Cour de cassation
Arrêt du 1er juin 1999

Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 1 juin 1999
Cassation partielle
N° de pourvoi : 96-20962 N° de pourvoi : 96-21138
Inédit
Président : M. BEZARD

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Sur le pourvoi n° T 96-20.962 formé par la société S., société anonyme, dont le siège est ***,

en cassation d’un arrêt rendu le 22 avril 1996 par la cour d’appel de Basse-Terre (2e chambre), au profit M. B., demeurant ***,

défendeur à la cassation ;

II – Sur le pourvoi n° J 96-21.138 formé par M. B.,

en cassation du même arrêt rendu au profit de la société S., société anonyme,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse au pourvoi n° T 96-20.962 invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi n° J 96-21.138 invoque, à l’appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l’audience publique du 6 avril 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, MM. Nicot, Leclercq, Léonnet, Poullain, Métivet, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Boinot, Mme Champalaune, M. de Monteynard, Mme Gueguen, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. B., de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de la société S., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n° J 96-21.138 et n° T 96-20.962 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l’arrêt déféré (Basse-Terre, 22 avril 1996), que la société E. a donné en location pour une durée de cinq ans, à M. B., radiologue, le 30 avril 1990 un appareil de mammographie, et le 21 décembre 1990, du matériel de radiologie ; que par actes du 1er février 1991 la société E. a cédé ces équipements à la société S., devenue société S. (société S.) ; que par lettres recommandées avec accusés de réception du même jour, la société E. en a avisé M. B. ; que ce dernier ayant cessé de régler les loyers à compter des mois de juin et juillet 1991, la société S. l’a assigné à l’effet de voir constater la résiliation de plein droit des deux contrats, d’obtenir la restitution du matériel et sa condamnation au paiement d’une certaine somme ; que M. B. a reconventionnellement fait valoir que les cessions lui étaient inopposables et que certains articles des conventions étaient illicites ;

Sur le pourvoi formé par M. B. :

Sur le premier moyen :

Attendu que M. B. fait grief à l’arrêt d’avoir dit que les cessions intervenues le 1er février 1991 entre la société E. et la société S. étaient des cessions de contrats qui lui étaient devenues immédiatement opposables, alors selon le pourvoi, que saisie d’une discussion sur la qualification juridique des opérations de cession intervenues le 1er février 1991, l’arrêt qui pour qualifier ces cessions de “cessions de contrat” s’est borné à examiner les lettres recommandées avec accusé de réception par lesquelles M. B., débiteur cédé, a été avisé de la cession et refusé, au prétexte que le docteur B. n’était pas partie, d’examiner les documents contractuels, dont la convention cadre, liant E. et S., lesquelles matérialisaient cette cession, a violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l’arrêt retient que par courriers recommandés avec accusés de réception du 1er février 1991, la société E. a avisé M. B. de la cession des équipements à la société S. et précisé que celle-ci se substituerait à elle en qualité de loueur ; qu’il relève que cette éventualité, expressément prévue à l’article 7-2 des conditions générales des contrats de location, était connue de M. B. ;

que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle écartait, a pu décider que les cessions litigieuses constituaient des cessions de contrats ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. B. fait le même reproche à l’arrêt, alors d’une part, que l’accomplissement de l’une ou l’autre des formalités énoncées à l’article 1690 du Code civil ne devient inutile pour rendre la cession de créance opposable au débiteur cédé que si celui-ci a, non seulement eu connaissance de cette cession, mais l’a également acceptée sans équivoque ; qu’en estimant qu’il avait accepté les cessions litigieuses, de sorte que les cessions lui seraient opposables dès le mois de février 1991 car les lettres qu’il avait envoyées à E. le 8 février 1991, en réponse à celles lui notifiant la cession, ne contiennent aucun refus de l’accepter, l’arrêt attaqué a posé une présomption d’acceptation des cessions en violation de l’article 1690 du Code civil ;

alors, d’autre part, qu’en s’abstenant de répondre à ses conclusions selon lesquelles les paiements intervenus ne peuvent pas valoir acceptation non équivoque des cessions car ces versements ne procèdent pas de sa volonté mais des agissements de E. qui a immédiatement transmis à S., sans son accord, les autorisations de prélèvement automatique dont elle disposait, l’arrêt attaqué a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt retient que M. B. a adressé à la société S. un courrier lui proposant le rachat du contrat de financement, et a indiqué à une société tiers que le contrat avait été cédé à S. ; qu’il relève que quatre mensualités de chaque contrat ont été prélevées sur son compte, sans contestation de sa part, par l’établissement cessionnaire conformément aux autorisations de prélèvement qui prévoyaient la subrogation du créancier et que c’est seulement en raison des pannes et de la non conformité alléguées du matériel, qu’il a mis fin au prélèvement automatique ; que la cour d’appel qui, répondant aux conclusions prétendument délaissées, en a déduit que M. B. avait accepté les cessions et que celles-ci lui étaient opposables dès le mois de février 1991, a pu statuer comme elle l’a fait ;

