La pénalité de 8% en cas de défaut de remboursement de l’emprunteur peut être abusive

TJ DE VILLEFRANCHE, 30 AOUT 2022, COFIDIS, N° RG 22/00059

TJ DE VILLEFRANCHE, 30 AOUT 2022, COFIDIS, N° RG 22/00059 

– Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article R.212-2 – Clause pénale – Intérêt conventionnel – Clause d’indemnité légale de 8% – Pénalité contractuelle – Appréciation du caractère disproportionnée d’une indemnité conventionnelle – Cumul clause pénale et indemnité conventionnel – 

EXTRAIT 

« Le cumul de ces intérêts conventionnels et de la pénalité de 8 % du capital restant dû conduirait le consommateur à supporter une charge financière d’un montant très supérieur au taux légal et qui serait même d’un montant sur une année supérieur au taux de l’usure. 

 Au regard de ce dépassement de ce dernier taux, sur un exercice, il est manifeste que la pénalité contractuelle de 8 % en ce qu’elle se cumule à l’intérêt conventionnel, impose au consommateur qui n’exécute pas ses obligations, une indemnité d’un montant manifestement disproportionné. » 

 

ANALYSE :  

Saisi par la société Cofidis, le TJ de Villefranche juge abusive, en application des articles L. 212-1 et R.212-1 du code de la consommation, une clause pénale imposant une indemnité conventionnelle en cas de non-remboursement du contrat de prêt par le consommateur 

 

En l’espèce, la Société Cofidis prévoit dans le contrat de prêt conclu avec le consommateur, un taux d’intérêt annuel de 5,58 %. En cas de déchéance du terme consécutive à des impayés, le prêteur perçoit sa créance en remboursement des intérêts à ce taux, cérance qui se cumule avec l’indemnité légale à 8 % dû en cas de défaillance du consommateur.  

 

Le Tribunal judiciaire souligne que l’article R.212-2, présume comme abusives les clauses imposant une indemnité disproportionnée. Il rappelle également que l’article 1er, paragraphe 2 de la directive 93/13 exclue du champ d’application de la directive 93/13 les “dispositions législatives ou règlementaires impératives”. Cette exclusion du champ d’application de la directive 93/13 suppose ainsi, selon la jurisprudence de la Cour, la réunion de deux conditions. D’une part, “la clause contractuelle doit refléter une disposition législative ou réglementaire” et, d’autre part, “cette disposition doit être impérative” (CJUE, 7 nov. 2019, Profi Credit Polska, af. jointes C- 419/18 et C-483/18, et CJUE, 9juil. 2020, Banca Transilvania, af. C-81/19). 

 

En ce qui concerne l’indemnité légale de 8% pouvant être demandée par le professionnel en cas de défaillance du consommateur, comme stipulé à l’article D.312-16 du Code de commerce, il est souligné que cette disposition n’énonce pas un droit légal permettant aux parties de fixer un montant inférieur à ce maximum. Bien que l’indemnité de 8% soit autorisée par la loi, elle ne constitue pas une clause reflétant une disposition législative ou réglementaire impérative. 

 

De plus, pour apprécier le caractère disproportionnellement élevé du montant de l’indemnité imposée au consommateur, il convient d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses y relatives figurant dans le contrat concerné (voir, en ce sens, arrêt CJUE, 21 avr. 2016, aff. C-377/14, Radlinger et Radlingerová).  

 

Le Tribunal retient que le cumul de la clause pénale et l’intérêt conventionnel conduirait le consommateur à supporter une charge financière d’un montant très supérieur au taux légal et qui serait même d’un montant sur une année supérieur au taux de l’usure. Au regard de ce dépassement de ce dernier taux, sur un exercice, il est manifeste que la pénalité contractuelle de 8 % en ce qu’elle se cumule à l’intérêt conventionnel, impose aux consommateurs, qui n’exécute pas ses obligations, une indemnité d’un montant manifestement disproportionné. Par conséquent, la clause pénale est déclarée abusive et dès lors non écrite. 

 

Voir également : 

 

  1. Voir la partie analyse de : « La clause relative aux coûts du crédit hors intérêts qui met à la charge du consommateur des frais disproportionnés par rapport aux prestations et au montant de prêt peut être abusive » 

  

  1. Voir la partie analyse de : « Le juge de l’exécution d’une créance doit pouvoir apprécier le caractère abusif d’une clause, dès lors que le juge du fond ne peut suspendre la procédure d’exécution que moyennant le versement d’une caution »

  

  1. Voir la partie analyse de : « Le caractère abusif d’une clause pénale et la disproportion du montant de l’indemnité s’apprécient au regard de l’ensemble du contrat »