Recommandation N°94-04
Locations saisonnières

BOCCRF du 27/10/1994, rectificatif du 9/12/1994

La Commission des clauses abusives,

Vu le livre Ier, titre III, chapitre II (sections 1 et 2), III et IV du code de la consommation;

Vu l’article L. 114-1 du code de la consommation;

Vu le code civil;

Entendu les représentants des professionnels concernés;

Considérant que certains contrats proposés par des professionnels aux consommateurs sont imprimés en caractères tels qu’ils sont pratiquement illisibles ; qu’ils ne permettent pas d’en prendre aisément connaissance;

Considérant que le mécanisme de formation des contrats de locations saisonnières obéit à un processus particulier et se déroule en plusieurs étapes:

  • offre de location par le professionnel, par voie de publicité;
  • réponse du consommateur accompagnée du versement d’une somme d’argent;
  • confirmation par le professionnel,

que la plupart des modèles de contrat précisent que celui-ci n’est conclu qu’après la confirmation par le professionnel;

que de telles clauses soumettant la conclusion du contrat à la confirmation par le professionnel, après l’acceptation par le consommateur et le versement d’une somme par celui-ci, s’expliquent par le fait que le professionnel peut recevoir de nombreuses réponses à une unique annonce;

que ce mécanisme s’analyse en réalité en deux étapes:

  • conclusion d’un pré-contrat (offre du professionnel et réponse du consommateur);
  • conclusion du contrat lui-même par la confirmation du professionnel;

qu’il convient que ce mécanisme soit clairement explicité et que soient précisés le délai de confirmation du professionnel et le délai de restitution des sommes versées;

Considérant que certains contrats relatifs aux locations saisonnières, notamment dans les stations de sports d’hiver, comportent des clauses établissant une discrimination selon l’âge des consommateurs ; que ces clauses permettent au professionnel de résoudre le contrat, après sa conclusion, lorsque les locataires sont des  » groupes de jeunes  » ; que de telles clauses sont manifestement illicites;

Considérant que des clauses permettent au professionnel de modifier unilatéralement le contrat après la conclusion de celui-ci, notamment dans son objet ou dans ses conditions ; que si des modifications du contrat peuvent intervenir, en particulier en raison de circonstances extérieures indépendantes de la volonté des parties, elles ne le peuvent qu’avec l’accord de ces dernières;

Considérant que certaines clauses prévoient qu’en cas de dédit du consommateur, pour quelque cause que ce soit, celui-ci sera débiteur de la totalité du loyer alors que le professionnel se réserve le droit de se dédire moyennant le seul remboursement de la somme versée par le consommateur, celui-ci n’ayant droit à aucune indemnité;

Considérant que de nombreux contrats comportent des clauses fixant des délais trop brefs pour les réclamations des consommateurs relatives à l’état des lieux ; que la spécificité des locations saisonnières exige certes que les réclamations soient faites dans un bref délai, mais que le délai de vingt-quatre heures figurant dans ces contrats est manifestement abusif ; que doivent être considérées comme abusives les clauses qui fixent, pour de telles réclamations, un délai inférieur à trois jours;

Considérant que certains contrats comportent des clauses exonérant le professionnel de toute responsabilité dans le cas où celui-ci ne délivrerait pas au locataire des locaux et des équipements conformes au contrat ; que de telles clauses sont manifestement abusives;

Considérant que les contrats prévoient la possibilité pour le professionnel de faire effectuer des travaux dans les lieux loués durant le séjour du consommateur, quelles que soient l’importance et la durée de ces travaux ; que, compte tenu de la nature particulière des locations saisonnières et de leur faible durée, une telle clause est abusive sauf si elle vise le cas d’urgence manifeste;

Considérant que certaines clauses précisent qu’en cas de travaux effectués par le propriétaire durant le séjour du consommateur celui-ci ne saurait réclamer aucune indemnisation du préjudice qu’il subit de leur fait ; que de telles clauses sont abusives;

Considérant que certains contrats prévoient que les formalités de sortie sont effectuées unilatéralement par le professionnel, après le départ du locataire, sans réserver à celui-ci la possibilité d’obtenir un état des lieux contradictoire;

Considérant que de nombreux contrats prévoient que les réclamations du consommateur après la fin du séjour doivent être formées dans un délai extrêmement bref, le plus souvent huit jours ; qu’un tel délai, compte tenu de la période habituelle de ces locations, est abusif;

Considérant que la plupart des contrats imposent aux consommateurs des clauses attributives de compétence, qu’il s’agisse du lieu ou de la nature de la juridiction ; que certains d’entre eux comportent des clauses compromissoires ; que ces clauses sont illicites:

Recommande:

Que les documents contractuels habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs:

  • soient imprimés en caractères typographiques de corps 8 au minimum;
  • précisent:

a) Le mécanisme de la formation du contrat;b) Les conditions et les délais dans lesquels le professionnel est tenu de confirmer son accord, de remettre le texte du contrat définitif au consommateur et de rembourser les sommes versées par celui-ci lors de la conclusion du pré contrat;

 

  • rappellent les dispositions relatives aux arrhes de l’article L. 114-1 du code de la consommation;

Que soient éliminées des contrats les clauses ayant pour objet ou pour effet:

  • d’opérer une discrimination permettant au professionnel de résoudre le contrat pour des motifs fondés sur l’âge des occupants;
  • de permettre au professionnel de modifier unilatéralement les conditions initiales du contrat;
  • de permettre au professionnel de ne pas exécuter le contrat en remboursant au consommateur les sommes versées par celui-ci en excluant toute forme d’indemnité;
  • de prévoir qu’en cas de dédit du consommateur celui-ci sera débiteur de la totalité du loyer prévu par le contrat, alors que le professionnel ne serait pas tenu à une obligation équivalente;
  • d’imposer au consommateur un délai inférieur à trois jours pour effectuer, lors de son entrée dans les lieux, toute réclamation relative à l’état de ceux-ci;
  • d’exonérer le professionnel de toute responsabilité en cas de manquement à son obligation de délivrance des lieux et des équipements conformes à l’état descriptif et en bon état d’entretien et de fonctionnement;
  • de permettre au professionnel de faire effectuer pendant la durée de la location des travaux non dictés par l’urgence manifeste;
  • d’exclure, en cas de travaux dictés par l’urgence, tout droit pour le consommateur d’obtenir réparation des troubles de jouissance qu’il aurait subis de ce fait;
  • de réserver au professionnel le droit d’effectuer les formalités de sortie de manière unilatérale et après le départ du consommateur, sans offrir à celui-ci la possibilité d’exiger l’établissement d’un état des lieux contradictoire;
  • de fixer des délais trop brefs pour les réclamations que peut être amené à faire le consommateur après l’expiration de la location;
  • de prévoir une attribution de compétence territoriale ou à des juridictions commerciales ou encore d’imposer au consommateur des clauses compromissoires.

Texte adopté le 1er juillet 1994 sur le rapport de M. Luc Bihl.

 

Voir également :

Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur de l’immobilier