La Commission des clauses abusives,

Vu le chapitre IV de la loi n°78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Vu le code civil ;

Vu le nouveau code de procédure civile ;

Vu le code de commerce ;

Vu le décret n°78-464 du 24 mars 1978 portant application du chapitre IV de la loi n°78-23 du 10 Janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Vu les saisines de la commission des clauses abusives émanant d’organisations de consommateurs agréées et de la commission elle-même ;

Considérant que des contrats habituellement proposés par des professionnels dans divers secteurs d’activités comportent, d’une part, des clauses qui suppriment ou réduisent le droit d’agir en justice dont bénéficie le contractant non professionnel ou consommateur, d’autre part, des clauses qui accordent des avantages injustifiés au contractant professionnel qui agit en justice ;

Considérant qu’il ne peut être renoncé, par avance, à aucune action en justice ; qu’ainsi, le non-professionnel ou consommateur ne peut s’obliger à recourir à la seule voie amiable pour régler un litige éventuel ;

Considérant qu’en vertu de l’article 2061 du Code civil, le non-professionnel ou consommateur ne peut être tenu de soumettre le litige éventuel à un arbitrage ;

Considérant que le non-professionnel ou consommateur ne doit pas être privé de son droit d’agir en justice par le jeu de clauses qui, en lui imposant certaines démarches préalables, peuvent aboutir à la prescription de son action ;

Considérant qu’il ne peut être, par contrat, dérogé aux règles légales fixant des délais pour agir en justice ;

Considérant que, selon les dispositions des articles 42 et suivants du nouveau Code de procédure civile, sont compétents pour connaître les litiges nés d’un contrat, le tribunal du domicile du défendeur et celui du lieu de la livraison ou de la prestation ; qu’en particulier, le tribunal dont dépend le siège social du professionnel ne peut être déclaré seul compétent ;

Considérant que le professionnel ne peut être dispensé des formalités prévues par la loi ; qu’en particulier, le professionnel doit respecter l’obligation de mettre en demeure pour faire courir les intérêts ;

Considérant que les clauses dérogeant aux principes précédents sont, pour la plupart, frappées de nullité ; que cette nullité, souvent ignorée des non-professionnels ou consommateurs, ne constitue pas en elle-même une protection suffisante, et qu’il convient d’interdire, comme abusives, l’insertion de telles clauses dans les contrats ;

Considérant que, selon la jurisprudence, le commerçant demandeur doit assigner le non-commerçant devant le tribunal civil et que le non-commerçant peut engager son action soit devant le tribunal civil, soit devant le tribunal de commerce ; que certaines décisions judiciaires reconnaissent cependant la validité de la clause attribuant compétence, dans un acte mixte, au seul tribunal de commerce ; qu’une telle clause constitue, au regard des règles normales de compétence, une dérogation substantielle, dont le non-professionnel ou consommateur peut sous-estimer l’importance ;

Considérant que les frais de recouvrement sont parfois mis par le contrat à la charge seule du non-professionnel ou consommateur ; que si cette clause paraît, à la rigueur, justifiée lorsqu’elle concerne les frais réels de recouvrement non judiciaire, elle risque, en revanche, de pénaliser excessivement le contractant non-professionnel ou consommateur quand elle fixe forfaitairement les frais de recouvrement non-judiciaire ou quand elle concerne les frais de recouvrement judiciaire, tels que frais de procédure, d’expertise, d’huissier, d’avocat ;

Considérant que les clauses précédentes, même si elles ne sont pas nulles dans l’état actuel du droit, sont abusives au sens de l’article 35 de la loi susvisée ;

Émet la recommandation :

Que soient éliminées des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs les clauses suivantes ayant pour objet ou pour effet :

1°  d’interdire l’exercice des actions en justice ou des voies de recours ;

2°  d’imposer le recours à l’arbitrage pour un litige qui n’est pas encore né (clause compromissoire) ;

3°  de présenter le recours amiable comme le préalable obligatoire de l’action en justice ;

4°  d’imposer un délai de prescription pour agir en justice, ou de réduire celui fixé par la loi ;

5°  de déroger aux règles légales de compétence territoriale ou d’attribution ;

6°  de dispenser le professionnel de formalités prévues par la loi ;

7°  d’obliger le non-professionnel ou consommateur à rembourser les frais et honoraires exposés pour le recouvrement judiciaire ;

8°  de prévoir un remboursement forfaitaire des frais exposés pour le recouvrement non judiciaire.

Délibéré sur le rapport de M. Calais-Auloy et Bihl dans ses séances du 21 novembre et 19 décembre 1979 où siégeaient: M. Paul Lutz, conseiller à la Cour de cassation, président, Mme Achach, Melle Aubertin, MM. Bihl, Calais-Auloy, Cotte, Delcourt, Gross, Lemontey, Marleix, Semler-Collery, Simonet, Stirn, membres.

