Cass. civ. 2ème, 15 février 2024, n°22-15.680 

 

Avocat — Honoraires— Contestation — Convention d’honoraires — Domaine d’application — Clauses abusives — Prestations accomplies par l’avocat antérieurement à la rupture de la convention d’honoraires — Calcul — Modalités — Détermination — Paiement — Appréciation du caractère abusif des clauses  

 

EXTRAITS : 

« 6. Il résulte de l’article R.212-1, 5° et 11°, du code de la consommation que dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l’article L.212-1 du même code et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet, d’une part, de contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service, d’autre part, de subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel.  

  1. La convention d’honoraires, qui confie à un avocat une mission d’assistance ou de représentation pour une procédure judiciaire déterminée, ne constitue pas un contrat à durée indéterminée et, en conséquence, n’entre pas dans les prévisions de l’article R. 212-1, 11°, du code de la consommation. 
  2. En outre, en cas de dessaisissement par le client, le versement d’un honoraire sur la base du taux horaire de l’avocat, aux lieu et place d’un honoraire forfaitaire complété par un honoraire de résultat, qui ne revêt aucun caractère indemnitaire, ne constitue pas une indemnité de résiliation au sens de ce texte ».

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, une personne a confié la défense de ses intérêts dans une procédure prud’homale à une avocate. Lesdites parties ont conclu une convention d’honoraires comportant une clause de dessaisissement selon laquelle « dans l’hypothèse où le client souhaite dessaisir l’avocat, les diligences déjà effectuées seront rémunérées par référence aux taux horaires usuel de l’avocat, soit 250 euros HT et non sur la base des honoraires de base et complémentaires figurant aux articles 2 et 3 de la convention ». À la suite d’un différend avec la cliente, l’avocate a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation des honoraires dus par sa cliente, lequel a calculé le montant des honoraires en vertu de la clause. La cliente fait grief à l’ordonnance de confirmer la décision du bâtonnier en ce que le juge est tenu de relever, au besoin d’office, le caractère abusif d’une disposition contractuelle dès lors qu’il dispose des éléments de fait et de droit nécessaire à cet effet.  

Tout d’abord, la Cour de cassation vise l’’article R.212-1, 5 et 11° du code de la consommation qui présume abusives de manière irréfragables dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet «  d’une part, de contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service, d’autre part, de subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d’une indemnité au profit du professionnel ».  

Ce faisant, elle considère que la convention d’honoraires, qui confie à un avocat une mission d’assistance ou de représentation pour une procédure judiciaire déterminée, ne constitue pas un contrat de durée indéterminée, et subséquemment, n’entre pas dans le champ d’application de l’article R.212-1,11° du code de la consommation. 

En outre, la Cour de cassation confirme que le versement de l’honoraire prévu par la clause ne revêt aucun caractère indemnitaire et ne constitue pas une indemnité de résiliation au sens de l’article R.212-1, 11° du code de la consommation.  

Par conséquent, la Cour de cassation juge que la clause n’est pas abusive et rejette le pourvoi. 

 

Voir également : 

2e Civ., 2 juin 2005, n°04-12.046 

2e Civ., 4 février 2016, n°14-23.960 

2e Civ., 27 octobre 2022, n°21-10.739 

Cass civ. 2ème 27 octobre 2022 n° 21-10.739 

 

 

EXTRAITS : 

« Il entre dans les pouvoirs du premier président, statuant en matière de fixation des honoraires d’avocat, d’examiner le caractère abusif des clauses des conventions d’honoraires lorsque le client de l’avocat est un non-professionnel ou un consommateur ». 

 

ANALYSE : 

Une convention d’honoraires est conclue le 20 mars 2014 avec un avocat, pour un litige opposant une femme à son époux, celle-ci prévoyant le paiement d’un honoraire forfaitaire fixe de 3500 € TTC en cas de dessaisissement du professionnel par le client et une clause d’indemnité de dédit stipulant, dans le même cas, que les honoraires à courir seraient dûs dans la limite de 3 000 € TTC.  

La cliente de l’avocat a mis fin au mandat par la suite, en 2015, et a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Paris aux fins de contester le montant des honoraires. 

A l’appui de son pourvoi formé contre l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel de Paris en date du 27 novembre 2020, l’avocat contestait notamment le caractère abusif des clauses de dédit contenues dans la convention d’honoraires aux motifs que d’une part, la procédure spéciale de contestation des honoraires issue de l’article 174 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ne permet pas au bâtonnier et sur recours, au premier président, de statuer sur l’existence ou la validité du mandat confié à l’avocat. Ce faisant, le premier président aurait excédé ses pouvoirs en réputant non écrite une clause contenue dans une convention d’honoraires d’avocat. 

D’autre part, le déséquilibre significatif qui permet de caractériser l’abus s’apprécie au regard de l’équilibre général des prestations tirées de la convention. Or, si la clause de dédit n’était pas réciproque au bénéfice du consommateur, la contrepartie à celle-ci résidait dans la fixation d’un honoraire ferme sans dépassement et à un montant largement inférieur aux honoraires pratiqués sous la forme d’un taux horaire. Dès lors, l’ordonnance rendue est privée de base légale au regard de l’article L. 212-1 du Code de la consommation 

En réponse, la Cour de cassation commence par rappeler l’arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM (C-243/08, EU:C:2009:350)  qui impose au juge national d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contenues dans un contrat conclu avec un consommateur ou un non professionnel, dès lors qu’il dispose des éléments de faits et de droit nécessaires à cet examen. 

Elle relève que l’appréciation du déséquilibre significatif entre dans la compétence du premier président statuant en matière de contestation d’honoraires et que celui-ci ne se prononce pas sur la validité du mandat en examinant le caractère abusif des clauses contenues dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ou un non professionnel. 

Elle approuve ensuite le premier président d’avoir caractérisé le déséquilibre significatif en retenant -ci d’une que l’avocat pourrait recevoir le paiement de la totalité ou de la quasi-totalité de ses honoraires alors qu’il n’exécuterait que deux des six prestations qu’il s’était engagé à accomplir et que le montant du dédit apparaissait disproportionné au regard des actes effectués. Le premier président est également approuvé pour avoir d’autre part fondé le caractère abusif sur le défaut de réciprocité de la clause de dédit, aucune clause de ce type n’étant prévue au profit de la cliente en cas de dessaisissement de l’avocat. 

Dès lors, le premier président a bien caractérisé le déséquilibre significatif et le moyen du pourvoi formé par l’avocat doit être rejeté.  

 

Voir également : 

-  CJCE, 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM