Cour de justice de l'Union européenne
Le juge national doit rétablir le consommateur dans la situation qui aurait été la sienne si la clause abusive n’avait pas existé

CJUE, 31 mars 2022, C-472/20 - Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt.

CJUE, 31 mars 2022 , C-472/20 – Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt. 

Prêt libellé en devise remboursable en monnaie nationale – Caractère abusif d’une clause se rapportant à l’objet principal du contrat – Effets d’une clause abusive – Nullité du contrat – Préjudice grave pour le consommateur – Impossibilité de rétablir les parties dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu – Obligation du juge de veiller à ce que le consommateur se trouve dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé – Droit à restitution des avantages indûment acquis par le professionnel

EXTRAIT : 

« La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que le juge national compétent décide de rétablir les parties à un contrat de prêt dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu au motif qu’une clause dudit contrat se rapportant à son objet principal doit être déclarée abusive en vertu de cette directive, étant entendu que, si ce rétablissement s’avère impossible, il lui appartient de veiller à ce que le consommateur se trouve en définitive dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé. »

ANALYSE : 

La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé (point 50). 

En outre, la constatation de son caractère abusif doit avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de la clause abusive (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15, EU:C:2016:980, point 61), et ce, en fondant notamment un droit à restitution des avantages indûment acquis, à son détriment, par le professionnel sur le fondement de ladite clause (arrêt du 31 mai 2018, Sziber, C-483/16, EU:C:2018:367, point 34 et jurisprudence citée) (points 50 et 55). 

Cependant, elle rappelle également que le contrat devra rester contraignant pour les parties selon les mêmes termes s’il peut subsister sans les clauses abusives (arrêts du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C-453/10, EU:C:2012:144, point 29, et du 29 avril 2021, Bank BPH, C-19/20, EU:C:2021:341, point 53) (point 52). 

La Cour en conclut que les juridictions nationales qui constatent le caractère abusif des clauses contractuelles sont tenues cumulativement, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 : 

Par ailleurs, lorsque le juge national estime que le contrat de prêt en cause ne peut juridiquement subsister après la suppression des clauses abusives concernées et lorsqu’il n’existe aucune disposition de droit national à caractère supplétif ou de disposition applicable en cas d’accord des parties au contrat susceptible de se substituer auxdites clauses, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où le consommateur n’a pas exprimé son souhait de maintenir les clauses abusives et où l’annulation du contrat exposerait ce consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, le juge doit prendre, en tenant compte de l’ensemble de son droit interne, toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation du contrat de prêt en cause pourrait provoquer, notamment du fait de l’exigibilité immédiate de la créance du professionnel à l’égard de celui-ci (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C-269/19, EU:C:2020:954, point 41) (point 56). 

Dans une situation telle que celle en cause au principal, où le juge national estime qu’il n’est pas possible de rétablir les parties dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu et qu’il lui appartient donc de veiller à ce que le consommateur se trouve en définitive dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé, les intérêts du consommateur pourraient être ainsi sauvegardés au moyen, notamment, d’un remboursement en sa faveur des sommes indûment perçues par le prêteur sur le fondement de la clause jugée abusive, un tel remboursement intervenant au titre de l’enrichissement sans cause (points 57 et 58). 

En l’occurrence, la juridiction de première instance a requalifié le contrat de prêt en cause de contrat de prêt libellé en forints hongrois, puis a déterminé le taux d’intérêt applicable et a obligé Lombard à rembourser le montant correspondant à un tel enrichissement sans cause (point 58). 

Toutefois, la Cour insiste sur le fait que les pouvoirs du juge ne sauraient s’étendre au-delà de ce qui est strictement nécessaire afin de rétablir l’équilibre contractuel entre les parties au contrat et ainsi de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation du contrat de prêt en cause pourrait provoquer (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 44) (point 59).