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Numéro : cjue140430.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt libellé dans une devise étrangére, notion d’ « objet principal du contrat », vérification de ce que la clause fixe une prestation essentielle du contrat et le caractérise.

portée.

Résumé :  L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que les termes «objet principal du contrat» ne recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s’applique aux fins du calcul des remboursements du prêt, que pour autant qu’il est constaté, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations du contrat ainsi qu’à son contexte juridique et factuel, que ladite clause fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, caractérise celui-ci.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt libellé dans une devise étrangére, clause qui oblige le consommateur à payer les sommes découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise, qualification de rémunération ne pouvant faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif, exclusion, portée.

Résumé : La clause d’un contrat de prêt libellé dans une devise étrangére qui stipule l’obligation pécuniaire pour le consommateur de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, des montants découlant de l’écart entre le cours de vente et le cours d’achat de la devise étrangère, ne saurait être considérée comme comportant une «rémunération» dont l’adéquation en tant que contrepartie d’une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l’objet d’une appréciation de son caractère abusif en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13.

ANALYSE 3

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt libellé dans une devise étrangére, exigence de rédaction claire et compréhensible de la clause, rédaction permettant au consommateur d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui, portée.

Résumé : L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, s’agissant d’une clause contractuelle telle que celle en cause au principal, l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible doit s’entendre comme imposant non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, mais également que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme de conversion de la devise étrangère auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses relatives au déblocage du prêt, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

ANALYSE 4

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt libellé dans une devise étrangére, substitution d’une disposition de droit national à caractère supplétif à la clause qualifiée d’abusive, portée.

Résumé : L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, si le contrat ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, cette disposition ne s’oppose pas à une règle de droit national permettant au juge national de remédier à la nullité de cette clause en substituant à celle-ci une disposition de droit national à caractère supplétif.

ORDONNANCE DE LA COUR (première chambre)

Dans l’affaire C-342/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Szombathelyi Törvényszék (Hongrie), par décision du 16 mai 2013, parvenue à la Cour le 24 juin 2013, dans la procédure

K… S…

contre

Z… C… K…,

O…,

R…,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits, S. Rodin et F. Biltgen, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme S… à Zsolt Csaba Kovári, à O… , à O… F… et à R… B… Zrt au sujet de sa demande visant à faire constater la nullité des clauses compromissoires contenues dans un contrat conclu avec R… B… Zrt aux fins de l’octroi d’un prêt hypothécaire.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        Le douzième considérant de la directive 93/13 énonce:

«considérant […] que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive; […]»

4        L’article 3 de cette directive dispose:

«1.       Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2.       Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3.       L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

5        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

6        L’article 5 de la directive 93/13 prévoit:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. […]»

7        L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

8        L’annexe de la même directive énumère les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci. Le point 1, sous q), de cette annexe est libellé comme suit:

«Clauses ayant pour objet ou pour effet: […] q) de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, […]»

Le droit hongrois

9        L’article 209 de la loi n° IV de 1959, instituant le code civil (Polgári törvénykönyvrol szóló 1959. évi IV. törvény), dans sa version applicable à l’affaire au principal, est libellé comme suit:

«1.       Une condition générale contractuelle ou une clause d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle est abusive lorsqu’elle détermine, unilatéralement et sans justification, et en violation des exigences de la bonne foi et de la loyauté, les droits et obligations des parties au détriment du promettant.

2.       Afin d’apprécier la nature abusive de la clause, il est tenu compte de toutes les circonstances ayant entouré la conclusion du contrat qui ont abouti à celle-ci, ainsi que de la nature des services prévus et des rapports entre la clause concernée, d’une part, et les autres stipulations du contrat ou d’autres contrats, d’autre part.

3.       Des dispositions spéciales peuvent désigner les clauses considérées comme abusives dans un contrat conclu avec un consommateur ou devant être considérées comme telles jusqu’à preuve du contraire.

4.       Les dispositions relatives aux clauses contractuelles abusives ne sont pas applicables aux stipulations qui définissent la prestation principale ni à celles qui déterminent la proportion entre la prestation et la contrepartie.

5.       Une clause contractuelle ne peut pas être considérée comme abusive si elle est imposée par ou en vertu d’une disposition législative ou réglementaire.»

10      La loi n° LXXI de 1994, relative à l’arbitrage, prévoit, à son article 3, paragraphe 1, qu’un litige peut être résolu par un arbitrage plutôt que par voie juridictionnelle lorsque: «a) au moins une des parties est une personne exerçant professionnellement une activité économique et le litige se rapporte à cette activité, et que

b)      les parties peuvent librement transiger sur l’objet de la procédure et

c)      ont prévu l’arbitrage dans une clause compromissoire.»

11      L’article 5, paragraphe 1, de ladite loi définit comme convention d’arbitrage une convention conclue entre les parties en vertu de laquelle des litiges nés ou susceptibles de naître de rapports contractuels ou extracontractuels déterminés sont soumis à un tribunal arbitral.

12      En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la loi n° LXXI de 1994, la juridiction qui est saisie d’un recours dans une affaire entrant dans le champ d’application de la convention d’arbitrage doit, sauf pour ce qui est des recours visés à l’article 54 de cette loi, rejeter la requête comme irrecevable sans convoquer les parties, ou doit, si une partie le demande, clore l’affaire sauf si elle constate que la convention d’arbitrage est inexistante, nulle, sans effet ou impossible à mettre en œuvre.

13      Selon l’article 54 de la loi n° LXXI de 1994, il ne peut pas être fait appel d’une sentence arbitrale. Une juridiction ne peut être saisie que d’une demande d’annulation d’une sentence pour les motifs déterminés à l’article 55 de cette loi.

14      Le décret gouvernemental n° 18/1999, relatif aux clauses des contrats conclus avec les consommateurs considérées comme abusives [A fogyasztóval kötött szerzodésben tisztességtelennek minosülo feltételekrol szóló 18/1999. (II. 5.) Kormányrendelet], prévoit, à son article 1er, paragraphe 1, qu’est considérée comme abusive toute clause d’un contrat de prêt conclu avec un consommateur qui:

«[…] i) exclut ou limite les possibilités pour le consommateur de recourir aux voies de droit prévues par la loi ou convenues par les parties, sauf si elle remplace simultanément celles-ci par d’autres modes de règlement des litiges déterminés par la loi; […]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      Le 15 octobre 2008, Mme S… a conclu avec R… B… Zrt un contrat de prêt hypothécaire ainsi qu’une convention d’hypothèque. Dans ces actes, les parties sont convenues que, en cas de survenance entre elles d’un litige portant sur ledit contrat ou ladite convention, seul serait compétent, sous réserve de quelques exceptions spécifiquement prévues, un collège de trois arbitres du Pénz- és Tokepiaci Állandó Választottbíróság (tribunal arbitral permanent des marchés financiers et des capitaux).

16      Les parties ont également prévu dans lesdits actes la compétence exclusive du Pesti Központi kerületi bíróság (tribunal d’arrondissement de Pest-Centre) ou de la Fovárosi Bíróság (Cour de Budapest), selon le montant du litige, pour les procédures d’injonction de payer et l’éventuelle procédure ordinaire se déroulant en cas d’opposition du débiteur.

17      Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, avant la signature du contrat de prêt hypothécaire et de la convention d’hypothèque, la banque a fourni à Mme S… des informations concernant les différences entre les règles de procédure applicables, respectivement, aux tribunaux arbitraux et aux tribunaux ordinaires. En outre, lors de la signature de ce contrat et de cette convention, la banque a notamment attiré l’attention de Mme S… sur le fait que la procédure arbitrale ne comporte qu’une seule instance et que des appels ne peuvent pas être formés et lui a signalé que les dépens liés à l’introduction et à la poursuite d’une procédure arbitrale dépassent, en général, ceux de la procédure ordinaire.

18      Toutefois, estimant que les clauses compromissoires contenues dans ledit contrat et ladite convention, d’une part, avaient mis R… B… Zrt dans une situation avantageuse et, d’autre part, avaient limité, de façon injustifiée, son droit constitutionnel d’ester en justice, Mme S… a demandé au Szombathelyi Törvényszék de constater la nullité desdites clauses.

19      Dans ces conditions, le Szombathelyi Törvényszék a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Faut-il considérer comme abusive au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la [directive 93/13], une clause contractuelle en vertu de laquelle la compétence pour connaître de tout litige né dans le cadre d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et une banque est exclusivement accordée à un collège de trois arbitres du Pénz- és Tokepiaci Állandó Választottbíróság?

2)       Faut-il considérer une clause contractuelle en vertu de laquelle la compétence pour connaître de tout litige né dans le cadre d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et une banque est exclusivement accordée à un collège de trois arbitres du Pénz- és Tokepiaci Állandó Választottbíróság, sous les réserves prévues par ledit contrat, comme abusive au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, en dépit du fait que ledit contrat comporte des informations générales sur les différences existant entre la procédure régie par la loi n° LXXI de 1994 […] et la procédure juridictionnelle ordinaire?»

Sur les questions préjudicielles

20      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée.

21      Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.

22      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit être considérée comme abusive, au sens de cette disposition, et cela alors même que, avant la signature dudit contrat, le consommateur a reçu des informations générales sur les différences existant entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire.

23      À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, seules entrent dans le champ d’application de celle-ci les clauses figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêt Constructora Principado, C-226/12, EU:C:2014:10, point 18).

24      À cet égard, l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive prévoit qu’une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion (ordonnance Pohotovost, C-76/10, EU:C:2010:685, point 57).

25      Il importe également de préciser que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour en la matière porte sur l’interprétation de la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de ladite directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en découle que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêt Aziz, C-415/11, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée).

26      Cela étant, il y a lieu de relever que, en se référant aux notions de bonne foi et de déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne définit que de manière abstraite les éléments qui confèrent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle (voir arrêts Freiburger Kommunalbauten, C-237/02, EU:C:2004:209, point 19, et Pannon GSM, C-243/08, EU:C:2009:350, point 37).

27      À cet égard, la Cour a jugé que, aux fins de déterminer si une clause crée, au détriment du consommateur, un «déséquilibre significatif» entre les droits et les obligations des parties découlant d’un contrat, il convient notamment de tenir compte des règles applicables en droit national en l’absence d’un accord des parties en ce sens. C’est au moyen d’une telle analyse comparative que le juge national pourra évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives (voir arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 68).

28      S’agissant du point de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi», il importe de constater que, eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, le juge national doit vérifier à ces fins si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle (voir arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 69).

29      En outre, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion (arrêts Pannon GSM, EU:C:2009:350, point 39, et VB Pénzügyi Lízing, C-137/08, EU:C:2010:659, point 42). Il en découle que, dans cette perspective, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national (voir arrêt Freiburger Kommunalbauten, EU:C:2004:209, point 21, et ordonnance Pohotovost, EU:C:2010:685, point 59).

30      C’est à la lumière de ces critères qu’il appartient au Szombathelyi Törvényszék d’apprécier le caractère abusif de la clause compromissoire en cause au principal.

31      À cet égard, il y a lieu de souligner que l’annexe de la directive 93/13, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci, contient une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives (voir arrêt Invitel, C-472/10, EU:C:2012:242, point 25 et jurisprudence citée), parmi lesquelles figurent, au point 1, sous q), de cette annexe, précisément les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant celui-ci à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales.

32      Si le contenu de l’annexe de la directive 93/13 n’est pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif d’une clause litigieuse, il constitue, cependant, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, un élément essentiel sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif de cette clause (arrêt Invitel, EU:C:2012:242, point 26).

33      En outre, s’agissant de la question de savoir si une clause telle que celle en cause au principal peut être considérée comme abusive en dépit du fait que le consommateur a reçu avant la conclusion du contrat des informations générales sur les différences existant entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire, il convient de souligner que la Cour a déjà jugé, dans le contexte de l’article 5 de la directive 93/13, que l’information, avant la conclusion d’un contrat, relative aux conditions contractuelles et aux conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier par les conditions préalablement rédigées par le professionnel (arrêt Constructora Principado, EU:C:2014:10, point 25 et jurisprudence citée).

34      Toutefois, et en admettant même que des informations générales reçues par le consommateur avant la conclusion d’un contrat satisfassent aux exigences de clarté et de transparence découlant de l’article 5 de ladite directive, cette circonstance ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif d’une clause telle que celle en cause au principal.

35      Si la juridiction nationale concernée aboutit à la conclusion que la clause en cause au principal doit être considérée comme abusive au sens de la directive 93/13, il convient de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, il incombe alors à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par ladite clause (voir, en ce sens, arrêt Asturcom Telecomunicaciones, C-40/08, EU:C:2009:615, point 59).

36      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13 ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment:

–        vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et

–        tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.

Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.

Sur les dépens

37      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment:

–        vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et

–        tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.

Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.

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Numéro : cjue140403.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt hypothécaire, clause compromissoire, pouvoirs de la juridiction nationale, portée.

Résumé : L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du dit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, contrat de prêt hypothécaire, clause compromissoire, critères d’appréciation de l’éventuel déséquilibre significatif, portée.

