Recommandation N°94-03
Séjours linguistiques

BOCCRF du 27/09/1994

La Commission des clauses abusives,

Vu le livre Ier, titre III, chapitres II (sections 1 et 2), III et IV du code de la consommation;

Vu la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d’exercice des activités relatives à l’organisation et à la vente de voyages ou de séjours;

Vu le code civil;

Entendu les représentants des professionnels intéressés;

Considérant que de nombreux organismes proposent à titre habituel et rémunéré, et donc en tant que professionnels, aux consommateurs un séjour linguistique à l’étranger ; que certains de ces organismes revêtent la forme juridique d’une association ; que le contrat proposé aux consommateurs dispose alors que la conclusion dudit contrat entraîne obligatoirement l’adhésion du consommateur à l’association et le paiement de la cotisation annuelle ; que les conditions générales ne fournissent le plus souvent aucune information sur l’association, son objet social, ses buts ; que du fait de cette absence d’information, le consommateur se voit contraint de donner son adhésion à une association dont il ignore à peu près tout et de payer une cotisation qui ne lui sera jamais remboursée même si le voyage est annulé;

Considérant que de très nombreuses conditions générales comportent une clause par laquelle le professionnel se réserve le droit d’annuler le voyage, le consommateur n’ayant alors droit qu’au seul remboursement des sommes par lui versées, à l’exclusion de toute réparation du préjudice qu’il subit du fait de cette annulation par le professionnel ; que cette clause de non-réparation du préjudice subi par le consommateur confère au professionnel un avantage manifestement excessif, alors surtout que le préjudice subi par le consommateur peut être importait ; que cette clause est devenue illégale au regard de l’article 21 de la loi du 13 juillet 1992 précitée;

Considérant que de nombreuses conditions générales prévoient que le professionnel se réserve le droit de modifier unilatéralement les prestations prévues lors de la conclusion du contrat ; qu’il va de soi que de légères modifications du programme ou des modifications d’horaires sont inhérentes à ce type de séjour ; que, toutefois, la généralité de ces clauses permet aux professionnels de bouleverser le programme prévu, voire de supprimer certaines prestations essentielles et que le consommateur n’aurait pas contracté s’il avait connu ces suppressions ou modifications lors de la conclusion du contrat ; qu’une telle clause est abusive et illégale au regard de l’article 20 de la loi du 13 juillet 1992 précitée;

Considérant que la plupart des conditions générales disposent que le professionnel ne saurait être tenu pour responsable des fautes ou manquements des prestataires ou sous-traitants qu’il a choisis (transporteurs, hôteliers, sous-traitants, etc.) ; que cette clause d’irresponsabilité a été à de nombreuses reprises condamnée par les tribunaux ; qu’en effet, le professionnel est responsable du choix des entreprises auxquelles il confie l’exécution des prestations qu’il a lui-même contractées envers le consommateur ; qu’il ne saurait donc s’exonérer de toute responsabilité et imposer au consommateur une telle exonération ; que ladite clause est devenue illégale en vertu de l’article 23 de la loi du 13 juillet 1992 précitée;

Considérant que certaines clauses exigent du consommateur que les réclamations qu’il aurait à faire soient portées à la connaissance du professionnel dans un délai parfois très bref, allait même pour certaines, jusqu’à rejeter toute réclamation formée après la fin du séjour ; que de telles clauses interdisent en fait, notamment en raison de la période de l’année où s’exécute le contrat, au consommateur de former des réclamations et de faire valoir ses droits ; que s’il est bon de prévoir des délais relativement courts, dans l’intérêt même des consommateurs, ceux-ci doivent être clairement précisés et doivent demeurer raisonnables ; qu’un délai de trois mois paraît être un minimum compte tenu de la nature de la prestation et de la période à laquelle celle-ci se situe;

Considérant que certaines clauses prévoient que, quel que soit le manquement du professionnel à ses obligations contractuelles, le consommateur ne pourra jamais prétendre qu’au remboursement du prix qu’il a payé à l’exclusion de tous dommages et intérêts ; qu’une telle clause est abusive;

Considérant que quelques conditions générales prévoient que si le consommateur retourne dans la famille qu’il a connue par l’intermédiaire du professionnel, il devrait acquitter une fraction du prix qu’il aurait payé s’il avait de nouveau contracté avec ce professionnel ; que cette clause, qui constitue une entrave à la liberté du consommateur d’aller et venir, est manifestement illicite;

Considérant que de trop nombreuses conditions générales imposent encore aux consommateurs des clauses attributives de compétence aux juridictions du siège du professionnel, voire aux tribunaux de commerce, voire même à des tribunaux étrangers ; que ces clauses illégales sont au surplus abusives,

Recommande:

Que soient éliminées des contrats des séjours linguistiques les clauses ayant pour objet ou pour effet:

1. D’imposer l’adhésion, moyennant cotisation, du consommateur à une association, sans l’informer préalablement de l’objet et des caractéristiques essentielles de cette association;

2. De supprimer, en cas d’annulation du voyage par le professionnel, tout droit du consommateur à la réparation du préjudice qu’il a subi ou de réduire la réparation au seul remboursement du prix qu’il a payé à l’exclusion de tous dommages et intérêts;

3. De permettre au professionnel de modifier sur des points importants le programme et les prestations convenus et d’exclure en ce cas tout droit à réparation des consommateurs;

4. D’exclure toute responsabilité des professionnels dans le choix des prestataires de services auxquels ils ont confié l’exécution du séjour;

5. De limiter la réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de responsabilité du professionnel au seul remboursement du prix payé par le consommateur à l’exclusion de tous dommages et intérêts;

6. De fixer des délais inférieurs à trois mois à compter de la fin du séjour pour la réclamation du consommateur;

7. D’interdire au consommateur de retourner dans la famille d’accueil ou de lui imposer en ce cas le paiement d’une somme d’argent;

8. D’attribuer compétence à des tribunaux étrangers ou au tribunal du siège social du professionnel, ou encore à des tribunaux de commerce.

(Texte adopté le 18 mars 1994 sur le rapport de M. Luc Bihl.)

La commission précise que depuis l’adoption de cette recommandation a été publié le décret n° 94-490 du 15 juin 1994 fixant les conditions d’exercice des activités relatives à l’organisation et à la vente de voyages ou de séjours.