Cour de justice de l'Union européenne
Le juge de l’exécution d’une créance doit pouvoir apprécier le caractère abusif d’une clause, dès lors que le juge du fond ne peut suspendre la procédure d’exécution que moyennant le versement d’une caution

CJUE, 17 mai 2022, C-725/19, Impuls Leasing România IFN SA

CJUE, 17 mai 2022, C-725/19, Impuls Leasing România IFN SA 

Clauses abusives – procédure d’exécution – pouvoir du juge d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif d’une clause – exigence d’une caution pour suspendre la procédure d’exécution 

EXTRAITS : 

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale qui ne permet pas au juge de l’exécution d’une créance, saisi d’une opposition à cette exécution, d’apprécier, d’office ou à la demande du consommateur, le caractère abusif des clauses d’un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel formant titre exécutoire, dès lors que le juge du fond, susceptible d’être saisi d’une action distincte de droit commun en vue de faire examiner le caractère éventuellement abusif des clauses d’un tel contrat, ne peut suspendre la procédure d’exécution jusqu’à ce qu’il se prononce sur le fond que moyennant le versement d’une caution à un niveau qui est susceptible de décourager le consommateur à introduire et à maintenir un tel recours. » 

ANALYSE : 

La Cour de Justice se prononce ici sur le pouvoir du juge en matière d’examen d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle. 

De jurisprudence constante, le juge national est tenu à une appréciation d’office du caractère abusif d’une clause contractuelle, dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (pt 41). La Cour rappelle que le droit de l’Union n’harmonise pas les procédures applicables à l’examen des clauses abusives, la matière procédurale étant dès lors laissée à la compétence des Etats membres qui se doivent de respecter les principes d’équivalence et d’effectivité (pt 43 ; v. not. CJUE, 26 juin 2019, C-407/18, Addiko Bank, pt 45 et 46). Elle rappelle également que l’appréciation du respect du principe d’effectivité repose sur la place de la disposition nationale en cause dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement, de ses particularités et des principes fondant le système juridictionnel national comme la protection des droits de la défense ou la sécurité juridique (pt 45 ; v. CJUE, 22 avril 2021, C-485/19, Profi Credit Slovakia, pt 53). Elle précise néanmoins, conformément à sa jurisprudence antérieure, que les particularités procédurales ne doivent pas affecter la protection juridique des consommateurs assurée par la directive 93/13 (pt 45 ; v. CJUE, 21 avril 2016, C-377/14, Radlinger et Radlingerova, pt 50), et que l’effectivité implique que les Etats membres doivent assurer un contrôle efficace du caractère potentiellement abusif des clauses contractuelles (pt 47; v. CJUE, 4 juin 2020, C-495-19, Kancelaria Medius, pt 35). Dès lors, les droits issus de la directive 93/13 ne peuvent être garantis qu’à la condition que le système procédural national permette un contrôle d’office du caractère potentiellement abusif des clauses contractuelles (pt 49 ; v. not., CJUE, 18 février 2016, C-49/14, Finanmadrid EFC, pt 46). A cet égard, dans le cadre d’une procédure d’exécution où un examen d’office des clauses abusives n’est pas prévu, une disposition nationale qui risquerait d’empêcher le consommateur de s’opposer à l’exécution au fondement du régime des clauses abusives en raison d’un délai trop court ou de frais de justice élevés par rapport à la dette contestée porte atteinte au principe d’effectivité (pt 50 ; v. CJUE, 20 septembre 2018, C-448/17, EOS KSI Slovensko, pt 46). Or, en l’espèce, le consommateur qui sollicite la suspension de la procédure d’exécution doit verser une caution, ce qui, dans la mesure où il s’agit d’un litige relatif à un défaut de paiement de ce dernier, est susceptible de l’empêcher de faire valoir ses droits (pt 59). 

Par conséquent, le juge de l’exécution doit pouvoir apprécier, d’office ou à la demande du consommateur, le caractère abusif des clauses contractuelles dans la mesure où le juge du fond ne peut suspendre la procédure d’exécution pour opérer cet examen que moyennant le versement d’une caution susceptible de décourager l’action du consommateur.