Résumé : Pour rechercher l’éventuel déséquilibre significatif de la clause compromissoire d’un contrat de prêt hypothécaire, la juridiction nationale doit notamment :

  • vérifier si la clause a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur,
  • et tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.

Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.

 

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

Dans l’affaire C 397/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fovárosi Bíróság (Hongrie), par décision du 12 juillet 2011, parvenue à la Cour le 27 juillet 2011, dans la procédure

E*** J***

contre

A***,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. M. Ilešic, E. Levits, M. Safjan et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement hongrois, par Mme K. Szíjjártó et M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. A. Rubio González, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Owsiany Hornung ainsi que par MM. M. van Beek et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, en particulier de l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme J*** à A*** (ci-après «A***»), au sujet de sommes dues en exécution d’un contrat de crédit conclu entre ces parties.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 définit la clause abusive en ces termes:

«Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

4        L’article 4, paragraphe 1, de cette directive précise:

«[…] le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

5        En vertu de l’article 5 de ladite directive:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. […]»

6        En ce qui concerne les effets liés à la constatation du caractère abusif d’une clause, l’article 6, paragraphe 1, de la même directive dispose:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

Le droit national

Le droit matériel

7        Aux termes de l’article 209, paragraphe 1, de la loi IV de 1959 portant code civil (a Polgári Törvénykönyvrol szóló 1959. évi IV. törvény, ci-après le «code civil»), en vigueur à la date de la conclusion du contrat de crédit en cause au principal , «est abusive une condition contractuelle générale ou une clause d’un contrat de consommation qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle dès lors que, en violation des obligations de bonne foi et de loyauté, elle fixe les droits et les obligations des parties découlant du contrat de manière unilatérale et non motivée au détriment de la partie contractante qui n’est pas l’auteur de la clause».

8        L’article 209/A, paragraphe 2, du code civil prévoyait que de telles clauses sont nulles.

9        Selon l’article 2, sous d), de l’arrêté gouvernemental 18/1999 (II. 5.), concernant les clauses considérées comme abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (a fogyasztóval kötött szerzodésben tisztességtelennek minosülo feltételekrol szóló 18/1999 (II. 5.) kormányrendelet), du 5 février 1999 (Magyar Közlöny 1999/8), sont en particulier présumées abusives, sauf preuve contraire, les clauses qui permettent au cocontractant d’un consommateur de modifier le contrat de manière unilatérale, sans devoir invoquer de justification et, notamment, d’augmenter la contrepartie financière fixée par le contrat, ou qui permettent à ce cocontractant de modifier le contrat d’une manière unilatérale pour une juste cause définie dans le contrat, si, dans ce cas, le consommateur n’a pas le droit de dénoncer ou de résilier le contrat avec effet immédiat.

Le droit procédural

10      Selon l’article 3, paragraphe 2, de la loi III de 1952 portant code de procédure civile (a polgári perrendtartásról szóló 1952. évi III. törveny, ci-après le «code de procédure civile»), le juge, en l’absence d’une disposition légale contraire, est lié par les conclusions et les arguments juridiques présentés par les parties.

11      Conformément à l’article 23, paragraphe 1, sous k), du code de procédure civile, les recours qui visent à établir l’invalidité de clauses contractuelles abusives au titre, notamment, de l’article 209/A, paragraphe 2, du code civil relèvent de la compétence des juridictions départementales.

12      L’avis 2/2010/VI.28./PK de la chambre mixte civile de la Legfelsobb Bíróság (Cour suprême de Hongrie), du 28 juin 2010, relatif à certaines questions de procédure concernant les actions en nullité, apporte les précisions suivantes:

«4.      a)     Une juridiction ne doit tenir compte d’office que des cas de nullité manifeste qui peuvent être clairement établis sur la base des éléments de preuve disponibles. […]

b)      La prise en compte d’office d’un cas de nullité en appel est obligatoire si l’existence d’une cause de nullité ressort clairement des éléments de la procédure de première instance. […]

5.      a)     […] Dans une affaire civile, la juridiction est généralement liée par l’exposé des circonstances de fait figurant dans la requête, par l’objet de cette dernière, et donc par le droit que la partie entend exercer. Conformément à l’article 121, paragraphe 1, sous c), du code de procédure civile, la requête doit mentionner le droit invoqué, mais pas un fondement juridique concret. Le fait d’être lié par la requête n’implique donc pas que la juridiction est liée par le fondement juridique invoqué à tort par la partie. Si les faits exposés par la partie donnent à la requête ou à la demande reconventionnelle un autre fondement, la juridiction peut restituer sa véritable qualification au lien de droit.

[…]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Le 4 juillet 2007, Mme J*** a conclu un contrat de crédit avec A***, un établissement financier hongrois, pour une somme d’environ 160 000 francs suisses (CHF), versée en forints hongrois (HUF), dont le terme était fixé au 15 août 2024.

14      Ledit contrat, conclu sur la base d’un formulaire prérédigé par l’établissement financier, prévoyait le paiement d’intérêts, dont le taux était de 4,5 % par an au moment de la conclusion du contrat, et de frais de gestion, dont le taux était de 2,2 % par an à la même date. Une commission d’utilisation égale à 1,5 % du montant total du prêt, avec un minimum de 250 CHF et un maximum de 1 759 CHF, était due à la liquidation. Le taux annuel effectif global du crédit s’élevait ainsi à 7,658 %.

15      La clause 3.2 de la partie générale II du contrat de crédit conclu entre Mme J*** et A*** disposait que le prêteur avait le droit, à la fin de chaque exercice et pour l’exercice suivant, de modifier le montant des frais de gestion d’après un barème et selon les modalités définies par un règlement permanent de cet établissement financier.

16      La clause 8.2 de ce contrat stipulait que le prêteur avait le droit de modifier de manière unilatérale le taux d’intérêt ou le montant des autres frais prévus par ledit contrat, ainsi que d’introduire de nouvelles catégories de commissions et de frais, dans l’hypothèse d’une modification des frais liés au financement de l’opération.

17      La clause 12.2 de ce même contrat prévoyait que si, à la suite de la modification d’une disposition légale ou administrative quelconque ou encore de variations dans l’interprétation de ces dispositions, A*** se trouvait exposé à des frais nouveaux qu’il n’avait pas pu prévoir au moment de signer le contrat, l’emprunteur serait tenu de payer, à la demande de cet établissement, une somme couvrant ces frais ou, alternativement, ledit établissement aurait le droit de modifier de manière unilatérale le taux du prêt ou le montant des commissions.

18      Le contrat de crédit ne prévoyait pas, en cas de modification unilatérale par l’établissement financier, de droit de résiliation avec effet immédiat dans le chef de l’emprunteur.

19      Mme J*** a introduit un recours contre A***, l’établissement prêteur, devant le Pesti Központi kerületi bíróság (tribunal central d’arrondissement du centre de Pest). Elle a fait valoir, dans ce recours, l’invalidité partielle du contrat de crédit, alléguant le caractère usuraire, contraire aux bons usages et fictif des dispositions de celui-ci. Toutefois, elle n’a pas demandé au juge de constater la nullité partielle de ce contrat au titre du caractère abusif de ses dispositions.

20      Le Pesti Központi kerületi bíróság a rejeté le recours de Mme J*** par jugement du 2 décembre 2010. Il ressort des motifs de ce jugement que Mme J*** n’avait pas pu démontrer le caractère usuraire, contraire aux bons usages et fictif des dispositions litigieuses du contrat de crédit.

21      Mme J*** a fait appel de ce jugement devant la Fovárosi Bíróság (devenue le Fovárosi Törvényszék). Elle se prévaut de la nullité des clauses 3.2, 8.1, 8.2 et 12.2 du contrat de crédit, au motif que celles-ci seraient manifestement contraires aux bons usages en ce qu’elles donnent au créancier la faculté de modifier les clauses du contrat de manière unilatérale et qu’elles font supporter au débiteur les conséquences des modifications ultérieures introduites par le créancier, mais sur lesquelles le débiteur n’a aucune influence. Elle fait valoir que, à la suite des modifications intervenues en application de ces clauses, le montant du prêt et la charge de remboursement ont crû dans des proportions telles qu’elle ne peut plus y faire face.

22      C’est dans ces conditions que la Fovárosi Bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Une juridiction nationale agit-elle de manière conforme à l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13] si, ayant constaté le caractère abusif d’une condition contractuelle générale visée dans un recours, elle examine la question de la nullité du contrat pour ce motif, sans que les parties le lui aient demandé spécialement?

2)      La juridiction nationale doit-elle, dans un recours engagé par un consommateur, agir comme décrit dans la première question, alors que, en principe, la compétence pour constater la nullité d’un contrat en raison du caractère abusif d’une des conditions contractuelles générales appartient non pas à un tribunal local, mais à une juridiction d’un niveau plus élevé, si la partie lésée introduit un recours à ce titre?

3)      En cas de réponse affirmative à la deuxième question, une juridiction nationale, statuant en appel, a-t-elle le droit d’examiner le caractère abusif d’une condition contractuelle générale si ce point n’a pas été soulevé en première instance et alors que, d’après le droit national, il ne peut, en règle générale, être tenu compte en appel de faits nouveaux ou de preuves nouvelles?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la troisième question

23      Par cette question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale, saisie en appel d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sur la base d’un formulaire prérédigé par le professionnel, a le droit d’examiner le caractère abusif des clauses litigieuses si cette cause d’invalidité n’a pas été soulevée en première instance, alors que, d’après le droit national, il ne peut, en règle générale, être tenu compte en appel de faits nouveaux ou de preuves nouvelles.

24      À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi que l’a souligné la Commission européenne, la décision de renvoi ne contient aucune indication quant à la production, par les parties au litige au principal, au stade de l’appel, de faits ou d’éléments de preuve nouveaux. Pour autant que la troisième question devrait être interprétée en ce sens qu’elle porte, en partie, sur le point de savoir si une juridiction d’appel, saisie d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, est tenue d’accepter la production de faits ou d’éléments de preuve nouveaux, cette partie de la question serait donc hypothétique et, dans cette mesure, irrecevable (voir notamment, par analogie, arrêt du 29 janvier 2013, Radu, C-396/11, non encore publié au Recueil, point 24).

25      En vue de répondre à la partie recevable de la question, il convient de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, selon lequel les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, constitue une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (voir, notamment, arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C-618/10, non encore publié au Recueil, point 40, et du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C-472/11, non encore publié au Recueil, point 20).

26      Afin d’assurer la protection recherchée par la directive 93/13, la Cour a déjà souligné à plusieurs reprises que la situation d’inégalité existant entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat (voir, notamment, arrêts précités Banco Español de Crédito, point 41, et Banif Plus Bank, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

27      C’est en raison de cette considération que la Cour a jugé que le juge national est tenu, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel (voir, notamment, arrêts précités Banco Español de Crédito, points 42 à 44, et Banif Plus Bank, points 22 à 24).

28      Par conséquent, le rôle qui est attribué par le droit de l’Union au juge national dans le domaine considéré ne se limite pas à la simple faculté de se prononcer sur la nature éventuellement abusive d’une clause contractuelle, mais comporte également l’obligation d’examiner d’office cette question, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (voir, notamment, arrêts précités Banco Español de Crédito, point 43, et Banif Plus Bank, point 23).

29      S’agissant de la mise en œuvre de ces obligations par un juge national statuant en appel, il convient de rappeler que, en l’absence de réglementation par le droit de l’Union, les modalités des procédures d’appel destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers. Cependant, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts précités Banco Español de Crédito, point 46, et Banif Plus Bank, point 26).

30      En ce qui concerne le principe d’équivalence, il convient de relever qu’il découle dudit principe que, dès lors que le juge national statuant en appel dispose de la faculté ou a l’obligation d’apprécier d’office la validité d’un acte juridique au regard des règles nationales d’ordre public, alors même que cette contrariété n’a pas été soulevée en première instance, il doit également exercer une telle compétence aux fins d’apprécier d’office, au regard des critères de la directive 93/13, le caractère abusif d’une clause contractuelle entrant dans le champ d’application de cette dernière. Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi établirait que, dans les situations de nature interne, elle dispose de cette compétence, elle serait tenue d’exercer cette compétence dans une situation telle que celle au principal, qui met en cause la sauvegarde des droits que le consommateur tire du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C-40/08, Rec. p. I-9579, points 53 et 54, ainsi que du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C-488/11, non encore publié au Recueil, points 45 et 46).

31      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, sur la base du dossier qui lui a été soumis, la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité avec ledit principe de la réglementation en cause dans l’affaire au principal.

32      En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales (voir arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 49 et jurisprudence citée). Le juge national est tenu d’interpréter et d’appliquer l’ensemble des dispositions nationales en cause dans toute la mesure possible afin d’assurer la mise en œuvre effective des droits garantis par les dispositions du droit de l’Union.

33      En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que, selon le point 4, sous b), de l’avis 2/2010/VI.28./PK de la chambre mixte civile de la Legfelsobb Bíróság, du 28 juin 2010, le juge d’appel doit prendre en compte d’office un cas de nullité si l’existence de la cause de celle-ci ressort clairement des éléments de la procédure de première instance.

