ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

Dans l’affaire C-26/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Hongrie), par décision du 15 janvier 2013, parvenue à la Cour le 21 janvier 2013, dans la procédure

K…,

contre

O…,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, M. J. Malenovský, Mme A. Prechal (rapporteur), M. F. Biltgen et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 décembre 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour O… J… Zrt, par Me G. Gadó, ügyvéd,

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó et M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par Mme S. Šindelková et M. M. Smolek, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par Mme J. Kemper et M. T. Henze, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes G. Alexaki et L. Pnevmatikou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme K. Talabér-Ritz et M. M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 février 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 2, et 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. K… et Mme K… R… (ci-après, ensemble, les «emprunteurs») à O… (ci-après «J…») au sujet du caractère prétendument abusif d’une clause contractuelle relative au cours de change applicable aux remboursements d’un prêt libellé en devise étrangère.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        Les douzième, treizième, dix-neuvième, vingtième et vingt-quatrième considérants de la directive 93/13 énoncent:

«considérant, toutefois, qu’en l’état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable; que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive; qu’il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité [CEE], d’assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la présente directive;

considérant que les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives; […] que, à cet égard, l’expression ‘dispositions législatives ou réglementaires impératives’ figurant à l’article 1er paragraphe 2 couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu;

[…]

considérant que, pour les besoins de la présente directive, l’appréciation du caractère abusif ne doit pas porter sur des clauses décrivant l’objet principal du contrat ou le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation; que l’objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en compte dans l’appréciation du caractère abusif d’autres clauses; […]

considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, […]

[…]

considérant que les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs».

4        L’article 1er de cette directive prévoit:

«1.      La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2.      Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive.»

5        Aux termes de l’article 3 de ladite directive:

«1.      Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[…]

3.      L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

6        L’article 4 de la directive 93/13 est rédigé comme suit:

«1.      Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

7        L’article 5 de cette directive dispose:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. […]»

8        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

9        L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

10      Aux termes de l’article 8 de cette directive:

«Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.»

11      L’annexe de la directive 93/13, relative aux clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci, contient, à son point 1, une liste non limitative des clauses qui peuvent être considérées comme étant abusives. À ce point 1, sous j), figurent les clauses ayant pour objet ou pour effet «d’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat». Audit point 1, sous l), figurent celles qui ont pour objet ou pour effet «d’accorder […] au fournisseur de services le droit d’augmenter [ses] prix, sans que […] le consommateur ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat».

12      Le point 2 de cette annexe est relatif à la portée des points g), j), et l). Ce point 2, sous b), indique notamment que «[l]e point j) ne fait pas obstacle à des clauses selon lesquelles le fournisseur de services financiers se réserve le droit de modifier le taux d’intérêt dû par le consommateur ou dû à celui-ci, ou le montant de toutes autres charges afférentes à des services financiers, sans aucun préavis en cas de raison valable, pourvu que soit mise à la charge du professionnel l’obligation d’en informer la ou les autres parties contractantes dans les meilleurs délais et que celles-ci soient libres de résilier immédiatement le contrat». Ledit point 2, sous d), énonce que «[l]e point l) ne fait pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit».

Le droit hongrois

13      L’article 209 du code civil, dans sa version applicable lors de la conclusion du contrat de prêt en cause dans l’affaire au principal (ci-après le «code civil»), disposait:

«1.      Une clause contractuelle générale, ou une clause contractuelle non individuellement négociée d’un contrat de consommation, est abusive si, au mépris des exigences de bonne foi et d’équité, elle détermine, unilatéralement et sans justification, les droits et obligations des parties découlant du contrat de façon à désavantager le cocontractant de celui qui impose la clause contractuelle en question.

[…]

4.      Les dispositions relatives aux clauses contractuelles abusives ne sont applicables ni aux clauses contractuelles qui définissent l’objet principal du contrat ni à celles qui déterminent l’équilibre entre la prestation et la contre-prestation.

[…]»

14      Avec effet au 22 mai 2009, les paragraphes 4 et 5 de cette disposition ont été modifiés comme suit:

«4.      Une clause contractuelle générale, ou une clause contractuelle non individuellement négociée d’un contrat de consommation, est également abusive du seul fait qu’elle n’est pas rédigée de manière claire ou compréhensible.

5.      Les dispositions relatives aux clauses contractuelles abusives ne sont applicables ni aux clauses contractuelles qui définissent l’objet principal du contrat ni à celles qui déterminent l’équilibre entre la prestation et la contre-prestation, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.»

15      L’article 231 de ce code dispose:

«1.      Sauf disposition contraire, une créance de sommes d’argent doit être payée dans la devise ayant cours légal au lieu de l’exécution.

2.      Une créance exprimée dans une autre devise ou en or doit être convertie sur base du cours faisant foi au lieu et au moment du paiement.»

16      Aux termes de l’article 237 dudit code:

«1.      En cas de contrat dépourvu de validité, il convient de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la conclusion dudit contrat.

2.      S’il n’est pas possible de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la conclusion du contrat, le juge peut déclarer le contrat applicable jusqu’à ce qu’il ait statué. Il est possible de déclarer valable un contrat dépourvu de validité s’il est possible de faire cesser la cause d’invalidité, en particulier en cas de disproportion des prestations des parties dans un contrat usuraire par la suppression de l’avantage disproportionné. Dans de tels cas, il convient d’ordonner la restitution de la prestation restant due, le cas échéant, sans contre-prestation.»

17      L’article 239 du code civil prévoit:

«1.      En cas d’absence partielle de validité d’un contrat, le contrat n’est vicié dans son ensemble que dans les cas où, sans la partie dépourvue de validité, les parties ne l’auraient pas conclu. Des dispositions légales peuvent déroger à la présente disposition.

2.      En cas d’absence partielle de validité d’un contrat de consommation, le contrat n’est vicié dans son ensemble que s’il ne peut être exécuté en l’absence de la partie dépourvue de validité.»

18      Aux termes de l’article 239/A, paragraphe 1, de ce code:

«La partie peut demander au juge de constater l’absence de validité du contrat ou de certaines stipulations du contrat (défaut partiel de validité), alors même qu’elle ne sollicite pas également l’application des conséquences attachées à ladite absence de validité.»

19      L’article 523 du code civil se lit comme suit:

«1.      En vertu d’un contrat de prêt, l’établissement de crédit ou un autre prêteur est tenu de mettre à la disposition du débiteur le montant convenu; le débiteur est, pour sa part, tenu de rembourser ledit montant conformément au contrat.

2.      Si le prêteur est un établissement de crédit, le débiteur est tenu de payer des intérêts, sous réserve de disposition contraire (prêt bancaire).»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      Le 29 mai 2008, les emprunteurs ont conclu avec J… un contrat dénommé «prêt hypothécaire libellé en devise garanti par une hypothèque» (ci-après le «contrat de prêt»).

21      Conformément au point I/1 de ce contrat, J… a accordé aux emprunteurs un prêt d’un montant de 14 400 000 forints hongrois (HUF), étant précisé que «la fixation du montant en devise du prêt s’opère selon le cours d’achat de la devise appliqué par la banque le jour du déblocage des fonds». Aux termes de ce point I/1, «après le déblocage des fonds, le montant du prêt, des intérêts y afférents et des frais de gestion, ainsi que le montant des intérêts moratoires et des autres frais seront fixés en devise».

