Cass. civ., 2ème, 7 mai 2025, n°23-14.896

Contrat d’assurance emprunteur — clause de garantie invalidité — clause abusive — absence de clarté et de compréhension — article L.132-1 du code de la consommation 

 

EXTRAITS : 

« En statuant ainsi, alors que la clause litigieuse, qui porte sur l’objet principal du contrat et prévoit que l’invalidité n’est garantie que si elle égale ou excède un certain taux, déterminé en fonction des taux d’incapacité permanente fonctionnelle et professionnelle figurant à un tableau joint, ne contient aucune définition de ces deux incapacités, ni d’élément permettant de comprendre le calcul du taux d’invalidité lorsque ces incapacités ne sont pas évaluées en dizaines, […] la cour d’appel a violé le texte susvisé. » 

 

ANALYSE:  

En 2007, un emprunteur souscrit une assurance liée à son prêt immobilier. Le contrat, proposé par la société Generali vie via la banque prêteuse, prévoit notamment des garanties en cas d’incapacité de travail, qu’elle soit totale ou partielle, ainsi qu’une couverture pour l’invalidité permanente totale. 

En 2012, l’assuré est placé en arrêt de travail et l’assureur commence alors à prendre en charge les échéances du prêt. Toutefois, en 2017, il met un terme à sa garantie, en justifiant cette décision par un rapport d’expertise médicale ayant évalué le taux d’invalidité de l’assuré inférieur au seuil de 66 % prévu dans le contrat. 

L’assuré conteste alors la validité de plusieurs clauses du contrat. Il vise notamment une clause d’exclusion liée au diabète, ainsi que celle qui délimite la garantie en cas d’invalidité permanente. La cour d’appel de Grenoble rejette ses arguments, estimant que les clauses sont rédigées de manière suffisamment claire et qu’aucune interprétation particulière n’est nécessaire. 

Les magistrats de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation confirment la décision concernant de la clause d’exclusion, mais cassent l’arrêt s’agissant de la clause de garantie invalidité. Selon eux, cette clause ne fournit pas de définition des incapacités fonctionnelle et professionnelle ainsi qu’aucune indication sur la manière dont leur croisement permet d’établir le taux déterminant l’octroi de la garantie. 

Ainsi, la deuxième chambre civile juge que cette rédaction ne permet pas à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre les conditions d’application de la garantie invalidité. La Cour en déduit que la clause n’est pas claire et compréhensible, et doit dès lors être soumise au contrôle du caractère abusif selon l’article L. 132-1 du code de la consommation. 

Cass. civ 3ème, 30 avril 2025, n° 23-21.499

Clause abusive – Vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) – Retard de livraison immeuble – Cause légitime de suspension – Intempéries – Données météorologiques – Déséquilibre significatif – Article L. 132-1 Code de la consommation  

EXTRAITS :  

« 5. La cour d’appel a relevé, d’une part, que le contrat de vente en l’état futur d’achèvement prévoyait que le délai de livraison était convenu sous réserve de survenance d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de suspension de délai, telle que les intempéries, d’autre part, procédant à la recherche prétendument omise, que l’architecte, qui avait produit des attestations basées sur des données météorologiques publiques, vérifiables et contestables par les acquéreurs, était un professionnel qualifié, tiers au contrat. 

  1. Elle en a exactement déduit que cette clause, qui n’avait ni pour objet, ni pour effet, de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, n’était pas abusive. »

ANALYSE : 

Dans cet arrêt, la Cour de cassation se prononce sur le caractère abusif d’une clause de contrat de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) qui permettait de suspendre le délai de livraison en cas d’intempéries ou d’autres causes légitimes, sur certification de l’architecte. Les acquéreurs soutenaient que cette clause était abusive car imprécise et subordonnée à l’appréciation d’un tiers dont l’impartialité n’était pas garantie.  

La Cour rejette le pourvoi : elle considère que l’architecte, bien que missionné par le promoteur, est un professionnel qualifié, tiers au contrat, et que ses attestations s’appuyaient sur des données météorologiques objectives, donc vérifiables et contestables. Elle conclut que la clause n’a pas pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les parties et n’est donc pas abusive.  

Ainsi, la clause prévoyant des suspensions de délai validées par un architecte tiers n’est pas abusive si l’évaluation repose sur des données objectives et que le consommateur peut les contester.  

Cass. civ.1 ère, 2 avril 2025, n° 24-13.847

Clause abusive – Exception d’irrecevabilité – SCI – oie de recours- Fin de non-recevoir-action déclaratoire- action restitutoire.  