34      Cet avis précise également, à son point 5, sous a), que, si les faits exposés par la partie requérante donnent à la requête un autre fondement juridique que celui invoqué par ladite partie, la juridiction saisie peut procéder à la requalification adéquate, en droit, du fondement de la demande qui lui est soumise.

35      Comme l’a fait valoir le gouvernement hongrois dans les observations qu’il a présentées à la Cour, il peut être déduit de cet avis que, dans le système juridictionnel hongrois, le juge statuant en appel est compétent, dès qu’il dispose des éléments de fait et de droit nécessaires à cet effet, pour apprécier, d’office ou en requalifiant le fondement juridique de la demande, l’existence d’une cause de nullité d’une clause contractuelle ressortant de ces éléments, alors même que la partie au litige qui aurait pu s’en prévaloir n’a pas invoqué cette cause de nullité.

36      Ainsi qu’il a été rappelé au point 30 du présent arrêt, dès lors que le juge national statuant en appel dispose de cette compétence dans les situations de nature interne, il doit l’exercer dans une situation telle que celle en cause dans le litige au principal, qui met en cause la sauvegarde des droits que le consommateur tire de la directive 93/13.

37      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les règles nationales de procédure applicables dans le litige au principal n’apparaissent pas, en elles-mêmes, de nature à rendre impossible ou excessivement difficile la sauvegarde des droits que la directive 93/13 confère au consommateur.

38      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que, dès lors qu’une juridiction nationale, saisie en appel d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sur la base d’un formulaire prérédigé par ledit professionnel, a le pouvoir, selon ses règles de procédure internes, d’examiner toute cause de nullité ressortant clairement des éléments présentés en première instance et, le cas échéant, de requalifier, en fonction des faits établis, le fondement juridique invoqué pour établir l’invalidité de ces clauses, elle doit apprécier, d’office ou en requalifiant le fondement juridique de la demande, le caractère abusif desdites clauses au regard des critères de cette directive.

Sur la première question

39      Par cette question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 7 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le juge national qui a constaté le caractère abusif d’une clause contractuelle peut examiner d’office s’il y a lieu d’annuler le contrat pour ce motif, alors que les parties n’ont pas présenté de demande à cet égard.

40      En ce qui concerne les actions impliquant un consommateur individuel, l’article 6, paragraphe 1, premier membre de phrase, de la directive 93/13 oblige les États membres à prévoir que les clauses abusives «ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux».

41      La Cour a interprété cette disposition en ce sens que le juge national doit tirer toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celle-ci (voir, notamment, arrêts précités Banco Español de Crédito, point 63, et Banif Plus Bank, point 27). À cet égard, la Cour a précisé que, lorsque le juge national considère une clause contractuelle comme abusive, il est tenu de ne pas l’appliquer, sauf si le consommateur, après avoir été avisé par ledit juge, s’y oppose (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, Rec. p. I-4713, point 35).

42      Il découle de cette jurisprudence que la pleine efficacité de la protection prévue par la directive 93/13 requiert que le juge national qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause puisse tirer toutes les conséquences de cette constatation, sans attendre que le consommateur, informé de ses droits, présente une déclaration demandant que ladite clause soit annulée (voir, en ce sens, arrêts précités Banif Plus Bank, point 28, ainsi que Asbeek Brusse et de Man Garabito, point 50).

43      Ainsi que la Cour a déjà jugé, une législation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal, prévoyant que les clauses déclarées abusives sont nulles, satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2012, Invitel, C-472/10, non encore publié au Recueil, points 39 et 40).

44      Le juge national doit en outre apprécier l’incidence de la constatation du caractère abusif de la clause en cause sur la validité du contrat concerné et déterminer si ledit contrat peut subsister sans cette clause (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovost’, C-76/10, Rec. p. I-11557, point 61).

45      À cet égard, l’article 6, paragraphe 1, in fine, de la directive 93/13 indique que «le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives» (arrêt du 15 mars 2012, Perenicová et Perenic, C-453/10, non encore publié au Recueil, point 29).

46      Ainsi que la Cour l’a relevé, l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 93/13 consiste en effet non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives, mais à rétablir l’équilibre entre les parties, tout en maintenant, en principe, la validité de l’ensemble d’un contrat (voir, en ce sens, arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 31).

47      S’agissant des critères qui permettent d’apprécier si un contrat peut effectivement subsister sans les clauses abusives, la Cour a jugé que tant le libellé de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 que les exigences relatives à la sécurité juridique des activités économiques militent en faveur d’une approche objective lors de l’interprétation de cette disposition (arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 32). Toutefois, cette directive n’ayant procédé qu’à une harmonisation partielle et minimale des législations nationales relatives aux clauses abusives, elle ne s’oppose pas à la possibilité, dans le respect du droit de l’Union, de déclarer nul dans son ensemble un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur contenant une ou plusieurs clauses abusives lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur (voir, en ce sens, arrêt Perenicová et Perenic, précité, point 35).

48      Il y a donc lieu de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le juge national qui constate le caractère abusif d’une clause contractuelle est tenu, d’une part, sans attendre que le consommateur présente une demande à cet effet, de tirer toutes les conséquences qui découlent, selon le droit national, de cette constatation afin de s’assurer que ce consommateur ne soit pas lié par cette clause et, d’autre part, d’apprécier, en principe sur la base de critères objectifs, si le contrat concerné peut subsister sans ladite clause.

Sur la deuxième question

49      Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’une juridiction nationale qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle peut examiner s’il y a lieu d’annuler le contrat pour ce motif, alors que, selon les règles de procédure internes, les recours visant à établir l’invalidité de clauses contractuelles abusives relèvent de la compétence d’un autre organe juridictionnel.

50      À cet égard, il convient de relever qu’il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de désigner la juridiction compétente pour trancher les litiges qui mettent en cause des droits individuels dérivés de l’ordre juridique de l’Union, étant entendu cependant que les États membres portent la responsabilité d’assurer, dans chaque cas, une protection effective à ces droits. Sous cette réserve, il n’appartient pas à la Cour d’intervenir dans la solution des problèmes de compétence que peut soulever, au plan de l’organisation judiciaire nationale, la qualification de certaines situations juridiques fondées sur le droit de l’Union (voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1997, Dorsch Consult, C-54/96, Rec. p. I-4961, point 40, et du 22 mai 2003, Connect Austria, C-462/99, Rec. p. I-5197, point 35).

51      Toutefois, comme il a été rappelé aux points 43 et 44 du présent arrêt, la Cour a interprété l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 en ce sens que le juge national doit tirer toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celle-ci.

52      Dans ces conditions, il découle des exigences d’une interprétation du droit national conforme à la directive 93/13 et d’une protection effective des droits des consommateurs qu’il appartient à la juridiction nationale de faire, dans la mesure du possible, application de ses règles de procédure internes de manière à atteindre le résultat fixé par l’article 6, paragraphe 1, de cette directive.

53      Il convient donc de répondre à la deuxième question que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que la juridiction nationale qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle doit, dans la mesure du possible, faire application de ses règles de procédure internes de manière à ce que soient tirées toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur ne soit pas lié par celle-ci.

Sur les dépens

54      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que, dès lors qu’une juridiction nationale, saisie en appel d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sur la base d’un formulaire prérédigé par ledit professionnel, a le pouvoir, selon ses règles de procédure internes, d’examiner toute cause de nullité ressortant clairement des éléments présentés en première instance et, le cas échéant, de requalifier, en fonction des faits établis, le fondement juridique invoqué pour établir l’invalidité de ces clauses, elle doit apprécier, d’office ou en requalifiant le fondement juridique de la demande, le caractère abusif desdites clauses au regard des critères de cette directive.

2)      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le juge national qui constate le caractère abusif d’une clause contractuelle est tenu, d’une part, sans attendre que le consommateur présente une demande à cet effet, de tirer toutes les conséquences qui découlent, selon le droit national, de cette constatation afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par cette clause et, d’autre part, d’apprécier, en principe sur la base de critères objectifs, si le contrat concerné peut subsister sans ladite clause.

3)      La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que la juridiction nationale qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle doit, dans la mesure du possible, faire application de ses règles de procédure internes de manière à ce que soient tirées toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur ne soit pas lié par celle-ci.

Consulter l’arrêt de la Cour

Numéro : cjue130530.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, pouvoirs de la juridiction d’appel, portée.

Résumé : La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que, dès lors qu’une juridiction nationale, saisie en appel d’un litige portant sur la validité de clauses incluses dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sur la base d’un formulaire prérédigé par ledit professionnel, a le pouvoir, selon ses règles de procédure internes, d’examiner toute cause de nullité ressortant clairement des éléments présentés en première instance et, le cas échéant, de requalifier, en fonction des faits établis, le fondement juridique invoqué pour établir l’invalidité de ces clauses, elle doit apprécier, d’office ou en requalifiant le fondement juridique de la demande, le caractère abusif desdites clauses au regard des critères de cette directive.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, obligation pour le juge national de tirer toutes les conséquences qui découlent du constat du caractère abusif d’une clause, notamment sur la subsistance du contrat, portée.

Résumé : L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que le juge national qui constate le caractère abusif d’une clause contractuelle est tenu, d’une part, sans attendre que le consommateur présente une demande à cet effet, de tirer toutes les conséquences qui découlent, selon le droit national, de cette constatation afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par cette clause et, d’autre part, d’apprécier, en principe sur la base de critères objectifs, si le contrat concerné peut subsister sans ladite clause.

ANALYSE 3

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, obligation pour le juge national de tirer toutes les conséquences qui découlent du constat du caractère abusif d’une clause, portée.

Résumé : La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que la juridiction nationale qui a constaté d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle doit, dans la mesure du possible, faire application de ses règles de procédure internes de manière à ce que soient tirées toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif de la clause en cause afin de s’assurer que le consommateur ne soit pas lié par celle-ci.

 

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

Dans l’affaire C-92/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 9 février 2011, parvenue à la Cour le 28 février 2011, dans la procédure

R…

contre

V…,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, M. Ilešic, M. Safjan (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour R… Vertrieb AG, par Mes P. Rosin, J. Schütze et A. von Graevenitz, Rechtsanwälte,

–        pour la V…, par Me P. Wassermann, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par MM. T. Materne et J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes M. Owsiany-Hornung et S. Grünheid, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 septembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 1er, paragraphe 2, des articles 3 et 5 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), ainsi que des points 1, sous j), et 2, sous b), deuxième alinéa, de l’annexe de celle-ci et, d’autre part, de l’article 3, paragraphe 3, et de l’annexe A, sous b) et c), de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE (JO L 176, p. 57).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant R… à la V… au sujet de l’utilisation, par R…, de clauses prétendument abusives dans des contrats conclus avec des consommateurs.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 93/13

3        Le treizième considérant de la directive 93/13 énonce:

«[…] les dispositions législatives ou réglementaires des États membres qui fixent, directement ou indirectement, les clauses de contrats avec les consommateurs sont censées ne pas contenir de clauses abusives; […] par conséquent, il ne s’avère pas nécessaire de soumettre aux dispositions de la présente directive les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des principes ou des dispositions de conventions internationales dont les États membres ou la Communauté sont partis; […] à cet égard, l’expression ‘dispositions législatives ou réglementaires impératives’ figurant à l’article 1er paragraphe 2 [de cette directive] couvre également les règles qui, selon la loi, s’appliquent entre les parties contractantes lorsqu’aucun autre arrangement n’a été convenu».

4        Le vingtième considérant de cette directive prévoit:

«[…] le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et […], en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur».

5        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13:

«Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont partis, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive.»

6        L’article 3 de cette directive prévoit:

«1.      Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2.      Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3.      L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

7        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive:

«[…] le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

8        L’article 5 de la même directive dispose:

«Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. […]»

9        L’annexe de la directive 93/13 énumère les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de cette dernière:

«1.      Clauses ayant pour objet ou pour effet:

[…]

i)      [de] constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat;

j)      d’autoriser le professionnel à modifier unilatéralement les termes du contrat sans raison valable et spécifiée dans le contrat;

[…]

l)      de prévoir que le prix des biens est déterminé au moment de la livraison, ou d’accorder au vendeur de biens ou au fournisseur de services le droit d’augmenter leurs prix, sans que, dans les deux cas, le consommateur n’ait de droit correspondant lui permettant de rompre le contrat au cas où le prix final est trop élevé par rapport au prix convenu lors de la conclusion du contrat;

[…]

2.      Portée des points […] j) et l)

[…]

b)      […]

Le point j) ne fait pas non plus obstacle à des clauses selon lesquelles le professionnel se réserve le droit de modifier unilatéralement les conditions d’un contrat de durée indéterminée pourvu que soit mis à sa charge le devoir d’en informer le consommateur avec un préavis raisonnable et que celui-ci soit libre de résilier le contrat.

[…]

d)      Le point l) ne fait pas obstacle aux clauses d’indexation de prix pour autant qu’elles soient licites et que le mode de variation du prix y soit explicitement décrit.»

