La Commission des clauses abusives,
Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;
Vu la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction ;
Vu le code des assurances, dans sa rédaction en vigueur au 10 novembre 1989, notamment ses articles L.241-1 à L.243-8 et A.243-1, annexe II ;
Vu le code civil ;
Entendu les représentants des assureurs concernés et de la direction des assurances du ministère de l’économie, des finances et du budget ;
Considérant qu’en cas de sinistre l’assurance » Dommages – ouvrage » doit garantir le paiement de l’intégralité des travaux de réparation ;
Considérant que certains contrats prévoient cependant que l’indemnité sera inférieure au coût du sinistre lorsque l’évolution des coûts de construction est supérieure à 10 p. 100 par an ;
Considérant que de telles clauses sont abusives comme contraires au principe de la réparation intégrale posé par le législateur ;
Considérant que l’article L. 243-8 stipule que tout contrat d’assurance » Dommages – ouvrage » est réputé comporter, nonobstant toute clause contraire, des garanties au moins équivalentes à celles figurant dans les clauses types prévues par l’article L. 310-7 du code des assurances ;
Considérant que les exclusions prévues dans l’annexe de l’article A. 243-1 auquel renvoie l’article L. 310-7 sont limitatives; que doit donc être prohibée toute clause d’exclusion ne figurant pas dans cette annexe ;
Considérant que tel est le cas pour les clauses suivantes qui figurent dans des contrats soumis aux consommateurs et qui excluent :
– la garantie des sinistres dus » à l’absence de travaux qui, prévus ou non, auraient été nécessaires pour compléter la réalisation de la construction et dont la non-exécution a entraîné des dommages » ;
– la garantie des sinistres en cas » d’économie abusive imposée au constructeur dans le choix des matériaux » ;
– la garantie des sinistres en cas de » non-prise en compte des réserves techniques » ;
Considérant que les contrats prévoient en général des franchises d’autant plus dangereuses qu’il s’agit de franchises par sinistre; or les petits sinistres sont les plus fréquents et aucun de ces sinistres n’est couvert même lorsque la somme globale des travaux est supérieure à la franchise ;
Considérant que l’assurance » Dommages » étant obligatoire, de telles franchises ne sont pas autorisées par la loi; qu’en tout état de cause, elles apparaissent comme abusives parce qu’imposées par les professionnels et contraires à l’intérêt des consommateurs ;
Considérant que la plupart des contrats prévoient que l’assureur se réserve seul la direction du procès pouvant être intenté au responsable du dommage; que cette exclusion contractuelle de l’assuré qui est seulement informé de la décision de faire ou non appel est dangereuse; que, certes, l’assureur est légalement subrogé à hauteur de l’indemnité qu’il a versée et est donc qualifié pour exercer comme il l’entend son recours contre le responsable du dommage ;
Considérant toutefois qu’il convient de remarquer que, lors de cette procédure, il peut prendre des positions, notamment au cours de l’expertise, susceptibles de gêner le maître de l’ouvrage lorsque ce dernier voudra obtenir le paiement des dommages non couverts par son assurance » dommages « ; que l’assuré a donc un intérêt légitime à être présent s’il le souhaite au procès engagé par son assureur » Dommages – ouvrage » pour pouvoir défendre ses intérêts propres; que son exclusion du procès apparaît abusive.
Recommande :
Que soient éliminées des contrats d’assurance » Dommages – ouvrage » les clauses ayant pour objet ou pour effet :
1° De limiter contractuellement en cas de sinistre le montant de l’indemnité de telle sorte qu’elle ne couvre pas intégralement le coût des réparations ;
2° De créer des exclusions de garantie en dehors de celles figurant dans les clauses types prévues par l’article L. 310-7 du codes des assurances, notamment les clauses qui excluent :
- la garantie des sinistres dus » à l’absence de travaux qui, prévus ou non, auraient été nécessaires pour compléter la réalisation de la construction et dont la non-exécution a entraîné des dommages » ;
- la garantie des sinistres en cas » d’économie abusive imposée au constructeur dans le choix des matériaux » ;
- la garantie des sinistres en cas de » non-prise en compte des réserves techniques » ;
3° De créer une » franchise » laissant à la charge de l’assuré, en cas de sinistre, une partie du montant du coût des réparations ;
4° D’exclure l’assuré du procès que l’assureur peut engager à l’encontre des responsables du dommage.
Texte adopté le 10 novembre 1989 sur le rapport de M. Jean Malbec.
Nota
Lors de sa séance du 16 février 1990, la Commission des clauses abusives a confronté cette recommandation à la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 portant adaptation du code des assurances à l’ouverture du marché européen.
Il lui est apparu que, sur un point essentiel, la loi nouvelle donne satisfaction à sa recommandation.
Il en est ainsi des 1° et 3° du dispositif de cette recommandation selon lesquels doivent être éliminées des contrats d’assurance » Dommages – ouvrage » tant les clauses limitant le montant de l’indemnité que celles créant une franchise.
En effet, selon l’article L. 242-1 du code des assurances, modifié par l’article 47 de la loi du 31 décembre 1989, l’assurance » Dommages – ouvrage » doit garantir » la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du code civil « .
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