d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. B. fait encore le même grief à l’arrêt, alors que, selon l’article 7-5 des conditions générales des contrats, en cas de cession, nantissement ou délégation du contrat, des créances ou du matériel, il devra être procédé à la signature d’un avenant entre E., le locataire et le cessionnaire à peine de nullité, et que selon l’article 7-2, alinéa 2, le locataire s’engage à signer à la première demande du loueur tout document nécessaire à la régularisation juridique et comptable de l’opération ; qu’en décidant que les conditions d’une signature par les trois parties des avenants ne s’applique pas à la cession des contrats dont les formes sont prévues par l’article 7-2 du contrat, l’arrêt attaqué qui a refusé de donner effet à l’article 7-5 du contrat, a violé l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, selon l’article 7-5 des conditions générales des contrats de location produits, que c’est seulement après cession du contrat, des créances ou du matériel, que toute modification dudit contrat devra faire l’objet, à peine de nullité, d’un avenant signé entre le locataire, E. et l’établissement cessionnaire ; que la cour d’appel qui en a déduit que les stipulations de cet article n’étaient pas applicables à la cession du contrat lui-même dont les formes étaient prévues à l’article 7-2, a justifié sa décision ; que le moyen doit être rejeté ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. B. fait enfin le même reproche à l’arrêt, alors que, en s’abstenant de répondre à ses conclusions selon lesquelles les contrats de location s’étaient incontestablement trouvés résiliés à la date du 17 octobre 1991 au plus tard, date à laquelle a été arrêté le plan de cession de E. à la société N. par le tribunal de commerce de Nanterre, de sorte que S. était radicalement irrecevable à réclamer aussi bien l’exécution d’un contrat résilié aux torts du bailleur E. que le paiement d’une créance de loyer privée sinon d’existence juridique, du moins de cause, l’arrêt attaqué a violé l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé que la cession des contrats et leur notification avaient eu lieu au mois de février 1991, n’était pas tenue de répondre à des conclusions dépourvues de portée ; que le moyen doit être écarté ;

Sur le pourvoi formé par la société S. :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société S. fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement en ce qu’il avait annulé l’article 7-4 des conditions générales du contrat de location, dit que le docteur B. pouvait lui opposer les exceptions d’inexécution du contrat principal et avant dire droit sur ce point, ordonné une expertise, alors, selon le pourvoi, qu’en soulevant d’office le moyen tiré du caractère prétendument abusif de l’article 7-4 du contrat de location selon lequel “le locataire renonce notamment à effectuer toute compensation, déduction sur les loyers, demande reconventionnelle en raison des droits qu’il pourrait faire valoir contre E.”, sans avoir provoqué au préalable les explications des parties sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le caractère illicite des clauses prévues aux articles 7-2 et suivants des contrats a été invoqué par M. B. à titre subsidiaire dans ses écritures d’appel ; que le moyen était donc dans les débats et n’a pas été relevé d’office par la cour d’appel ;

Mais sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l’article L. 132-1 du Code de la consommation ;

Attendu que les dispositions de ce texte, selon lesquelles sont réputées non écrites parce qu’abusives les clauses des contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ;

Attendu que pour prononcer la nullité de l’article 7-4 du contrat, l’arrêt retient que cette clause a été imposée par un professionnel du financement à un consommateur, qui, bien qu’ayant acquis le matériel litigieux pour les besoins de sa profession de radiologue, demeurait un consommateur ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que  par M. B., la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les quatrième et cinquième branches du moyen unique du pourvoi n° T 96-20.962 :

Sur le pourvoi n° J 96-21.138 :

REJETTE le pourvoi ;

Sur le pourvoi n° T 96-20.962 :

CASSE et ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant prononcé l’annulation de l’article 7-4 des conditions générales des contrats de location l’arrêt rendu le 22 avril 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne M. B. aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société S. ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
Décision attaquée :cour d’appel de Basse-Terre (2e chambre) 1996-04-22