La commission des clauses abusives,

Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Vu la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit ;

Vu le décret n° 50-813 du 20 juin 1950 portant règlement d’administration publique pour l’application au commerce du meuble de la loi du 1er août 1905 modifiée sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles, modifié par le décret du 24 mars 1966 ;

Vu le décret n° 78-464 du 24 mars 1978 portant application du chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Vu ses propres recommandations publiées au Bulletin officiel des services des prix, notamment celles concernant :

  • Les clauses abusives insérées dans les contrats de garantie (Bulletin officiel des services des prix du 24 février 1979) ;
  • Les clauses concernant les recours en justice (Bulletin officiel des services des prix du 24 février 1979) ;
  • Une clause relative à la formation du contrat (Bulletin officiel des services des prix du 8 août 1980) ;
  • Les contrats d’achat d’objets d’ameublement (Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation du 26 novembre 1980) ;
  • Les délais de livraison (Bulletin officiel de la concurrence et de la consommation du 26 novembre 1980).

Entendu les représentants des professionnels intéressés,

Considérant que les contrats d’installation de cuisine recouvrent des prestations diverses qui les distinguent des contrats d’achat d’objets d’ameublement ; qu’en effet, outre la fourniture d’appareils ménagers et de meubles, parfois exécutés sur mesure, l’installation d’une cuisine implique sa conception, l’exécution éventuelle de travaux préparatoires, la pose, l’installation et la mise en service des meubles et appareils ménagers ;

Considérant en outre que certaines parties de l’installation sont susceptibles de constituer des biens immeubles ;

Considérant que les contrats d’installation de cuisine habituellement proposés aux consommateurs contiennent des clauses dont certaines sont imposées par un abus de puissance économique conférant aux professionnels un avantage excessif ;

Considérant que la présentation de la plupart de ces contrats n’est pas conforme aux recommandations susvisées dès lors que les stipulations en sont écrites avec des caractères trop petits ou avec une encre ne tranchant pas avec la couleur du papier, ou sont mentionnées perpendiculairement aux autres dispositions du bon de commande, ou ne sont pas suivies de la signature du client lorsqu’elles sont inscrites au verso du document ;

Considérant que l’installation d’une cuisine étant une opération complexe, le consommateur doit être informé avec précision de la nature, de l’étendue et des conditions techniques d’exécution des prestations afférentes, ainsi que de la répartition entre celles qui sont comprises dans le prix indiqué et celles qui, bien qu’indispensables à la réalisation et à l’utilisation de l’installation proposée, ne sont pas comprises dans ce prix ;

Considérant, s’agissant des travaux indispensables mais non compris dans le prix, qu’il convient de distinguer entre ceux que l’installateur propose d’effectuer si le client en fait la demande, et ceux dont ce dernier devra en tout état de cause faire son affaire ; qu’en ce qui concerne les premiers, l’installateur doit également en estimer le coût ;

Considérant qu’en ce qui concerne plus particulièrement les meubles, le décret du 29 juin 1950 susvisé rend obligatoires sur les bons de commande, devis ou factures, les indications suivantes outre le prix : matières ou essences composant les meubles, mode de fabrication, dimensions ;

Considérant que les délais de livraison et d’exécution auxquels doivent s’obliger les professionnels constituent un élément important du choix du consommateur ; qu’il est en conséquence indispensable que ces délais soient prévus et clairement indiqués dans le contrat ;

Considérant que l’exercice de ses droits par le consommateur implique qu’il en ait connaissance ; qu’en particulier, le recours au crédit étant le plus souvent nécessaire pour financer l’installation d’une cuisine, il convient de rappeler au consommateur l’existence des protections prévues par la loi n° 78-22 susvisée ; que pour les mêmes raisons l’existence des garanties légales des vices cachés ou malfaçons doit lui être rappelée ;

Considérant que les contrats d’installation de cuisine comportent de nombreuses clauses (une sur deux en moyenne) interdites par le décret n° 78-464 ou dont la suppression a été demandée par les recommandations susvisées en particulier les clauses ayant pour objet ou pour effet :

  • De prévoir lors de la signature du contrat un engagement immédiat et définitif du consommateur et un engagement éventuel du professionnel ;
  • De réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ;
  • De supprimer ou de réduire le droit à réparation du consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations notamment, lorsque le délai de livraison prévu n’est pas respecté, en lui interdisant de résoudre le contrat et de demander le remboursement des sommes versées d’avance ;
  • De permettre au professionnel, s’agissant de produits personnalisés, de modifier le délai de livraison ou de mentionner un délai indicatif, sans respecter les conditions prévues par la recommandation susvisée ;
  • D’imposer des frais supplémentaires pour effectuer une nouvelle livraison, et des frais de gardiennage de la marchandise, lorsque la livraison n’a pu se faire du fait du transporteur ou parce que le moment de la livraison n’a pas été indiqué avec suffisamment de précision ;
  • De limiter au seul moment de la livraison le droit pour le client d’émettre des réclamations sur la conformité des meubles livrés avec les caractéristiques prévues à la commande ou sur les défauts que pourraient présenter ces meubles ;
  • De mettre systématiquement les risques du transport à la charge du client ;
  • De limiter les garanties légales ou d’accorder une garantie contractuelle sans rappeler l’existence des garanties légales ;
  • De déroger aux règles légales de compétence territoriale ou d’attribution et plus généralement de supprimer ou de réduire le droit d’agir en justice dont bénéficie le consommateur ;

