Cour de cassation
Les juges du fond doivent examiner d’office le caractère abusif d’une clause de procédure amiable

Cass. civ. 3ème, 11 mai 2022, n°21-15.420

Cass. civ. 3ème, 11 mai 2022, n°21-15.420  

Contrat de maitrise d’ouvrage – mode alternatif de règlement des litiges – clause grise – relevé d’office – fin de non-recevoir  

 

EXTRAITS : 

« Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code :  

(…)

21.Pour accueillir la fin de non-recevoir opposée par l’architecte aux demandes des maîtres de l’ouvrage consommateurs, l’arrêt, qui constate que le contrat de maîtrise d’oeuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte avant toute procédure judiciaire. A défaut d’un règlement amiable le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes », retient que le non-respect de cette clause est sanctionné par une fin de non-recevoir.

22. En se déterminant ainsi, alors qu’il lui incombait d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif d’une clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge par le recours à un tiers, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.  

 

ANALYSE : 

Dans un contrat conclu entre des maitres de l’ouvrage et un architecte se trouve une clause précisant qu’ « en cas de litige portant sur l’exécution du contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte avant toute procédure judiciaire. A défaut d’un règlement amiable le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes ».  

La cour d’appel accueille la fin de non-recevoir soulevée par l’architecte en retenant que cette clause n’avait pas été respectée par les maitres de l’ouvrage consommateurs. En effet, les maitres de l’ouvrage ont d’abord saisi le conseil régional de l’ordre des architectes le 8 décembre 2010, mais le 13 décembre, soit moins d’un mois après, ils ont assigné l’architecte devant le juge des référés  ce qui a entrainé l’annulation de la réunion devant l’ordre des architectes. Ainsi, le règlement amiable du litige n’a pas eu lieu et c’est pour cela que la Cour d’appel de Douai prononce, à la demande de l’architecte, la fin de non recevoir. 

La Cour de cassation casse l’arrêt. Les magistrats de la troisième chambre civile considèrent qu’il importe peu que les consommateurs aient respecté la procédure amiable. La Cour d’appel aurait dû rechercher si dans ce contrat entre un professionnel et des consommateurs, cette clause n’était pas abusive. En d’autres termes, le relevé d’office du caractère abusif de la clause de règlement amiable écarte la fin de non recevoir attachée au défaut de respect de la procédure amiable.  

La clause qui impose au consommateur de recourir exclusivement à un règlement amiable est une clause grise présumée abusive par l’article R. 212-2, 10°. Les juges de la troisième chambre civile avaient déjà eu l’occasion de juger que « la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu’il appartient au juge d’examiner d’office la régularité d’une telle clause (3e Civ., 19 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.095)..
Cependant, dans la présente décision, la Cour de cassation semble nuancer la présomption d’abus puisqu’elle juge que la Cour d’appel de Douai aurait dû relever d’office le caractère « éventuellement » abusif d’une clause instituant une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge par le recours à un tiers.  

Voir également :
La clause de conciliation préalable et obligatoire est présumée abusive et doit être soulevée d’office.