22      Fondé sur le cours d’achat du franc suisse (CHF) appliqué par J… lors du déblocage des fonds, le montant du prêt a été fixé à 94 240,84 CHF. Les emprunteurs étaient tenus de rembourser cette somme sur une période de 25 ans, chaque mensualité étant exigible le quatrième jour de chaque mois.

23      En vertu du point II dudit contrat, ce prêt a été assorti d’un taux d’intérêt nominal de 5,2 %, lequel, augmenté de frais de gestion de l’ordre de 2,04 %, correspondait à un taux annuel effectif global (TAEG) de 7,43 % à la date de conclusion du contrat de prêt.

24      Aux termes du point III/2 de ce contrat (ci-après la «clause III/2»), «le prêteur détermine le montant en forints hongrois de chaque mensualité à verser sur le fondement du cours appliqué par la banque à la vente de la devise [étrangère] le jour précédant la date d’exigibilité».

25      Les emprunteurs ont introduit un recours contre J… en faisant valoir le caractère abusif de la clause III/2. Ils ont soutenu que cette clause, en ce qu’elle permet à J… de calculer les mensualités de remboursement exigibles sur le fondement du cours de vente de la devise étrangère appliqué par J…, alors que le montant du prêt débloqué est fixé par cette dernière sur la base du cours d’achat qu’elle applique pour cette devise, confère à J… un avantage unilatéral et injustifié au sens de l’article 209 du code civil.

26      La juridiction de première instance a fait droit à ce recours. Ce jugement a ensuite été confirmé en appel. Dans son arrêt, la juridiction d’appel a notamment considéré que, dans le cadre d’une opération de prêt telle que celle en cause dans le litige qui lui était soumis, J… ne mettait pas à la disposition de ses clients des devises étrangères. En revanche, elle a constaté que J… faisait dépendre le montant de la mensualité, exprimé en forints hongrois, du cours actuel du franc suisse, aux fins de l’indexation du montant des remboursements du prêt débloqué en forints hongrois. J… ne fournirait aux emprunteurs aucun service financier relatif à l’achat ou à la vente de devises étrangères, de sorte qu’elle ne saurait appliquer un cours de change aux fins de l’amortissement du prêt différent de celui qui a été utilisé lors du déblocage de ce prêt, à titre de contrepartie d’une prestation de service virtuelle. Cette juridiction a également estimé que la clause III/2 n’était ni claire ni compréhensible, car elle ne permettait pas de savoir ce qui justifiait la différence de mode de décompte du prêt, selon qu’il s’agit de son déblocage ou de son amortissement.

27      J… a alors formé un pourvoi devant la juridiction de renvoi contre l’arrêt rendu en appel. Elle a fait valoir, notamment, que la clause III/2, en ce qu’elle lui permet de percevoir une recette représentant la contrepartie à payer du prêt en devise étrangère dont bénéficient les emprunteurs et sert à couvrir les frais liés aux opérations de l’établissement de crédit sur le marché en vue de l’achat de devises, relève du champ d’application de l’exception prévue à l’article 209, paragraphe 4, du code civil, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à un examen du caractère prétendument abusif de cette clause au titre de l’article 209, paragraphe 1, dudit code.

28      Les emprunteurs ont fait valoir qu’un tel examen s’impose. Ils ont, à cet égard, soutenu que J… ne saurait invoquer à leur encontre les particularités du fonctionnement des banques et mettre à leur charge les frais qui en résultent, conduisant à confondre les recettes de la banque et le prêt consenti. En concluant le contrat de prêt, les emprunteurs auraient marqué leur accord pour le déblocage d’un montant en devises nationales, à savoir le forint hongrois. La clause III/2 ne serait, par ailleurs, pas claire.

29      La juridiction de renvoi considère que se pose d’abord la question de savoir si la notion de clause définissant «l’objet principal du contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, englobe chaque élément de la contrepartie à verser en numéraire par l’emprunteur, y compris les sommes résultant de l’écart entre les taux de change applicables au déblocage et au remboursement du prêt, ou si seul le versement du taux d’intérêt nominal, outre l’octroi du crédit, relève de cette notion.

30      Si l’interprétation plus étroite de cette première exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 devait être retenue, il devrait ensuite être examiné si l’obligation de paiement découlant de l’écart des taux de change peut être considérée comme portant sur l’adéquation entre le service et sa rémunération ou son prix, et donc comme faisant partie de la «rémunération», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et de la seconde exception y prévue.

31      Dans ce cadre, se poserait également la question de savoir si, dans l’hypothèse où la rémunération constitue la contrepartie d’un service composé de plusieurs prestations, cette seconde exception, pour qu’elle s’applique, nécessite qu’il soit vérifié que la rémunération en cause, en l’occurrence le paiement dû en raison de l’écart des taux de change, corresponde à une prestation effective qui est directement fournie par la banque au consommateur.

32      S’agissant, en outre, de l’exigence selon laquelle seules les clauses rédigées «de manière claire et compréhensible» sont susceptibles de relever de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, la juridiction de renvoi estime qu’il lui incombe d’interpréter le droit national conformément aux objectifs de cette directive et d’apprécier le caractère abusif de clauses contractuelles qui ne satisfont pas à cette exigence, alors même que ladite exigence n’avait pas encore été transposée en droit interne lors de la conclusion du contrat de prêt.

33      Toutefois, la portée exacte de cette exigence demeurerait incertaine. Celle-ci pourrait être comprise en ce sens que toute clause contractuelle doit être compréhensible sur les plans linguistique et grammatical. Toutefois, elle pourrait également signifier, de manière plus large, que les raisons économiques qui sous-tendent l’application d’une clause spécifique ou l’articulation de ladite clause avec d’autres clauses du contrat doivent être claires et compréhensibles.

34      Enfin, dans l’hypothèse où le caractère abusif de la clause III/2 a été constaté, se poserait encore la question de savoir si le principe découlant de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et consacré au point 73 de l’arrêt Banco Español de Crédito (C-618/10, EU:C:2012:349) s’applique également lorsque, comme dans l’affaire au principal, le contrat de prêt ne peut pas subsister après la suppression de ladite clause. Si tel devait être le cas, la Kúria demande si ce principe s’oppose à ce que le juge national modifie cette clause afin d’éliminer son caractère abusif, en particulier en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif, à l’instar de la juridiction d’appel.

35      Dans ces conditions, la Kúria a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Convient-il d’interpréter l’article 4, paragraphe 2, de la directive [93/13] en ce sens que, en cas d’emprunt libellé en devise étrangère, mais débloqué en devise nationale et à rembourser par le consommateur exclusivement en devise nationale, la clause contractuelle déterminant les taux de change, qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, relève de la notion de ‘définition de l’objet principal du contrat’?