La directive 2003/55

10      L’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55 est rédigé dans les termes suivants:

«Les États membres prennent les mesures appropriées pour protéger les clients finals et assurer un niveau élevé de protection des consommateurs, et veillent en particulier à garantir une protection adéquate aux clients vulnérables, y compris en prenant les mesures appropriées pour leur permettre d’éviter l’interruption de la fourniture de gaz. Dans ce contexte, ils peuvent prendre les mesures appropriées pour protéger les clients raccordés au réseau de gaz dans les régions reculées. Les États membres peuvent désigner un fournisseur du dernier recours pour les clients raccordés au réseau de gaz. Ils garantissent un niveau de protection élevé des consommateurs, notamment en ce qui concerne la transparence des conditions contractuelles, l’information générale et les mécanismes de règlement des litiges. Les États membres veillent à ce que le client éligible puisse effectivement changer de fournisseur. En ce qui concerne au moins les clients résidentiels, ces mesures incluent celles figurant dans l’annexe A.»

11      L’annexe A de la directive 2003/55 qui concerne les mesures relatives à la protection des consommateurs est libellée ainsi:

«Sans préjudice de la réglementation communautaire sur la protection des consommateurs, notamment la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil[, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO L 144, p. 19),] et la directive 93/13 […], les mesures visées à l’article 3 ont pour objet de garantir que les clients:

a)      […]

Les conditions des contrats doivent être équitables et communiquées à l’avance. En tout état de cause, ces informations doivent être fournies avant la conclusion ou la confirmation du contrat. Lorsque le contrat est conclu par le truchement d’un intermédiaire, les informations mentionnées ci-dessus sont également communiquées avant que le contrat soit conclu;

b)      sont avertis en temps utile de toute intention de modifier les conditions contractuelles et sont informés de leur droit de dénoncer le contrat au moment où ils sont avisés de l’intention de le modifier. Les prestataires de services avisent immédiatement leurs abonnés de toute augmentation des tarifs, en temps utile et en tout cas avant la fin de la période de facturation normale suivant l’entrée en vigueur de l’augmentation. Les États membres veillent à ce que les clients soient libres de dénoncer un contrat s’ils n’acceptent pas les nouvelles conditions qui leur sont notifiées par leur fournisseur de gaz;

c)      reçoivent des informations transparentes relatives aux prix et aux tarifs pratiqués, ainsi qu’aux conditions générales applicables, en ce qui concerne l’accès aux services de gaz et l’utilisation de ces services;

d)      […] Les conditions générales doivent être équitables et transparentes. Elles sont énoncées dans un langage clair et compréhensible. Les clients sont protégés des méthodes de vente déloyales ou trompeuses;

[…]»

Le droit allemand

12      Conformément à l’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement portant sur les conditions générales de fourniture de gaz aux clients relevant du tarif standard (Verordnung über Allgemeine Bedingungen für die Gasversorgung von Tarifkunden, ci-après l’«AVBGasV») applicable au cours de la période visée par le litige au principal:

«(1)      Les conditions générales auxquelles les entreprises gazières sont tenues […] de raccorder toute personne à leur réseau de distribution et de fournir à des prix tarifaires généraux sont fixées aux articles 2 à 34 du présent règlement. Ces conditions font partie du contrat de fourniture.

(2)      Le client au sens du présent règlement est le client relevant du tarif standard.»

13      L’article 4, paragraphes 1 et 2, de l’AVBGasV énonce:

«(1)      L’entreprise gazière fournit du gaz aux conditions et tarifs généraux respectivement applicables. Le pouvoir calorifique avec la marge de fluctuation découlant des conditions de production et d’achat de l’entreprise ainsi que la pression statique du gaz correspondant à l’approvisionnement du client sont déterminés selon les tarifs généraux.

(2)      Les modifications apportées aux tarifs généraux et conditions générales ne prennent effet qu’après leur publication officielle.

[…]»

14      L’article 32, paragraphes 1 et 2, de l’AVBGasV prévoit:

«(1)      Le contrat court sans interruption jusqu’à sa résiliation par l’une des deux parties avec un préavis d’un mois à la fin d’un mois calendaire […]

(2)      En cas de modification des tarifs généraux ou de modification des conditions générales par l’entreprise gazière dans le cadre du présent règlement, le client peut résilier le contrat avec un préavis de deux semaines à la fin du mois calendaire suivant la publication officielle.

[…]»

15      L’article 307 du code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch, ci-après le «BGB») dispose:

«(1)      Les dispositions figurant dans des conditions générales de vente sont inapplicables lorsqu’elles désavantagent de façon indue et contraire aux principes de la bonne foi le cocontractant de la personne qui les utilise. Un désavantage indu peut également résulter du fait que la disposition en question n’est pas claire et compréhensible.

(2)      En cas de doute, il convient d’admettre qu’un désavantage indu existe lorsqu’une disposition

1.      n’est pas compatible avec les idées fondamentales de la réglementation légale dont elle s’écarte, ou

2.      limite des droits ou obligations essentiels résultant de la nature du contrat de telle sorte que la réalisation de l’objectif contractuel est menacée.

(3)      Les paragraphes 1 et 2 ainsi que les articles 308 et 309 ne s’appliquent qu’aux dispositions de conditions générales de vente qui ont pour objet de déroger à des dispositions légales ou de les compléter. D’autres dispositions peuvent être inapplicables au titre des dispositions combinées des première et seconde phrases du paragraphe 1.»

16      Aux termes de l’article 310, paragraphe 2, du BGB:

«Les articles 308 et 309 ne trouvent pas à s’appliquer aux contrats des entreprises d’approvisionnement en énergie électrique, en gaz, en eau et en chauffage urbain régissant la fourniture de clients à contrat spécial à partir du réseau, dans la mesure où les conditions de fourniture ne s’écartent pas au détriment de ces derniers de celles des règlements sur les conditions générales d’approvisionnement des clients relevant du tarif standard en énergie électrique, gaz, chauffage urbain et eau. La première phrase s’applique mutatis mutandis aux contrats relatifs à l’assainissement des eaux usées.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      R…, une entreprise d’approvisionnement de gaz, a conclu avec des consommateurs, dans le cadre du régime de la liberté contractuelle, des contrats de livraison de gaz naturel (contrats spéciaux). Outre la possibilité de conclure de tels contrats, R… et les autres fournisseurs de gaz ont l’obligation, conformément à la réglementation nationale, de contracter avec des consommateurs en appliquant un tarif standard (contrats tarifaires).

18      Les clauses des conditions générales (ci-après les «CG») intégrées dans les contrats spéciaux en cause dans la présente affaire, relatives à la modification des prix du gaz, faisaient référence aux dispositions de la réglementation nationale ou aux conditions standardisées dont le texte correspondait à cette réglementation, cette dernière n’étant pas applicable auxdits contrats et régissant uniquement les contrats tarifaires. Ladite réglementation permettait au fournisseur de faire varier unilatéralement les prix du gaz sans indiquer le motif, les conditions ou l’ampleur d’une telle modification, tout en garantissant, cependant, que les clients seraient informés de ladite modification et qu’ils seraient libres, le cas échéant, de dénoncer le contrat.

19      Au cours de la période allant du 1er janvier 2003 au 1er octobre 2005, R… a augmenté les prix du gaz à quatre reprises. Pendant cette période, les clients en cause dans l’affaire au principal n’ont pas eu la possibilité de changer de fournisseur de gaz.

20      La Verbraucherzentrale Nordrhein-Westfalen eV réclame à R…, pour le compte desdits consommateurs, le remboursement des suppléments que ces derniers lui ont versés à l’occasion de l’augmentation du prix.

21      Le Landgericht Dortmund a fait droit à la demande de remboursement pour un montant de 16 128,63 euros augmenté des intérêts. R… n’a pas obtenu gain de cause en appel devant l’Oberlandesgericht.

22      R… a introduit une demande en «Revision» de l’arrêt rendu par l’Oberlandesgericht. Le Bundesgerichtshof a estimé que la solution du litige au principal dépendait de l’interprétation des dispositions pertinentes du droit de l’Union.

23      Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Convient-il d’interpréter l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 […] en ce sens que les clauses contractuelles de modification des prix contenues dans les contrats de livraison de gaz passés avec des consommateurs qui sont livrés en dehors de l’obligation générale d’approvisionnement, dans le cadre de la liberté contractuelle de droit commun (clients à contrat spécial), ne sont pas soumises aux dispositions de cette directive dès lors que les règles légales en vigueur, applicables aux clients relevant du tarif standard dans le cadre de l’obligation générale de connexion et d’approvisionnement, sont reprises telles quelles dans les relations contractuelles avec les clients à contrat spécial?

2)      Convient-il d’interpréter – pour autant qu’elles soient applicables – les dispositions combinées des articles 3 et 5 et des points 1, [sous] j), et 2, [sous] b), deuxième [alinéa], de l’annexe de […] la directive 93/13 […], ainsi que les dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 3, et de l’annexe A, [sous] b) et/ou […] c), de la directive 2003/55 […] en ce sens que les clauses contractuelles de modification des prix contenues dans les contrats de livraison de gaz naturel passés avec des clients à contrat spécial sont conformes aux exigences d’une rédaction claire et compréhensible, et/ou du degré de transparence nécessaire lorsque, sans indiquer le motif, les conditions et l’ampleur d’une modification de prix, elles garantissent cependant que l’entreprise d’approvisionnement en gaz notifiera à ses clients toute augmentation de prix avec un préavis raisonnable et que les clients seront libres de résilier le contrat s’ils ne souhaitent pas accepter les conditions modifiées qui leur auront été notifiées?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

24      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que cette directive ne s’applique pas aux clauses des CG intégrées dans des contrats, conclus entre un professionnel et un consommateur, qui reprennent une règle du droit national applicable à une autre catégorie de contrat et qui ne sont pas soumis à la réglementation nationale en cause.

25      À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ne sont pas soumises aux dispositions de celle-ci.

26      En effet, ainsi qu’il ressort du treizième considérant de la directive 93/13, l’exclusion prévue à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 s’étend aux clauses reflétant les dispositions du droit national s’appliquant entre les parties contractantes indépendamment de leur choix ou celles desdites dispositions qui sont applicables par défaut, c’est-à-dire en l’absence d’un arrangement différent par les parties à cet égard.

27      Par ailleurs, sont exclues du champ d’application de cette directive les clauses contractuelles reflétant les dispositions de la réglementation nationale régissant une certaine catégorie de contrat, non pas seulement dans des cas ou le contrat conclu par les parties relève de cette catégorie de contrat, mais également en ce qui concerne d’autres contrats auxquels ladite réglementation s’applique conformément à une disposition du droit national.

28      Ainsi que le fait valoir Mme l’avocat général au point 47 de ses conclusions, cette exclusion de l’application du régime de la directive 93/13 est justifiée par le fait que, dans les cas visés aux points 26 et 27 du présent arrêt, il est légitime de présumer que le législateur national a établi un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties à certains contrats.

29      Ce raisonnement n’est pas, toutefois, applicable aux clauses d’un contrat différent de ceux visés au point 27 du présent arrêt. Dans une telle situation, le législateur national a en effet décidé d’exclure ledit contrat du champ d’application du régime réglementaire prévu pour d’autres catégories de contrats. Une volonté éventuelle des parties d’étendre l’application de ce régime à un contrat différent ne saurait être assimilée à l’établissement, par le législateur national, d’un équilibre entre l’ensemble des droits et des obligations des parties au contrat.

30      Par ailleurs, permettre d’exclure l’application de la directive 93/13 aux clauses contractuelles du seul fait que celles-ci reprennent des dispositions législatives ou réglementaires nationales qui ne sont pas applicables au contrat conclu par les parties, ou se réfèrent à de telles dispositions, mettrait en cause le régime de la protection des consommateurs instauré par cette directive.

31      En effet, dans ces conditions, un professionnel pourrait facilement échapper au contrôle du caractère abusif des clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle avec un consommateur en rédigeant les clauses de ses contrats de la même façon que celles prévues par la réglementation nationale pour certaines catégories de contrats. Or, l’ensemble des droits et des obligations créés par le contrat ainsi rédigé ne correspondrait pas nécessairement à l’équilibre que le législateur national a voulu établir pour les contrats régis par sa réglementation dans la matière.

32      En l’occurrence, ainsi qu’il ressort du dossier national, la possibilité, pour un fournisseur, de faire varier unilatéralement les prix du gaz sans indiquer le motif, les conditions ou l’ampleur d’une modification dudit prix était prévue par la réglementation nationale, à savoir l’AVBGasV, qui n’était pas applicable aux contrats spéciaux de livraison de gaz naturel conclus par R… avec des consommateurs dans le cadre du régime de la liberté contractuelle.

33      Le législateur allemand a donc choisi d’exclure les contrats spéciaux du champ d’application de l’AVBGasV.

34      Par ailleurs, cette constatation n’est pas remise en cause par le fait que l’interdiction des clauses spécifiques visées aux articles 308 et 309 du BGB n’est pas applicable, en vertu de l’article 310, paragraphe 2, de ce code, aux contrats des entreprises d’approvisionnement en gaz régissant la fourniture de clients à contrat spécial, dans la mesure où les conditions de fourniture ne s’écartent pas au détriment de ces derniers de celles des règlements sur les conditions générales d’approvisionnement des clients relevant du tarif standard.