 

EXTRAITS : 

 

« Vu les articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile : (…)  

  1. Les jugements rendus en dernier ressort qui, sans mettre fin à l’instance, statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. Il n’est dérogé à cette règle qu’en cas d’excès de pouvoir.
  2. La caisse de Crédit mutuel [Adresse 3] (la banque) s’est pourvue en cassation contre un arrêt qui a notamment déclaré recevable la société civile immobilière Océane (la SCI) en ses actions déclaratoires et restitutoire fondées sur les clauses abusives.
  3. Cet arrêt n’a pas tranché le principal ni mis fin à l’instance.
  4. La banque soutient que le pourvoi est recevable en raison de l’excès de pouvoir commis par la cour d’appel et expose que celle-ci ne s’est pas prononcée, comme elle le devait, sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de la qualité de consommateur ou de non-professionnel de la SCI.
  5. Toutefois, la cour d’appel a exactement énoncé que le moyen, tiré de ce que la SCI ne pouvait pas invoquer à son bénéfice les dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives, ne constituait pas une fin de non-recevoir relevant de la compétence exclusive du juge de la mise en état, mais une défense au fond relevant de la compétence du tribunal. »

 

ANALYSE : 

 

En l’espèce, la SCI Océane a engagé une action contre la caisse de Crédit mutuel fondé sur l’existence de clauses abusives. La banque contestait la qualité de consommateur de la SCI. Elle soulevait une fin de non-recevoir, prétendant que la SCI, personne morale, ne pouvait se prévaloir de telles dispositions. La cour d’appel a rejeté cette fin de non-recevoir en estimant qu’il s’agissait non d’une fin de non-recevoir mais d’une défense au fond. Elle a donc déclaré recevable l’action sans statuer sur le fond du litige. La banque a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel qui a notamment déclaré recevable la SCI en ses actions déclaratoires et restitutoire fondées sur les clauses abusives, invoquant un excès de pouvoir. Elle reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir tranché la question de la qualité de consommateur, ce qui, selon elle, rendait l’action irrecevable. 

La Cour de cassation rejette ce pourvoi le déclarant irrecevable. Elle rappelle qu’un arrêt qui ne tranche pas le principal ni ne met fin à l’instance n’est pas susceptible de pourvoi immédiat, sauf en cas d’excès de pouvoir. Or, il n’y a pas eu excès de pouvoir : la cour d’appel a justement qualifié la question comme une défense au fond. 

Cass. civ.1 ère, 2 avril 2025, n°23-12.384

Clause d’élection de forclause attributive de juridictionRèglement Bruxelles I bis. 

EXTRAITS : 

« La cour d’appel ayant relevé que le contrat stipulait une clause attributive de juridiction aux tribunaux irlandais, de sorte que l’appréciation éventuelle de la validité de cette clause ne pouvait être faite qu’au regard du droit irlandais, sans que soit applicable la réserve des lois de police, le moyen tiré de ce que cette clause serait contraire à l’article 1171 du code civil est inopérant. » 

ANALYSE : 

En l’espèce, une femme a ouvert un compte Instagram à titre professionnel avec sa société VRT depuis la plateforme de la société Meta platforms Ireland Limited (Meta Platforms). Les conditions générales d’utilisation de la plateforme prévoyaient une clause attributive de juridiction en faveur des tribunaux irlandais pour les litiges liés à un usage professionnel. La femme, invoquant le piratage de son compte Instagram, a introduit une action en indemnisation avec sa société VRT auprès de la société Meta platforms devant une juridiction française afin d’obtenir une indemnisation. La société défenderesse a soulevé une exception d’incompétence, en invoquant la clause de juridiction stipulée dans le contrat. 

Dans cette décision, la Cour de cassation rappelle que les conventions d’élection de for (les clauses attributives de juridiction) sont exclues du champ d’application du règlement Rome I concernant la loi applicable aux contrats. Le règlement Bruxelles I bis doit s’appliquer. Selon ce dernier, la validité d’une clause attributive de juridiction doit être appréciée selon le droit de l’État membre désigné par la clause. En l’espèce, le contrat désignait les juridictions irlandaises. 

Ainsi, la Cour de cassation rejette le pourvoi : la clause de juridiction en faveur des tribunaux irlandais ne peut être écartée sur la base du droit français. 

