Recommandation N°10-02
Recommandation n° 10-02 relative aux contrats de prévoyance obsèques

BOCCRF du 25/06/2010

La Commission des clauses abusives,

Vu l’article 3 de la loi du 15 novembre 1887 ;

Vu les dispositions de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 ;

Vu les dispositions du code de la consommation et notamment les articles L. 132-1 à L. 132-5 et R. 132-1 à R. 132-2-1 ;

Vu les dispositions du code des assurances et notamment les articles L. 132-8  et L. 132-23-1 ;

Vu les dispositions du code général des collectivités territoriales et notamment les articles L. 2223-19, L. 2223-20, L. 2223-23, L. 2223-34-1 et L. 2223-35-1 ;

Vu l’article 42 du code de procédure civile ;

Vu la circulaire de normalisation n° NOR/INT/B/06/00119/C du 20 décembre 2006 ;

Entendu les représentants des professionnels concernés ;

Considérant qu’à la fin de l’année 2009, deux millions et demi de contrats de prévoyance obsèques avaient été souscrits et que ce nombre est appelé à se développer fortement compte tenu de l’évolution démographique ;

Considérant que l’appellation « contrats de prévoyance obsèques » recouvre deux types de contrats d’assurance vie-décès : des contrats en prestations et des contrats en capital ; que, dans la mesure où ces derniers ne garantissent pas que le capital sera versé à un opérateur funéraire et n’ont donc pas de lien nécessaire avec le financement des obsèques, le champ de la présente recommandation porte uniquement sur les contrats en prestations associant un intermédiaire d’assurance à un opérateur funéraire ; que la finalité de ces contrats est de garantir le versement d’un capital à l’opérateur funéraire pour qu’il réalise les obsèques selon les volontés du consommateur ;

Considérant que la Commission regrette que la présentation commerciale de certains contrats laisse penser au consommateur que ses volontés seront respectées dans l’organisation de ses obsèques, alors même que le contrat, étant de capitalisation, n’a pas cet objet, ou bien, lorsqu’il s’agit d’un contrat de prévoyance obsèques à proprement parler, que ce respect n’est pas contractuellement garanti ;

Considérant que certains montages contractuels sont d’une grande complexité juridique faisant intervenir une association, un groupement d’intérêt économique funéraire, un opérateur funéraire, un mandataire, un assureur, un assisteur, etc. ; que leur présentation matérielle ne permet pas toujours au consommateur d’identifier les multiples intervenants et leurs rôles respectifs ;
Considérant que l’examen de ces contrats révèle des clauses abusives relatives au contenu du contrat, à sa modification, à l’exécution et à l’inexécution des prestations ;

I – Les clauses relatives au contenu du contrat

1° – Considérant que les contrats de certains opérateurs funéraires proposent au consommateur un ensemble de prestations sans faire apparaître clairement la distinction entre celles qui, en application de l’article L. 2223-20 du code général des collectivités territoriales, présentent un caractère obligatoire pour l’exécution de leur mission de service public, et celles qui sont seulement facultatives ; que ces clauses ne permettent pas au consommateur de se faire une idée précise des prestations obligatoires ; qu’en contrevenant ainsi aux dispositions légales précitées, elles sont illicites et que, maintenues dans les contrats, elles présentent un caractère abusif ;

2° – Considérant que plusieurs contrats présentent certaines prestations funéraires comme obligatoires, alors qu’elles ne revêtent pas ce caractère en vertu de l’article L. 2223-20 du code général des collectivités territoriales ; que, dans la mesure où ces clauses laissent croire au consommateur qu’il est tenu de souscrire de telles prestations, elles sont de nature à créer un déséquilibre significatif à son détriment ;

II – Les clauses relatives à la modification du contrat

3°- Considérant que certains contrats contiennent une clause en vertu de laquelle le devis des prestations, qui sert de base au montant du capital que va choisir le consommateur, a une durée de validité de 4 mois après sa signature ; cette clause est de nature à laisser croire au consommateur que, 4 mois après son acceptation du devis, le professionnel sera libre de modifier les termes de son engagement ; que cette clause relève donc de l’interdiction du 3°) de l’article R. 132-1 du code de la consommation ;

4° – Considérant que certaines clauses permettent, à l’occasion de la modification de l’opérateur funéraire par le consommateur conformément aux dispositions de l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales, au mandataire désigné par ce dernier de limiter son obligation contractuelle de garantir la bonne exécution des obsèques ; que ces clauses, qui sont de nature à permettre au professionnel d’alléger unilatéralement son obligation contractuelle à l’occasion de l’exercice d’une prérogative légale par le consommateur, créent un déséquilibre contractuel significatif au détriment de ce dernier ;