Si tel n’est pas le cas, convient-il de considérer, sur le fondement de la seconde expression visée à l’article 4, paragraphe 2, de la directive [93/13], l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat [de la devise] comme une rémunération dont l’adéquation au service ne saurait être examinée aux fins d’apprécier son caractère abusif? À cet égard, la réalisation effective d’une opération de change entre l’établissement financier et le consommateur est-elle, ou non, déterminante?

2)      S’il convient d’interpréter l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 en ce sens que le juge national peut, indépendamment des dispositions de droit national, aussi examiner le caractère abusif de telles clauses contractuelles, si celles-ci ne sont pas claires et compréhensibles, cette dernière exigence doit-elle s’entendre comme imposant que la clause en question soit en elle-même grammaticalement claire et compréhensible pour le consommateur, ou impose-t-elle en sus que les raisons économiques qui sous-tendent l’application de la clause contractuelle ainsi que la relation de ladite clause avec d’autres clauses du contrat soient claires et compréhensibles pour ce même consommateur?

3)      Convient-il d’interpréter l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et le point 73 de l’arrêt [Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349] en ce sens que le juge national ne peut pas non plus remédier au défaut de validité, à l’égard du consommateur, d’une disposition abusive d’une clause contractuelle générale utilisée dans un contrat de prêt conclu avec un consommateur en modifiant ou en complétant la clause contractuelle en question, si le contrat ne peut subsister sur la base des autres clauses contractuelles après la suppression de la clause abusive? À cet égard, importe-t-il que le droit national comprenne une disposition à caractère supplétif qui régit la question juridique en cause en l’absence de la stipulation dépourvue de validité?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

36      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les termes «objet principal du contrat» et «adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part» recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de crédit libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s’applique aux fins du calcul des remboursements du prêt.

37      Selon une jurisprudence constante, il découle tant des exigences de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêt Fish Legal et Shirley, C-279/12, EU:C:2013:853, point 42).

38      Il en va ainsi des termes figurant à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, cette disposition ne comportant aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée.

39      En outre, selon une jurisprudence constante de la Cour, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (voir, notamment, arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C-484/08, EU:C:2010:309, point 27 et jurisprudence citée).

40      Eu égard à une telle situation d’infériorité, la directive 93/13 oblige les États membres à prévoir un mécanisme assurant que toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlée afin d’apprécier son caractère éventuellement abusif. Dans ce cadre, il incombe au juge national de déterminer, en tenant compte des critères énoncés aux articles 3, paragraphe 1, et 5 de la directive 93/13, si, eu égard aux circonstances propres au cas d’espèce, une telle clause satisfait aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par cette directive (voir, en ce sens, arrêts Invitel, C-472/10, EU:C:2012:242, point 22, et RWE Vertrieb, C-92/11, EU:C:2013:180, points 42 à 48).

41      Toutefois, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 8 de celle-ci, permet aux États membres de prévoir, dans la législation transposant cette directive, que l’«appréciation du caractère abusif» ne porte pas sur les clauses visées à cette disposition, pour autant que ces clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible. Il découle de ladite disposition que les clauses qu’elle vise ne font pas l’objet d’une appréciation de leur éventuel caractère abusif, mais, ainsi que la Cour l’a précisé, relèvent du domaine régi par cette directive (voir, en ce sens, arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, EU:C:2010:309, points 31, 35 et 40).

42      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 édictant ainsi une exception au mécanisme de contrôle de fond des clauses abusives tel que prévu dans le cadre du système de protection des consommateurs mis en œuvre par cette directive, il convient de donner une interprétation stricte à cette disposition.

43      Celle-ci vise, en premier lieu, les clauses qui portent sur l’«objet principal du contrat».

44      Dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si la clause III/2, en ce qu’elle prévoit que le cours de vente d’une devise étrangère s’applique aux fins du calcul des remboursements d’un prêt libellé dans cette devise, relève de «l’objet principal du contrat» de prêt, au sens de cette disposition.

45      À cet égard, s’il incombe à la seule juridiction de renvoi de se prononcer sur la qualification de cette clause en fonction des circonstances propres au cas d’espèce, il n’en demeure pas moins que la Cour est compétente pour dégager des dispositions de la directive 93/13, en l’occurrence celles de l’article 4, paragraphe 2, les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard de celles-ci (voir en ce sens, notamment, arrêt RWE Vertrieb, EU:C:2013:180, point 48 et jurisprudence citée).

46      Or, la Cour a déjà jugé que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 vise uniquement à établir les modalités et l’étendue du contrôle de fond des clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle, qui décrivent les prestations essentielles des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur (arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, EU:C:2010:309, point 34).

47      La circonstance qu’une clause ait été négociée par les parties cocontractantes, dans le cadre de leur autonomie contractuelle et des conditions du marché, ne saurait constituer un critère permettant d’apprécier si cette clause relève de l’«objet principal du contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

48      En effet, ainsi que cela ressort de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive et du douzième considérant de celle-ci, les clauses ayant fait l’objet d’une négociation individuelle ne relèvent pas, par principe, du champ d’application de cette directive. Partant, la question de leur éventuelle exclusion du champ d’application dudit article 4, paragraphe 2, ne saurait se poser.

49      En revanche, compte tenu également du caractère dérogatoire de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et de l’exigence d’une interprétation stricte de cette disposition qui en découle, les clauses du contrat qui relèvent de la notion d’«objet principal du contrat», au sens de cette disposition, doivent s’entendre comme étant celles qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci.

50      Par contre, les clauses qui revêtent un caractère accessoire par rapport à celles qui définissent l’essence même du rapport contractuel ne sauraient relever de la notion d’«objet principal de contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

51      Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations du contrat de prêt ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, si la clause déterminant le taux de change des mensualités constitue un élément essentiel de la prestation du débiteur consistant dans le remboursement du montant mis à disposition par le prêteur.

52      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 vise, en second lieu, les clauses qui portent sur l’«adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part» ou, aux termes du dix-neuvième considérant de cette directive, les clauses «décrivant […] le rapport qualité/prix de la fourniture ou de la prestation».

53      Dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si la clause III/2, en ce qu’elle prévoit que le cours de la vente d’une devise étrangère s’applique aux fins du calcul des remboursements d’un prêt, alors que, selon d’autres clauses du contrat de prêt, le montant du prêt débloqué est converti en devise nationale sur la base du cours d’achat de la devise étrangère, comporte une obligation pécuniaire pour le consommateur, à savoir celle de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, les montants découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise étrangère, qui pourrait être qualifiée de «rémunération» du service fourni dont l’adéquation ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

54      À cet égard, il ressort des termes de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 que cette seconde catégorie de clauses à l’égard desquelles il ne peut être porté d’appréciation sur leur caractère éventuellement abusif a une portée réduite, dès lors que cette exclusion ne porte que sur l’adéquation entre le prix ou la rémunération prévu et les services ou les biens à fournir en contrepartie.

55      Ainsi que l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 69 de ses conclusions, l’exclusion d’un contrôle des clauses contractuelles quant au rapport qualité/prix d’une fourniture ou d’une prestation s’explique par le fait qu’aucun barème ou critère juridique n’existe pouvant encadrer et guider un tel contrôle.