Considérant que plusieurs contrats comportent une clause ayant pour objet ou effet de permettre au professionnel de modifier le prix de l’installation en raison de circonstances imprévues tenant aux caractéristiques de l’immeuble où elle est effectuée, que, non technicien, le consommateur n’est pas en mesure de connaître ces caractéristiques ou à tout le moins d’en évaluer les conséquences ; qu’à l’inverse, il appartient au professionnel, qui dispose, lui, des compétences voulues, d’effectuer, avant la conclusion définitive du contrat, une étude technique permettant d’apprécier l’influence de ces caractéristiques sur le coût de l’installation ;

Considérant que le prix déterminé par le contrat ne doit pas pouvoir être modifié, sauf avenants signés des parties ;

Considérant que les contrats posent fréquemment en principe l’inopposabilité au professionnel des documents publicitaires établis par lui ou des cuisines témoins exposées par lui ; que, cependant, la consultation de ces documents et la visite de ces cuisines constituent l’un des éléments déterminants du consentement du consommateur au contrat qui lui est proposé ;

Considérant que les contrats d’installation de cuisine comportent une clause d’échelonnement des versements impliquant en général que la quasi-totalité du prix soit versée avant la pose effective des divers éléments, voire leur livraison, que cette disposition peut se révéler abusive dès lors qu’elle implique des versements dont l’importance ne correspond pas à l’exécution successive des prestations prévues au contrat ;

Considérant que l’installation d’une cuisine comprenant, outre la fourniture des meubles et appareils, leur agencement et leur pose, il convient que la faculté soit laissée au consommateur d’émettre des réserves sur chacun de ces aspects de l’exécution du contrat ; mais que de nombreux documents contractuels suppriment ou réduisent cette faculté de diverses façons ;

Considérant que certains contrats prévoient un solde insuffisant pour garantir au client l’achèvement des travaux ;

Considérant que les garanties dues par le professionnel sont définies par les articles 1641 à 1648 ou 1792 à 1792-6 du code civil ; qu’en vertu de ces textes sont illicites toutes clauses limitant ces garanties dans le temps et dans leur étendue ;

Considérant, en ce qui concerne la résiliation du contrat par le consommateur, que le professionnel est en droit de demander le règlement des travaux qu’il a effectués, des frais qu’il a exposés et du bénéfice qu’il était en droit d’espérer si le contrat avait été mené à son terme ;

Considérant que le consommateur est libre de jouir comme il l’entend de l’installation réalisée pour son compte, sous réserve des droits de ses créanciers éventuels ; que, toutefois, certaines stipulations prévoient des restrictions à cette liberté contraires l’objet même du contrat, telle l’obligation de conserver à l’installation un caractère mobilier ;

Recommande :

A. – Que les contrats d’installation de cuisine comportent notamment :

1° Les caractéristiques et les conditions d’exécution techniques des fournitures et des travaux inclus dans le prix convenu, comprenant notamment un plan détaillé avec cotes et s’il y a lieu des plans techniques par corps de métier ;

la description détaillée des travaux qui sont indispensables à la réalisation et à l’utilisation de l’installation proposée et qui ne sont pas compris dans le prix ;

la répartition de ces travaux entre ceux que l’installateur propose d’effectuer si le client en fait la demande -ainsi, dans ce cas, que l’estimation de leur coût- et ceux dont le client devra en tout état de cause faire son affaire ;

2° La date à laquelle les travaux commenceront et leur durée ;

3° Les indications suivantes :

Si le présent contrat s’accompagne d’un contrat de crédit, de location-vente ou de location avec promesse de vente (leasing), il est rappelé (loi n° 78-22 du 10 janvier 1978) qu’une offre préalable doit être remise au consommateur, qui précise notamment que ces engagements ne deviennent définitifs qu’à l’expiration du délai de sept jours, ainsi que l’ensemble des dispositions protégeant le consommateur ;

En tout état de cause le client bénéficie de la garantie légale des vices cachés (art. 1641 à 1648 du code civil) ou des garanties en matière de malfaçons immobilières (art. 1792 à 1792-6 du code civil).

B. – Que toutes mesures soient prises pour assurer l’élimination effective des clauses abusives interdites par décret ou dont la suppression est recommandée par la commission.

C. – Que soient éliminées des contrats d’installation de cuisine les clauses suivantes ayant pour effet ou pour objet :

1° De permettre au professionnel de modifier le prix convenu en fonction des caractéristiques de l’immeuble où la cuisine doit être installée ;

2° De majorer le prix déterminé par le contrat notamment pour cause de travaux supplémentaires, autrement que par voie d’avenants signés des parties ;

3° De rendre inopposables au professionnel ses propres documents publicitaires ou la référence à ses installations d’exposition ;

4° De prévoir un échelonnement des paiements excédant la valeur des prestations successivement exécutées ;

5° De supprimer ou de réduire la faculté pour le consommateur d’émettre des réserves à la livraison comme à l’achèvement des travaux ;

6° De prévoir un solde insuffisant pour garantir au client l’achèvement des travaux ou la levée des réserves ;

7° De réduire les garanties légales ;

8° D’attribuer au professionnel, en cas de résiliation du contrat du fait du consommateur, une indemnité forfaitaire supérieure au montant des travaux qu’il a effectués, des frais qu’il a exposés et du bénéfice qu’il était en droit d’espérer si le contrat avait été mené à son terme ;

9° De restreindre de façon contraire à l’objet du contrat la faculté pour le consommateur de jouir de l’installation.

Délibéré sur le rapport de M. Bernard Genes dans les séances des 25 septembre 1981, 19 mars, 16 avril et 14 mai 1982.

 

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