35      En effet, lesdits contrats spéciaux sont soumis à l’article 307 du BGB, en vertu duquel les dispositions figurant dans des CG sont inapplicables lorsqu’elles désavantagent de façon indue et contraire aux principes de la bonne foi le cocontractant de la personne qui les utilise, un tel désavantage pouvant également résulter du fait que la disposition en question n’est pas claire et compréhensible.

36      Or, l’article 307 du BGB correspond à l’article 3 de la directive 93/13, qui est un élément fondamental du régime de la protection des consommateurs instauré par cette directive.

37      Il ressort de ces considérations que, comme l’a relevé en substance Mme l’avocat général au point 56 de ses conclusions, le législateur allemand a délibérément décidé de ne pas appliquer aux contrats spéciaux le régime établi par la réglementation nationale déterminant le contenu des clauses des contrats de la fourniture du gaz.

38      Dans ces conditions, n’est pas exclue, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13, l’application de cette dernière à l’égard de clauses telles que celles des contrats spéciaux en cause dans l’affaire au principal.

39      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que cette directive s’applique aux clauses des CG intégrées dans des contrats, conclus entre un professionnel et un consommateur, qui reprennent une règle du droit national applicable à une autre catégorie de contrat et qui ne sont pas soumis à la réglementation nationale en cause.

Sur la seconde question

40      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 et 5 de la directive 93/13, lus en combinaison avec les points 1, sous j), et 2, sous b), deuxième alinéa, de l’annexe de cette directive, ainsi que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55, lu en combinaison avec l’annexe A, sous b) et/ou c), de cette dernière directive, doivent être interprétés en ce sens qu’une clause contractuelle standardisée, par laquelle l’entreprise d’approvisionnement se réserve le droit de modifier unilatéralement le prix de la fourniture du gaz, mais qui n’indique pas le motif, les conditions ou l’ampleur d’une telle modification, est conforme aux exigences posées par lesdites dispositions lorsqu’il est garanti que les consommateurs seront informés de la modification du prix avec un préavis raisonnable et que ces derniers disposeront alors du droit de résilier le contrat s’ils ne souhaitent pas accepter ces modifications.

41      Afin de répondre à cette question, il convient, tout d’abord, de rappeler que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêts du 15 mars 2012, Perenicová et Perenic, C-453/10, non encore publié au Recueil, point 27, ainsi que du 26 avril 2012, Invitel, C-472/10, non encore publié au Recueil, point 33).

42      Eu égard à une telle situation d’infériorité, la directive 93/13 énonce, d’une part, à son article 3, paragraphe 1, l’interdiction de clauses standardisées qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

43      D’autre part, la directive 93/13 impose à son article 5 aux professionnels l’obligation de formuler les clauses d’une façon claire et compréhensible. Le vingtième considérant de la directive 93/13 précise à cet égard que le consommateur doit avoir effectivement l’opportunité de prendre connaissance de toutes les clauses du contrat.

44      En effet, l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier par les conditions rédigées préalablement par le professionnel.

45      Le législateur de l’Union a, par ailleurs, accordé une importance particulière à cette information du consommateur également dans le cadre de la directive 2003/55 et donc spécifiquement par rapport aux contrats portant sur la fourniture de gaz. Ainsi, cette dernière directive oblige, en vertu de son article 3, paragraphe 3, les États membres à garantir un niveau de protection élevé des consommateurs en ce qui concerne la transparence des conditions contractuelles. À cet égard, il ressort de l’annexe A, sous a), c) et d), de la directive 2003/55 que lesdits États sont notamment tenus d’adopter des mesures qui assurent que ces conditions soient équitables et transparentes, qu’elles soient énoncées dans un langage clair et compréhensible, qu’elles soient communiquées aux consommateurs avant la conclusion du contrat et que ces derniers reçoivent des informations transparentes relatives aux prix et aux tarifs pratiqués, ainsi qu’aux CG applicables. Cette annexe précise, en outre, que les mesures qui y sont visées s’appliquent sans préjudice de la directive 93/13.

46      S’agissant d’une clause standardisée, comme celle en cause au principal, qui permet à l’entreprise d’approvisionnement de modifier unilatéralement les frais de la fourniture du gaz, il convient de relever qu’il découle tant du point 2, sous b), deuxième alinéa, et d), de l’annexe de la directive 93/13 que de l’annexe A, sous b), de la directive 2003/55 que le législateur a reconnu, dans le cadre de contrats de durée indéterminée comme des contrats de fourniture de gaz, l’existence d’un intérêt légitime de l’entreprise d’approvisionnement de pouvoir modifier les frais de son service.

47      Une clause standardisée permettant une telle adaptation unilatérale doit toutefois satisfaire aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par lesdites directives.

48      À cet égard, il importe de rappeler qu’il appartient, en définitive, non pas à la Cour, mais au juge national de déterminer, dans chaque cas concret, s’il en est ainsi. En effet, la compétence de la Cour porte sur l’interprétation des dispositions de ces directives, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard de celles-ci, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte desdits critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce (voir arrêts du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C-137/08, Rec. p. I-10847, point 44, et Invitel, précité, point 22).

49      S’agissant de l’appréciation à porter sur une clause permettant au professionnel de modifier unilatéralement les frais du service à fournir, la Cour a déjà indiqué qu’il résulte des articles 3 et 5 ainsi que des points 1, sous j) et l), et 2, sous b) et d), de l’annexe de la directive 93/13 que revêt une importance essentielle à cette fin le point de savoir, d’une part, si le contrat expose de manière transparente le motif et le mode de variation des frais liés au service à fournir, de sorte que le consommateur puisse prévoir, sur la base de critères clairs et compréhensibles, les modifications éventuelles de ces frais et, d’autre part, si les consommateurs disposent du droit de mettre fin au contrat pour le cas où ces frais seraient effectivement modifiés (voir, en ce sens, arrêt Invitel, précité, points 24, 26 et 28).

50      En ce qui concerne, en premier lieu, l’information due au consommateur, il apparaît que ne satisfait pas à cette obligation de porter à la connaissance du consommateur le motif et le mode de variation desdits frais ainsi que son droit de résilier le contrat un simple renvoi, opéré dans des CG, à un texte législatif ou réglementaire stipulant les droits et les obligations des parties. Il est en effet essentiel que le consommateur soit informé par le professionnel du contenu des dispositions en cause (voir, en ce sens, arrêt Invitel, précité, point 29).

51      Si le niveau de l’information requise peut varier en fonction des circonstances propres au cas et des produits ou des services concernés, l’absence d’information à ce sujet avant la conclusion du contrat ne saurait, en principe, être compensée par le seul fait que les consommateurs seront, en cours d’exécution du contrat, informés de la modification des frais avec un préavis raisonnable et de leur droit de résilier le contrat s’ils ne souhaitent pas accepter cette modification.

52      En effet, si, au regard du point 2, sous b), de l’annexe de la directive 93/13 et de l’annexe A, sous b), de la directive 2003/55, il incombe à l’entreprise d’approvisionnement d’avertir les consommateurs avec un préavis raisonnable de toute augmentation des tarifs et de leur droit de résilier le contrat, cette obligation, qui est prévue pour l’hypothèse où ladite entreprise souhaiterait effectivement exercer le droit qu’elle s’est réservé de modifier les tarifs, s’ajoute à celle d’informer le consommateur, avant la conclusion du contrat et en termes clairs et compréhensibles, des principales conditions d’exercice d’un tel droit de modification unilatérale.

53      Ces exigences strictes quant à l’information due au consommateur, tant au stade de la conclusion d’un contrat d’approvisionnement qu’en cours d’exécution de celui-ci, en ce qui concerne le droit du professionnel d’en modifier unilatéralement les conditions, répondent à une mise en balance des intérêts des deux parties. À l’intérêt légitime du professionnel de se prémunir contre un changement de circonstances correspond l’intérêt tout aussi légitime du consommateur, d’une part, de connaître, et donc de pouvoir prévoir, les conséquences qu’un tel changement pourrait, à l’avenir, entraîner à son égard et, d’autre part, de disposer dans une telle hypothèse des données lui permettant de réagir de la manière la plus appropriée à sa nouvelle situation.

54      En ce qui concerne, en second lieu, le droit du consommateur de résilier le contrat d’approvisionnement qu’il a conclu dans le cas d’une modification unilatérale des tarifs pratiqués par le professionnel, il revêt une importance essentielle, comme l’a relevé en substance Mmel’avocat général au point 85 de ses conclusions, que la faculté de résiliation conférée au consommateur ne soit pas de pure forme mais puisse être réellement exercée. Tel ne serait pas le cas lorsque, pour des raisons liées aux modalités de la mise en œuvre du droit de résiliation ou aux conditions du marché concerné, ledit consommateur ne dispose pas d’une réelle possibilité de changer de fournisseur ou lorsqu’il n’a pas été informé de manière convenable et en temps utile de la modification à intervenir, le privant ainsi de la possibilité d’en vérifier le mode de calcul et, le cas échéant, de changer de fournisseur. À cet égard, doivent être pris en compte, notamment, la question de savoir si le marché en cause est concurrentiel, le coût éventuel, pour le consommateur, lié à la résiliation du contrat, le délai entre la communication et l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs, les informations fournies au moment de cette communication, ainsi que le coût à supporter et le temps nécessaire pour changer de fournisseur.

55      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question:

–        Les articles 3 et 5 de la directive 93/13, lus en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55, doivent être interprétés en ce sens que, afin d’apprécier si une clause contractuelle standardisée, par laquelle une entreprise d’approvisionnement se réserve le droit de modifier les frais de la fourniture de gaz, répond ou non aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par ces dispositions, revêtent notamment une importance essentielle:

–        la question de savoir si le contrat expose de manière transparente le motif et le mode de variation desdits frais, de sorte que le consommateur puisse prévoir, sur la base de critères clairs et compréhensibles, les modifications éventuelles de ces frais. L’absence d’information à ce sujet avant la conclusion du contrat ne saurait, en principe, être compensée par le seul fait que les consommateurs seront, en cours d’exécution du contrat, informés de la modification des frais avec un préavis raisonnable et de leur droit de résilier le contrat s’ils ne souhaitent pas accepter cette modification et

–        la question de savoir si la faculté de résiliation conférée au consommateur peut, dans les conditions concrètes, être réellement exercée.

–        Il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer ladite appréciation en fonction de toutes les circonstances propres au cas d’espèce, y compris l’ensemble des clauses figurant dans les CG des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie.

Sur la limitation des effets dans le temps du présent arrêt

56      Dans l’hypothèse où l’arrêt à intervenir aurait pour conséquence qu’une clause telle que celle en cause dans l’affaire au principal ne satisferait pas aux exigences du droit de l’Union, le gouvernement allemand, dans ses observations écrites, a demandé à la Cour de limiter les effets de son arrêt dans le temps, de sorte que l’interprétation retenue dans cet arrêt ne s’applique pas aux modifications tarifaires survenues avant la date du prononcé dudit arrêt. R…, qui a également formulé une demande en ce sens dans ses observations écrites, estime que les effets de l’arrêt devraient être reportés de 20 mois afin de permettre aux entreprises concernées ainsi qu’au législateur national de s’adapter aux conséquences dudit arrêt.

57      À l’appui de leurs demandes, le gouvernement allemand et R… ont invoqué les conséquences financières graves qui pourraient être produites à l’égard d’un grand nombre de contrats de fourniture de gaz en Allemagne, entraînant un déficit considérable des entreprises concernées.

58      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’interprétation que la Cour donne d’une règle du droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il s’ensuit que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation, si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies (voir, notamment, arrêts du 2 février 1988, Blaizot e.a., 24/86, Rec. p. 379, point 27; du 10 janvier 2006, Skov et Bilka, C-402/03, Rec. p. I-199, point 50; du 18 janvier 2007, Brzezinski, C-313/05, Rec. p. I-513, point 55, ainsi que du 7 juillet 2011, Nisipeanu, C-263/10, point 32).

59      Ce n’est qu’à titre tout à fait exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour qu’une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves (voir, notamment, arrêts Skov et Bilka, précité, point 51; Brzezinski, précité, point 56; du 3 juin 2010, Kalinchev, C-2/09, Rec. p. I-4939, point 50, ainsi que du 19 juillet 2012, Redlihs, C-263/11, non encore publié au Recueil, point 59).

60      S’agissant du risque de troubles graves, il convient de constater, à titre liminaire, que, en l’occurrence, l’interprétation du droit de l’Union donnée par la Cour dans le présent arrêt porte sur la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen de la clause contractuelle litigieuse au regard des dispositions de la directive 93/13 en tenant compte des dispositions de la directive 2003/55. En effet, il appartient au juge national de se prononcer, en tenant compte desdits critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce (arrêts précités VB Pénzügyi Lízing, point 44, et Invitel, point 22).

