Cour de cassation
Le délai de prescription de l’action en responsabilité pour manquement au devoir d’information dans les prêts libellés en devise étrangère, court à compter du jour où l’emprunteur a eu connaissance des risques

Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n°21-24.720

Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n°21-24.720

Mots-clés : Prêt à taux d’intérêt variable – Prescription – Délai quinquennal – Devoir d’information – Connaissance du risque- Exigence de transparence. 

  

EXTRAIT :  

« Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :  

  1. Il résulte de ces textes que l’action en responsabilité́ de l’emprunteur à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir d’information portant sur le fonctionnement concret de clauses d’un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences éventuelles d’un tel manquement. »

  

ANALYSE :  

Dans cet arrêt, la Première chambre civile de la Cour de cassation énonce que le point de départ du délai de prescription quinquennal de l’action en responsabilité contre le professionnel pour manquement au devoir d’information, quant au fonctionnement de clauses d’un prêt libellé en devise étrangère, est la date de la connaissance effective par le consommateur des risques et conséquences de ce manquement.  

 

En l’espèce, en 2004, des emprunteurs ont contracté auprès d’une banque deux prêts immobiliers libellés en francs suisses et remboursables selon des taux d’intérêts variables indexés sur l’indice Libor trois mois. Le 26 avril 2016, les emprunteurs assignent la banque en responsabilité pour son manquement à son devoir d’information. 

La Cour d’appel de Colmar, par un arrêt du 27 septembre 2021, déclare irrecevable l’action fondée sur le manquement de la banque à son devoir d’information au motif que les emprunteurs ne prouvaient pas légitimement ignorer les risques de leur préjudice au moment de la souscription des prêts. Sur ces constatations, les juges du fond considèrent que le point de départ du délai de prescription quinquennal est celui de la date de conclusion des contrats, c’est-à-dire en 2004. Les emprunteurs décident de se pourvoir en cassation en invoquant les articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce dont il résulte que le point de départ du délai de prescription quinquennal est la « date à compter de laquelle le consommateur a eu connaissance effective de l’existence et des conséquences éventuelles d’un tel manquement ». Ainsi, les emprunteurs estiment avoir pu légitimement ignorer les risques de dégradation de la parité entre le franc suisse et l’euro au moment de la signature, faute d’information par la banque. 

La Cour de cassation fait droit aux demandes des emprunteurs et casse l’arrêt de la Cour d’appel, en ce qu’il déclare prescrite l’action en responsabilité formée par les emprunteurs au titre d’un manquement de la banque à son devoir d’information.  

Sans fixer le point de départ du délai de prescription, la Cour, au visa des articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce, juge qu’il incombait à la cour d’appel de caractériser la date de la connaissance effective des effets négatifs de la variation du taux de change sur leurs obligations financières. Il reviendra à la Cour d’appel de fixer ce point de départ qui ne saurait être celui de la conclusion des contrats de prêts. 

 

La décision intéresse indirectement la matière des clauses abusives. En effet, elle s’inscrit dans le sillage de la décision qui s’inspirant du principe de transparence dégagé en matière de clause abusive avait imposé au banquier un devoir d’information sur les risques induits par la clause “devises étrangères” (Cass. civ. 1ère, 30 mars 2022, n° 19-20.717 ). Et précisément, dans cette décision, la Cour réitère sa jurisprudence selon laquelle le non-respect du professionnel de son obligation de transparence peut avoir pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur (Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n°21-24.720).