 

Cass. civ.1 ère, 22 janvier 2025, n° 21-18.717

Clause de déchéance du terme – Renonciation tacite de la caution – Recours subrogatoire – Absence de contrôle d’office – Initiative du consommateur – Cautionnement 

 

EXTRAITS : 

« dès lors que l’irrégularité du prononcé de la clause de déchéance du terme d’un prêt, qui affecte l’exigibilité de la dette, ne prive pas la caution de son droit d’exercer un recours contre le débiteur afin d’obtenir le remboursement de la somme payée au créancier, le moyen, pris en sa dernière branche, qui soutient que la cour d’appel était tenue d’examiner si une telle clause présentait un caractère abusif, est inopérant. » 

 

ANALYSE : 

Cet arrêt examine caractère abusif d’une clause de déchéance du terme dans un contrat de prêt immobilier garanti par une caution. En l’espèce, les emprunteurs contestaient l’action en remboursement engagée par la société-caution ayant payé à la banque le solde du prêt après déchéance du terme. Ils soutenaient notamment que cette clause, qui permettait à la banque d’exiger l’intégralité du prêt après un simple impayé, pouvait être abusive au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation (dans sa rédaction antérieure). La Cour de cassation rejette ce moyen en considérant qu’il est inopérant au motif que les emprunteurs n’avaient pas soulevé ce grief devant les juges du fond. Elle rappelle ainsi que le juge n’est pas tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause, sauf dans des circonstances bien précises où il disposerait de tous les éléments de fait et de droit. La Haute juridiction confirme également que la caution n’est pas tenue d’invoquer l’inopposabilité de la déchéance du terme, même si la clause présentait un caractère abusif. Elle peut y renoncer tacitement, et ne commet pas de faute en payant les sommes dues au prêteur, ce qui légitime son recours subrogatoire contre les emprunteurs.  

 

Cass. com. 16 octobre 2024 Pourvoi n° 23-20.114 

 

Prêt — Agir dans le cadre d’une activité professionnelle — Déséquilibre significatif — Clause abusive — Non-professionnel 

  

EXTRAITS : 

« [L’arrêt] relève […] que, ayant souhaité financer des investissements liés à son activité d’accueil, d’insertion et d’hébergement des personnes handicapées, l’association Arc-en-ciel a souscrit le prêt litigieux […]. Il en déduit exactement que le contrat de prêt, destiné à financer des investissements de l’emprunteur, est intervenu pour les besoins des activités professionnelles de l’association Arc-en-ciel.». 

 

  

ANALYSE : 

  

En l’espèce, en 2008, la société Dexia a accordé à l’association Arc-en-ciel un prêt destiné à des investissements immobiliers. En 2011, ce prêt a été transféré à l’Association régionale pour l’intégration (ARI). Contestant une clause relative au remboursement anticipé du prêt, l’ARI a invoqué son caractère abusif, prétendant bénéficier des protections offertes par le code de la consommation en qualité de « non-professionnel ». 

 

La cour d’appel a conclu que le prêt concernait une activité professionnelle (financement immobilier lié à l’accueil et l’hébergement de personnes handicapées). Par conséquent, l’ARI ne pouvait être qualifiée de « non-professionnel » au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation. La demande d’annulation fondée sur une clause abusive a donc été rejetée. 

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle confirme que le fait qu’une personne morale n’ait, par principe, aucun but lucratif n’est pas exclusif de l’exercice d’une activité professionnelle. Elle rappelle que l’application du droit de la consommation à une opération de crédit dépend non de la personnalité de la personne morale qui s’engage, mais de la destination contractuelle du prêt, fût-elle accessoire. Elle en déduit que l’utilisation du prêt pour des investissements immobiliers liés à l’accueil et à l’hébergement constitue une activité professionnelle. Dès lors, l’ARI ne pouvait bénéficier des dispositions relatives aux clauses abusives. 

 

 

Voir également : 

Cass. civ. 1ère, 28 juin 2023, n° 22-13.969   

Cass. civ, 2ème, 3 octobre 2024, n°21-25.823 

 

 

Clause d’exigibilité immédiate – Contrat de prêt – Déchéance du terme – Mise en demeure – Saisie immobilière 

 

EXTRAITS :  

« 6. Pour fixer la créance de la banque à l’égard de M. [D] à la somme de 115 759,75 euros, l’arrêt retient que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, que la clause d’exigibilité immédiate étant réputée non écrite, la banque ne pouvait prononcer valablement la déchéance du terme, sans mise en demeure préalable des débiteurs et qu’il est constant que la banque a envoyé, à l’adresse commune des époux, une lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme qui ne mentionnait que M. [D]. 