61      Dans ces conditions, les conséquences financières, pour les entreprises de fourniture du gaz en Allemagne ayant conclu avec les consommateurs des contrats spéciaux de livraison de gaz naturel, ne sauraient être déterminées uniquement sur la base de l’interprétation du droit de l’Union donnée par la Cour dans le cadre de la présente affaire (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524/04, Rec. p. I-2107, point 131).

62      En conséquence, il y a lieu de constater que l’existence d’un risque de troubles graves, au sens de la jurisprudence citée au point 59 du présent arrêt, de nature à justifier une limitation des effets dans le temps du présent arrêt ne saurait être considérée comme établie.

63      Étant donné que le second critère visé au point 59 du présent arrêt n’est pas rempli, il n’est pas nécessaire de vérifier s’il est satisfait au critère relatif à la bonne foi des milieux intéressés.

64      Il résulte de ces considérations qu’il n’y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.

Sur les dépens

65      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que cette directive s’applique aux clauses des conditions générales intégrées dans des contrats, conclus entre un professionnel et un consommateur, qui reprennent une règle du droit national applicable à une autre catégorie de contrat et qui ne sont pas soumis à la réglementation nationale en cause.

2)      Les articles 3 et 5 de la directive 93/13, lus en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE, doivent être interprétés en ce sens que, afin d’apprécier si une clause contractuelle standardisée, par laquelle une entreprise d’approvisionnement se réserve le droit de modifier les frais de la fourniture de gaz, répond ou non aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par ces dispositions, revêtent notamment une importance essentielle :

  •  la question de savoir si le contrat expose de manière transparente le motif et le mode de variation desdits frais, de sorte que le consommateur puisse prévoir, sur la base de critères clairs et compréhensibles, les modifications éventuelles de ces frais. L’absence d’information à ce sujet avant la conclusion du contrat ne saurait, en principe, être compensée par le seul fait que les consommateurs seront, en cours d’exécution du contrat, informés de la modification des frais avec un préavis raisonnable et de leur droit de résilier le contrat s’ils ne souhaitent pas accepter cette modification et
  • la question de savoir si la faculté de résiliation conférée au consommateur peut, dans les conditions concrètes, être réellement exercée.

Il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer ladite appréciation en fonction de toutes les circonstances propres au cas d’espèce, y compris l’ensemble des clauses figurant dans les conditions générales des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie.

Consulter l’arrêt de la Cour

Numéro : cjue130321.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, application aux clauses qui reprennant une règle du droit national applicable à une autre catégorie de contrat ne sont pas soumis à la réglementation nationale en cause, portée.

Résumé : L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que cette directive s’applique aux clauses des conditions générales intégrées dans des contrats, conclus entre un professionnel et un consommateur, qui reprennent une règle du droit national applicable à une autre catégorie de contrat et qui ne sont pas soumis à la réglementation nationale en cause.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, critères d’appréciation d’une clause d’un contrat d’adhésion, clause par laquelle une entreprise d’approvisionnement se réserve le droit de modifier les frais de la fourniture de gaz

Résumé : Les articles 3 et 5 de la directive 93/13, lus en combinaison avec l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE, doivent être interprétés en ce sens que, afin d’apprécier si une clause contractuelle standardisée, par laquelle une entreprise d’approvisionnement se réserve le droit de modifier les frais de la fourniture de gaz, répond ou non aux exigences de bonne foi, d’équilibre et de transparence posées par ces dispositions, revêtent notamment une importance essentielle :

  •  la question de savoir si le contrat expose de manière transparente le motif et le mode de variation desdits frais, de sorte que le consommateur puisse prévoir, sur la base de critères clairs et compréhensibles, les modifications éventuelles de ces frais. L’absence d’information à ce sujet avant la conclusion du contrat ne saurait, en principe, être compensée par le seul fait que les consommateurs seront, en cours d’exécution du contrat, informés de la modification des frais avec un préavis raisonnable et de leur droit de résilier le contrat s’ils ne souhaitent pas accepter cette modification et
  • la question de savoir si la faculté de résiliation conférée au consommateur peut, dans les conditions concrètes, être réellement exercée.

ANALYSE 3

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, appréciation du caractère abusif d’une clause, circonstances propres au cas d’espèce, examen en considération des clauses figurant dans les conditions générales des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie.

Résumé : Il appartient à la juridiction saisie du liitge d’apprécier le caractère éventuellement abusif de la clause en fonction de toutes les circonstances propres au cas d’espèce, y compris l’ensemble des clauses figurant dans les conditions générales des contrats de consommation dont la clause litigieuse fait partie.

Dans l’affaire C-415/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona (Espagne), par décision du 19 juillet 2011, parvenue à la Cour le 8 août 2011, dans la procédure

A…

contre

Caixa d’E…

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet, M. Ilešic, J.-J. Kasel et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 septembre 2012,

considérant les observations présentées:

–        pour M. A…, par Me D. Moreno Trigo, abogado,

–        pour la Caixa d’Estalvis de Catalunya, Tarragona i Manresa (C…), par Me I. Fernández de Senespleda, abogado,

–        pour le gouvernement espagnol, par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Owsiany-Hornung ainsi que par MM. J. Baquero Cruz et M. van Beek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. A… à la Caixa d’E… (ci-après la «C…»), au sujet de la validité de certaines clauses d’un contrat de prêt hypothécaire souscrit entre ces parties.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3        Le seizième considérant de la directive énonce:

«considérant […] que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes».

4        L’article 3 de la directive dispose:

«1.      Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2.      Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

[…]

3.      L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

5        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la directive:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

6        L’article 6, paragraphe 1, de la directive est libellé comme suit:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.»

7        L’article 7, paragraphe 1, de la directive énonce:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

8        L’annexe de la directive énumère, à son point 1, les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de cette dernière. Elle comprend notamment les clauses suivantes:

«1.      Clauses ayant pour objet ou pour effet:

[…]

e)      d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé;

[…]

q)      de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat.»

Le droit espagnol

9        En droit espagnol, la protection des consommateurs contre les clauses abusives a été, tout d’abord, assurée par la loi générale 26/1984 relative à la protection des consommateurs et des usagers (Ley General 26/1984 para la Defensa de los Consumidores y Usuarios), du 19 juillet 1984 (BOE n° 176, du 24 juillet 1984, p. 21686).

10      La loi générale 26/1984 a été, ensuite, modifiée par la loi 7/1998 relative aux conditions générales des contrats (Ley 7/1998 sobre condiciones generales de la contratación), du 13 avril 1998 (BOE n° 89, du 14 avril 1998, p. 12304), qui a transposé la directive dans le droit interne espagnol.

11      Enfin, le décret royal législatif 1/2007 portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires (Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias), du 16 novembre 2007 (BOE n° 287, du 30 novembre 2007, p. 49181), a adopté le texte codifié de la loi 26/1984, telle que modifiée.

12      Aux termes de l’article 82 du décret royal législatif 1/2007:

«1.      Sont considérées comme abusives toutes les clauses n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle ainsi que toutes les pratiques qui ne résultent pas d’un accord exprès et qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur et de l’usager un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[…]

3.      Le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

4.      Nonobstant ce qui précède, sont en tout état de cause abusives les clauses ayant pour effet, conformément aux articles 85 à 90 inclus, de:

a)      lier le contrat à la volonté du professionnel,

b)      restreindre les droits du consommateur et de l’usager,

c)      entraîner l’absence de réciprocité dans le contrat,

d)      imposer au consommateur ou à l’usager des garanties disproportionnées ou lui imposer indûment la charge de la preuve,

e)      avoir un caractère disproportionné au regard de la conclusion et de l’exécution du contrat, ou

f)      être contraires aux règles de compétence et de droit applicable.»

13      S’agissant de la procédure d’injonction de payer, le code de procédure civile (Ley de Enjuiciamiento Civil), dans sa version en vigueur à la date à laquelle la procédure ayant donné lieu au litige au principal a été engagée, règle, à son chapitre V du titre IV, livre III, intitulé «Spécificités de l’exécution des biens hypothéqués ou gagés», notamment à ses articles 681 à 698, la procédure de saisie hypothécaire se trouvant au cœur du litige au principal.

14      L’article 695 du code de procédure civile énonce:

«1.      Dans les procédures visées au présent chapitre, l’opposition à l’exécution du défendeur à l’exécution ne sera accueillie que lorsqu’elle se fonde sur les causes suivantes:

(1)      l’extinction de la garantie ou de l’obligation garantie, sous réserve de la production d’une attestation du registre, faisant état de l’annulation de l’hypothèque ou, le cas échéant, du gage sans dépossession, ou d’un acte notarié attestant du récépissé de paiement ou de l’annulation de la garantie;

(2)      une erreur dans la détermination du montant exigible, lorsque la créance garantie est constituée par le solde entraînant la clôture d’un compte entre le créancier demandant l’exécution et le défendeur à l’exécution. Le défendeur à l’exécution devra produire son exemplaire du relevé de compte et l’opposition ne sera accueillie que si le solde figurant dans ledit relevé est différent de celui présenté par le créancier demandant l’exécution.

[…]

(3)      […] l’existence d’une autre garantie ou hypothèque […] inscrite avant la charge à l’origine de la procédure, avec le certificat d’enregistrement correspondant.

2.      Une fois l’opposition visée au paragraphe précédent introduite, le greffier procédera à la suspension de l’exécution et convoquera les parties à comparaître devant le tribunal ayant rendu l’ordonnance de saisie. La citation à comparaître devra intervenir au moins quatre jours avant la tenue de l’audience en question. Au cours de cette audience, le tribunal entendra les parties, accueillera les documents qui seront produits et adoptera la décision pertinente, sous la forme d’une ordonnance, au cours de la deuxième journée […]»

15      L’article 698 du code de procédure civile dispose:

«1.      Toute réclamation que le débiteur, le tiers détenteur ou tout intéressé pourrait formuler, qui ne serait pas comprise dans les articles précédents, y compris celles relatives à l’annulation du titre ou à l’échéance, au caractère certain, à l’extinction ou au montant de la dette, est tranchée dans le jugement correspondant, sans jamais avoir pour effet de suspendre la procédure judiciaire d’exécution prévue au présent chapitre ou d’y faire échec.

[…]

2.      Lors de la présentation du recours visé au paragraphe précédent ou au cours de la procédure à laquelle ce recours donnerait lieu, il pourra être demandé que l’effectivité de la décision qui sera rendue dans ce cadre soit garantie au moyen du séquestre de tout ou partie du montant qui, conformément à la procédure régie par le présent chapitre, devra être remis au créancier.

Le tribunal rendra une décision ordonnant ledit séquestre, au vu des pièces produites, s’il considère que les raisons invoquées sont suffisantes. Si le demandeur au séquestre ne dispose pas d’une solvabilité notoire et suffisante, le tribunal devra exiger de celui-ci qu’il présente une garantie préalable et suffisante pour répondre des intérêts de retard et pour dédommager le créancier d’autres préjudices pouvant lui être occasionnés.

3.      Lorsque le créancier aura présenté une garantie satisfaisante quant au règlement du montant demandé en séquestre à la suite de la procédure visée au paragraphe 1 ci-dessus, le séquestre sera levé.»

16      L’article 131 de la loi hypothécaire en vigueur à l’époque des faits au principal (Ley Hipotecaria), dont le texte codifié a été approuvé par le décret du 8 février 1946 (BOE n° 58, du 27 février 1946, p. 1518), prévoit:

«Les inscriptions préventives de demande en nullité de l’hypothèque ou les autres inscriptions non fondées sur l’un des cas pouvant déterminer la suspension de l’exécution seront annulées en vertu de l’ordonnance d’annulation visée à l’article 133, sous réserve qu’elles soient postérieures à la note en marge de la délivrance du certificat des charges. L’acte concernant le récépissé du paiement de l’hypothèque ne pourra pas faire l’objet d’une inscription tant que l’inscription en marge susvisée n’aura pas été préalablement annulée, sur ordonnance judiciaire prise à cet effet.»

17      Aux termes de l’article 153 bis de la loi hypothécaire:

«[…] Il peut être convenu par les parties que, en cas d’exécution, le montant exigible soit celui résultant de la liquidation effectuée par l’établissement financier de prêt de la manière convenue par les parties à l’acte.

À l’échéance convenue par les contractants ou au terme de l’une des prorogations quelle qu’elle soit, la saisie hypothécaire peut être effectuée conformément aux articles 129 et 153 de la présente loi et aux dispositions analogues du code de procédure civile»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      Le 19 juillet 2007, M. A…, ressortissant marocain travaillant en Espagne depuis le mois de décembre 1993, a souscrit, par acte notarié auprès de la C…, un contrat de prêt assorti d’une garantie hypothécaire. Le bien immobilier faisant l’objet de ladite garantie était le domicile familial de M. A…, dont il était propriétaire depuis 2003.

19      Le capital prêté par la C… était de 138 000 euros. Il devait être remboursé en 33 annuités, avec 396 mensualités, à partir du 1er août 2007.

20      Ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, ce contrat de prêt souscrit auprès de la C… prévoyait, à sa clause 6, des intérêts de retard annuels de 18,75 %, automatiquement applicables aux montants non réglés à l’échéance, sans besoin d’une quelconque réclamation.

