Cour de cassation
Arrêt du 4 décembre 2001

Chambre civile 1
Audience publique du 4 décembre 2001
Cassation partielle
N° de pourvoi : 99-14707
Président : M. LEMONTEY
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société S., dont le siège est route d’…, en cassation d’un arrêt rendu le 23 février 1999 par la cour d’appel de Nîmes (1e chambre civile, section B), au profit :

1 / du Groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) S-A, dont le siège est *** Avignon, représenté par ses gérants Mme A. G., épouse M. et M. J. G.,

2 / de la société P. P., société anonyme, dont le siège est zone industrielle, ***,

3 / de la C., dont le siège est ***, défendeurs à la cassation ;

Le GAEC S-A a formé un pourvoi provoqué éventuel contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi provoqué éventuel invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 30 octobre 2001, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Bouscharain, conseiller rapporteur, M. Aubert, conseiller, M. Roehrich, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Bouscharain, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société S., de la SCP Parmentier et Didier, avocat du GAEC S-A, les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société S. du désistement de son pourvoi en ce qu’il était dirigé contre la société P. P. et la Caisse industrielle d’assurance mutuelle ;

Attendu que pour les besoins de son exploitation, le groupement agricole d’exploitation en commun S-A (le GAEC) a obtenu de la société S. la fourniture et l’installation de serres couvertes de bâches plastiques fabriquées par la société P. P. ; qu’en raison de leur défectuosité, ces bâches se sont déchirées ; que, le 11 décembre 1991, la société P. P. a proposé le remplacement des bâches ; qu’un accord est intervenu entre le GAEC et les deux sociétés, le 24 décembre 1991, en vertu duquel la société P. P. devait fournir des bâches non défectueuses et la société S. devait procéder à leur installation ; que le GAEC a demandé l’indemnisation des conséquences du retard mis dans l’exécution des travaux de remplacement des bâches ; que la société S. lui a opposé une clause de ses conditions générales limitant sa garantie à la seule fourniture des pièces jugées défectueuses ou à la remise en état, sans indemnité envers l’acheteur pour quelque cause que ce soit ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi provoqué du GAEC S-A, tel qu’énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu, d’une part, que dès lors que le GAEC avait caractérisé le préjudice dont il demandait l’indemnisation comme celui résultant de la perte des plants semés en vue d’être transplantés dans la serre sinistrée, de l’obligation de remplacer ces plants par des plants achetés à un tiers, d’une plantation tardive, d’une perte de rendement et d’une mise sur le marché décalée ayant entraîné des frais financiers, la cour d’appel, en retenant que le dommage dont la réparation était demandée était celui résultant du retard, estimé excessif, mis, après l’accord intervenu sur le mode de réparation des désordres eux-mêmes, à effectuer le remplacement des bâches, n’a pas méconnu l’objet du litige ;

que, d’autre part, en relevant que dès le 11 décembre 1991, la société P. P. avait proposé le remplacement des bâches défectueuses, ce qui avait permis de parvenir à l’accord prévoyant leur remplacement, la cour d’appel a, par motifs adoptés, pu considérer que n’était pas démontrée l’existence d’un lien de causalité entre la faute initiale de cette société et le préjudice dont la réparation était demandée ;

Et sur le second moyen du même pourvoi provoqué, tel qu’énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe au présent arrêt :

Attendu qu’ayant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve, retenu que le préjudice dont la réparation était demandée résultait du retard pris à procéder au remplacement des bâches, la cour d’appel a, en écartant la garantie de la Caisse industrielle d’assurance mutuelle, fait une exacte application de la stipulation excluant de la garantie les préjudices résultant de l’exécution d’une obligation de faire ; que le moyen n’est pas davantage fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la société S. :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995 applicable à l’espèce ;

Attendu que pour considérer cette clause comme abusive et réputée non écrite et condamner la société S. à indemniser le préjudice invoqué par le GAEC, l’arrêt attaqué retient que celui-ci était incompétent en matière d’emploi et de tenue des bâches plastiques de recouvrement de serres ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans relever l’absence de rapport direct entre le contrat conclu par la société S. avec le GAEC et l’activité professionnelle de ce dernier, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi provoqué éventuel ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société S. envers le GAEC S-A, l’arrêt rendu le 23 février 1999, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne le GAEC S-A aux dépens ;

Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du GAEC S-A ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille un.