  1. Il en déduit que la déchéance du terme n’a pas été valablement prononcée à l’égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable, mais que la banque a valablement prononcé la déchéance du terme à l’égard de M. [D]. 
  2. En statuant ainsi, après avoir dit que la clause d’exigibilité immédiate stipulée au contrat de prêt constituait une clause abusive qui devait être réputée non écrite, ce dont il résultait que la déchéance du terme ne pouvait reposer sur cette clause, peu important l’envoi par la banque d’une mise en demeure, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.». 

 

ANALYSE :  

Une banque a accordé un prêt à un couple par acte notarié. A la suite d’un défaut de paiement, le prêteur a émis un commandement de payer valant saisie immobilière et a assigné les emprunteurs à une audience d’orientation.  

La Cour d’appel de Rennes, par un arrêt du 26 octobre 2021, statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ ; 2ème, 19 nov. 2020, n°19-19269), a estimé que la clause d’exigibilité figurant au contrat de prêt du 15 juin 2004 était abusive et devait être réputée non écrite, et que la déchéance du terme n’avait pas été valablement prononcée à l’égard de Mme [D], faute de mise en demeure préalable. Cependant, la cour d’appel a considéré que la déchéance du terme avait été valablement prononcée à l’égard de M. [D] qui, lui, avait bien été mis en demeure sur le fondement de la clause. Dès lors, la cour d’appel a estimé que la saisie immobilière était fondée en ce qui concerne M. [D], la créance de la banque, fixée la somme de 115 759,75 euros, étant exigible. 

Les emprunteurs forment un pourvoi en cassation en affirmant que la clause d’exigibilité du contrat de prêt doit être considérée comme abusive. De ce fait, elle doit être réputée non écrite et ne peut permettre au prêteur d’invoquer la déchéance du terme, même avec une mise en demeure préalable, à l’égard de M. [D].  

La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt. Elle observe tout d’abord que la cour d’appel a jugé que la clause d’exigibilité immédiate qui était prévue dans le contrat était abusive et par voie de conséquence réputée non écrite en vertu des articles L132-1 du Code de la consommation (dans sa version antérieure) et 1134 du Code civil (dans sa version antérieure), faute pour elle de prévoir une obligation de mise en demeure préalable. Elle observe également que la cour d’appel a considéré que la déchéance du terme sans mise en demeure n’avait pas été valablement prononcée à l’égard de Mme D., faute de mise en demeure préalable, mais qu’elle avait été valablement prononcée à l’égard de M. D. C’est sur ce dernier point que l’arrêt est cassé. En effet, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a conclu que, au regard du réputé non écrit de la clause, la déchéance du terme ne pouvait pas reposer sur cette clause, peu important l’envoi d’une mise en demeure à l’un des deux emprunteurs.  

Cet arrêt permet de clarifier la portée du caractère abusif de la clause d’exigibilité immédiate. Celle-ci étant réputée non écrite, tous les actes pris sur son fondement sont privés d’effet. Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de celui de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 mars 2023 (n°21-16044) statuant sur le caractère abusif d’une clause de déchéance du terme, en apportant des précisions sur les conséquences de cette sanction.  

 

Voir également :  

Cass. civ. 1ère, 22 mars 2023, n°21-16044

Cass. civ. 1ère, 18 septembre 2024, n°23-11.407, Inédit 

 

 

Clause abusive – Réputé non écrit – Prescription quinquennale – Imprescriptibilité 

 

 

EXTRAIT : 

 

« 9. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance), la CJUE a dit pour droit que l’article 6, § 1, et l’article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription. 

  1. Il s’en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l’article L. 132-1 précité n’est pas soumise à la prescription quinquennale. »

 

 

ANALYSE : 

 

Deux prêts immobiliers libellés en francs suisses ont été consentis par une banque. Ces prêts sont intégralement remboursés en mars 2015, par la vente du bien immobilier dont l’acquisition avait été financée par lesdits prêts. Le 4 janvier 2021, soit près de 6 ans plus tard, l’emprunteur assigne la banque en annulation des contrats, en restitution des sommes versées, en compensation des créances réciproques et en indemnisation. Le requérant demande également la constatation du caractère abusif de certaines clauses des contrats et, en conséquence, de voir réputées non écrites ces clauses. 

 

La cour d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 1er décembre 2022, a déclaré irrecevables les actions du requérant comme prescrites. Les juges du fond ont considéré qu’il s’agissait d’actions en responsabilité, soumises à la prescription quinquennale, laquelle avait commencé à courir en septembre 2014, date à laquelle l’emprunteur avait eu connaissance de son préjudice. 