21      En outre, la clause 6 bis dudit contrat conférait à la C… la faculté de déclarer exigible la totalité du prêt si l’un des délais convenus arrivait à échéance et que le débiteur n’avait pas rempli son obligation de paiement d’une partie du capital ou des intérêts du prêt.

22      Enfin, la clause 15 du même contrat, régissant l’accord de liquidité, prévoyait la possibilité pour la C… non seulement de recourir à la saisie hypothécaire pour recouvrer une dette éventuelle, mais aussi de présenter directement, à ces fins, la liquidation au moyen d’un certificat approprié indiquant le montant exigé.

23      M. A… a payé ses mensualités régulièrement du mois de juillet 2007 au mois de mai 2008, mais a cessé de le faire à partir du mois de juin 2008. Dans ces conditions, la C… a, le 28 octobre 2008, fait appel à un notaire afin d’obtenir un acte de détermination de la dette. Le notaire a certifié qu’il ressortait des documents fournis et du contenu du contrat de prêt que la liquidation de la dette était de 139 764,76 euros, ce qui correspondait aux mensualités impayées, majorées des intérêts ordinaires et moratoires.

24      Après avoir sommé, sans succès, M. A… de payer, la C… a saisi le 11 mars 2009 le Juzgado de Primera Instancia n° 5 de Martorell d’une procédure d’exécution contre l’intéressé, en lui réclamant les sommes de 139 674,02 euros à titre principal, de 90,74 euros pour les intérêts échus et de 41 902,21 euros au titre des intérêts et des frais.

25      M. A… n’ayant pas comparu, le 15 décembre 2009, cette juridiction a ordonné l’exécution. Ainsi, une injonction de payer a été adressée à M. A…, à laquelle ce dernier ne s’est ni conformé ni opposé.

26      Dans ce contexte, une vente aux enchères du bien immobilier a été organisée le 20 juillet 2010, sans qu’aucune offre n’ait été faite. Dès lors, conformément aux dispositions du code de procédure civile, le Juzgado de Primera Instancia n° 5 de Martorell a admis que ce bien soit adjugé à 50 % de sa valeur. Ladite juridiction a également fixé au 20 janvier 2011 la date à laquelle devait avoir lieu la transmission de la possession de l’immeuble à l’adjudicataire. M. A… a, en conséquence, été expulsé de son domicile.

27      Peu avant cet événement, le 11 janvier 2011, M. A… a néanmoins introduit une demande de jugement déclaratif devant le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona en vue de faire annuler la clause 15 du contrat de prêt hypothécaire, estimant qu’elle présentait un caractère abusif, et, par conséquent, la procédure d’exécution.

28      Dans ce contexte, le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona a émis des doutes quant à la conformité du droit espagnol avec le cadre juridique établi par la directive.

29      En particulier, il a souligné que, si le créancier choisit, aux fins de l’exécution forcée, la procédure de saisie hypothécaire, les possibilités d’alléguer du caractère abusif de l’une des clauses d’un contrat de prêt sont très limitées, celles-ci étant renvoyées à une procédure au fond ultérieure, qui n’a pas d’effet suspensif. La juridiction de renvoi a estimé que, dans ces conditions, il est extrêmement difficile pour un juge espagnol d’assurer une protection efficace au consommateur dans ladite procédure de saisie hypothécaire ainsi que dans la procédure au fond correspondante.

30      En outre, le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona a estimé que la solution de l’affaire au principal soulevait d’autres questions portant notamment sur l’interprétation de la notion de «clauses ayant pour objet ou pour effet d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé», visée au point 1, sous e), de l’annexe de la directive, ainsi que de «clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur», prévue au point 1, sous q), de ladite annexe. La compatibilité des clauses relatives à l’échéance anticipée figurant dans les contrats de longue durée, à la fixation d’intérêts de retard ainsi qu’à la fixation unilatérale par le prêteur de mécanismes de liquidation de l’ensemble de la dette avec ces dispositions de l’annexe de la directive n’apparaîtrait pas clairement.

31      C’est dans ces conditions que le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona, éprouvant des doutes en ce qui concerne la correcte interprétation du droit de l’Union, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le système d’exécution de titres judiciaires sur des biens hypothéqués ou gagés prévu aux articles 695 et suivants du code de procédure civile espagnol, avec ses limitations quant aux motifs d’opposition, ne constitue-t-il pas une limitation claire de la protection du consommateur, dans la mesure où il représente, formellement et matériellement, un obstacle clair à l’exercice par le consommateur d’actions ou de recours en justice garantissant une protection effective de ses droits?

2)      Comment y a-t-il lieu d’entendre la notion de disproportion relativement à:

a)      la possibilité d’échéance anticipée de contrats projetés pour une longue période (en l’espèce 33 ans), pour des manquements qui ont eu lieu pendant une période concrète très limitée;

b)      la fixation d’intérêts de retard (en l’espèce supérieurs à 18 %) qui ne correspondent pas aux critères de détermination des intérêts de retard dans d’autres contrats conclus avec des consommateurs (crédits à la consommation), qui, dans d’autres domaines de contrats conclus avec des consommateurs, pourraient être considérés comme abusifs, et qui, toutefois, dans les contrats immobiliers, ne présentent pas de limite légale claire, même lorsque lesdits intérêts doivent être appliqués non seulement aux remboursements échus, mais également, du fait de l’échéance anticipée, à l’ensemble des versements dus;

c)      la fixation, de manière unilatérale par le prêteur, de mécanismes de liquidation et des intérêts variables (tant ordinaires que de retard) liés à la possibilité de saisie hypothécaire, qui ne permet pas au débiteur contre lequel l’exécution est demandée de s’opposer au calcul du montant de la dette dans le cadre de la procédure d’exécution elle-même, le renvoyant à une procédure au fond dans laquelle, lorsqu’il obtiendra un jugement définitif, l’exécution aura déjà eu lieu ou, à tout le moins, le débiteur aura perdu le bien hypothéqué ou donné en garantie, question particulièrement importante lorsque le prêt est demandé pour acheter un logement et que l’exécution entraîne l’expulsion de l’immeuble?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité

32      La C… et le Royaume d’Espagne émettent des doutes quant à la recevabilité de la première question, au motif qu’elle ne serait pas utile à la juridiction de renvoi aux fins de trancher le litige dont elle est saisie. À cet égard, ils font valoir que ce litige se déroule dans le cadre d’une procédure au fond autonome et distincte par rapport à celle de saisie hypothécaire, et ne concerne que la nullité, au regard de la réglementation sur la protection des consommateurs, de la clause 15 du contrat de prêt en cause au principal. Par conséquent, une réponse relative à la compatibilité de la procédure de saisie hypothécaire avec la directive n’apparaîtrait ni nécessaire ni pertinente pour la solution dudit litige.

33      Dans cette même perspective, le Royaume d’Espagne et la C… contestent aussi la recevabilité de la seconde question, en ce qu’elle vise à obtenir l’interprétation de la notion de disproportion, au sens des dispositions pertinentes de la directive, quant aux clauses portant sur l’échéance anticipée dans les contrats de longue durée et sur la fixation des intérêts de retard. En effet, ils soutiennent que ces clauses ne présentent aucun rapport avec l’objet du litige au principal et ne sauraient être non plus utiles pour apprécier le caractère abusif de la clause 15 du contrat de prêt en cause au principal.

34      À cet égard, il convient d’emblée de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national. Il appartient de même au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C-618/10, non encore publié au Recueil, point 76 et jurisprudence citée).

35      Ainsi, le rejet par la Cour d’une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 77 et jurisprudence citée).

36      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

37      En effet, il convient de relever que, en vertu du système procédural espagnol, dans le cadre de la procédure de saisie hypothécaire engagée par la C… à l’encontre de M. A…, ce dernier a pu contester le caractère abusif d’une clause du contrat le liant à cet établissement de crédit, qui a été à l’origine de l’ouverture de la procédure d’exécution, non pas devant le Juzgado de Primera Instancia n° 5 de Martorell, juge de l’exécution, mais devant le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona, juge du fond.

38      Dans ce contexte, ainsi que le relève à bon droit la Commission européenne, la première question posée par le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona doit être comprise dans un sens large, à savoir comme visant à apprécier, en substance, au vu de la limitation des motifs d’opposition admis dans le cadre de la procédure de saisie hypothécaire, la compatibilité avec la directive des pouvoirs reconnus au juge du fond, compétent pour apprécier le caractère abusif des clauses figurant dans le contrat en cause au principal duquel découle la dette réclamée en vertu de ladite procédure d’exécution.

39      Dans ces conditions, et compte tenu du fait qu’il appartient à la Cour de donner au juge de renvoi une réponse utile lui permettant de trancher le litige dont il est saisi (voir arrêts du 28 novembre 2000, Roquette Frères, C-88/99, Rec. p. I-10465, point 18, et du 11 mars 2010, Attanasio Group, C-384/08, Rec. p. I-2055, point 19), force est de constater qu’il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée dans la première question est dépourvue de rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal.

40      De même, il ne saurait être exclu que l’interprétation de la notion de disproportion, au sens des dispositions pertinentes de la directive, visée par la seconde question, puisse être utile pour trancher le litige dont le Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona est saisi.

41      En effet, comme le souligne Mme l’avocat général aux points 62 et 63 de ses conclusions, bien que la demande d’annulation proposée par M. A… dans le litige au principal ne porte que sur la validité de la clause 15 du contrat de prêt, il suffit de constater que, d’une part, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive, une vision globale des autres clauses du contrat visées par ladite question est susceptible d’avoir une incidence sur l’examen de celle contestée dans ce litige et, d’autre part, le juge national est tenu, en vertu de la jurisprudence de la Cour, d’apprécier d’office le caractère abusif de toutes les clauses contractuelles relevant du champ d’application de la directive, même en l’absence d’une demande expresse en ce sens, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, Rec. p. I-4713, points 31 et 32, ainsi que Banco Español de Crédito, précité, point 43).

42      Par conséquent, les questions préjudicielles sont recevables dans leur ensemble.

Sur le fond

Sur la première question

43      Par sa première question, la juridiction de renvoi vise à savoir, en substance, si la directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à la réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, tout en ne prévoyant pas dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire des motifs d’opposition tirés du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel, ne permet pas au juge saisi de la procédure au fond, compétent pour apprécier le caractère abusif d’une telle clause, d’adopter des mesures provisoires garantissant la pleine efficacité de sa décision finale.

44      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler d’emblée que le système de protection mis en œuvre par la directive repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information (arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 39).

45      Eu égard à une telle situation d’infériorité, l’article 6, paragraphe 1, de la directive prévoit que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il s’agit d’une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 40 et jurisprudence citée).

46      Dans ce contexte, la Cour a déjà souligné à plusieurs reprises que le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (arrêts précités Pannon GSM, points 31 et 32, ainsi que Banco Español de Crédito, points 42 et 43).

47      Ainsi, en se prononçant sur une demande de décision préjudicielle introduite par une juridiction nationale saisie dans le cadre d’une procédure contradictoire ouverte à la suite de l’opposition formée par un consommateur à une injonction de payer, la Cour a jugé que cette juridiction est tenue de prendre d’office des mesures d’instruction afin d’établir si une clause attributive de compétence juridictionnelle territoriale exclusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur entre dans le champ d’application de la directive et, dans l’affirmative, d’apprécier d’office le caractère éventuellement abusif d’une telle clause (arrêt du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C-137/08, Rec. p. I-10847, point 56).

48      De même, la Cour a précisé que la directive s’oppose à une réglementation d’un État membre qui ne permet pas au juge saisi d’une demande d’injonction de payer d’apprécier d’office, in limine litis ni à aucun autre moment de la procédure, alors même qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le caractère abusif d’une clause d’intérêts moratoires contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, en l’absence d’opposition formée par ce dernier (arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 57).

49      Toutefois, l’affaire en cause au principal se distingue de celles ayant donné lieu aux arrêts précités VB Pénzügyi Lízing et Banco Español de Crédito par le fait qu’elle concerne la définition des responsabilités incombant au juge saisi d’une procédure au fond liée à celle de saisie hypothécaire, afin que soit assuré, le cas échéant, l’effet utile de la décision au fond déclarant le caractère abusif de la clause contractuelle qui constitue le fondement du titre exécutoire et, donc, de l’ouverture de ladite procédure d’exécution.

50      À cet égard, il y a lieu de constater que, en l’absence d’harmonisation des mécanismes nationaux d’exécution forcée, les modalités de mise en œuvre des motifs d’opposition admis dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire et des pouvoirs conférés au juge du fond, compétent pour analyser la légitimité des clauses contractuelles en vertu desquelles le titre exécutoire a été établi, relèvent de l’ordre juridique interne des États membres en vertu du principe d’autonomie procédurale de ces derniers, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires soumises au droit interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux consommateurs par le droit de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêts du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C-168/05, Rec. p. I-10421, point 24, et du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C-40/08, Rec. p. I-9579, point 38).

51      S’agissant du principe d’équivalence, il y a lieu de relever que la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité à celui-ci de la réglementation en cause dans l’affaire au principal.