56      Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé que ladite exclusion ne s’applique pas à une clause portant sur un mécanisme de modification des frais des services à fournir au consommateur (arrêt Invitel, EU:C:2012:242, point 23).

57      En l’occurrence, il convient d’indiquer, en outre, que l’exclusion de l’appréciation du caractère abusif d’une clause étant limitée à l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, elle ne saurait s’appliquer en cas de mise en cause d’une asymétrie entre le cours de vente de la devise étrangère, devant être utilisé en application de cette clause pour le calcul des remboursements, et le cours d’achat de cette devise, devant être utilisé en application d’autres clauses du contrat de prêt pour le calcul du montant du prêt débloqué.

58      Au demeurant, cette exclusion ne saurait s’appliquer à des clauses qui, telle la clause III/2, se limitent à déterminer, en vue du calcul des remboursements, le cours de conversion de la devise étrangère dans laquelle le contrat de prêt est libellé, sans toutefois qu’aucun service de change ne soit fourni par le prêteur lors dudit calcul, et ne comportent, dès lors, aucune «rémunération» dont l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

59      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que:

–      les termes «objet principal du contrat» ne recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s’applique aux fins du calcul des remboursements du prêt, que pour autant qu’il est constaté, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations du contrat ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, que ladite clause fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, caractérise celui-ci;

–      une telle clause, en ce qu’elle comporte une obligation pécuniaire pour le consommateur de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, des montants découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise étrangère, ne saurait être considérée comme comportant une «rémunération» dont l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

Sur la deuxième question

60      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit grammaticalement claire et compréhensible pour le consommateur, mais également que les raisons économiques qui sous-tendent l’application de la clause contractuelle ainsi que la relation de ladite clause avec d’autres clauses du contrat soient claires et compréhensibles pour ce même consommateur.

61      Si la juridiction de renvoi devait considérer que, eu égard à la réponse apportée à la première question, la clause III/2 relève de «l’objet principal du contrat», au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, cette clause n’est cependant soustraite à l’appréciation de son caractère abusif que si elle est rédigée de manière claire et compréhensible.

62      En effet, afin de garantir concrètement les objectifs de protection des consommateurs poursuivis par la directive 93/13, toute transposition dudit article 4, paragraphe 2, doit être complète, de sorte que l’interdiction d’apprécier le caractère abusif des clauses porte uniquement sur celles qui sont rédigées de façon claire et compréhensible (arrêt Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, EU:C:2010:309, point 39).

63      Il ressort toutefois de la décision de renvoi que l’article 209, paragraphe 4, du code civil, disposition visant à transposer l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 en droit interne, ne comportait pas cette exigence de rédaction claire et compréhensible.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une juridiction nationale, saisie d’un litige opposant exclusivement des particuliers, est tenue, lorsqu’elle applique les dispositions du droit interne, de prendre en considération l’ensemble des règles du droit national et de les interpréter, dans toute la mesure possible, à la lumière du texte ainsi que de la finalité de la directive applicable en la matière pour aboutir à une solution conforme à l’objectif poursuivi par celle-ci (voir, notamment, arrêt OSA, C-351/12, EU:C:2014:110, point 44).

65      Dans ce contexte, la Cour a également précisé que ce principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et une telle obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (voir, notamment, arrêt OSA, EU:C:2014:110, point 45).

66      Si, compte tenu de ce principe d’interprétation conforme ainsi délimité, la juridiction de renvoi devait considérer que la disposition nationale visant à transposer l’article 4, paragraphe 2, de cette directive peut être comprise en ce sens qu’elle inclut l’exigence de rédaction claire et compréhensible, se poserait ensuite la question de la portée de cette exigence.

67      À cet égard, il y a lieu de constater que cette même exigence figure à l’article 5 de la directive 93/13, qui prévoit que les clauses contractuelles écrites doivent «toujours» être rédigées de façon claire et compréhensible. Le vingtième considérant de la directive 93/13 précise à cet égard que le consommateur doit avoir effectivement l’opportunité de prendre connaissance de toutes les clauses du contrat.

68      Il s’ensuit que cette exigence de rédaction claire et compréhensible s’applique en tout état de cause, y compris lorsqu’une clause relève de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 et échappe donc à l’appréciation de son caractère abusif visée à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.

69      Il en découle également que cette exigence telle que figurant à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 a la même portée que celle visée à l’article 5 de cette directive.

70      Or, s’agissant de cet article 5, la Cour a déjà jugé que l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier contractuellement à un professionnel en adhérant aux conditions rédigées préalablement par celui-ci (voir arrêt RWE Vertrieb, EU:C:2013:180, point 44).

71      L’exigence de transparence des clauses contractuelles posée par la directive 93/13 ne saurait donc être réduite au seul caractère compréhensible sur les plans formel et grammatical de celles-ci.

72      Au contraire, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 39 du présent arrêt, le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 reposant sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne, notamment, le niveau d’information, cette exigence de transparence doit être entendue de manière extensive.

73      S’agissant d’une clause contractuelle, telle que la clause III/2, qui permet au professionnel de calculer le niveau des remboursements mensuels dus par le consommateur en fonction du cours de vente de la devise étrangère appliqué par ce professionnel, laquelle a pour effet que les frais du service financier sont augmentés à la charge du consommateur, apparemment sans limite maximale, il résulte des articles 3 et 5 de la directive 93/13 ainsi que des points 1, sous j) et l), et 2, sous b) et d), de l’annexe de cette directive, que revêt une importance essentielle aux fins du respect de l’exigence de transparence le point de savoir si le contrat de prêt expose de manière transparente le motif et les particularités du mécanisme de conversion de la devise étrangère ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte qu’un consommateur puisse prévoir, sur la base de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui (voir, par analogie, arrêt RWE Vertrieb, EU:C:2013:180, point 49).

74      S’agissant des particularités du mécanisme de conversion de la devise étrangère telles que spécifiées par la clause III/2, il appartient au juge de renvoi de déterminer si, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, dont la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation d’un contrat de prêt, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, pouvait non seulement connaître l’existence de la différence, généralement observée sur le marché des valeurs mobilières, entre le taux de change de vente et le taux de change d’achat d’une devise étrangère, mais également évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, pour lui de l’application du taux de change de vente pour le calcul des remboursements dont il sera en définitive redevable et, partant, le coût total de son emprunt.

75      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, s’agissant d’une clause contractuelle telle que celle en cause au principal, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

Sur la troisième question

76      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale permettant au juge national de remédier à la nullité de la clause abusive en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif.

77      À cet égard, la Cour a jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de droit national qui permet au juge national, lorsqu’il constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de compléter ledit contrat en révisant le contenu de cette clause (arrêt Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349, point 73).

78      Étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, qui se trouvent dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de son article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec le vingt-quatrième considérant de celle-ci, de prévoir des moyens adéquats et efficaces «afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel» (voir arrêt Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349, point 68).

79      Or, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans de tels contrats, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. En effet, cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels (arrêt Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349, point 69).

80      Toutefois, il n’en découle pas que, dans une situation telle que celle au principal, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’opposerait à ce que le juge national, en application de principes du droit des contrats, supprime la clause abusive en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif.

