Recommandation N°91-03
Construction de maisons individuelles selon un plan établi à l’avance et proposé par le constructeur (complétant la n°81-02)

BOCCRF du 6/09/1991

La Commission des clauses abusives,

Vu le chapitre IV de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Vu le code civil, notamment ses articles 1792 et suivants ainsi que son article 2270 ;

Vu le code de la construction et de l’habitation, notamment ses articles L. 231-1 et suivants, R. 231-1 et suivants dans leur rédaction en vigueur au 22 juin 1990 ;

Vu la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction ;

Vu la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 81-02 concernant les contrats de construction de maisons individuelles selon un plan établi à l’avance et proposé par le constructeur ;

Vu la recommandation de la Commission des clauses abusives n° 88-01 concernant les clauses relatives aux prêts dans les contrats d’accession à la propriété immobilière conclus entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels ;

Entendu les représentants des professionnels intéressés,

Considérant que de nouvelles clauses abusives ont été relevées depuis la publication de la précédente recommandation n° 81-02 relative aux contrats de construction de maisons individuelles; qu’il y a donc lieu de la compléter ;

Considérant que les clauses relatives à la condition suspensive de l’obtention des prêts dans les contrats immobiliers ont déjà fait l’objet d’une recommandation de la commission; que beaucoup de contrats visés par la présente recommandation sont concernés par cette recommandation n° 88-01 susvisée; qu’il y a donc lieu de s’y reporter pour tout ce qui a trait aux dites clauses ;

Considérant que la construction d’une maison individuelle est soumise à une loi d’ordre public qui impose que soient annexés au contrat des plans cotés avec indication des surfaces pour chaque pièce; qu’en cas d’erreurs dans les surfaces, il appartient au juge, compte tenu de leur importance, d’estimer si l’accédant subit ou non un préjudice; qu’en conséquence doivent être déclarées abusives toutes clauses qui suppriment ou limitent la responsabilité des constructeurs en cas d’erreurs dans les surfaces ;

Considérant que de nombreux contrats prévoient qu’en cas de consignation de fonds par le maître d’ouvrage soit avant l’ouverture du chantier à titre de dépôt de garantie, soit après la réception pour garantir la reprise des réserves, cette consignation devra se faire obligatoirement dans une banque choisie par le constructeur, alors que la loi prévoit simplement que cette consignation devra se faire auprès d’un établissement financier habilité ou chez un notaire; que ces deux possibilités offrent toutes garanties aux constructeurs; qu’il n’y a donc pas lieu de limiter la liberté des consommateurs de consigner où ils le souhaitent des fonds qui, à ce stade de la construction, leur appartiennent toujours ;

Considérant que de nombreux contrats stipulent que le maître d’ouvrage s’engage à signer toute procuration ou à donner toute délégation devant faciliter la gestion financière de l’opération, alors même que la pratique montre que de nombreux professionnels n’hésitent pas à faire signer au maître d’ouvrage des mandats en blanc pour obtenir le déblocage des fonds sans qu’il soit tenu compte de l’échelonnement légal des paiements et de l’état d’avancement des travaux; que cette pratique conduit souvent à des abus de blanc-seing mettant l’accédant dans des situations dramatiques en cas de défaillance de l’entreprise; que, pour ces raisons et parce qu’elles confèrent un pouvoir exorbitant aux professionnels, de telles clauses doivent être éliminées des contrats ;

Considérant que certains contrats interdisent au consommateur d’hypothéquer son terrain et sa maison, sauf pour les prêts immobiliers nécessaires à leur financement, tant que le prix de la maison n’est pas totalement réglé; que certains contrats vont même jusqu’à interdire la location dans les mêmes cas, alors que le non-paiement d’une partie du prix de la construction peut être fondé sur des motifs tout à fait légitimes; que de telles clauses peuvent constituer un moyen de rétorsion destiné à décourager l’accédant qui souhaiterait faire valoir ses droits; que ces interdictions qui portent gravement atteinte au droit de propriété de l’accédant donnent un avantage successif au constructeur qui dispose par ailleurs de nombreux autres moyens contractuels ou législatifs pour obtenir le paiement de ces créances; qu’il y a donc lieu de supprimer des contrats de telles clauses ;