52      En effet, il ressort du dossier que le système procédural espagnol interdit au juge saisi d’une procédure au fond liée à celle de saisie hypothécaire d’adopter des mesures provisoires garantissant la pleine efficacité de sa décision finale non seulement lorsqu’il apprécie le caractère abusif, au regard de l’article 6 de la directive, d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, mais également lorsqu’il vérifie la contrariété entre une telle clause et les règles nationales d’ordre public, ce qu’il lui appartient, toutefois, de vérifier (voir, en ce sens, arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 48).

53      En ce qui concerne le principe d’effectivité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, chaque cas dans lequel se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales (arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 49).

54      En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que, au sens de l’article 695 du code de procédure civile, dans les procédures de saisie hypothécaire, l’opposition du défendeur à l’exécution ne sera accueillie que lorsqu’elle se fonde sur l’extinction de la garantie ou de l’obligation garantie, ou bien sur une erreur dans la détermination du montant exigible, lorsque la créance garantie est constituée par le solde entraînant la clôture d’un compte entre le créancier demandant l’exécution et le défendeur à l’exécution, ou encore sur l’existence d’une autre hypothèque ou garantie inscrite avant la charge à l’origine de la procédure.

55      Conformément à l’article 698 du code de procédure civile, toute autre réclamation que le débiteur pourrait formuler, y compris celles relatives à l’annulation du titre ou à l’échéance, au caractère certain, à l’extinction ou au montant de la dette, est tranchée dans le jugement correspondant, sans jamais avoir pour effet de suspendre la procédure judiciaire d’exécution prévue au chapitre en question ou d’y faire échec.

56      En outre, en vertu de l’article 131 de la loi hypothécaire, les inscriptions préventives de demande en nullité de l’hypothèque ou les autres inscriptions non fondées sur l’un des cas pouvant déterminer la suspension de l’exécution sont annulées en vertu de l’ordonnance d’annulation visée à l’article 133 de cette loi, sous réserve qu’elles soient postérieures à la note en marge de la délivrance du certificat des charges.

57      Or, il découle de ces indications que, dans le système procédural espagnol, l’adjudication finale d’un bien hypothéqué à un tiers acquiert toujours un caractère irréversible, même si le caractère abusif de la clause attaquée par le consommateur devant le juge du fond entraîne la nullité de la procédure de saisie hypothécaire, sauf dans l’hypothèse où ledit consommateur a fait une inscription préventive de la demande en nullité de l’hypothèque avant ladite note en marge.

58      À cet égard, il importe néanmoins de constater que, compte tenu du déroulement et des particularités de la procédure de saisie hypothécaire en cause au principal, une telle hypothèse doit être considérée comme étant résiduelle, car il existe un risque non négligeable que le consommateur concerné ne fasse pas ladite inscription préventive dans les délais prévus à ces fins, soit en raison du caractère extrêmement rapide de la procédure d’exécution en question, soit parce qu’il ignore ou ne perçoit pas l’étendue de ses droits (voir, en ce sens, arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 54).

59      Force est donc de constater qu’un tel régime procédural, en ce qu’il institue une impossibilité pour le juge du fond, devant lequel le consommateur a introduit une demande faisant valoir le caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement du titre exécutoire, d’octroyer des mesures provisoires susceptibles de suspendre la procédure de saisie hypothécaire ou d’y faire échec, lorsque l’octroi de telles mesures s’avère nécessaire pour garantir la pleine efficacité de sa décision finale, est de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par la directive (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, Rec. p. I-2271, point 77).

60      En effet, ainsi que l’a également relevé Mme l’avocat général au point 50 de ses conclusions, sans cette possibilité, dans tous les cas où, comme dans l’affaire au principal, la saisie immobilière du bien hypothéqué a été réalisée avant le prononcé de la décision du juge du fond déclarant le caractère abusif de la clause contractuelle à l’origine de l’hypothèque et donc la nullité de la procédure d’exécution, cette décision ne permettrait d’assurer audit consommateur qu’une protection a posteriori purement indemnitaire, qui se révélerait incomplète et insuffisante et ne constituerait un moyen ni adéquat ni efficace pour faire cesser l’utilisation de cette même clause, contrairement à ce que prévoit l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13.

61      Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme dans l’affaire au principal, le bien faisant l’objet de la garantie hypothécaire est le logement du consommateur lésé et de sa famille, ce mécanisme de protection des consommateurs limité au paiement de dommages et intérêts ne permettant pas d’empêcher la perte définitive et irréversible dudit logement.

62      Comme l’a également relevé le juge de renvoi, il suffirait dès lors aux professionnels d’engager, si les conditions sont remplies, une telle procédure de saisie hypothécaire pour priver, en substance, les consommateurs du bénéfice de la protection voulue par la directive, ce qui s’avère également contraire à la jurisprudence de la Cour selon laquelle les caractéristiques spécifiques des procédures juridictionnelles, qui se déroulent dans le cadre du droit national entre les professionnels et les consommateurs, ne sauraient constituer un élément susceptible d’affecter la protection juridique dont doivent bénéficier ces derniers en vertu des dispositions de cette directive (voir, en ce sens, arrêt Banco Español de Crédito, précité, point 55).

63      Dans ces conditions, il convient de constater que la réglementation espagnole en cause au principal n’apparaît pas conforme au principe d’effectivité, en ce qu’elle rend impossible ou excessivement difficile, dans les procédures de saisie hypothécaire engagées par les professionnels et auxquelles les consommateurs sont défendeurs, l’application de la protection que la directive entend conférer à ces derniers.

64      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de répondre à la première question que la directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, tout en ne prévoyant pas dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire des motifs d’opposition tirés du caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement du titre exécutoire, ne permet pas au juge saisi de la procédure au fond, compétent pour apprécier le caractère abusif d’une telle clause, d’adopter des mesures provisoires, dont, notamment, la suspension de ladite procédure d’exécution, lorsque l’octroi de ces mesures est nécessaire pour garantir la pleine efficacité de sa décision finale.

Sur la seconde question

65      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à obtenir des précisions relatives aux éléments constitutifs de la notion de «clause abusive», au regard de l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive, ainsi que de l’annexe de celle-ci, afin d’apprécier le caractère abusif ou non des clauses faisant l’objet du litige au principal et portant sur l’échéance anticipée dans les contrats de longue durée, sur la fixation des intérêts de retard, ainsi que sur l’accord de liquidité.

66      À cet égard, il importe de préciser que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour en la matière porte sur l’interprétation de la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (voir arrêt du 26 avril 2012, Invitel, C-472/10, non encore publié au Recueil, point 22 et jurisprudence citée).

67      Cela étant, il importe de relever que, en se référant aux notions de bonne foi et de déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive ne définit que de manière abstraite les éléments qui donnent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle (voir arrêts du 1er avril 2004, Freiburger Kommunalbauten, C-237/02, Rec. p. I-3403, point 19, et Pannon GSM, précité, point 37).

68      Or, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 71 de ses conclusions, afin de savoir si une clause crée, au détriment du consommateur, un «déséquilibre significatif» entre les droits et obligations des parties découlant du contrat, il convient notamment de tenir compte des règles applicables en droit national en l’absence d’un accord des parties en ce sens. C’est à travers une telle analyse comparative que le juge national pourra évaluer si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives.

69      S’agissant du fait de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi», il importe de constater que, eu égard au seizième considérant de la directive et ainsi que l’a relevé en substance Mme l’avocat général au point 74 de ses conclusions, le juge national doit vérifier à ces fins si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle.

70      Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’annexe à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives (voir arrêt Invitel, précité, point 25 et jurisprudence citée).

71      En outre, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion (arrêts précités Pannon GSM, point 39, et VB Pénzügyi Lízing, point 42). Il en découle que, dans cette perspective, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national (voir arrêt Freiburger Kommunalbauten, précité, point 21, et ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovost, C-76/10, Rec. p. I-11557, point 59).

72      C’est à la lumière de ces critères qu’il appartient au Juzgado de lo Mercantil n° 3 de Barcelona d’apprécier le caractère abusif des clauses auxquelles se réfère la seconde question posée.

73      En particulier, s’agissant, tout d’abord, de la clause relative à l’échéance anticipée, dans les contrats de longue durée, en raison de manquements du débiteur pendant une période limitée, il incombe au juge de renvoi de vérifier notamment, ainsi que l’a relevé Mmel’avocat général aux points 77 et 78 de ses conclusions, si la faculté du professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présente un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté est prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêt un caractère suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt, si ladite faculté déroge aux règles applicables en la matière et si le droit national prévoit des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

74      Ensuite, quant à la clause relative à la fixation des intérêts de retard, il y a lieu de rappeler que, à la lumière du point 1, sous e), de l’annexe de la directive, lu en combinaison avec les dispositions des articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de la directive, le juge de renvoi devra vérifier notamment, ainsi que l’a souligné Mme l’avocat général aux points 85 à 87 de ses conclusions, d’une part, les règles nationales qui trouvent à s’appliquer entre les parties, dans l’hypothèse où aucun arrangement n’a été convenu dans le contrat en cause ou dans différents contrats de ce type conclus avec les consommateurs et, d’autre part, le niveau du taux d’intérêt de retard fixé, par rapport au taux d’intérêt légal, afin de vérifier qu’il est propre à garantir la réalisation des objectifs qu’il poursuit dans l’État membre concerné et qu’il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.

75      S’agissant, enfin, de la clause relative à la liquidation unilatérale par le prêteur du montant de la dette impayée, liée à la possibilité d’engager la procédure de saisie hypothécaire, il y a lieu de constater que, compte tenu du point 1, sous q), de l’annexe de la directive ainsi que des critères figurant aux articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 1, de celle-ci, le juge de renvoi devra notamment apprécier si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, la clause concernée déroge aux règles applicables en l’absence d’accord entre les parties, de sorte à rendre plus difficile pour le consommateur, au vu des moyens procéduraux dont il dispose, l’accès à la justice et l’exercice des droits de la défense.

76      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde question:

–        L’article 3, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens que:

–        la notion de «déséquilibre significatif», au détriment du consommateur, doit être appréciée à travers une analyse des règles nationales applicables en l’absence d’accord entre les parties, afin d’évaluer si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives;

–        afin de savoir si le déséquilibre est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi», il importe de vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte la clause concernée à la suite d’une négociation individuelle.

–        L’article 3, paragraphe 3, de la directive doit être interprété en ce sens que l’annexe à laquelle renvoie cette disposition ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.

Sur les dépens

77      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui, tout en ne prévoyant pas dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire des motifs d’opposition tirés du caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement du titre exécutoire, ne permet pas au juge saisi de la procédure au fond, compétent pour apprécier le caractère abusif d’une telle clause, d’adopter des mesures provisoires, dont, notamment, la suspension de ladite procédure d’exécution, lorsque l’octroi de ces mesures est nécessaire pour garantir la pleine efficacité de sa décision finale.

2)      L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que:

–        la notion de «déséquilibre significatif» au détriment du consommateur doit être appréciée à travers une analyse des règles nationales applicables en l’absence d’accord entre les parties, afin d’évaluer si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives;

–        afin de savoir si le déséquilibre est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi», il importe de vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte la clause concernée à la suite d’une négociation individuelle.

L’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’annexe à laquelle renvoie cette disposition ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.

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Numéro : cjue130314.htm

ANALYSE 1

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, procédure ne prévoyant pas des motifs d’opposition tirés du caractère abusif d’une clause contractuelle permettant au juge d’adopter des mesures provisoires dans l’attente de la décision sur le caractère éventuellement abusif de cette clause, portée.

Résumé : La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre qui, tout en ne prévoyant pas dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire des motifs d’opposition tirés du caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement du titre exécutoire, ne permet pas au juge saisi de la procédure au fond, compétent pour apprécier le caractère abusif d’une telle clause, d’adopter des mesures provisoires, dont, notamment, la suspension de ladite procédure d’exécution, lorsque l’octroi de ces mesures est nécessaire pour garantir la pleine efficacité de sa décision finale.

ANALYSE 2

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, critères d’appréciation d’une clause d’un contrat d’adhésion, recherche de l’effet juridique de la clause par rapport au droit national en vigueur et des moyens dont dispose le consommateur pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives.

Résumé : L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 (« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. ») doit être interprété en ce sens que la notion de «déséquilibre significatif» au détriment du consommateur doit être appréciée à travers une analyse des règles nationales applicables en l’absence d’accord entre les parties, afin d’évaluer si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives.

ANALYSE 3

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, appréciation du caractère abusif d’une clause, vérification de l’éventuelle acceptabilité par le consommateur de ladite clause à la suite d’une négociation individuelle.

Résumé : Afin de savoir si le déséquilibre significatif de la clause d’un contrat d ‘adhésion est créé «en dépit de l’exigence de bonne foi», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, il importe de vérifier si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte la clause concernée à la suite d’une négociation individuelle.

ANALYSE 4

Titre : Protection du consommateur, clauses abusives, directive n° 93/13, portée de la liste de clauses annexée à la directive.

Résumé : L’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l’annexe à laquelle renvoie cette disposition ne contient qu’une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.