81      Au contraire, le fait de substituer à une clause abusive une telle disposition, qui, ainsi qu’il ressort du treizième considérant de la directive 93/13, est censée ne pas contenir de clauses abusives, en ce qu’elle aboutit au résultat que le contrat peut subsister malgré la suppression de la clause III/2 et continue à être contraignant pour les parties, est pleinement justifié au regard de la finalité de la directive 93/13.

82      En effet, la substitution à une clause abusive d’une disposition nationale à caractère supplétif est conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, dès lors que, selon une jurisprudence constante, cette disposition tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives (voir en ce sens, notamment, arrêts Perenicová et Perenic, C-453/10, EU:C:2012:144, point 31, ainsi que Banco Español de Crédito, EU:C:2012:349, point 40 et jurisprudence citée).

83      En revanche, si, dans une situation telle que celle en cause au principal, il n’était pas permis de substituer à une clause abusive une disposition à caractère supplétif, obligeant le juge à annuler le contrat dans son ensemble, le consommateur pourrait être exposé à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que le caractère dissuasif résultant de l’annulation du contrat risquerait d’être compromis.

84      En effet, une telle annulation a en principe comme conséquence de rendre immédiatement exigible le montant du prêt restant dû dans des proportions risquant d’excéder les capacités financières du consommateur et, de ce fait, tend à pénaliser celui-ci plutôt que le prêteur qui, par voie de conséquence, ne serait pas dissuadé d’insérer de telles clauses dans les contrats qu’il propose.

85      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, cette disposition ne s’oppose pas à une règle de droit national permettant au juge national de remédier à la nullité de cette clause en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif.

Sur les dépens

86      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que:

–        les termes «objet principal du contrat» ne recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s’applique aux fins du calcul des remboursements du prêt, que pour autant qu’il est constaté, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations du contrat ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, que ladite clause fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, caractérise celui-ci;

–        une telle clause, en ce qu’elle comporte une obligation pécuniaire pour le consommateur de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, des montants découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise étrangère, ne saurait être considérée comme comportant une «rémunération» dont l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

2)      L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, s’agissant d’une clause contractuelle telle que celle en cause au principal, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

3)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, cette disposition ne s’oppose pas à une règle de droit national permettant au juge national de remédier à la nullité de cette clause en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif.

 

Consulter l’arrêt de la Cour

Numéro : ccass140430.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses illicite, domaine d’application, contrat de crédit à la consommation, clause qui impose à l’emprunteur un préavis de deux mois pour rembourser par anticipation un prêt personnel, portée.

Résumé : Doit être cassé l’arrêt de la cour d’appel qui retient que la clause qui impose à l’emprunteur un préavis de deux mois pour rembourser par anticipation un prêt personnel, n’est ni abusive ni illicite alors que, selon la rédaction des textes applicables en la cause, l’emprunteur peut toujours rembourser par anticipation et sans indemnité le crédit consenti, de sorte qu’une telle clause est illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses illicite, domaine d’application, contrat de crédit à la consommation, clause qui permet au prêteur d’exiger un remboursement anticipé en cas d’inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l’emprunteur, portée.

Résumé : Doit être cassé l’arrêt de la cour d’appel, qui retient que la clause qui permet au prêteur d’exiger un remboursement anticipé en cas d’inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l’emprunteur au prêteur n’est pas abusive alors que cette clause, permettant au prêteur d’exiger un remboursement anticipé hors l’hypothèse de la défaillance de l’emprunteur, ne satisfait pas aux dispositions de l’article L. 311-13 du code de la consommation.

N° de pourvoi: 13-13641
Non publié

M. Charruault (président), président
Me Spinosi, SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat(s)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 28 mars 2003, M. X… et Mme Y… ont souscrit un prêt personnel auprès de la société X…, aux droits de laquelle vient la société Y… (la banque) ; qu’estimant abusives et illicites deux clauses du contrat de prêt, les emprunteurs ont assigné la banque en remboursement des intérêts perçus suite à la déchéance du droit aux intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 311-13, L. 311-29, L. 311-32 et L. 311-33 du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X… et de Mme Y…, l’arrêt retient que la clause qui impose à l’emprunteur un préavis de deux mois pour rembourser par anticipation un prêt personnel n’est ni abusive ni illicite ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’emprunteur peut toujours rembourser par anticipation et sans indemnité le crédit consenti, de sorte qu’une telle clause est illicite, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 311-13 et L. 311-33 du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu que pour statuer comme il a été dit, l’arrêt retient que la clause qui permet au prêteur d’exiger un remboursement anticipé en cas d’inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l’emprunteur au prêteur n’est pas abusive ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’offre préalable qui contient une clause permettant au prêteur d’exiger un remboursement anticipé hors l’hypothèse de la défaillance de l’emprunteur ne satisfait pas aux dispositions de l’article L. 311-13 du code de la consommation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action de M. X… et de Mme Y…, l’arrêt rendu le 24 mai 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne la société Y… aux dépens ;

Vu 700 du code de procédure civile, condamne la sociétéY… à payer à Me Spinosi la somme de 3 000 euros ; 
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente avril deux mille quatorze.

Consulter l’arrêt de la Cour

Numéro : cjue140430.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt libellé dans une devise étrangére, notion d’ « objet principal du contrat », vérification de ce que la clause fixe une prestation essentielle du contrat et le caractérise.

portée.

Résumé :  L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que les termes «objet principal du contrat» ne recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s’applique aux fins du calcul des remboursements du prêt, que pour autant qu’il est constaté, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations du contrat ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, que ladite clause fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, caractérise celui-ci.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt libellé dans une devise étrangére, clause qui oblige le consommateur à payer les sommes découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise, qualification de rémunération ne pouvant faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif, exclusion, portée.

Résumé : La clause d’un contrat de prêt libellé dans une devise étrangére qui stipule l’obligation pécuniaire pour le consommateur de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, des montants découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise étrangère, ne saurait être considérée comme comportant une «rémunération» dont l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

ANALYSE 3

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt libellé dans une devise étrangére, exigence de rédaction claire et compréhensible de la clause, rédaction permettant au consommateur d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui, portée.

Résumé : L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, s’agissant d’une clause contractuelle telle que celle en cause au principal, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

ANALYSE 4

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt libellé dans une devise étrangére, substitution d’une disposition de droit national à caractère supplétif à la clause qualifiée d’abusive, portée.

Résumé : L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, si le contrat ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, cette disposition ne s’oppose pas à une règle de droit national permettant au juge national de remédier à la nullité de cette clause en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif.