 

L’emprunteur forme un pourvoi en cassation. Il invoque l’imprescriptibilité de l’action en reconnaissance du caractère abusif d’une clause. 

 

La Cour de cassation rend sa décision au visa de deux articles, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016. Le premier est l’article L. 110-4 du code de commerce qui prévoit une prescription quinquennale des obligations entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants. Le second est l’article L. 132-1 du code de la consommation qui donne la définition de la clause abusive et prévoit sa sanction : le réputé non écrit.  

 

Ensuite, la Cour de cassation rappelle la solution de l’arrêt Pannon GSM rendu le 4 juin 2009 par la CJCE. Cette décision fait obligation au juge d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause dès lors qu’il dispose « des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ». 

 

Elle rappelle également le contenu de l’arrêt BNP Paribas Personal Finance rendu le 10 juin 2021 par la CJUE. Dans cet arrêt, la CJUE pose le principe d’imprescriptibilité, dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, des demandes de constatation du caractère abusif d’une clause. 

 

La Cour déduit du rapprochement de ces deux arrêts que la demande qui tend à voir réputé non écrite une clause abusive n’est pas soumise à la prescription quinquennale. Elle cite d’ailleurs sur ce point un de ses arrêts précédemment rendu : Cass. 1re Civ., 30 mars 2022, pourvoi n° 19-17.996, publié. 

 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui déclare prescrites les actions du requérant tendant à voir réputer non écrite une clause. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la Cour de cassation décide ensuite de statuer au fond. Sur le fond, elle infirme l’ordonnance du juge de la mise en état ayant admis la fin de non-recevoir tirée de la prescription et dit que l’instance se poursuivra devant le tribunal judiciaire. 

 

Voir également : 

CJCE, 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM 

CJUE BNP Paribas Personal Finance, 10 juin 2021 

1re Civ., 30 mars 2022, pourvoi n° 19-17.996 

Cass. civ.1ère, 18 septembre 2024, n° 22-21.976 

Contrat de prêt — devise étrangère — Clause de variation du taux d’intérêt — Office du juge— Exigence de transparence de la clause — Information suffisante et exacte envers le consommateur 

 

EXTRAITS:  

« Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : […]. 

En statuant ainsi, sans examiner d’office, ainsi qu’il le lui incombait dès lors qu’elle disposait des éléments de fait et de droit nécessaires compte tenu des modalités, définies par le contrat, de fixation du taux d’intérêt, le caractère abusif de la clause du contrat de prêt autorisant les emprunteurs à tirer le prêt dans une devise étrangère devenant la monnaie de compte, la cour d’appel a violé le texte susvisé. […]. 

En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. ». 

 

ANALYSE:  

Une banque danoise a consenti à des emprunteurs un prêt multidevises, qui pouvait être libellé dans diverses devises étrangères (yens, dollars, etc.) et qui portait un taux d’intérêt variable indexé sur le « Jyske Bank Funding Rate » majoré de 1,75 points. Le prêt a finalement été tiré en francs suisses. Par la suite, les emprunteurs ont assigné la banque en responsabilité et ont demandé des dommages et intérêts, en se fondant notamment sur le caractère abusif de la clause de variation des intérêts.  

La Cour d’appel a débouté les emprunteurs, en indiquant notamment que la clause de variation du taux d’intérêt porte sur l’objet du contrat et est rédigée de façon claire et compréhensible, sans examiner d’office si cette clause revêtait d’un caractère abusif, et si elle n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des emprunteurs. Par la suite, les emprunteurs ont formé un pourvoi en cassation.  

Les conseillers de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation rappellent d’abord que, selon l’arrêt Pannon GSM (CJCE, 4 juin 2009, C-243/08, Pannon GSM), le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose.  

Ils rappellent ensuite l’arrêt BNP Paribas Personal Finance (CJUE, C-776/19 à C-782/19, BNP Paribas Personal Finance),aux termes duquel selon l’article 4§2 de la directive 93/13, l’exigence de transparence des clauses d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. Également, selon l’article 3§1 de la même directive, les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses. 

Dès lors, les conseillers de la Première chambre civile de la Cour de cassation cassent et annulent la décision d’appel et déclarent, qu’en retenant que la clause litigieuse, qui portait sur l’objet du contrat, était rédigée de manière claire et compréhensible, sans avoir examiné d’office le caractère abusif de cette clause, et sans avoir recherché si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l’hypothèse d’une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, et a violé l’ancien article L132-1 du Code de la consommation (devenu L212-1 du même code). 

Voir également :