La Commission des clauses abusives ;

Vu le chapitre IV de la loi n°78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Vu le code civil, notamment ses articles 1641 et suivants ;

Vu le décret n°78-464 du 24 mars 1978 portant application du chapitre IV de la loi n°78-23 du 10 janvier 1978 sur l’application et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Vu le rapport du comité national de la consommation relatif à la garantie et son service après-vente ;

Vu les saisines de la commission des clauses abusives émanant du ministre chargé de la consommation, d’organisations de consommateurs agréées et de la commission elle-même ;

Considérant que le contrat de vente oblige le professionnel non seulement à délivrer l’objet, mais encore pour le même prix à garantir les défauts ou vices cachés ; que, dès lors, une rémunération supplémentaire ne peut être prévue pour une prestation due au titre de la garantie légale ;

Considérant les obligations qui s’imposent au professionnel à l’égard du non-professionnel ou consommateur dans le cadre de la garantie légale, telle que la jurisprudence la définit, et notamment :

– que lorsque les défauts ou vices cachés sont constatés, aucune action prévue dans le cadre de la garantie légale ne peut être supprimée ou limitée et qu’en particulier, ni la reprise de l’objet défectueux ni une diminution du prix prévues à l’article 1644 du Code civil ne peuvent être exclues ;– qu’il n’appartient pas au professionnel de juger du contenu de la garantie que la loi lui impose d’accorder et de la subordonner à l’envoi ou à l’estampillage d’un bon, lequel ne peut être qu’un mode de preuve parmi d’autres ;

– que la garantie est due au consommateur non seulement par le vendeur, mais aussi par le fabricant ;

– que la garantie profite à tous les acquéreurs successifs de l’objet présentant un défaut ou vice caché ;

– que le professionnel est tenu, en vertu de l’article 1645 du Code civil et de son application, à réparer tous les dommages corporels et matériels dont la cause reconnue est un défaut ou vice caché ;

– que la garantie des défauts et vices cachés n’est pas limitée dans le temps, sous la réserve d’une action intentée dans un bref délai suivant les termes de l’article 1648 du Code civil ;

– qu’aucune pièce de l’objet défectueux ne peut être exclue de la garantie et qu’il en est ainsi, en particulier, des pièces électriques ; que le professionnel est également tenu à garantir les pièces déjà réparées ou remplacées au titre de la garantie ;

– que pour la réparation d’un objet sous garantie, le souci de la protection et de la sécurité du consommateur peut justifier l’insertion dans le contrat, d’une clause imposant le recours à un réparateur agréé par le professionnel, lequel est le garant du bon fonctionnement de ses produits ; que la responsabilité du professionnel pourrait être dégagée, en partie ou totalement, si la réparation et la fourniture de pièces détachées étaient confiées à d’autres professionnels que lui-même ou ses agents agréés ; que, toutefois, une telle clause est valablement stipulée lorsque, d’une part, l’objet vendu n’est pas un produit de fabrication et d’utilisation courante mais un produit de conception avancée mettant en œuvre des techniques spécifiques, et lorsque, d’autre part, le réseau des réparateurs agréés est suffisamment accessible pour satisfaire le consommateur ;

– que les frais occasionnés par la réparation du défaut ou vice caché doivent être supportés par le professionnel et qu’il en est ainsi, par exemple, des frais de main-d’œuvre, de déplacement, de transport ou de l’envoi de l’objet à réparer ;

Considérant que les clauses contraires aux principes énoncés ci-dessus sont abusives au sens de l’article 35 de la loi susvisée, et qu’elles sont interdites en vertu des dispositions de l’article 2 du décret susvisé,

Émet la recommandation :

Que soient éliminées des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs les clauses suivantes, nulles de plein droit du fait du contenu de la garantie légale, ayant pour objet ou pour effet :

1°  de prévoir le paiement par le consommateur d’une rémunération supplémentaire pour une prestation due au titre de la garantie légale ;

2°  de supprimer ou de limiter l’une des actions prévues dans le cadre de la garantie légale ;

3°  de rendre le professionnel maître de la garantie à accorder, notamment en la subordonnant à l’envoi d’un document ;

4° d’attribuer l’obligation de garantie au seul fabricant ou au seul vendeur, à l’exclusion de l’autre ;

5°  d’écarter, en cas de revente, du bénéfice de la garantie légale les sous-acquéreurs ;

6°  de supprimer ou de réduire l’obligation pour le professionnel de réparer certains dommages corporels ou matériels dont la cause reconnue est le défaut ou vice caché de l’objet vendu ;

7°  de limiter dans le temps la garantie légale ;

8°  d’exclure de la garantie légale une ou plusieurs pièces de l’objet vendu, y compris les pièces déjà réparées à son titre ;

9°  d’obliger le consommateur, sous peine de perdre le bénéfice de la garantie, à faire réparer l’objet défectueux chez le fabricant ou chez un réparateur agréé, lorsqu’une telle clause n’est justifiée ni par la sécurité des consommateurs, ni par la technicité de l’objet, ou lorsque le réseau du réparateur n’est pas accessible dans des conditions normales ;

10°  de dispenser le fabricant ou le distributeur de rembourser certains frais prévisibles lors de la conclusion du contrat de vente, occasionnés par la réparation du défaut ou vice caché.

Délibéré sur le rapport de M. Calais-Auloy dans ses séances du 6 et 27 juin 1978 où siégeaient: M. Paul Lutz, conseiller à la Cour de cassation, président, MM. Bihl, Calais-Auloy, Delcourt, Denis, Grise, Gross, Guénot, Marleix, Semler-Collery, Simonet, Stirn, membres.