5° – Considérant que plusieurs contrats permettent expressément au consommateur, conformément aux dispositions  de  l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales, de modifier certains éléments de son contrat, notamment le montant du capital initialement choisi ; que toutefois, certaines clauses prévoient, en cas d’augmentation de ce capital, un paiement immédiat par le consommateur tandis que, en cas de diminution, le remboursement dû aux héritiers n’est prévu qu’après son décès ; que de telles stipulations, qui permettent au professionnel de conserver ces sommes sans aucune justification pendant une durée indéterminée, sont de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; qu’elles sont donc abusives ;

6° – Considérant que diverses clauses permettent à l’opérateur funéraire, dans l’hypothèse « où certaines prestations ou fournitures seraient modifiées ou supprimées », de leur conserver  « une qualité et/ou un caractère équivalent » ; que de telles clauses, par leur généralité, autorisent le professionnel à substituer, à sa discrétion, des prestations à celles initialement prévues ; qu’elles sont abusives au sens  du 3°) de  l’article  R. 132-1 du code de la consommation ;

7° – Considérant que les contrats de plusieurs opérateurs funéraires prévoient que certaines prestations ou fournitures, non stipulées mais nécessaires à la « bonne exécution » des obsèques, feront l’objet d’une facturation supplémentaire et d’un prélèvement automatique ; que de telles clauses, en ce qu’elles permettent au professionnel d’imposer unilatéralement des prestations supplémentaires au consommateur, en fonction d’éléments insuffisamment précis et explicites, sont abusives au sens du 3°) de l’article R.132-1 du code de la consommation ;

8° – Considérant que le contrat d’un opérateur funéraire, prévoit, sans autre précision, que le changement de domicile du consommateur peut entraîner une modification de son contrat ; qu’aucun détail n’est donné sur cette modification éventuelle ni sur les conséquences qui pourraient résulter d’un changement de domicile quelle que soit la distance séparant le nouveau domicile de l’ancien ; que, par sa généralité, cette stipulation est de nature à réserver au professionnel la possibilité de modifier unilatéralement et discrétionnairement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre, en méconnaissance des dispositions du 3°) de l’article R.132-1 du code de la consommation ;

9° – Considérant que certaines clauses prévoient que le consommateur ne peut changer l’opérateur funéraire, bénéficiaire du contrat, qu’avec l’accord préalable de celui initialement choisi ; que ces stipulations ne permettent pas au consommateur de modifier l’opérateur funéraire à tout moment contrairement à ce que prévoit l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales ; qu’elles sont illicites et que, maintenues dans les contrats, elles présentent un caractère abusif ;

10° – Considérant que certaines clauses prévoient un délai minimum pour modifier l’opérateur funéraire ; que ces dispositions ne permettent donc pas au consommateur de changer d’opérateur funéraire à tout moment contrairement à ce qu’édicte l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales ; qu’elles sont illicites et que, maintenues dans les contrats, elles présentent un caractère abusif ;

III – Les clauses relatives à l’exécution et l’inexécution des prestations

11° – Considérant que les contrats qui prévoient le paiement par primes périodiques imposent le prélèvement automatique comme mode unique de paiement ; que de telles stipulations sont abusives en ce qu’elles ne laissent aucun choix du mode de paiement au consommateur ;

12° – Considérant que certaines clauses subordonnent la mise en œuvre des prestations d’assistance, en particulier celle relative au rapatriement du corps, à l’obligation, pour « tout membre de la famille », après le décès du souscripteur, de téléphoner au gestionnaire du contrat et de lui déclarer des « éléments », sans autre précision ; que, faute pour le consommateur de connaître à l’avance les renseignements susceptibles de lui être demandés et, surtout, de savoir sur quelles bases le gestionnaire serait amené à refuser la prise en charge du rapatriement, les clauses litigieuses sont de nature à autoriser le professionnel à faire dépendre l’exécution de son obligation de sa seule discrétion ; qu’elles rompent ainsi l’équilibre contractuel au détriment du consommateur, en contravention aux dispositions du 1°) de l’article R.132-2 du code de la consommation ;