Considérant que de nombreux contrats stipulent qu’en cas d’interruption de travaux pour retard de paiement, le constructeur n’assume plus la garde du chantier et que le maître d’ouvrage est responsable des désordres pouvant survenir sur le chantier; que cette limitation de responsabilité est abusive dès lors qu’elle est imposée par le professionnel au consommateur alors même que l’article R. 231-4 du code de la construction prévoit une sanction spécifique en cas de retard de paiement et qu’il appartient aux seuls tribunaux de limiter la responsabilité du constructeur en fonction de chaque cas d’espèce, compte tenu de l’importance des retards et des causes de ceux-ci ;

Considérant que de nombreux contrats indiquent que la délivrance d’un permis de construire avec réserve ou prescriptions architecturales ne constitue pas un refus; que cette clause met en échec la protection assurée par la loi au consommateur qui prévoit que « le contrat est conclu sous la condition suspensive qu’il soit satisfait à toutes les formalités réglementaires préalables à la construction », ce qui vise essentiellement le permis de construire; que celui-ci n’est véritablement obtenu qu’à partir du moment où le projet est conforme à toutes les prescriptions architecturales applicables sur le site et qu’il ne donne plus lieu à réserves; que des modifications demandées par l’administration à une demande initiale déposée par le consommateur peuvent entraîner une augmentation du prix et que de tels changements dans l’aspect ou la configuration de la maison peuvent contraindre l’accédant à renoncer à son projet de construction; qu’obliger ainsi un accédant à construire alors même que les modifications imposées pour l’obtention du permis de construire sont telles que l’équilibre du contrat s’en trouve rompu doit être considéré comme abusif ;

Considérant que certaines clauses stipulent que le client supportera le coût de la fourniture d’eau pour les besoins du chantier et du combustible nécessaire au préchauffage; que la stipulation d’une telle clause est contraire au caractère forfaitaire du prix imposé par les articles L. 231-1 et R. 231-4 du code de la construction ;

Considérant que de nombreuses clauses stipulent que l’acquéreur, dûment averti de la date prévue pour la réception, qui ne se présente pas, se verra notifier par lettre recommandée l’achèvement des travaux, cette notification entraînant sous huitaine l’exigibilité des sommes dues, d’autres disposant même qu’une telle absence vaut réception sans réserve, alors même que le consommateur peut avoir des motifs légitimes d’absence; que la loi a par ailleurs prévu qu’à défaut de réception à l’amiable ou à la demande de la partie la plus diligente, elle doit avoir lieu judiciairement et, en tout état de cause, être prononcée contradictoirement; qu’une clause qui ne prévoit qu’un mode de réception et à une date imposée au consommateur sans réserver la possibilité d’une réception judiciaire est contraire à la loi et est abusive ;

Considérant que la construction étant la propriété du consommateur, il apparaît abusif de stipuler dans le contrat que le constructeur se réserve le droit de laisser un panneau de chantier après la réception sans le consentement préalable du consommateur.

Recommande :

Que soient éliminées des contrats habituellement conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, acquéreurs de maisons individuelles à construire selon un plan établi à l’avance, les clauses ayant pour objet ou pour effet :

  1. de rendre inopposables aux constructeurs les erreurs de surfaces ;
  2. d’imposer la consignation de fonds par le maître d’ouvrage exclusivement auprès d’un établissement financier agréé par le constructeur ;
  3. d’obliger le consommateur à signer toute procuration ou à donner toute délégation au constructeur pour percevoir les fonds destinés au financement de l’opération ;
  4. d’interdire au consommateur d’hypothéquer son terrain et sa maison, sauf pour les prêts nécessaires à leur financement, ou de les donner en location ;
  5. de supprimer la responsabilité du constructeur relative à la garde du chantier en cas de non-paiement d’une fraction du prix par le consommateur ;
  6. de prévoir que la délivrance du permis de construire avec réserve ou prescriptions architecturales n’est pas assimilable à un refus de permis de construire;
  7. de prévoir que le client supportera le coût de la fourniture d’eau pour les besoins du chantier et les dépenses relatives au préchauffage ;
  8. de prévoir que l’absence du maître d’ouvrage à la date de la réception imposée par le constructeur vaut réception sans réserve et exigibilité des sommes dues ;
  9. de réserver le droit au constructeur de laisser un panneau de chantier après la réception sans l’accord préalable du propriétaire.

Texte adopté le 22 juin 1990 sur le rapport de Mme Frédérique Lahaye.
Voir également :

Recommandation n° 81-02

Jurisprudence relative aux clauses abusives dans le secteur de l’immobilier