Cour de cassation
Arrêt du 29 octobre 2002

Première Chambre civile

N° de pourvoi : 99-20265
Publié au bulletin
Président : M. Aubert, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Rapporteur : M. Charruault.
Avocat général : M. Sainte-Rose.
Avocat : la SCP Laugier et Caston.

Attendu que, le 20 juillet 1995, M. X… a conclu avec la société M… un contrat dit de vente « client partenaire », en vertu duquel celle-ci a vendu à celui-là un matériel de détection et de télésurveillance, d’une valeur de 29 215,92 francs, toutes taxes comprises, destiné à assurer la protection de locaux d’habitation ; que l’article 2 de ce contrat stipule qu’en contrepartie de l’acceptation, par le client, d’une part, d’être cité en référence et de promouvoir les matériels de la société auprès de ses relations, d’autre part, de souscrire auprès de celle-ci un contrat d’abonnement de télésurveillance moyennant une redevance mensuelle de 230 francs, ce dernier devient propriétaire du matériel vendu « pour une somme qui est ramenée dans l’immédiat » à 11 686,40 francs, outre les frais de pose s’élevant à 900 francs ; que l’article 11 dudit contrat, selon lequel le contrat de télésurveillance est conclu pour une durée d’un an renouvelable automatiquement par tacite reconduction, prévoit que le client reste libre, à tout moment, de résilier l’abonnement de télésurveillance et précise qu’en ce cas la différence entre le prix réel de l’installation et la somme réglée lors de la signature du contrat sera alors facturée au client, déduction faite d’une prime de fidélité de 40 francs, toutes taxes comprises, par mensualité de télésurveillance réellement réglée et d’une commission de 10 % sur le montant hors taxes et hors pose perçu pour les installations réalisées par l’entremise du client ; que le contrat d’abonnement de télésurveillance que vise le contrat précité a été conclu le même jour par les parties, pour une durée minimum d’un an, moyennant une redevance mensuelle de 230 francs ; qu’il stipule que cette durée constitue une période ferme et non divisible, librement choisie par le client qui, en contrepartie, a pu bénéficier de conditions avantageuses concernant l’acquisition du matériel, et que, de ce fait, en cas de résiliation avant le terme et ce pour quelque motif que ce soit, le solde des mensualités de la période contractuelle en cours, majoré de 15 %, deviendra immédiatement et de plein droit exigible à titre d’indemnité contractuelle de résiliation anticipée et pour compensation du préjudice en résultant ; qu’il précise, d’une part, qu’à défaut de résiliation au terme de la période contractuelle en cours, il sera automatiquement et tacitement reconduit pour une période d’un an, d’autre part, que la résiliation se fera par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un délai de préavis minimum d’un mois avant le terme de la période en cours ; que, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 26 mai 1998 par la société M…, M. X… a résilié les contrats précités à effet du 20 juillet 1998 ;

Attendu que, par déclaration du 18 novembre 1998, la société M… a saisi le tribunal d’instance d’une demande tendant à la condamnation de M. X… à lui payer, d’une part, la somme de 16 444,52 francs sur le fondement des stipulations précitées de l’article 11 du contrat de vente, d’autre part, la somme de 2 466,68 francs au titre de la clause pénale prévue par le contrat d’abonnement ; que le Tribunal a dit que l’article 11 du contrat de vente ne présente pas le caractère d’une clause abusive et accueilli les prétentions de la société M… ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. X… fait grief au jugement attaqué de l’avoir condamné à payer à la société M… la somme de 2 466,68 francs, alors, selon le moyen, qu’est abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation la clause qui stipule, comme en l’espèce, que la résiliation avant le terme par l’abonné et « ce pour quelque motif que ce soit » donnera lieu au versement d’une indemnité équivalente au solde de la période contractuelle en cours, majorée de 15 %, de sorte qu’en statuant ainsi, le Tribunal a méconnu ce texte ;