13° – Considérant que les contrats organisent la procédure à suivre pour que l’assisteur exécute son obligation contractuelle de  rapatriement   du   corps  ; qu’une   clause   subordonne   cette prestation  à  la réalisation par ce dernier de « vérifications utiles » ; que la nature des « vérifications » à effectuer n’étant nullement précisée, l’intervention du professionnel ne dépend que de sa seule appréciation de la situation et qu’ainsi, postérieurement à la conclusion du contrat, il sera en mesure de se libérer discrétionnairement de son obligation contractuelle ; qu’une telle stipulation contractuelle crée un déséquilibre significatif au détriment du consommateur  et qu’elle est présumée abusive au sens du 1°) de l’article R.132-2 de la consommation ;

14° – Considérant que certaines clauses prévoient que l’assureur, après le décès du consommateur et le versement du capital convenu, se réserve le droit de demander «  tout justificatif complémentaire qu’il juge utile » ; que ces stipulations sont de nature à laisser croire au consommateur que, faute pour lui d’être en mesure de répondre à ces exigences indéterminées, laissées à la discrétion du professionnel, le versement du capital souscrit pourrait être remis en cause ; qu’une telle clause est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; qu’elle est donc abusive ;

15° – Considérant que certains contrats relatifs à la garantie d’assistance rapatriement du corps prévoient une liste de cas dans lesquels la société d’assistance  entend se libérer de son obligation contractuelle ; que l’usage de l’adverbe « notamment » placé au début de cette liste ainsi que l’énumération de diverses hypothèses insuffisamment précises ou limitées permettent au professionnel de se libérer de son obligation contractuelle même dans des situations ne relevant pas de la force majeure ; qu’une telle clause crée un déséquilibre significatif au détriment du premier ; qu’elle est donc abusive ;

16°- Considérant que certains contrats prévoient que le tribunal compétent en cas de litige est celui du siège social du professionnel ; que l’article 48 du code de procédure civile prohibe la clause attributive de compétence entre professionnels et consommateurs ; que de telles clauses, qui ont pour objet de déroger aux règles impératives de compétence territoriale, sont illicites  et que, maintenues dans les contrats, elles sont abusives.

Recommande que soient éliminées des contrats de prévoyance obsèques les clauses ayant pour objet ou pour effet :

1° – de ne pas mettre le consommateur en mesure d’identifier les prestations funéraires obligatoires, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2223-20 du code général des collectivités territoriales ;

2° – de laisser croire au consommateur qu’il est tenu de souscrire certaines prestations funéraires qui, pourtant, ne revêtent aucun caractère obligatoire ;

3° – de laisser croire au consommateur que le professionnel, postérieurement à l’acceptation du devis, aura la faculté de modifier les termes de son engagement ;

4° – de permettre au mandataire, en méconnaissance des dispositions du 4°) de l’article R. 132-1 du code de la consommation, de modifier unilatéralement son obligation contractuelle de garantir la bonne exécution des obsèques à l’occasion de l’exercice par le consommateur d’une prérogative légale ;

5° – de prévoir un paiement immédiat du consommateur lorsqu’il décide d’augmenter le capital et un remboursement, seulement après son décès, lorsqu’il choisit d’en diminuer le montant ;

6° – d’autoriser le professionnel à modifier ou supprimer de manière discrétionnaire certaines prestations ou fournitures ;
7° – d’autoriser le professionnel à facturer de manière unilatérale au consommateur des prestations non initialement stipulées, en méconnaissance des dispositions du 3°) de l’article R. 132-1 du code de la consommation ;

8°- de réserver au professionnel le droit de modifier discrétionnairement les clauses du contrat en cas de changement de domicile du consommateur ;

9°- de soumettre le changement d’opérateur funéraire initialement choisi à l’accord de ce dernier, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales ;

10° – d’imposer au consommateur un délai pour changer d’opérateur funéraire, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2223-35-1 du code général des collectivités territoriales ;

11° – d’imposer au consommateur le prélèvement automatique comme mode unique de paiement ;

12°- de permettre au professionnel de faire dépendre l’exécution de sa prestation à la fourniture, par le consommateur, d’ « éléments » indéterminés ;

13° – de permettre à l’assisteur de faire dépendre l’exécution de son obligation de rapatriement du corps de vérifications non définies et laissées à son appréciation discrétionnaire ;

14° – de laisser croire au consommateur que, postérieurement au décès du souscripteur, le versement du capital pourrait être remis en cause à défaut de la fourniture par ce premier de justificatifs relevant de la seule discrétion du professionnel ;

15° – de permettre au professionnel de se libérer de son obligation contractuelle même dans des situations non constitutives de la force majeure ;

16°- de déroger aux règles légales de compétence territoriale des  juridictions.

 

Recommandation adoptée le 15 avril 2010 sur le rapport de Mme Ariane Pommery