne s’analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu’elle n’est pas soumise à la prescription quinquennale ni à aucun délai de prescription. De ce fait, la demande des consorts [M]-[T] tendant à faire reconnaître le caractère abusif des clauses litigieuses des contrats de prêts conclus avec la Banque CIC-Est n’est pas prescrite. 

 

Sur le caractère abusif des clauses litigieuses : 

 

La Cour rappelle qu’il est constant que l’exigence du caractère clair et compréhensible de la clause ne peut pas se réduire au seul aspect formel et grammatical de sa rédaction. Il convient donc de vérifier que le contenu de la clause était suffisamment clair et compréhensible pour un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, pour pouvoir prévoir, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent. 

S’agissant d’une clause relative au risque de change, cette exigence doit être comprise de telle sorte qu’un consommateur puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt est libellé mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières. 

 

Selon la Cour puisque Monsieur [M] percevait ses revenus en francs suisses et qu’il était salarié en Suisse ; le contrat de prêt consenti en francs suisses ne pouvait pas créer de déséquilibre significatif mais était au contraire adapté à la situation de Monsieur [M]. Le changement allégué dans la situation personnelle de Monsieur [M] en 2015 ne suffisait pas à lui seul à caractériser d’abusives les clauses litigieuses. 

 

Cette solution, justifiée par le fait que l’emprunteur percevait ses revenus en francs suisse, constitue donc une dérogation à la jurisprudence de la CJUE du 10 juin 2021 dans laquelle les emprunteurs percevaient leurs revenus en euros (CJUE, 10 juin 2021, BNP Paribas Personal Finance, aff. C-609/19). 

Cour d’appel de Colmar – 6/12/2018 – n°17-04892

Analyse 1

La clause qui permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme et l’exigibilité de l’intégralité des sommes dues, pour la seule raison que l’emprunteur n’a pas respecté un de ses engagements, comme par exemple le paiement à bonne date d’une seule échéance des 240 échéances prévues au contrat, quand bien même il serait en mesure de régulariser à bref délai un tel retard, et ce, sans avoir préalablement mis l’emprunteur en demeure de régulariser ledit retard dans un délai raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et est dès lors abusive.

Analyse 2

En ce qu’elle laisse croire que l’emprunteur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de ladite déchéance, cette clause crée également un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et est dès lors abusive

Consulter l’arrêt de la Cour

Analyse
Titre : Contrat d’enseignement-Clause relative aux frais de scolarité- Totalité des frais demeure acquise au prestataire en cas de résiliation, sauf cas d’une extrême gravité- Appréciation de la réalité et de la gravité laissée au seul prestataire-clause abusive (oui).
Résumé : La clause-relative au règlement de la totalité des frais de scolarité présente dans un contrat d’enseignement-en ce qu’elle fait du paiement du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l’établissement d’enseignement dès la signature du contrat, sans réserver le cas d’une résiliation pour motif légitime et impérieux, crée un déséquilibre significatif entre les parties.
Cette clause est d’autant plus abusive que le contrat d’enseignement s’adresse à des jeunes de 18 ou 19 ans sortant du lycée qui, d’une part, peuvent ne pas être définitivement fixés sur leur orientation professionnelle future, et qui, d’autre part, ont des moyens financiers limités. En outre, le prix à payer pour résilier le contrat et en l’espèce (6000 euros) hors de proportion avec le préjudice de l’établissement d’enseignement.
La clause litigieuse présente donc un caractère abusif et doit être réputée non écrite.

 

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 794 Ko)

Numéro : cac080301.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, compte permanent, clause exonérant le prêteur de sa responsabilité, portée.

Résumé : La clause d’une convention de compte permanent qui stipule que « le montant maximum du découvert pouvant être autorisé est de 140 000 F. Ce montant est révisable par (le prêteur) qui se réserve le droit de le modifier en hausse ou en baisse. Le montant du découvert autorisé à l’ouverture de votre compte est fixé à 30 000 F » est abusive en ce qu’elle permet au prêteur d’augmenter le montant du crédit en se dispensant d’émettre une nouvelle offre contenant les informations obligatoires imposées par la loi et en privant l’emprunteur de son droit de rétractation.

 

Voir également :

Jugement de première instance : consulter le jugement du TI de Haguenau du 7 mars 2007

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 370 Ko)

Numéro : cac060926.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, contrat de location et d’entretien de matériels, clauses relatives à l’indépendance juridique du contrat de location et de prestation et à l’obligation d’entretien, portée.

Résumé : Les clauses d’un contrat de location et d’entretien d’une fontaine à eau et d’une machine à café qui stipulent que « L’attention du locataire a par ailleurs été attirée sur l’indépendance juridique du contrat de location et de prestation: liant le locataire au fournisseur. Il renonce ainsi à toute suspension ou réduction du loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur » et que « par dérogation de l’article 1721 du code civil, le locataire prend l’engagement de maintenir le matériel en parfait état de fonctionnement, d’entretien et de conformité aux règlements » ne sont pas abusives dès lors que le prestataire de services n’est pas imposé par l’organisme financier mais est choisi par la locataire, que les dispositions légales relatives à l’entretien de la chose louée ont un caractère supplétif et que, le bailleur a transmis au locataire la totalité des recours qu’il tient du contrat de vente.

 

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 211 Ko)

Numéro : cac060215.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, bail commercial.

Résumé : Les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives sont inapplicables à un bail commercial conclu pour les besoins exclusifs de l’activité professionnelle du co contractant.

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 570 Ko)

Numéro : cac040225.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, crédit immobilier, clause stipulant le remboursementpar anticipation du prêt à taux 0%.

Résumé : La clause d’un contrat de crédit immobilier qui stipule : « en cas de remboursement par anticipation de tout ou partie des prêts souscrits pour financer une opération immobilière déterminée l’emprunteur devra rembourser d’abord le prêt 0%, puis le (les) prêt(s) complémentaires (s) » n’est pas abusive dès lors qu’une telle dette constitue, sinon une charge pour le prêteur, tout au moins une opération qui n’entre pas dans le cadre habituel d’un établissement bancaire, auquel elle ne permet pas de réaliser des bénéfices, la circonstance que les avantages liés à ce type d’opération soient limités n’ayant pas pour effet de rendre ces restrictions abusives ou illicites.

 

Voir également :

Recommandation n° 04-03 : crédit immobilier

Consulter l’arrêt de la Cour (fichier PDF image, 892 Ko)

Numéro : cac950616.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, exclusion, assurance liée à un contrat de crédit, clause relative aux modifications tarifaires.

Résumé : La clause qui stipule que l’assureur s’engage à ne pas modifier les conditions de souscription à l’assurance-chômage pendant les trois premières années de l’adhésion, sous réserve que les règles de l’Assedic ne soient pas changées, et qu’il se réserve la possibilité d’en revoir, en fonction de l’évolution des risques chômage, les conditions à partir de la quatrième année n’est pas abusive en ce que l’augmentation fait l’objet de discussions entre l’assureur et l’organisme souscripteur du contrat de groupe, dont la forme mutualiste implique une représentation de l’intérêt collectif des adhérents.

 

Voir également :

Recommandation n° 90-01 : assurance complémentaires à un contrat de crédit à la consommation ou immobilier ou à un contrat de location avec option d’achat

Avis n° 03-02 : assurance complémentaire à un crédit

Avis n° 03-01 : assurance complémentaire à un crédit

Jugement de première instance (TGI de Strasbourg, 19 juillet 1994)