ORDONNANCE DE LA COUR (première chambre)

Dans l’affaire C-342/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Szombathelyi Törvényszék (Hongrie), par décision du 16 mai 2013, parvenue à la Cour le 24 juin 2013, dans la procédure

K… S…

contre

Z… C… K…,

O…,

R…,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits, S. Rodin et F. Biltgen, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme S… à Zsolt Csaba Kovári, à O… , à O… F… et à R… B… Zrt au sujet de sa demande visant à faire constater la nullité des clauses compromissoires contenues dans un contrat conclu avec R… B… Zrt aux fins de l’octroi d’un prêt hypothécaire.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        Le douzième considérant de la directive 93/13 énonce:

«considérant […] que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive; […]»

4        L’article 3 de cette directive dispose:

«1.       Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2.       Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3.       L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

5        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

6        L’article 5 de la directive 93/13 prévoit:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. […]»

7        L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

8        L’annexe de la même directive énumère les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci. Le point 1, sous q), de cette annexe est libellé comme suit:

«Clauses ayant pour objet ou pour effet: […] q) de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, […]»

Le droit hongrois

9        L’article 209 de la loi n° IV de 1959, instituant le code civil (Polgári törvénykönyvrol szóló 1959. évi IV. törvény), dans sa version applicable à l’affaire au principal, est libellé comme suit:

«1.       Une condition générale contractuelle ou une clause d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle est abusive lorsqu’elle détermine, unilatéralement et sans justification, et en violation des exigences de la bonne foi et de la loyauté, les droits et obligations des parties au détriment du promettant.

2.       Afin d’apprécier la nature abusive de la clause, il est tenu compte de toutes les circonstances ayant entouré la conclusion du contrat qui ont abouti à celle-ci, ainsi que de la nature des services prévus et des rapports entre la clause concernée, d’une part, et les autres stipulations du contrat ou d’autres contrats, d’autre part.

3.       Des dispositions spéciales peuvent désigner les clauses considérées comme abusives dans un contrat conclu avec un consommateur ou devant être considérées comme telles jusqu’à preuve du contraire.

4.       Les dispositions relatives aux clauses contractuelles abusives ne sont pas applicables aux stipulations qui définissent la prestation principale ni à celles qui déterminent la proportion entre la prestation et la contrepartie.

5.       Une clause contractuelle ne peut pas être considérée comme abusive si elle est imposée par ou en vertu d’une disposition législative ou réglementaire.»

10      La loi n° LXXI de 1994, relative à l’arbitrage, prévoit, à son article 3, paragraphe 1, qu’un litige peut être résolu par un arbitrage plutôt que par voie juridictionnelle lorsque: «a) au moins une des parties est une personne exerçant professionnellement une activité économique et le litige se rapporte à cette activité, et que

b)      les parties peuvent librement transiger sur l’objet de la procédure et

c)      ont prévu l’arbitrage dans une clause compromissoire.»

11      L’article 5, paragraphe 1, de ladite loi définit comme convention d’arbitrage une convention conclue entre les parties en vertu de laquelle des litiges nés ou susceptibles de naître de rapports contractuels ou extracontractuels déterminés sont soumis à un tribunal arbitral.

12      En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la loi n° LXXI de 1994, la juridiction qui est saisie d’un recours dans une affaire entrant dans le champ d’application de la convention d’arbitrage doit, sauf pour ce qui est des recours visés à l’article 54 de cette loi, rejeter la requête comme irrecevable sans convoquer les parties, ou doit, si une partie le demande, clore l’affaire sauf si elle constate que la convention d’arbitrage est inexistante, nulle, sans effet ou impossible à mettre en œuvre.

13      Selon l’article 54 de la loi n° LXXI de 1994, il ne peut pas être fait appel d’une sentence arbitrale. Une juridiction ne peut être saisie que d’une demande d’annulation d’une sentence pour les motifs déterminés à l’article 55 de cette loi.

14      Le décret gouvernemental n° 18/1999, relatif aux clauses des contrats conclus avec les consommateurs considérées comme abusives [A fogyasztóval kötött szerzodésben tisztességtelennek minosülo feltételekrol szóló 18/1999. (II. 5.) Kormányrendelet], prévoit, à son article 1er, paragraphe 1, qu’est considérée comme abusive toute clause d’un contrat de prêt conclu avec un consommateur qui:

«[…] i) exclut ou limite les possibilités pour le consommateur de recourir aux voies de droit prévues par la loi ou convenues par les parties, sauf si elle remplace simultanément celles-ci par d’autres modes de règlement des litiges déterminés par la loi; […]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      Le 15 octobre 2008, Mme S… a conclu avec R… B… Zrt un contrat de prêt hypothécaire ainsi qu’une convention d’hypothèque. Dans ces actes, les parties sont convenues que, en cas de survenance entre elles d’un litige portant sur ledit contrat ou ladite convention, seul serait compétent, sous réserve de quelques exceptions spécifiquement prévues, un collège de trois arbitres du Pénz- és Tokepiaci Állandó Választottbíróság (tribunal arbitral permanent des marchés financiers et des capitaux).

16      Les parties ont également prévu dans lesdits actes la compétence exclusive du Pesti Központi kerületi bíróság (tribunal d’arrondissement de Pest-Centre) ou de la Fovárosi Bíróság (Cour de Budapest), selon le montant du litige, pour les procédures d’injonction de payer et l’éventuelle procédure ordinaire se déroulant en cas d’opposition du débiteur.

17      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, avant la signature du contrat de prêt hypothécaire et de la convention d’hypothèque, la banque a fourni à Mme S… des informations concernant les différences entre les règles de procédure applicables, respectivement, aux tribunaux arbitraux et aux tribunaux ordinaires. En outre, lors de la signature de ce contrat et de cette convention, la banque a notamment attiré l’attention de Mme S… sur le fait que la procédure arbitrale ne comporte qu’une seule instance et que des appels ne peuvent pas être formés et lui a signalé que les dépens liés à l’introduction et à la poursuite d’une procédure arbitrale dépassent, en général, ceux de la procédure ordinaire.

18      Toutefois, estimant que les clauses compromissoires contenues dans ledit contrat et ladite convention, d’une part, avaient mis R… B… Zrt dans une situation avantageuse et, d’autre part, avaient limité, de façon injustifiée, son droit constitutionnel d’ester en justice, Mme S… a demandé au Szombathelyi Törvényszék de constater la nullité desdites clauses.

19      Dans ces conditions, le Szombathelyi Törvényszék a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Faut-il considérer comme abusive au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la [directive 93/13], une clause contractuelle en vertu de laquelle la compétence pour connaître de tout litige né dans le cadre d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et une banque est exclusivement accordée à un collège de trois arbitres du Pénz- és Tokepiaci Állandó Választottbíróság?

2)       Faut-il considérer une clause contractuelle en vertu de laquelle la compétence pour connaître de tout litige né dans le cadre d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et une banque est exclusivement accordée à un collège de trois arbitres du Pénz- és Tokepiaci Állandó Választottbíróság, sous les réserves prévues par ledit contrat, comme abusive au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, en dépit du fait que ledit contrat comporte des informations générales sur les différences existant entre la procédure régie par la loi n° LXXI de 1994 […] et la procédure juridictionnelle ordinaire?»

Sur les questions préjudicielles

20      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée.

21      Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.

22      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit être considérée comme abusive, au sens de cette disposition, et cela alors même que, avant la signature dudit contrat, le consommateur a reçu des informations générales sur les différences existant entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire.

23      À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, seules entrent dans le champ d’application de celle-ci les clauses figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêt Constructora Principado, C-226/12, EU:C:2014:10, point 18).

24      À cet égard, l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive prévoit qu’une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion (ordonnance Pohotovost, C-76/10, EU:C:2010:685, point 57).

