Cass. civ. 1ère, 17 mai 2023, n° 22-16.725
Contrat de prêt libellé en devise étrangère — francs suisses — Clause « réputée non écrite » — risque de change
EXTRAITS :
« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
10. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l’objet principal du contrat, pour autant qu’elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni à l’emprunteur des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives,
d’une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ».
ANALYSE :
Un emprunteur avait conclu deux prêts libellés en devise étrangère. La Cour d’appel de Colmar a considéré que les informations transmises à ce dernier par la banque lui avaient permis de comprendre le prêt et ses conséquences économiques. Par conséquent, les juges du fond ont débouté l’emprunteur de sa demande visant à faire réputée non-écrite la clause du contrat.
Cependant, les magistrats de la Cour de cassation se fondant sur l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19 BNP Paribas Personal Fiance SA), ont rappelé que pour faire déclarer une clause abusive, il convient dans un premier temps de vérifier si la clause ne porte pas sur le prix ou l’objet principal du contrat et ensuite si le professionnel « a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives ». Or, en l’espèce certes l’emprunteur avait signé une attestation déclarant avoir pris connaissance des risques de change mais cela ne prouve pas qu’il ait reçu toutes les informations nécessaires à sa compréhension.
La première chambre civile de la Cour de cassation casse la décision rendue par les juges du fond considérant que la clause portant sur le mécanisme financier et les informations apportées par la banque ne permettaient pas au consommateur de prendre connaissance de toutes les informations et des conséquences économiques négatives du prêt. Par conséquent, la clause est déclarée abusive et réputée non-écrite.
Voir également :
- Site de la CCA : CJUE 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance SA