Mais attendu qu’il ne résulte ni des pièces de la procédure suivie devant le Tribunal, ni des énonciations du jugement que M. X… se soit prévalu du caractère abusif de cette clause ; qu’ainsi le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit, comme tel irrecevable ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Attendu, aux termes de l’alinéa 1 de ce texte, que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu que pour dire que l’article 11 du contrat de vente ne présente pas le caractère d’une clause abusive et condamner M. X… à payer à la société M… la somme de 16 444,52 francs sur le fondement des stipulations de cet article, le jugement attaqué énonce que ledit article est parfaitement accessible à une personne dotée d’une capacité de compréhension moyenne, que, lors de la souscription, les parties ont eu pour commune intention de se lier mutuellement pendant une période suffisamment longue pour que chacun des cocontractants trouve un intérêt réciproque à respecter son engagement, qu’au moment de la résiliation du contrat d’abonnement par le client, les parties sont remises dans la situation préexistant à la signature, le client devant payer un complément de prix pour l’acquisition de son installation, modulé en fonction de la durée du contrat d’abonnement et des ventes réalisées par son entremise, que l’avantage conféré à la société M… lors de la résiliation, qui trouve son corollaire dans la contrepartie importante, réelle et suffisante accordée au client lors de la souscription du contrat, ne saurait donc être considéré comme excessif et unilatéral ;

Attendu, cependant, que si, du rapprochement des articles 2 et 11 du contrat de vente, il résulte que l’engagement pris par M. X… de souscrire auprès de la société M… un contrat d’abonnement de télésurveillance, pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, trouve sa contrepartie dans la remise de la somme de 17 565,52 francs sur le prix du matériel vendu, les conditions auxquelles est subordonné l’exercice, par M. X…, de la faculté de résilier, à tout moment, le contrat d’abonnement, créent, au détriment de ce dernier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à ces deux contrats ; qu’en effet, en ce qu’il impose à M. X…, en cas de résiliation de l’abonnement, de renoncer au bénéfice d’une telle remise, représentant 60 % du prix de vente du matériel, l’article 11, alinéa 3, du contrat de vente fait peser sur l’exercice de cette faculté de résiliation une contrainte excessive que ne suffisent pas à atténuer les déductions qu’il prévoit dès lors que l’allocation de la commission de 10 % sur le montant hors taxes et hors pose perçu pour les installations réalisées par l’entremise du client, revêt un caractère aléatoire, tandis que la prime de fidélité est manifestement dérisoire ; que la clause figurant à l’article 11, alinéa 3, du contrat de vente est donc abusive, partant réputée non écrite ; que le Tribunal a donc violé, par refus d’application, les dispositions du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 1134 du Code civil ;

Attendu que, faisant application de la clause pénale figurant au contrat d’abonnement, le jugement attaqué a condamné M. X… à payer à la société M… la somme de 2 466,68 francs ;

Attendu, cependant, que, selon les termes clairs et précis de cette clause, l’indemnité que celle-ci fixe n’est due qu’en cas de résiliation du contrat d’abonnement avant le terme de la période annuelle d’abonnement alors en cours ; qu’il est constant que M. X… a, conformément aux prévisions du contrat d’abonnement, résilié celui-ci avec effet au 20 juillet 1998, date du terme de la période annuelle d’abonnement alors en cours ; d’où il suit qu’en statuant comme il a fait, le Tribunal a violé, par fausse application, ladite clause, partant le texte susvisé ;

Et attendu qu’il y a lieu de faire application de l’article 627, alinéa 1, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n’impliquant qu’il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 4 juin 1999, entre les parties, par le tribunal d’instance d’Hayange ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;DIT abusive et réputée non écrite la clause du contrat de vente stipulant qu’en cas de résiliation de l’abonnement de télésurveillance, la différence entre le prix réel de l’installation et la somme réglée lors de la signature du contrat sera alors facturée au client, déduction faite d’une prime de fidélité de 40 francs TTC par mensualité de télésurveillance réellement réglée et d’une commission de 10 % sur le montant hors taxes et hors pose perçu pour les installations réalisées par l’entremise du client ;

DIT n’y avoir lieu à application de la clause pénale ;

REJETTE les prétentions de la société M… ;

Condamne la société M… aux dépens ;

Met à la charge de cette société ceux afférents à l’instance devant le juge du fond ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille deux.

Publication :Bulletin 2002 I N° 254 p. 195

Décision attaquée :Tribunal d’instance d’Hayange, 1999-06-04