25      Il importe également de préciser que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour en la matière porte sur l’interprétation de la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de ladite directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en découle que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêt Aziz, C-415/11, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée).

26      Cela étant, il y a lieu de relever que, en se référant aux notions de bonne foi et de déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne définit que de manière abstraite les éléments qui confèrent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle (voir arrêts Freiburger Kommunalbauten, C-237/02, EU:C:2004:209, point 19, et Pannon GSM, C-243/08, EU:C:2009:350, point 37).

27      À cet égard, la Cour a jugé que, aux fins de déterminer si une clause crée, au détriment du consommateur, un «déséquilibre significatif» entre les droits et les obligations des parties découlant d’un contrat, il convient notamment de tenir compte des règles applicables en droit national en l’absence d’un accord des parties en ce sens. C’est au moyen d’une telle analyse comparative que le juge national pourra évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives (voir arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 68).

28      S’agissant du point de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi», il importe de constater que, eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, le juge national doit vérifier à ces fins si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle (voir arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 69).

29      En outre, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion (arrêts Pannon GSM, EU:C:2009:350, point 39, et VB Pénzügyi Lízing, C-137/08, EU:C:2010:659, point 42). Il en découle que, dans cette perspective, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national (voir arrêt Freiburger Kommunalbauten, EU:C:2004:209, point 21, et ordonnance Pohotovost, EU:C:2010:685, point 59).

30      C’est à la lumière de ces critères qu’il appartient au Szombathelyi Törvényszék d’apprécier le caractère abusif de la clause compromissoire en cause au principal.

31      À cet égard, il y a lieu de souligner que l’annexe de la directive 93/13, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci, contient une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives (voir arrêt Invitel, C-472/10, EU:C:2012:242, point 25 et jurisprudence citée), parmi lesquelles figurent, au point 1, sous q), de cette annexe, précisément les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant celui-ci à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales.

32      Si le contenu de l’annexe de la directive 93/13 n’est pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif d’une clause litigieuse, il constitue, cependant, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, un élément essentiel sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif de cette clause (arrêt Invitel, EU:C:2012:242, point 26).

33      En outre, s’agissant de la question de savoir si une clause telle que celle en cause au principal peut être considérée comme abusive en dépit du fait que le consommateur a reçu avant la conclusion du contrat des informations générales sur les différences existant entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire, il convient de souligner que la Cour a déjà jugé, dans le contexte de l’article 5 de la directive 93/13, que l’information, avant la conclusion d’un contrat, relative aux conditions contractuelles et aux conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier par les conditions préalablement rédigées par le professionnel (arrêt Constructora Principado, EU:C:2014:10, point 25 et jurisprudence citée).

34      Toutefois, et en admettant même que des informations générales reçues par le consommateur avant la conclusion d’un contrat satisfassent aux exigences de clarté et de transparence découlant de l’article 5 de ladite directive, cette circonstance ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif d’une clause telle que celle en cause au principal.

35      Si la juridiction nationale concernée aboutit à la conclusion que la clause en cause au principal doit être considérée comme abusive au sens de la directive 93/13, il convient de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, il incombe alors à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par ladite clause (voir, en ce sens, arrêt Asturcom Telecomunicaciones, C-40/08, EU:C:2009:615, point 59).

36      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13 ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment:

–        vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et

–        tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.

Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.

Sur les dépens

37      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment:

–        vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et

–        tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.

Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.

Consulter l’arrêt de la Cour

Numéro : cjue140403.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt hypothécaire, clause compromissoire, pouvoirs de la juridiction nationale, portée.

Résumé : L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du dit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt hypothécaire, clause compromissoire, critères d’appréciation de l’éventuel déséquilibre significatif, portée.

Résumé : Pour rechercher l’éventuel déséquilibre significatif de la clause compromissoire d’un contrat de prêt hypothécaire, la juridiction nationale doit notamment :

  • vérifier si la clause a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur,
  • et tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.

Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.

 

Consulter l’arrêt de la Cour

 
Analyse 1 : contrat de dressage de chien-appréciation des qualités de l’animal par le dresseur-appréciation unilatérale-clause abusive (oui)

Résumé 1 :
L’appréciation, par le seul dresseur, des qualités nécessaires que présente l’animal est abusive dans la mesure où cette clause entre dans les prévisions du paragraphe C de la liste annexée à l’article L. 132-1 du code de la consommation, alors applicable, puisqu’elle subordonne  l’obligation du professionnel à sa seule appréciation des qualités de l’animal.

 

Analyse  2 : Contrat de dressage de chien-exonération de responsabilité du dresseur en cas d’accident entrainant une blessure ou la mort de l’animal-contravention à l’article R. 132-1 du code de la consommation-clause abusive (oui)
Résumé 2 :
Les stipulations contractuelles qui exonèrent de toute responsabilité le dresseur en cas d’accident entrainant une blessure ou la mort de l’animal sont abusives, puisque contrevenant à l’article R. 132-1 du code de la consommation, en ce qu’elles excluent toute responsabilité du dresseur, même lorsque blessure et mort trouveraient leur cause dans un manquement professionnel de celui-ci.

 

Analyse 3 : arrêt de la carrière de l’animal uniquement avec l’accord du dresseur ou vers l’âge de six ans de l’animal-fixation conventionnelle d’un terme alternatif dans une convention synallagmatique-rompu uniquement avec l’accord des parties- clause abusive (non)

Résumé 3
Ne présente pas un caractère abusif la clause qui détermine l’arrêt de la carrière de l’animal uniquement avec l’accord du dresseur ou vers l’âge de six ans de l’animal dans la mesure où cela constitue la fixation conventionnelle d’un terme alternatif dans une convention synallagmatique qui ne peut être rompue que de l’accord des parties ou lorsque l’animal atteint l’âge de six ans.

 

Analyse 4 : obligation pour le propriétaire d’un animal de faire suivre à son chien un plan de carrière et de travail-engagement de ne rien effectuer qui puisse entraver le dressage, lors des périodes de retour au domicile du propriétaire- entrave au droit de propriété (oui)-déséquilibre significatif (non)-œuvre de concert entre le propriétaire et le dresseur de chien
Résumé 4 :
L ’engagement du propriétaire de faire suivre à son chien le plan de carrière et de travail et de ne rien effectuer sur le chien, durant les périodes de retour au domicile, qui irait à l’encontre du dressage, entrave certes son droit de propriété mais, s’agissant d’un droit dont il peut librement disposer, ces restrictions ne sont nullement illégales ; elles ne créent pas un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties dans une convention dont l’objet est le dressage d’un chien destiné à être présenté à des concours et qui est en alternance chez le dresseur et chez son maitre pour œuvrer de concert.

 

Analyse 5 : Droit à des saillies pour le dresseur-restriction librement acceptée par le propriétaire-clause abusive (non)
Résumé 5 :
N ’est pas abusive la clause qui prévoit un droit à des saillies pour le dresseur, restriction librement acceptée par le propriétaire à son droit sur les fruits de son bien.

