Cour de justice de l'Union européenne
Le point de départ du délai de l’action restitutoire consécutive au constat du caractère abusif d’une clause d’un contrat de prêt libellé en francs suisse ne peut être fixé à la date de l’acceptation de l’offre de prêt

CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 - BNP Paribas Personal Finance

CJUE, 10 juin 2021, C-776/19, BNP Paribas Personal Finance 

Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrats de prêt hypothécaire libellés en devise étrangère (franc suisse) – Prescription – Action en constatation du caractère abusif d’une clause – Action aux fins de restitutions de sommes indûment versées – Principe d’effectivité 

EXTRAITS : 

« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale soumettant l’introduction d’une demande par un consommateur :  

– aux fins de la restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de telles clauses abusives, à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l’ensemble de ses droits découlant de cette directive. » 

ANALYSE : 

A l’occasion du contentieux des contrats de prêt hypothécaire libellés en devise étrangère, la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue préciser les règles de prescription applicables aux actions introduites par le consommateur en matière de clauses abusives.  

Pour ce faire, la Cour commence par rappeler que le principe d’autonomie procédurale des Etats membres ne doit pas méconnaître les principes d’effectivité et d’équivalence du Droit de l’Union Européenne (CJUE-16 juillet 2020-C-224/19-Caixabank). Dans la présente affaire, seul est visé le principe d’effectivité, ce qui implique que les modalités procédurales mises en œuvre par les Etats membres ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la directive 93/13 (pts 27 & 28). 

Dès lors, la Cour de Justice de l’Union Européenne est d’abord venue préciser que la demande introduite par un consommateur, afin que soit constaté le caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat l’unissant à un professionnel, ne peut être soumise à un quelconque délai de prescription (faire un renvoi vers la fiche CJUE BNP Paribas dont le titre est L’action aux fins de constatation du caractère abusif d’une clause n’est pas soumise à un délai de prescription). 

Par ailleurs, sur la prescription applicable aux actions ayant un caractère restitutif, la Cour commence par rappeler que la directive 93/13 ne s’oppose pas à une réglementation nationale soumettant une telle action à un délai de prescription (CJUE-9 juillet 2020-C-698/18-Raiffeisen Bank), et notamment à un délai de prescription de cinq ans (CJUE-16 juillet 2020-C-224/19-Caixabank). Il faut toutefois que l’application d’un tel délai ne rende pas impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits dont dispose le consommateur en vertu de la directive 93/13 (pt 41). 

Or, à cet égard, s’agissant du point de départ du délai de prescription, qui commence en droit français à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt, la Cour réaffirme qu’il existe un risque que le consommateur ne soit pas en mesure d’invoquer, pendant ce délai, les droits dont il dispose en vertu de la directive 93/13 (CJUE-05 mars 2020-C-679/18-OPR-Finance). Effectivement, selon la Cour, un tel délai de prescription risque d’avoir expiré avant que le consommateur n’ait eu connaissance du caractère abusif d’une clause contenue dans le contrat l’unissant à un professionnel. Dès lors, selon la Cour, l’introduction par le consommateur d’une demande aux fins de restitution de sommes indûment versées, sur le fondement de clauses abusives, ne saurait être soumise à un délai de prescription de cinq ans, qui commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt, et non à la date à laquelle le consommateur a effectivement eu connaissance de ses droits découlant de la directive 93/13 (pt 47).