 

Analyse 6 : vente du chien si incapacité de concourir-accord nécessaire du propriétaire-absence de déséquilibre significatif-clause abusive (non)
Résumé 6 :
N’est pas abusive la clause qui prévoit la vente de l’animal s’il se révèle incapable d’être un chien de concours mais, la cession étant subordonnée à l’accord du propriétaire,  il ne s’en évince aucun déséquilibre significatif des droits et obligations des parties.

Consulter le jugement du tribunal (fichier PDF image, 384 Ko)

Numéro : tio140117.pdf

 

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, domaine d’application, crédit à la consommation, clause relative à l’information de l’emprunteur, portée.

Résumé : La clause d’un contrat de crédit à la consommation qui stipule que l’emprunteur reconnait avoir obtenu les explications nécessaires sur les caractéristiques du crédit qui correspondent à ses besoins est abusive en ce qu’elle conduit à rendre impossible toute contestation ultérieure et libère le prêteur de son obligation de démontrer in concreto qu’il a accompli son obligation de conseil.

 

Voir également :

Avis n° 13-01 : contrat de crédit à la consommation

 

Consulter l’arrêt de la Cour
Sur la recevabilité de l’association nationale agréée
Analyse 1
Action en suppression de clauses abusives – association nationale agréée -clauses relatives à la durée de validité du crédit de communication-première instance – clause de validité de la ligne dédiée des cartes prépayées – cause d’appel – termes associés dans les critiques formées par l’association nationale agréée devant le premier juge-demande nouvelle – (non) -application de l’article 566 du code de procédure civile.

Résumé 1
Il résulte du jugement attaqué que les critiques formulées par l’association nationale agréée de consommateurs portaient, d’une part, sur la durée de validité des cartes prépayées, d’autre part, sur celle du crédit de consommation, et que la durée de validité des offres de cartes prépayées comprend, selon la définition même du service offert retenue par le tribunal, deux termes : celui qui est lié au crédit de communication contenu dans la recharge et qui doit être utilisé dans un certain délai et celui qui concerne la durée de la carte SIM et donc de la ligne, la carte SIM même non rechargée permettant notamment de recevoir des appels et de consulter son répondeur pendant une durée de huit mois ;
Les deux termes étaient associés dans les critiques formulées par l’association nationale agréée devant le tribunal, l’association de consommateurs faisant notamment valoir l’inexécution par l’opérateur de ses obligations de fourniture d’un service, lesquelles sont liées à la durée de la validité de la ligne.
Dès lors, sera déclarée recevable en cause d’appel, au titre de l’article 566 du code de procédure civile, la demande tendant à voir déclarer abusives et/ou illicites les clauses limitant la durée de validité de la ligne dédiée des cartes prépayées.

 

Sur l’éventuel caractère abusif  ou illégal des clauses contenues dans les conditions générales d’un opérateur de téléphonie mobile
Analyse 2 :
Critiques portées sur les durées de validité applicables à chacun des crédits disponibles proposées par un opérateur et sur la durée de validité de la ligne permettant la mise à disposition du réseau – critiques sur l’objet principal du contrat de téléphonie mobile par carte prépayée – appréciation de l’adéquation du prix au service offert – application de l’article L. 132-1, alinéa 7, du code de la consommation (oui).

Résumé 2 :
Les critiques formulées par l’association de consommateurs devant la cour d’appel portent à la fois sur les durées de validité applicables à chacun des crédits disponibles proposés par l’opérateur téléphonique et figurant dans la fiche technique descriptive d’offres données et sur la durée de validité de la ligne de huit mois permettant la mise à disposition du réseau puisque l’association critique également la limitation de la durée de la ligne dédiée. En remettant en cause l’existence de cette durée, l’association nationale agréée porte ses critiques sur l’objet principal du contrat de téléphonie mobile par carte prépayée ;
En outre, en remettant en cause la durée de validité de la ligne dédiée commune à toutes les offres de carte prépayée, l’association nationale de consommateurs agréée ne dénonce pas seulement le dispositif en raison de la brièveté du délai imparti pour l’utilisation du crédit rechargé, brièveté qui a d’ailleurs évolué dans le temps depuis le jugement querellé, mais sa critique porte également sur le rapport d’équivalence entre le montant prépayé et la durée de la ligne puisqu’elle considère que l’opérateur ne peut cesser de remplir son obligation de mise à disposition de son réseau tant que le consommateur n’a pas épuisé son crédit de communications, quel que soit le montant de celui-ci ;
Un tel grief constitue, en réalité, une appréciation de l’adéquation du prix au service offert prohibée par l’article L. 132-1, alinéa 7, du code de la consommation.
Dès lors, n’est pas fondée l’association nationale agréée de consommateurs en sa demande tendant, en application des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, à voir déclarer abusives les clauses limitant la durée de validité du crédit de communication et de la ligne dédiée des cartes prépayées commercialisées par l’opérateur.

 

 

Analyse 3 :
Clauses limitant la durée de validité du crédit de communication et de la ligne dédiée des cartes prépayées commercialisées par un opérateur – articles 2224 et 1152 du code civil, L. 34-2 du code des postes – L. 121-84-1 du code de la consommation-absence d’avance – terme extinctif-contrepartie dans la mise à disposition de la ligne par l’opérateur – clause illégale (non)
Résumé 3 :
Considérant que l’association nationale agréée de consommateurs soutient d’abord que les clauses limitant la durée de validité du crédit de communication et de la ligne dédiée des cartes prépayées commercialisées seraient illicites d’abord en ce qu’elles seraient contraires aux dispositions des articles 2224 du code civil, L. 34-2 du Code des postes relatives à la prescription, ensuite, en ce qu’elles seraient contraires à l’article L. 121-84-1 du code de la consommation et, enfin, en ce qu’elles constitueraient une clause pénale prohibée au sens de l’article 1152 du code civil.
Mais ces clauses prévoient un terme extinctif à l’issue duquel le client ne peut plus utiliser son crédit de communication, qui ne se confond pas avec la prescription, mode d’extinction d’une action en justice.
Ensuite, les dispositions de l’article L. 121-84-1 du code de la consommation selon lesquelles : « toute somme versée d’avance par le consommateur à un fournisseur de services de communications électroniques au sens du 6 ° de l’article L32 du code des postes et télécommunications électroniques doit lui être restituée, sous réserve du paiement des factures restant dues, au plus tard dans un délai de dix jours à compter du paiement de la dernière facture », Sont inapplicables aux clauses litigieuses dès lors que, dans les offres de carte prépayée, le prix payé par le consommateur n’est pas assimilable à une avance mais correspond au prix définitif de la recharge et que le consommateur ne règle aucune facture a posteriori. Enfin, la clause soumettant l’utilisateur du crédit de consommation à un terme extinctif ne peut s’analyser comme la sanction de l’inexécution de son obligation par le client puisque le  paiement préalable du prix de la recharge caractérise l’exécution de son obligation par le consommateur qui trouve sa contrepartie dans la mise à disposition de la ligne par l’opérateur ;
Que l’association nationale agréée de consommateurs doit être déboutée de ses demandes tendant à voir déclarer illicites les clauses limitant la durée de validité du crédit de communication et de la ligne dédiée des cartes prépayées commercialisées par l’opérateur.